Laïcité à l’hôpital : comment gérer les contentieux ?

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Une première en France. Le premier ouvrage pédagogique constitué de fiches méthodiques sur la laïcité à l’hôpital a été édité en Haute Garonne. Son auteur est le docteur Jean Thévenot du CHU de Toulouse. Simple, accessible, détaillé et synthétique l’ouvrage pourrait servir de modèle pour les autres régions françaises. Zaman France a voulu en savoir plus.

Votre manuel expose les positions des religions du Livre sur différentes situations médicales qui peuvent susciter une réaction particulière des fidèles, comme la circoncision, la mixité du personnel hospitalier et plus généralement le respect des prescriptions religieuses dans le domaine de la santé. Comment la rencontre s’est-elle passée avec les responsables musulmans que vous avez consulté pour votre ouvrage ?

C’était plus compliqué avec l’islam qu’avec les autres religions où il y a une hiérarchie et une représentativité. Le préfet nous a désigné des représentants du culte. Ce sont les aumôniers des religions du CHU de Toulouse qui sont venus vers nous. Ils ont changé au fil des trois ans. Certains aumôniers qui ont commencé au début n’étaient plus joignables par la suite. On a eu trois aumôniers musulmans successifs. Deux médecins de confession musulmane bien impliqués dans la vie syndicale dont le docteur Dib nous ont aussi servi de courroie de transmission pour réunir des responsables du culte musulman. Dans le travail du quotidien nous avons appris beaucoup à leur contact. La petite difficulté au niveau de la religion musulmane a été le manque de suivi au niveau de la représentativité. Sinon, chacun des responsables, à tour de rôle, nous ont exposé la même chose à propos de la position de l’islam sur les sujets médicaux.

Certaines affaires avaient défrayé la chronique comme des maris de confession musulmane refusant que leur femme soit examinée par des médecins hommes. Ce genre de situation est-il fréquent ?

Oui, c’est une situation fréquente. Hors situation d’urgence vitale, cela ne pose pas problème. J’ai entendu que des religieux musulmans disent que dans le Coran un croyant doit se faire soigner prioritairement par un médecin musulman mais que la santé est prioritaire. Un mari s’était opposé à la pratique d’une césarienne sur sa femme. J’ai expliqué au mari que j’avais déjà discuté avec des religieux et cela a permis de détendre l’atmosphère et de reprendre la discussion calmement. La césarienne a pu être faite. Il ne faut pas se braquer.

Lorsque la loi interdisant le port des signes religieux et en particulier du voile à l’école a été votée en 2004, certains cabinets médicaux avaient refusé de recevoir des patientes voilées. Comment les usagers doivent-ils réagir en cas de discrimination médicale ?

Un médecin n’a pas à refuser un acte médical. J’ai géré une situation de conflit après les attentats de Charlie Hebdo où un médecin refusait que la patiente remette son voile, une situation qui était blessante pour une patiente qui n’était pourtant pas prosélyte. Il n’y a pas à refuser de soigner des patients pour cela. Autre exemple, un médecin refusait de soigner une patiente qui était sur la liste du Front national. Ce sont des faits de discrimination religieuse ou politique. Un usager doit saisir le Conseil de l’ordre des médecins en cas de discriminations. Si un médecin fait cela une fois, cela peut relever de la confusion. Mais s’il y a répétition, il s’exposerait à des sanctions déontologiques.

Cet ouvrage ne s’adresse pas seulement au personnel médical mais aussi aux usagers. Avez-vous eu l’occasion de le présenter dans les communautés religieuses ?

J’ai présenté ce texte dans des espaces juifs, catholiques ou protestants. C’est plus difficile de le faire dans des espaces musulmans. Il faut que les religieux se servent de cet outil pour faire comprendre à leurs ouailles que les soignants ne sont pas leurs ennemis, qu’ils sont prêts à respecter leurs croyances mais qu’il y a des limites dans l’exercice des soins. Jeûner quand on est malade est déconseillé.

Votre livre est une première en France. Le concevez-vous comme un modèle pour les autres régions de France ?

Ce bébé ne nous appartient plus. Je vais le confier au Conseil national qui pourra le diffuser. C’est accessible à tous. L’objectif n’est pas pécunier mais d’utilité publique. On aurait pu faire une fiche sur les sapins et les crèches dans les hôpitaux et les cliniques. Ce livre est la première génération et on va essayer de le perfectionner. Notre idée est de permettre une utilisation pratique et facile.

http://www.zamanfrance.fr

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