Laïcité et intégration
En janvier, Études vous propose un numéro spécial.
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Chers lecteurs,
Un an après les attentats de janvier 2015, nous souhaitions revenir sur ces événements, afin de prolonger la réflexion sur la place des religions dans l’espace public, sur le sens de la laïcité et les difficultés d’intégration qui fragilisent notre République. Les attentats du 13 novembre rendent ce projet plus urgent.
Il est bon de se rappeler, comme l’atteste l’itinéraire de Benjamin Stora qui ouvre le numéro, que notre héritage républicain est pluriel. Cela ne s’est pas fait sans mal, car il faut chaque fois affronter la peur de l’autre, accepter les divisions, avant de chercher à les surmonter. L’intégration est un processus exigeant de transformation de soi et de la collectivité, dont le succès n’est jamais garanti à l’avance.
D’autres pays connaissent une situation semblable. La population du continent nord-américain s’est constituée d’immigrants de cultures et de religions diverses. Amandine Barb montre que les religions ont trouvé leur place dans la vie publique par des formes d’« accommodements ». Ces compromis ne sont pas nécessairement des compromissions, mais des ajustements de ses convictions afin de les peser à l’aune du réel et du bien commun
La recherche de justes compromis contraste avec la radicalisation qui caractérise le fondamentalisme. Pour Jean-Pierre Winter, le principal problème, c’est le fanatisme. Le fanatique est quelqu’un qui « absolutise Dieu ». La lecture du Coran ne nous aidera pas à comprendre ce qui nous arrive, mais davantage l’observation du comportement de jeunes radicalisés. On mesure alors l’importance du champ éducatif. À l’école, la laïcité fournit un cadre nécessaire, à condition qu’elle ne conduise pas à une neutralisation qui risque de renforcer les fermetures et les humiliations. À l’inverse, Charles Mercier plaide pour une « laïcité inclusive » dans laquelle chacun, reconnu dans sa singularité, peut apporter sa part au projet commun.
Cela oblige à repenser la question politique. Le pouvoir symbolique de la République s’est atrophié au profit du tout économique. Monique Castillo invite à le refonder, mais pas comme une idéologie unificatrice. Les différences, en particulier religieuses, peuvent s’exprimer si elles renoncent à des formulations absolues au profit de qu’elle appelle « le courage de l’incertitude ». C’est une réflexion parallèle que développe Frédéric Lazorthes. La requête actuelle d’autorité trahit un sentiment d’impuissance collective. Plutôt que d’invoquer des « valeurs républicaines », il serait préférable de défendre « la vertu » comme capacité à défendre sa particularité, mise en service du bien commun.
Les événements récents devraient nous inciter à une meilleure connaissance des musulmans ordinaires qui vivent en Europe et dont les médias parlent peu. Pour cela, la démarche de Nilüfer Göle est précieuse. L’attention aux accommodements quotidiens est préférable à une étude trop générale qui fait souvent l’économie de l’inventivité des interprétations. La création artistique est également une force libératrice, y compris dans le champ politique. Examinant des situations de destruction d’œuvres d’art par Daech ou de vandalisme, Marie-José Mondzain y voit l’expression d’une même « sorcellerie » qui veut tout réduire à l’uniformité.
La richesse des sujets abordés fait que trois rubriques habituelles ne se trouvent pas dans ce numéro, les « figures libres », les chroniques « écologie » et « spiritualité ». Vous les retrouverez dès février. En revanche, nous introduisons un nouveau « regard » en ouverture des Carnets culturels. Il est dû au crayon de François Olislaeger qui nous accompagnera tout au long de l’année pour exprimer une présence au monde et à l’actualité qui outrepasse les mots.
La rédaction se joint à nous pour vous souhaiter une nouvelle année sous le signe de la rencontre et de l’effort de penser ensemble dont la revue cherche à témoigner.

CONFÉRENCE, le mardi 19 janvier 2016 à 19h30
quelles voies face à la radicalisation ?
Soirée animée par François Euvé et Nathalie Sarthou-Lajus,
en présence de
Jean-Pierre Winter, psychanalyste
Frédéric Lazorthes, historien des idées politiques
Rendez-vous au Centre Sèvres, 35bis rue de Sèvres, 75006 Paris