« Le devoir d’adaptation est ma grande préoccupation »

ArnaudVAISSIE

Masterclass Le cofondateur et PDG d’International SOS, société qui accompagne les entreprises dans la mise en place de leur politique de santé et de sécurité à l’étranger, soigne ses comités exécutifs, sortes de « learning trips » auprès des grands comptes.

Arnaud Vaissié, Zika vous empêche-t-il de dormir ?

Si tel était le cas, ce serait préoccupant, car notre métier est d’anticiper les risques ! Zika est un virus connu que nous abordons, comme tous les autres, en délivrant les conseils appropriés à nos clients.

La multiplication des risques d’attentats, de pandémies, de pollution ne freine-t-elle pas les envies de voyages de vos clients ?

Au contraire ! La tendance est à l’augmentation : désormais, 1 employé sur 8 au sein d’une multinationale voyage. Selon PwC, la mobilité professionnelle bondira de 50 % d’ici à 2020 ! Et sans les visioconférences, elle augmenterait davantage. L’accélération du changement dans les affaires accroît la nécessité de rencontrer ses interlocuteurs. 50 % des services que nous proposons, tels que la géolocalisation du client, n’existaient pas il y a sept ans.

Votre comité exécutif… Un club de globe-trotters ?

Nous avons 11 nationalités, dont un Chinois de Singapour, un Américain, un Britannique, un Australien, un Sud-Africain, un Suisse et un Norvégien que nous réunissons virtuellement chaque mois.

Vous ne vous voyez donc jamais en vrai ?

Si, une fois par trimestre, nous nous retrouvons dans une ville inspirante pour un comex de deux jours et demi. Récemment, nous étions à Munich, invités par BMW, et à Phoenix aux Etats-Unis. Chaque fois, c’est le même rituel : nous consacrons une demi-journée à écouter les retours – en bien et en mal – des clients, une journée aux sujets d’organisation et aux opérations locales, une autre demi-journée à visiter des entreprises, enfin un temps est réservé au « team building » autour d’une activité culturelle ou sportive pour faire du lien, sans pour autant sauter en parachute d’un viaduc !

A vous entendre, le management interculturel fonctionne…

A condition de réunir plusieurs éléments. Premièrement, chacun doit être doté d’une véritable culture transfrontière qui ne peut être que le fruit d’expériences dans de grands pays, la Chine, les Etats-Unis, etc., mais également dans des nations en voie de développement. On ne fait pas d’interculturel depuis Paris ou New York ! Deuxièmement, c’est autour des valeurs de l’entreprise que l’on crée un management interculturel. Dans notre cas, c’est la qualité de service qui permet de parler une même langue managériale. Un exemple de réussite : en 2006, nous avons obtenu qu’un couloir aérien, fermé depuis la révolution de 1949, soit rouvert entre la Chine et Taïwan, et ce, grâce au travail de nos représentants sur place qui avaient compris l’environnement et les codes. Pour le reste, reconnaissons que les caricatures sont proches de la réalité. L’Allemand est le plus organisé de tous, le Chinois le plus individualiste, les Asiatiques les plus respectueux de la hiérarchie, le Britannique brille à l’oral y compris lorsqu’il maîtrise mal son sujet. Le Français, c’est l’inverse, médiocre en présentation, il excelle sur le fond. Quant à l’Américain, il n’imagine pas que quiconque puisse être meilleur que lui !

Qu’est-ce qui vous donne du fil à retordre ?

Le recrutement des cadres dirigeants auquel je consacre un tiers de mon temps. C’est chronophage et nul n’a encore trouvé la recette infaillible. L’autre grande préoccupation, c’est le devoir d’adaptation. Il y a quelques années, au-delà d’un seuil critique, une entreprise était préservée. Désormais, il n’y a plus aucune certitude. La survie est liée à la capacité de changer, de réorganiser, et ce mouvement s’accélère avec les technologies qui requestionnent tout service offert. Sur une longue période, statistiquement, une entreprise va se planter.

Vous citez volontiers le modèle anglais. En quoi est-il exemplaire ?

En matière d’emplois, ils réussissent là où nous échouons. Avant l’arrivée de Margaret Thatcher, la moitié des sièges européens des sociétés américaines étaient localisés en France. Aujourd’hui, ils sont implantés outre-Manche. Londres est devenu le hub de l’Europe grâce à une administration proentreprise et à une authentique flexibilité du travail.

Le contrat zéro heure ne fait pas rêver…

C’est vrai, mais cela ne concerne que 2,5 % des contrats. D’ailleurs, le projet de Cameron est de le remettre en cause. Depuis la crise, 2,5 millions d’emplois ont été créés outre-Manche dans le secteur marchand, contre moins de 200.000 en France.

Soufflez-vous ces constats à l’oreille des décideurs français ?

Le Cercle d’outre-Manche, que j’ai créé à Londres autour de dirigeants français, a reçu récemment François Fillon et Bruno Le Maire, et nos publications sont envoyées aux cabinets ministériels. Cette contribution active aux débats, c’est un peu ma soupape.

En savoir plus sur http://business.lesechos.fr

Marie-Sophie Rampspacher

 

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