
Pour Pierre Kahn, professeur en sciences de l’éducation et président de l’association Enquête, il faut proposer aux enfants des outils ludiques de découverte de la laïcité et des faits religieux. Pour leur donner les moyens de mieux comprendre le monde qui les entoure et d’accéder à un patrimoine culturel commun.
Si l’enseignement des faits religieux, tout comme celui de la laïcité, est bien inscrit dans les programmes scolaires, il est encore évité par une très grande partie des enseignants du primaire. Soit par opposition de principe à l’idée d’évoquer le religieux à l’école publique, soit par peur de le faire. Peur de ne pas disposer des connaissances nécessaires, mais aussi des réactions des enfants et des parents, ou encore de déroger à son devoir de neutralité. Et ce avec des programmes chargés et peu d’outils à disposition.
Donner aux enfants des clés de compréhension
Quant à la laïcité, elle est souvent conçue comme un cadre réglementaire à appliquer, et non comme un objet d’enseignement. Or l’enseignement des faits religieux est essentiel pour permettre aux enfants de comprendre le monde qui les entoure. Il s’agit de leur donner les moyens d’accéder à un patrimoine culturel commun, que l’on parle de la littérature, de l’art, mais aussi des médias ou de la publicité. De déchiffrer les origines religieuses de l’organisation du temps et de l’espace. De disposer de connaissances pour s’expliquer ce qu’ils rencontrent au quotidien, chez leurs camarades, dans la rue et dans l’actualité.
Non content d’apporter ces clés de compréhension, l’objectif de cet enseignement est de permettre d’aborder ces sujets sensibles de manière apaisée dans un environnement qui ne l’est pas. Connaître les convictions qui ne sont pas les siennes pour ne pas avoir peur de l’autre, ce qui ne veut pas dire les partager, et échapper à une vision essentialiste des convictions religieuses. Les enfants comprennent qu’il est réducteur de parler de «l’islam» comme d’une religion uniforme et intangible ou des «athées» comme s’ils avaient tous le même mode de vie.
Enfin, l’enseignement de la laïcité permet aux enfants de dépasser les discours politiques et médiatiques dont elle fait l’objet, et de saisir qu’elle n’est pas une conviction parmi d’autres, mais un cadre juridique conçu pour assurer quotidiennement la liberté et l’égalité de chaque citoyen, quelle que soit sa conviction religieuse.
L’articulation que nous défendons d’un enseignement de la laïcité et des faits religieux est bien pensée pour donner à comprendre ce cadre de manière incarnée, pour pratiquer un exercice de laïcité. Amener les enfants à différencier ce qui relève du croire et ce qui relève du savoir et comprendre que le respect de ses propres convictions passe par celui accordé à celles qu’ils ne partagent pas.
Création d’ateliers et formation des enseignants
C’est par le jeu, les questions que les enfants se posent au quotidien et une pédagogie du questionnement que l’association Enquête intervient. Aussi bien en animant des ateliers pour enfants que par la création d’outils et la formation des enseignants et des éducateurs. Notre expérience nous prouve à quel point cet enseignement est non seulement possible, sans mettre les éducateurs en difficulté, mais aussi nécessaire en ces temps où les incantations relatives à la pédagogie de la laïcité pullulent, mais non les moyens en formation et en outils qu’elle exige, et où la peur de l’autre, devenu étranger, se cultive.
Pour en savoir plus : http://www.liberation.fr/debats/2016/10/03/articuler-un-enseignement-de-la-laicite-et-des-faits-religieux_1519195