Le fait religieux dans l’entreprise selon le ministère du Travail

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Le ministère du Travail s’apprête à sortir un guide pratique du fait religieux dans les entreprises privées. 

Initialement prévue pour le 20 octobre, la sortie du guide pratique de la Direction générale du travail (DGT) sur « le fait religieux dans les entreprises privées » a été repoussée début novembre, le 7 probablement. En attendant, le cabinet de la ministre continue de procéder à des consultations officieuses et la DGT peaufine ses préconisations sur le règlement intérieur (points 14 et 15 du guide) afin qu’elles coïncident parfaitement avec l’article 2 de la loi Travail. Nous vous proposons en exclusivité une présentation de ce guide, qui reste un projet en l’état et qui recense en trente-neuf questions/réponses les situations susceptibles de se poser en pratique sur le fait religieux en entreprise. L’objectif du ministère du Travail est de donner aux acteurs les clefs afin qu’ils puissent résoudre un conflit potentiel. Toutes les réponses reposent sur une argumentation juridique. À cet effet, une base documentaire fait référence en fin de guide aux textes fondamentaux, à ceux du Code du travail et du Code pénal, cite la jurisprudence nationale et celle de la Cour européenne des droits de l’homme. En attendant l’arrêt de la CJUE sur les restrictions qui peuvent ou non être apportées au port du voile en fonction des exigences de clients qui viendra s’ajouter à la liste.

SORTIR DU CONFLIT

Les sujets traités couvrent un spectre très large. Ils traitent indifféremment de l’entretien d’embauche lorsqu’il fait référence à la religion, de la salle de prière, du jeûne, de la restauration collective, des congés pour des fêtes religieuses, des conversations relatives à la religion, du prosélytisme, du refus de serrer la main à une femme, des horaires de travail adaptés à des pratiques religieuses, de la collecte d’informations relatives à la religion… Pour chaque question, une entrée pour les employeurs et une pour les salariés sont prévues.

Le guide est soucieux du respect de la liberté de religion et rappelle, d’une part que l’entreprise privée n’est pas soumise au principe de laïcité, à la différence du service public et que, d’autre part « les situations dans lesquelles l’appartenance à une religion peut justifier une différence de traitement sont très limitées et tiennent le plus souvent à la nature même de l’entreprise : le cas particulier des entreprises de tendance ». Et précisément des entreprises de tendance, il n’en sera pas question dans le guide, comme de la problématique liée à des métiers spécifiques ou encore des entreprises privées chargées d’une mission de service public. Seules, les entreprises privées « classiques » sont au centre de ce guide et si l’obligation de non-discrimination s’impose à elles, elles ne sont pas démunies face au fait religieux. À cet égard, le guide remet à l’honneur une notion forgée par le doyen Waquet, celle du « trouble caractérisé » qui, d’une part, légitime le licenciement lorsque le fonctionnement de l’entreprise est perturbé et, d’autre part, évite de passer par la case du licenciement disciplinaire inévitablement censuré par le juge. Aussi, est-il suggéré en l’état pour la période du ramadan, « si aucun aménagement ne peut être mis en place, notamment au regard de la taille de l’entreprise et si l’impossibilité d’exécuter le travail désorganise celle-ci », un licenciement justifié par un trouble objectif causé par l’entreprise. Mais le guide est aussi proactif dans la recherche de solutions. Sans jamais nommer la notion d’« aménagement raisonnable », il préconise des aménagements d’horaires ou encore une offre alimentaire variée. Un bel exercice d’équilibre dans un souci de clarté et de proportionnalité.

Françoise Champeaux

20/10/2016 Semaine Sociale Lamy, n°1741

Pour en savoir plus : http://www.wk-rh.fr/actualites/detail/96601/le-fait-religieux-dans-l-entreprise-selon-le-ministere-du-travail.html