Isaac Getz, coauteur de « Liberté & Cie » et professeur à l’ESCP Europe, n’est pas un consultant classique. C’est avant tout un chercheur dont les idées interpellent les dirigeants, de plus en plus nombreux à le contacter.
Son best-seller « Liberté & Cie » (2012), coécrit avec Brian M. Carney, invitait à repenser le management des entreprises. Dans « Le Bonheur au travail », le documentaire de Martin Meissonnier qu’Arte diffusera le 24 février et dont il a été le conseiller scientifique, Isaac Getz rappelle son message : donner plus de liberté aux salariés. Il est urgent de libérer les entreprises de leur organisation pyramidale, de leur bureaucratie. Ces thématiques rencontrent un succès grandissant. Des grandes administrations aux stars du CAC 40 comme Michelin, nombreux sont ceux qui le consultent. Parfois pour de mauvaises raisons. Isaac Getz n’est pas dupe des intentions de certains dirigeants qui « espèrent faire des économies en supprimant des postes de managers, mais passent à côté de l’essentiel, redonner le pouvoir à la base ». Il préfère les éviter. « C’est une perte de temps. »
DÉCALÉ
La liberté, il la met en aussi en œuvre en privilégiant les réalités de terrain par rapport aux grands systèmes, qui peuvent si vite enfermer. « Isaac pense en dehors du cadre. Dans les réunions de notre département, il est le seul à voir certaines choses car il a développé une analyse très fine des situations », résume Éric Pesnel, son collègue à l’ESCP. « Quand on est dans une situation de blocage, il va vous raconter une histoire, vous poser une question. Mais il ne donne jamais la solution », ajoute Alexandre Gérard, le PDG de Chronoflex, entreprise désormais libérée, spécialisée dans le dépannage de flexibles hydrauliques. À eux deux, ils ont fondé un réseau de patrons libérateurs, Via 7.
Isaac Getz ne goûte guère les jeux de pouvoir au sein de son école, mais n’est pas pour autant reclus dans sa tour d’ivoire. Ses livres ne sont pas signés à quatre mains par hasard. « Je n’aime pas travailler seul, explique-t-il. À deux, on a une vision plus complète. En sortant d’un entretien, on peut débattre de ce qu’on a compris, découvrir des choses qu’on n’avait pas vues de la même manière. » Si, par conviction personnelle, il aimerait voir se multiplier le nombre d’entreprises libérées, il n’entend pas en faire un business, ni son unique cheval de bataille. Il travaille déjà à un prochain livre sur le capitalisme au XXIe siècle. En attendant, il continue à donner des conférences sur le leadership libérateur et a créé un réseau de coachs pour accompagner les dirigeants qui veulent sauter le pas. « Isaac est toujours prêt à mettre en relation les gens, comme il aime partager ses connaissances », résume Carole Couvert. « Il est très disponible. S’il aime apprendre aux autres, il aime aussi apprendre des autres », poursuit Stéphane André, le directeur de l’Association pour le progrès du management. Mais, nuance le DRH d’un grand groupe industriel, « il devrait parfois davantage tenir compte de son auditoire. Son style séduit, mais peut bloquer certains. Devant un public de scientifiques, son côté décalé surprend. »
MYSTÉRIEUX
Quant à savoir d’où vient ce goût pour la liberté, un élément de sa biographie fournit une piste. Élève dans un pays communiste, il a dû apprendre à pratiquer le double langage : s’exprimant librement à la maison et usant de la langue de bois à l’école, où les professeurs étaient souvent des commissaires politiques. De son passé, il ne dira pas grand-chose d’autre… Ainsi, son lieu de naissance, tenu secret, est un jeu entre lui et ses étudiants, intrigués par son léger accent. Il ne souhaite pas le révéler. Il confiera seulement que son grand-père ingénieur dirigeait une usine chimique familiale. Se rendant sur place pour la visiter, il découvre qu’elle a été détruite quelques semaines plus tôt. Un souvenir évoqué sans nostalgie par celui qui invente le travail de demain.
- Polyglotte Isaac Getz parle six langues, dont le français qu’il dit avoir appris sur le tas lors de ses études à Paris.
- Gastronomie Incollable sur l’accord mets-vins, ce gourmet est toujours prêt à faire partager ses connaissances… avec modération.
- Football Il met à profit sa passion du ballon rond pour illustrer ses idées. Il est incollable sur les grandes équipes européennes.
- États-Unis En 1998, il a passé une année sabbatique dans le Massachusetts. Depuis, il retourne au moins une fois par an en Amérique.
Par par Christophe Bys – Publié le | L’Usine Nouvelle n° 3411
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