Quand la diversité fait croître l’entreprise

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A l’heure où les pouvoirs publics – suivant une recommandation du Rapport Sciberras issue des travaux du groupe de dialogue contre les discriminations au travail et dans l’emploi – s’apprêtent à réaliser une grande enquête de testing sur les discriminations liées aux origines, il s’agit de prévenir toute rupture d’égalité dans l’accès à l’emploi tout comme dans le déroulé de carrière. C’est un enjeu de justice, autant qu’une question d’efficacité.

A cet égard, il est indispensable de passer des paroles aux actes. Les directions des entreprises vont donc devoir apporter des preuves liminaires de confiance à leurs salariés comme aux candidats à l’emploi, s’incarnant dans des actes organisationnels propices à l’inclusion.

Encourager le dialogue et le partage des informations

Comme l’a montré l’enquête nationale Confiance&Croissance 2015, menée par S. Vernay, Y. Algan de l’IEP de Paris et M.G. Bruna de l’IPAG Business School en partenariat avec TNS Sofres, la stimulation de la confiance des cadres des grandes et moyennes entreprises hexagonales nécessite d’encourager le dialogue et le partage des informations au sein des équipes et entre équipes, ainsi que de pratiquer un management responsable, à la fois éthique, équitable, coopératif et agile.

Ethique d’abord, puisque fondé sur la reconnaissance de la dignité de la personne du salarié (et cela, tant dans les relations hiérarchiques que dans l’ensemble des interactions entre parties prenantes de l’entreprise -n’oublions pas que les premiers acteurs du harcèlement discriminatoire au travail ce ne sont pas les supérieurs hiérarchiques mais bien les collègues). Equitable, ensuite, car fondé sur des processus de recrutement et de gestion de carrière non-discriminants et sur l’équité des rémunérations.

Coopératif car basé sur le partage du pouvoir, la délégation et la pluri-collaboration en réseaux. Agile, enfin, dans son mode de fonctionnement, autrement dit, émancipé des lourdeurs structurelles, des pesanteurs processuelles, des rigidités catégorielles et affranchi d’un poly-reporting (a priori, a posteriori et en continu) qui phagocyte le temps des cadres, dévalorise leur travail (acte de méfiance) et atrophie leur créativité.
Or, il a été démontré que la mise en œuvre de démarches d’inclusion stimule non seulement la confiance nourrie par les cadres envers leurs entreprises mais inscrit également ces dernières sur un chemin de croissance (sociale et économique) soutenable sur le long terme.

Un nouveau pacte social

C’est pourquoi nous proposons d’appréhender la mise en œuvre de politiques de prévention des discriminations et de promotion de la diversité comme des démarches stratégiques de changement, permettant l’adaptation des organisations à l’évolution des enjeux.
Il convient à cet égard de prendre à bras le corps le défi de la diversification du capital humain au sein des entreprises françaises et internationales.

Enjeu RH de première importance, la conduite de ces politiques participe à la réforme de l’ordre des discours, des programmes et des pratiques des entreprises en rendant plus équitables les règles du jeu organisationnel. En bref, elles permettent de refonder le pacte social qui lie les acteurs de l’entreprise, en tenant compte de toutes leurs diversités (de profils, de statuts, d’intérêts…), et d’inscrire leurs engagements dans un sens commun.

Retisser le maillage social

Dans cette perspective, il convient de relever le défi de la diversification du capital humain au sein des entreprises françaises, enjeu RH de première importance, mais aussi condition de performance économique et, plus encore, de cohésion sociale.
A cet égard, nous proposons d’appréhender la mise en œuvre de politiques de prévention des discriminations et de promotion de la diversité comme des démarches stratégiques de changement, appelées à réformer l’ordre des discours, des programmes et des pratiques des entreprises. Bref, à refonder le pacte social qui lie les acteurs de l’entreprise, dans leur diversité (de profils, de statuts et d’intérêts).

Retisser le maillage social de l’entreprise en rendant équitables les règles du jeu organisationnel : c’est de cela qu’il s’agit. Objets et vecteurs de régulation sociale et d’apprentissage collectif, les politiques de diversité nécessitent au premier chef l’implication personnelle (et authentique) des dirigeants, l’appui actif, critique et constructif des sphères syndicales et, bien sûr, l’implication des managers. Leur implication dans ces démarches passe par le développement de réseaux (physiques et numériques, de matrice thématique, affinitaire et territoriale) et par la fondation d’un nouveau mode (et non d’une nouvelle mode) de management : éthique, libéré de ses entraves et rigidités traditionnelles, agile et inclusif.

Or, un tel management, favorable à la diversité (des individus et des équipes) dans l’unité organique (de l’entreprise), est d’abord affaire de pratique. Il requiert d’expérimenter. Et ce, car c’est dans la gestion quotidienne des équipes diverses que se réalise et se concrétise une démarche de promotion de la diversité.
De là l’impérieuse nécessité de favoriser la montée en compétence et l’outillage des managers opérationnels, au même titre que des RRH, des sphères syndicales et dirigeantes.

Former les recruteurs et les gestionnaires

C’est pourquoi l’AFMD, aux côtés de mouvements professionnels et d’associations de défense des Droits de l’Homme, souhaite généraliser la formation des acteurs de la diversité au sein des entreprises, à commencer par les recruteurs et gestionnaires de carrière de premier ordre (RRH), les représentants du personnel et l’ensemble des managers participant aux processus de recrutement et de promotion des collaborateurs.

A la manière du programme de formation continue IPAG-AFMD Diversité & Inclusion, il s’agit de rendre opérationnels des savoirs académiques et de disséminer le plus largement possible des méthodes, des outils et des bonnes pratiques, afin de déconstruire les stéréotypes, de contrer les phénomènes discriminatoires, tout en prévenant les incompréhensions, les tensions ou les dérives communautaires au sein des équipes multiculturelles et pour en assurer leur cohésion dans le respect des valeurs de la République.

Il est question, plus fondamentalement, d’imaginer et de construire, ensemble, l’entreprise du futur. Une entreprise diverse, agile et inclusive, ancrée dans ses territoires, organisée en réseaux, respectueuse des individualités mais aussi soucieuse du service et du respect du bien commun sans lequel aucune organisation ne dure. Une entreprise coopérative, enracinée dans son histoire et se projetant dans l’avenir, innovante et conquérante, car confiante en elle-même et dans la communauté de femmes et d’hommes qui la forment, la façonnent, la réalisent. Une entreprise durable… car durablement soucieuse de l’Homme et de son devenir.

Maria Giuseppina Bruna, professeure en management à l’IPAG et directrice de la Chaire IPAG Entreprise Inclusive et Mansour Zoberi, directeur de la promotion de la diversité et de la solidarité, Groupe Casino et président de l’Association française des managers de la diversité (AFMD)

Pour en savoir plus : http://www.lesechos.fr

Le 01/04 À 15:14