Actualité, laïcité, communautés, parité… Quelles perspectives pour le «vivre ensemble» au travail ?

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Conférence de Nahida Nakad organisée à Grenoble par l’Interclub Grenoble.

L’objectif principal de mon livre “Derrière le Voile” était d’expliquer des choses qui sont évidentes pour moi mais pas pour une grande partie des français. J’ai essayé de présenter des faits aussi précis que possible bien que tout ce qui a attrait à la religion est rarement objectif ! C’est encore plus vrai quand il s’agit d’Islam. Avant d’arriver à une synthèse avec vous qui, nous l’espérons tous ici aboutira à des propositions concrètes et à lancer un débat constructif ouverts à tous : voici les faits ou en tout cas les chiffres.

La première étude sur les musulmans de France a été réalisée mi- septembre 2016 par l’IFOP pour l’institut Montaigne, sur 1029 personnes de 15 ans et plus. Les français qui se disent musulmans ou ont au moins un parent musulman représentent 5,6 % de la population. Environ 3,7 millions de personnes : 30% d’entre eux ne vont jamais à la mosquée, 30% uniquement à l’occasion des fêtes, 31% au moins une fois par semaine. Pourtant ils respectent et appliquent bien plus les règles religieuses que les autres citoyens français. Alors que l’immense majorité d’entre eux ne va pas à la mosquée régulièrement, 70%  consomment exclusivement de la viande halal. 8 sur 10 estiment que les enfants doivent pouvoir manger halal à la cantine. La grande majorité des femmes musulmanes ne porte pas le voile et pourtant 70% d’entre elles y sont favorable. 65% des musulmans se disent favorables au (hijab) et 24% favorables au voile intégral (niqab).

Par conséquent, si l’on peut résumer en quelques mots le rapport des français musulmans avec leur religion on dirait que la plupart d’entre eux la vivent au quotidien tout naturellement en évitant les interdits ce qui est haram comme le porc, la viande non halal , mais il pratiquent la religion un peu « à la carte » ou pas du tout. Malgré cela une majorité écrasante veut que les croyants et pratiquants musulmans puissent vivre leur foi librement et que les structures de l’état leur facilitent cette pratique. Ils ne veulent être ni jugés ni interdits d’exprimer leur foi en public.

Selon cette même étude, 28% des musulmans français adhèrent à un islam dit d’affirmation c’est-à-dire critique de la laïcité. Ils se trouvent surtout parmi les jeunes entre 15 et 25 ans. Cela signifie principalement deux choses. La majorité des musulmans (72%) n’est pas dans une posture de revendication mais si la tendance continue comme cela de plus en plus de musulmans le seront dans les années qui viennent.  D’où l’importance d’en débattre ouvertement et sereinement en incluant les musulmans dans le  débat, même les plus stricts les plus pratiquants.

Les catholiques vivent leur religion de façon très différente : 56 % des Français se déclarent catholiques leur nombre est en baisse constante depuis près de vingt ans. Seuls 15% se disent pratiquants.  60% de la population française est baptisée mais un peu moins de la moitié (45%) des baptisés ne s’inscrivent pas au catéchisme. Ils ne connaissent donc pas leur religion.

Contrairement aux musulmans, pour les chrétiens en général et les catholiques en particuliers la foi a peu d’incidence sur leur vie quotidienne et leur rapport à la société qui les entoure. Ils connaissent mieux et sont plus attachés aux rites qu’à la foi.

C’est surtout dans le rapport à la laïcité que les deux plus importantes communautés religieuses françaises diffèrent. La séparation des Eglises et de l’Etat remonte à 1905 ; elle ne fait pas partie de l’histoire des populations immigrées arrivées essentiellement au 20ème siècle. Et c’est là où il faut avoir vécu en France et à l’étranger pour mieux comprendre pourquoi les rapports entre l’Islam et la Républiques sont si souvent conflictuels. Pourquoi certains musulmans ressentent de la haine envers la France.

D’abord parce que la laïcité est un concept propre à la France et qui est très mal, voir totalement incompris dans la plupart des pays du monde. Même au Royaume-Uni on a une vision différente de la place de la religion dans la société. Les britanniques sont tolérants souvent parce qu’ils sont indifférents. Ils vont dire aux immigrés musulmans ou autres : “Vous c’est vous, nous c’est nous ; mangez comme vous voulez, habillez-vous comme bon vous semble de toute façon nous vivrons côte à côte en bonne intelligence mais pas forcément ensemble”. C’est la notion d’une société réellement multiculturelle qui comme son nom l’indique regroupe non seulement plusieurs religions mais plusieurs cultures.

La vision des français est presque à l’opposé je veux pour indication, le sous-titre que vous avez choisi pour cette conférence le « vivre-ensemble » jugé par la société française comme une nécessité absolue pour assurer la paix sociale.

En apparence l’attitude française semble plus généreuse que la britannique, plus accueillante, plus chaleureuse même.  On vit ensemble donc on interagit et on se fréquente. Il n’y a pas de mur entre nous.

La question est de savoir si cette intention est honnête réaliste et/ou efficace. Les français parlent d’intégration et invitent les étrangers à leur ressembler. Forts de la vision universelle de l’homme et d’une conviction assez répandue que notre système de valeur est moralement et culturellement supérieur aux autres, on ne comprend pas que les étrangers veuillent préserver leur culture, leurs idéaux au lieu de les remplacer par les nôtres.  Les français voudraient que les immigrés pour bien « vivre ensemble » pensent comme eux, mangent comme eux,  s’habillent comme eux. Le contraire serait anormal. C’est une relation à sens unique. En France on est tellement persuadé que notre système est le bon qu’on ne comprend pas que les autres ne l’adoptent pas NATURELLEMENT. Alors que ce qui est naturel pour les immigrés c’est leur propre culture, leurs goûts, leurs rites, leurs habitudes, leurs mentalités. Ils peuvent s’adapter à la vie en France, comprendre et respecter les valeurs de la République comme la laïcité mais pas effacer totalement leur culture d’origine qu’ils n’ont aucune raison de faire.

Or et on ne le dit pas assez, les musulmans sont attachés à leur religion. Beaucoup (mais pas tous) subissent la laïcité comme système qu’ils sont forcés d’accepter. Il y a un débat dans la société musulmane à ce sujet et il n’est pas toujours serein. Un débat sur ce qui est obligatoire ou pas, le voile par exemple. Il existe des musulmanes croyantes pratiquantes qui se disent féministes et qui estiment que le voile n’est pas une obligation. Ces polémiques sont aussi animées que le débat ou le manque de débat entre les musulmans pratiquant et les défenseurs de laïcité de combat. Pour ces derniers la laïcité est une valeur centrale et indiscutable de la nation française et il n’y a pas de dérogation possible.  Tant qu’il n’y a pas de débat il ne peut y avoir d’adhésion aux valeurs de la République. On peut garder des lignes rouges ce qui est fait en France mais en expliquant pourquoi sans ériger la laïcité en dogme.

Permettez-moi de revenir rapidement sur les cinq premiers textes qui ont affirmé et réaffirmé le caractère laïc de la République :

–       1789  : la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : « Nul de doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses ». Cela signifie une absolue liberté de conscience et une relative liberté de culte.

–       1905 : « La République assure la liberté de conscience, elle garantit l’exercice des cultes. »

–       1946 : « La liberté de conscience et des cultes est garantie par la neutralité de l’Etat »

–       1958 : « La France est une République indivisible, laïque. »

En 1903 une circulaire interdit tout emblème religieux dans les écoles publiques une autre en 1936 banni toute propagande religieuse ou politique à l’école. En 1937 un décret de loi interdit toute proclamation religieuse ainsi que toute forme de prosélytisme dans les établissements d’enseignement public.

Toutes ses lois et décret ne visent absolument pas la religion musulmane ! Les premières grosses immigrations musulmanes en France ont eu lieu dans la période poste-coloniale. Notamment dans les années 60 puis 70 avec le boom de l’immigration économique. A l’époque ils étaient appelés les “immigrés arabes” à juste titre parce qu’ils étaient arabes avant d’être musulmans. Ils réclamaient le droit de vote et le droit d’être français. Aujourd’hui ils sont français pour la plupart, né en France ou naturalisés ; donc français musulmans et beaucoup revendiquent le droit d’être musulman pratiquant et de l’afficher.

Savent-ils vraiment pourquoi la France est laïque et ce que cela signifie ? Quel a été le cheminement historique qui a abouti aux valeurs de la République. La réponse pour bon nombre de musulmans français est non. D’où la nécessité d’en parler non seulement entre spécialistes mais ouvrir le débat à toute la société. Oser poser la question : la laïcité est-elle le meilleur système pour la France d’aujourd’hui ? Si oui comment gérer les différences.

Même si nous sommes tentés, moi la première, de dire que je ne veux pas vivre dans une société religieuse et certainement pas fondamentaliste, la religion existe et il faut trouver la meilleure solution de l’intégrer sans qu’elle prenne le dessus mais sans non plus la brimer.

La France est une nation qui a pu accueillir des immigrants de tous bords depuis des siècles, tout en préservant sa cohésion, parce que le sentiment national est fort, la fierté et l’amour du pays sont bien ancrés et les valeurs Liberté Egalité Fraternité sont justes.

Il est primordial de défendre la laïcité et de créer un bouclier contre la propagande intégriste mais ce n’est peut-être pas en érigeant en face une laïcité de combat que l’on va réussir. Il faut le faire intelligemment et calmement en comprenant où se trouve le danger et sans se tromper d’ennemi.

Pour nous aider à bien réagir il faut revenir rapidement sur l’évolution des communautés religieuses dans notre pays et leur rapport à la laïcité. Jusqu’aux années 80, nous n’avons pas ressenti le besoin d’expliquer la laïcité aux nouveaux immigrants et de la défendre car c’était un concept acquis. Les premiers immigrants (italiens, espagnols, polonais ou portugais) étaient essentiellement chrétiens et n’avait pas une identité religieuse à revendiquer dans un pays à majorité (ou comme certain voudraient le formuler de « culture ») chrétienne. Les premiers musulmans arrivés en France pratiquaient discrètement leur religion et cherchaient surtout à s’intégrer. Les femmes algériennes par exemple portaient des foulards traditionnels qui n’étaient pas à l’époque des voiles dit islamiques. On peut donc dire que les premiers immigrés ont respecté la laïcité sans revendiquer quoi que ce soit concernant leur culte.

Mais les réalités ont profondément changé la donne. Il y a une importante différence entre les premiers immigrés musulmans et leurs petits-enfants.

L’étude pour l’Institut Montaigne révèle que les plus de 40 ans sont nettement opposés au port du voile (8 sur 10) alors que 40% des moins de 25 ans y est favorable. Ceux qui sont nés en France ainsi que leurs enfants revendiquent beaucoup plus la différence et veulent pouvoir l’exprimer dans l’espace public. Ils estiment que leurs règles religieuses imposent que leur foi soit visible notamment celle de leurs femmes avec le voile bien sûr. Si la laïcité garanti la liberté de culte disent-ils elle ne peut interdire le port du voile.

Quant au monde du travail deux français musulmans sur trois estiment qu’il ne faut pas montrer sa foi au travail. Mais les jeunes là aussi sont plus nombreux à penser qu’ils doivent pouvoir le faire. Dans les deux cas, et il faut le noter la majorité des musulmans jeunes ou moins jeunes ne porte pas de signe religieux distinctif dans l’espace public mais n’accepte pas qu’il soit interdit.

Pour résumer, les nouvelles générations de musulmans sont plus attachées à leur religion et à sa pratique, une pratique religieuse supérieure à la moyenne nationale. Alors que la majorité des musulmans français toutes générations confondues se dit peu pratiquante mais elle est croyante et estime normal que les musulmans expriment leur foi et leurs obligations religieuses (voile halal) librement.

L’Islam et l’entreprise

Le fait que les nouvelles générations attachent plus d’importance à leur religion, signifie que les revendications religieuses vont augmenter dans la société en général à l’école puis dans l’entreprise, au fur et à mesure que les jeunes intégreront le monde du travail. Là aussi des études ont été réalisées depuis plusieurs années. L’Etude de l’Institut Randstad (Avril – Juin 2016) note une importante progression en trois ans.

En 2014, 10% des salariés observaient régulièrement des faits religieux au travail : en  2015    30% et en 2016 : plus de 55%. Les managers étaient confrontés au fait religieux, à 50% en  2015  à 50% et 65% en 2016.

Quant aux situations conflictuelles, elles sont passées de 6% en 2015 à 9% 2016 soit 50% d’augmentation. Ils restent minoritaires bien sûr mais pour combien de temps ? Que faut-il faire pour éviter qu’elles se transforment en crises ?

La réponse est notamment d’organiser un vrai dialogue dans l’entreprise et en amont, c’est-à-dire avant l’embauche. Certains managers et DRH ont connu des situations où une candidate se présente sans voile ou un candidat cache son intégrisme religieux et une fois embauché change radicalement. Un autre cas connu est celui de la crèche Baby Loup qui a défrayé la chronique. Là c’est une employée de longue date qui portait un simple foulard mais qui est revenue après son congé maternité avec un jilbeb c’est-à-dire une robe longue qui couvre les cheveux et les épaules. Elle a été licenciée, elle a saisi les Prud’hommes et surtout les médias et c’est devenu une affaire politique et nationale avec d’un côté des intégristes laïcs et de l’autre des intégristes musulmans ! Si la directrice de Baby Loup avait prévu en amont dans le règlement intérieur que les tenues couvrant tous les corps ou les signes religieux sont interdits la solution de cette crise aurait été bien plus simple.

Heureusement de tels cas sont rares parce que beaucoup de grandes entreprises ont prévu et préparé des guides de bonne conduite face aux revendications religieuses. Aussi parce que les entrepreneurs se sont exprimés contre une loi qui réglementerait le fait religieux en entreprise alors que certains politiques en préparaient déjà une.

D’autant plus qu’il est plus simple de gérer cette question en entreprise où l’on peut choisir ses employés, on peut faire signer un contrat qui interdit tout ce qui est susceptible de nuire à l’intérêt de l’entreprise ou à son image. On peut discuter avec des employés qui ont besoin de travailler et qui seront plus enclins à trouver un compromis. On peut permettre à un collaborateur d’aller prier comme on le fait pour les poses cigarettes, modifier les horaires pour ceux qui font ramadan, autoriser une femme à porter le voile si cela n’est pas incompatible avec l’image ou l’intérêt de la société. On peut en revanche refuser des attitudes clairement intégristes comme ne pas serrer la main d’une femme ou ne pas servir d’alcool dans un restaurant. Il faut surtout régler les problèmes avant que des organisations à but politiques s’en emparent.

Il faut en revanche être conscient que la situation va vraisemblablement empirer. Les nouvelles recrues pourront avancer masquées. Les revendications se faire plus pressante, et les provocations se multiplier. 

L’intégrisme religieux en France

Je travaille beaucoup sur l’influence des intégristes musulmans qui sont en grande partie responsables de ce qu’on appelle désormais le communautarisme mais qui est plus que cela.

L’islam communautaire a commencé à se faire sentir dans les années 80. Et ce n’est pas un hasard ou une simple question de retour à la religion chez des jeunes en quête de sens. C’est souvent, je dirai même trop souvent, un agenda politique réactionnaire qui se sert de la religion, et qui est mis en œuvre depuis plusieurs années pour se concrétiser aujourd’hui. Ce n’est pas arrivé du jour au lendemain.

A la fin des années 1970 sont venus en France plusieurs sympathisants ou militants des Frères Musulmans chassés d’Egypte, de Jordanie, de Syrie mais aussi d’Algérie et de Tunisie. Les Frères Musulmans sont un mouvement politico-religieux qui véhicule une idéologie intégriste et vise à créer un état islamiste ou califat partout dans le monde. Leur théologien de référence est Youssef Al Qaradawi l’imam basé au Qatar qui officiait toutes les semaines sur la chaîne Al Jazira. Voici ce que dit Al Qaradawi sur l’appartenance à la nation musulmane. La Oumma, dont je parle dans mon livre. « …il n’y a pas plusieurs nations musulmanes » dit-il «  il n’y a qu’une nation qui comprend plusieurs peuples. C’est la religion qui en fait une nation avec un seul Dieu, un seul livre, un seul Prophète, une seule idéologie, une seule juridiction » (ou chari’a en arabe).

Tariq Ramadan un des meilleurs communicants islamistes en Europe et un des plus influents chez les jeunes, maitrisant le français et l’anglais complète ce discours en ajoutant : « une société qui me dit que pour être un bon français il faut que je sois un mauvais musulman je dirais non…on ne peut pas exiger d’un homme de s’amputer pour acquérir une citoyenneté ».

Le ton est posé. Ces discours relayés dans les conférences, dans les médias proches des Frères musulmans et notamment Al Jazira met clairement en opposition appartenance religieuse et citoyenneté française. Pour être encore plus clair la propagande vise à convaincre les musulmans français qu’ils appartiennent avant tout à la nation musulmane, la Oumma et ensuite à la République française. Ce n’est pas juste du communautarisme, c’est l’adhésion à un projet politique qui combat le système laïc et remet en cause notamment l’égalité hommes- femmes.

L’Union des Organisation Islamiques de France qui organise les désormais célèbres rassemblements annuels du Bourget est la plus forte organisation musulmane dans ce pays. Elle est proche des Frères Musulmans donc aussi politique que religieuse. L’UOIF est née en 1983. La première crise du voile à l’école a éclaté en 1989, je ne pense pas que ce soit un hasard.  Ni les politiques, ni les intellectuels et encore moins les media étaient prêts à affronter cette crise. Les Frères Musulmans l’avaient prévue et préparée.

Les autorités et intellectuels français ont été surpris et ont mal réagi renforçant ainsi la popularité et par conséquent le pouvoir de la confrérie. On s’est focalisés sur le voile, donc sur les femmes et sous-estimé le travail de fond exercé par les islamistes sur les jeunes musulmans, nés en France et en manque de repères. A chaque incident sur le voile, on leur expliquait que la France ne les autorisait pas à pratiquer leur religion qu’il faut donc se battre contre cela. Message repris et amplifié par des chaines de télévision comme Al Jazira et des sites internet islamistes. On leur a expliqué qu’ils sont mal aimés et humiliés parce que musulmans, que seule leur communauté religieuse peut leur rendre leur fierté et leur dignité. L’histoire en somme du vilain petit canard considéré comme tel parce que d’une autre couleur mais d’une autre couleur parce qu’il n’est pas un canard !

Ils ne sont donc pas citoyens français, ils sont citoyens musulmans et seuls des musulmans comme eux peuvent les comprendre. Il est sous-entendu aussi qu’ils ne pourront jamais devenir citoyens français tant qu’ils croient qu’il n’y a de Dieu que Dieu et que Mahomet est son prophète.

Les intégristes ont contribué à isoler encore plus les communautés musulmanes du reste de la société.

Et ça continue avec les écoles gérées par les Frères musulmans et des organisations comme le Comité Contre l’Islamophobie en France le CCIF dont on entend parler de plus en plus qui est proche de la confrérie. Sous prétexte de défendre les musulmans victimes d’actes racistes, ils médiatisent à fond tout incident petit ou grand et exacerbent les tensions.

J’ai dit au début de mon intervention qu’il fallait réagir intelligemment et ne pas se tromper d’ennemi. Beaucoup d’erreurs ont été commises. La société française a le plus souvent mal réagi aux provocations communautaires. Elle n’a pas su faire la différence entre demande légitime d’exercer son culte qui parfois exige qu’il soit exprimé dans l’espace public et un projet politique venu d’ailleurs qui vise à rallier la communauté musulmane française à l’idéologie des Frères Musulmans dont l’objectif final est l’instauration d’un état islamique partout dans le monde.

On n’a pas vu la différence entre la femme qui porte un voile par pudeur ou par croyance et celle qui se présente comme porte drapeau d’une idéologie politique réactionnaire, aux antithèses des valeurs occidentales. Les crises à répétition ont été gérées notamment par des politiques qui avaient soit une mauvaise connaissance de la situation, soit des intérêts personnels à laisser faire les associations et organisations intégristes en France.

Nous ne sommes pas là pour parler que d’islam. Ce n’est pas votre souhait, mais force est de constater que lorsqu’on parle du fait religieux dans la société et dans l’entreprise française, on se réfère surtout à l’islam. Les chrétiens ne revendiquent pas des congés à Noël, à Pâques et ou à la Toussaint car ils les ont d’office. Ils mangent de tout à la cantine sauf s’ils sont végétariens. Leurs autorités religieuses n’imposent pas de porter un signe distinctif en public. Aucune des deux autres religions monothéistes n’imposent 5 prières par jour aux pratiquants.

Le vivre ensemble

Dans le titre de cette conférence, il y aussi « perspectives du vivre ensemble ». Bien sûr que les attentats ont eu un effet catastrophique sur les rapports entre les musulmans et le reste de la société française. Là aussi seule la pédagogie et une grande dose d’intelligence politique et médiatique peuvent éviter plus de conflits.  Mais je voudrais rendre hommage à cette majorité de français qui refuse l’amalgame entre islam et terrorisme, ils sont majoritaires et on l’espère pour longtemps. Rendre aussi hommage aux musulmans qui sont victimes de cette situation mais qui continuent de croire en la démocratie et les valeurs de ce grand pays qu’est la France et sont en première ligne contre les intégrismes. Il faudra du temps pour rectifier les erreurs et leurs conséquences. Il faudra surtout ne pas se tromper d’ennemi.

J’entends de plus en plus souvent déclarer que l’Islam n’est pas compatible avec la laïcité, bien sûr que c’est vrai mais aucun dogme religieux n’est compatible avec la laïcité. C’est pour cela que la séparation entre les Eglises et l’Etat s’est faite dans la douleur. Ce qui est incompatible et intolérable à la fois, c’est le projet politique maquillé de religieux qui vise à dénaturer la société française.

Si nous définissons clairement et objectivement ce qu’est ce projet et nous le démasquons, nous ferons enfin la différence entre ce qui est acceptable dans la pratique religieuse et ce qui ne l’est pas. Quand on attaquera comme il faut l’intégrisme et pas la religion en soi nous aurons rendu un grand service à la laïcité, au vivre ensemble et à la démocratie. Et la démocratie implique la participation de tous. Décentralisons et ouvrons le débat à la société tout entière pour que la solution soit consensuelle et intelligente. 

Nahida Nakad