Hicham Abdel Gawad est français, professeur de religion islamique en Belgique depuis 7 ans. Ce diplômé d’un master de sciences des religions et de la laïcité de l’Université catholique de Louvain (UCL) a publié, en 2016, Les questions que les jeunes se posent sur l’islam (Éditions La boîte à Pandore). Il y répond à quelques questions d’élèves, mais il revient aussi sur son parcours, et prône un islam qui fait une place de choix aux sciences humaines.
Les questions que vous posent les jeunes, par exemple sur l’existence de Dieu, sont d’un haut niveau. Sont-ils plus spirituels qu’on ne le pense ?
C’est ce que j’essayais de montrer dans le livre. Les jeunes se permettent des questions qu’à leur âge je ne me permettais pas. Il ne me serait jamais venu à l’esprit de demander à un imam ou à un théologien de prouver que Dieu existe par exemple. Pour moi, la question ne se posait pas. Et même quand la question semble naïve, comme par exemple « comment Jonas faisait-il pour manger et respirer à l’intérieur de la baleine », quand on creuse et qu’on prend au sérieux cette question, on se rend compte que cela génère des interrogations sur la nature du miracle, sur ce qu’on appelle la parole de Dieu, sur la nature du récit : la vérité d’un récit est-elle une vérité factuelle, ou est-ce qu’un récit peut être vrai sans pour autant être factuel ? Leurs questions sont finalement très pointues et pour moi, la théologie islamique classique n’y répond pas. À mon sens, la théologie n’est pas une démarche de connaissance ni une démarche de réflexion : c’est un discours. Et les jeunes ne s’en contentent plus. Ils veulent des raisonnements, des faits, des choses qui soient vérifiables, dans tous les domaines d’ailleurs. Il ne suffit pas de dire à un jeune quelque chose pour qu’il vous croit. Il va creuser, demander des preuves, des précisions, même s’il n’a pas les moyens de les vérifier.
Vous expliquez avoir parfois été démuni face à certaines questions. Que recommanderiez-vous à un enseignant qui se retrouverait dans une posture similaire ?
Tout dépend du problème. Parfois ça coince parce que la réponse qu’on pourrait apporter à l’élève ne correspond pas à sa maturité intellectuelle. Là, je vous avoue que je n’ai pas la réponse. Je peux argumenter sur un plan anthropologique ou sur un plan historique, mais avec un enfant d’une dizaine d’années, ce n’est pas possible.
En revanche, si on part du principe que la question posée appelle à une réponse accessible aux jeunes, il me semble qu’il faut à tout prix éviter de donner une réponse toute faite et amener le jeune à trouver la réponse lui-même. Pour ce faire, il faut poser des questions, adopter une approche presque socratique de la connaissance, surtout concernant la question religieuse pour laquelle des affects sont mobilisés. Une réponse peut froisser ou choquer un jeune, je n’irais pas jusqu’à dire qu’elle peut le traumatiser, mais cela peut faire des dégâts. Pour moi, la technique la plus efficace, c’est d’interroger les élèves, évidemment en guidant la réflexion pour ne pas que cela devienne de la pure spéculation, d’user d’une forme de maïeutique en fait. La méthode fonctionne encore mieux quand elle est pratiquée en groupe parce qu’il y a des interactions entre les élèves, un enfant réagit à ce que l’autre vient de dire. On entre dans l’intersubjectivité, on réfléchit ensemble, cela me semble plus enrichissant.
Ces deux questions s’ajoutent à la rubrique Entretien de LaïCités N°3.
23 décembre 2016
Pour en savoir plus : https://laicites.info