Sept mots-clés méconnus pour mieux comprendre l’islam

Testez vos connaissances : un petit lexique sort en librairie. Il clarifie tous ces termes qui inondent les médias. Et en révéle d’autres.

DervicheTourneurSoufi

Derviche tourneur soufi, une méditation par le mouvement.Image: DR

«Petit lexique pour comprendre l’islam et l’islamisme.» Tout simplement. C’est sous ce titre que paraît cette semaine un précieux ouvrage publié par l’éditeur Erick Bonnier, sous la direction de l’universitaire genevois Hasni Abidi, chercheur au Global Studies Institute. Djihad, fatwa, talibans, wahhabisme, mais aussi Daech ou encore Boko Haram… «Au-delà des controverses et des polémiques», le politologue entend clarifier les mots de l’islam. Parce que «les amalgames et les déformations (…) ne font qu’amplifier l’incompréhension, les clichés et le repli.» En voici sept, de ces mots, très largement méconnus, qui illustrent pourtant la grande complexité de cette religion.

1. Choura

La «consultation» des croyants est une obligation faite au Prophète directement par Dieu, selon le Coran. De nos jours, cela a permis «de justifier l’instauration de régimes parlementaires de type occidental, tout en mettant en oeuvre la notion coranique».

2. Dhimmi

Le «citoyen non musulman d’un Etat musulman» a le même statut juridique qu’un «hôte protégé». Il s’applique surtout au «peuple du livre» (juifs et chrétiens), mais inclut aussi parfois zoroastriens et sabéens. Les dhimmis sont soumis à des impôts spécifiques. «En échange, leur liberté de mouvement ainsi que la protection de leur vie, de leur corps et de leurs biens sont assurées. De même, une pratique restreinte de leur religion leur est garantie.» Mais pas question de «construire des lieux de culte» ni de «faire du prosélytisme» ou d’organiser «des manifestations religieuses ostentatoires».

3. Djihad (le vrai)

Ce mot, tout le monde pense le connaître ! Devenu synonyme de «guerre sainte» dans les médias, il a pourtant une toute autre signification. Il s’agit d’un «effort» tendu vers un objectif louable. Dans sa forme dite «majeure», il s’agit d’un «combat constant de l’homme contre ses passions, effort spirituel dont l’importance primait, à l’origine, sur l’effort guerrier». Dans sa forme dite «mineure», il désigne effectivement une «guerre légale», donc respectant des règles de droit. Ce qui est finalement assez limitatif. De nos jours, les groupes dits «djihadistes» accusent «leurs adversaires musulmans d’hérésie», car la loi islamique autorise la lutte armée dans le cas où «un dirigeant musulman renonce à sa foi».

4. Ijtihad

Ce mot désigne en arabe «l’effort le plus intense (physique ou mental) que l’on place dans une activité». Mais il se réfère généralement à «l’exercice intellectuel entrepris par les oulémas ou muftis» pour comprendre les véritables implications de ce qui est écrit dans le Coran. C’est un «devoir religieux dont le fruit doit constituer le reflet de l’esprit et de la lettre des sources coraniques». Quitte à «se distancer des maîtres du passé». Bref, pas question de piquer au hasard des versets et de les appliquer littéralement, il faut au contraire faire un effort d’interprétation pour bien saisir dans quel esprit ils ont été écrits. «De nos jours, ceux qui souhaitent réformer le droit musulman» se sont emparés de ce concept.

5. Soufisme

Nos médias parlent rarement de ce mouvement mystique. Il s’est pourtant implanté très tôt dans «tout le monde musulman». Influencés par «l’ascétisme chrétien» et «le monachisme bouddhiste», les soufis «estiment pouvoir accéder personnellement à la révélation de Dieu, d’où l’effort d’aller outre les paroles divines contenues dans le Coran». Du coup, «en relativisant le rôle du Prophète, leur mouvement a fait l’objet de persécutions». Récemment, on a vu des djihadistes détruire des mausolées soufis, «accusés d’hérésie».

6. Takfir

Construit sur la même racine que kafir (mécréant), ce terme «se réfère à l’acte d’excommunier un individu ou un groupe d’individus de religion musulmane en raison de leur mécréance en Dieu.» De nos jours, les groupes radicaux, dénommés takfiristes, font un grand usage du takfir, accusant de mécréance tous ceux qui ne partagent pas leurs opinions. Ainsi, «le groupe Etat islamique (Daech) et Boko Haram déclarent unilatéralement qui sont les apostats à éliminer afin de renforcer leur pouvoir à travers la terreur.»

7. Taqiya

Ce terme dérive d’un verbe signifiant «prévenir, se prémunir». Il se réfère à «une dissimulation de la foi par précaution», que ce soit «en cas de persécution ou pour éviter un préjudice». La sourate 3.28 du Coran dit: «Que les croyants ne prennent pas, pour alliés, des infidèles, au lieu de croyants. Quiconque le fait contredit la religion de Dieu, à moins que vous ne cherchiez à vous protéger d’eux.» Historiquement, la dissimulation a été systématisée par les chiites minoritaires, «accusés de toujours dissimuler leurs vraies croyances». Même si ce Petit lexique ne le dit pas, cette méfiance est souvent exprimée, de nos jours, face aux diplomates iraniens. (TDG)

Hasni Abidi, chercheur au Global Studies Institute, Université de Genève.
Créé: 17.03.2015, 15h28
Pour en savoir plus : http://www.tdg.ch/

Journée d’étude : le fondamentalisme islamique

FondamentalismeMusCathoLyon

20 mars 2015

Voici une partie des notes que j’ai prise à cette journée d’étude sur le fondamentalisme islamique.

Le reste va suivre rapidement !

Elles pourront apparaître comme approximative sur certains sujets. L’idée est de vous donner envie d’en savoir plus !

 

La compréhension du fondamentalisme passe par son décryptage historique, sociologique, anthropologique et psychologique, elle s’appuiera sur le mécanisme littéraliste et rigoriste.

L’objectif de la journée est de comprendre aujourd’hui la place qu’occupe ce phénomène dans le contexte musulman francophone actuel.

Pour cela, il s’attachera à étudier des penseurs musulmans soit parce qu’ils contribuent  à ce phénomène, soit parce qu’ils cherchent à le contrecarrer. En instaurant le débat, il s’agit de voir comment est considéré le rapport à l’origine, comment sont désamorcés les versets violents, quelle condamnation de la violence ?

 

Le fondamentalisme et ses modes opératoires

 

Le salafisme comme expression du fondamentalisme à dimension politique

SamirAmghar

Samir Amghar

 

Le salafisme est un mouvement ultra-orthodoxe de l’islam qui développe une lecture littéraliste du Coran et de la tradition prophétique. Il est le produit du retour des étudiants en Sciences des Religions d’Arabie Saoudite en France et de la venue de l’aile salafiste du Front du Salut Algérien.

Il existe trois tendances salafistes :

– le salafisme quiétiste et non-violent qui condamne les attentats du 11 septembre. Il est apolitique.

– le salafisme politique : pour ce courant,  il est nécessaire de s’engager en politique au nom de l’islam. Il y a des liens avec l’idéologie des Frères Musulmans.

– le salafisme révolutionnaire, jihadiste : il faut combattre par les armes ceux qui ne respectent pas les musulmans.

Pourquoi est-ce que les jeunes sont attirés par le salafisme jihadiste ?

– l’idéologie est attirante, même si certains ne sont pas formés idéologiquement,

– la politique : certains jeunes sont le produit d’une frustration politique. En effet, les musulmans ont le sentiment qu’ils ne peuvent pas exprimer leurs idées sans se faire arrêter. L’Etat criminalise l’outil de contestation que sont les manifestations par un verrouillage sécuritaire.

– la sur-criminalisation des acteurs jihadistes : la prison a sur eux un effet accélérateur de leurs activités politico-religieuse.

– la radicalisation : ils n’ont plus rien à perdre (altruisme familial).

Il est cependant important de ne pas enfermer le salafisme dans une catégorie.

 

Le salafisme, le cas de l’Égypte et des Frères musulmansHaouesSemiguer

Haouès Seniguer

L’approche salafiste peut être critique, apologétique ou violente.

En Egypte, les responsables néo-salafistes ne veulent pas s’aliéner les coptes : ils prônent donc un retour aux valeurs conservatrices qui plaisent également aux coptes.

 

Le Maroc, État fondamentaliste ?

Ali Mostfa

Les salafistes au Maroc sont pour la purification de l’islam et contre l’innovation (bidaa). Ils n’ont pas de prétentions politiques.

La définition du fondamentalisme en arabe peut se traduire par celle d’authenticité, d’autorité par rapport au corpus du Coran et de la tradition prophétique.

Dans le contexte marocain, on peut identifier trois périodes différentes sur ce sujet :

– le 18è siècle avec Moulay Slimane qui a eu des liens (courriers) avec Abdel-Wahhab. Le wahhabisme est introduit au Maroc : c’est le retour au salaf des 2è et 3è génération après le prophète. Les pratiques populaires (pélérinage autour de mausolés,…) sont interdites. On interdit aussi de fêter l’anniversaire (mouloud) du prophète.

Il n’y a pas de place pour une pensée autre, pas de nuances.

– Années 30-40 : naissance du nationalisme qui aboutira à la négociation de l’indépendance, avec Allal Al-Fassi qui s’érige comme figure du nationalisme au Maroc. Il prône un nouveau salafisme fait de thèses nationalistes, de salafisme, de fiqu et de références françaises.

Pour lui, ce nouveau salafisme est un message fédérateur, contrairement à la dichotomie du message de Abdel-Wahhab et à l’opposé des soufis. Al Fassi a été un des négociateurs de l’indépendance du Maroc en 1956 sur la base d’un discours politico-religieux.

– Arrivée de Hassan II au pouvoir (1960) jusqu’à 1999. Hassan II islamise la société marocaine. Au moment de la révolution iranienne en 1979, Hassan II définit le Maroc comme un pays fondamentaliste (maîtrise des sciences islamique et du fiqh) par opposition à l’intégrisme.

C’est le début du processus de dé-divinisation de l’espace publique et la fin du discours religieux dans cet espace. La synthèse du politique et du religieux au Maroc, c’est le roi.

Les marocains font allégeance au roi chaque année au moment de la fête du trône.

 

Le fondamentalisme : analyse et mise en rapportBertrandSouchard

Bertrand Souchard

Qu’est-ce que le fondamentalisme ?

– C’est une identité religieuse,

– Absolue et sans médiation (on relativise tout le reste), sans la médiation d’une culture,

– Dualiste ou binaire : rejet de l’autre, exclusion (voir violente, bipolaire ou schizophrène : l’ennemi est dans mon camp),

– Eschatologique (rapport à la fin des temps) et tragique : mal-être du présent. Mon identité présente est tragique,

– Peut être en réaction avec les modernité, lutter contre.

 

Pourquoi le fondamentalisme ?

Le fondamentalisme serait-il une réaction à la modernité (qui elle pourrait se définir comme défense des individus, foi en la sciences et tolérance) ?

Le fondamentalisme existe de tout temps et en tout lieu, dans toutes les religions. Ce pourrait être plutôt une réaction à la post-modernité.

En fait, toute religion porte en elle fondamentalement l’énigme de la mort. La mort produit l’acte religieux. La religion est donc un engagement qui a une forme d’absolu. Ce sont des questions qui sont très profondes chez l’homme et qui peuvent mettre en colère !

La reconnaissance pour construire son identité :

La conscience de soi passe par la re-connaissance de l’autre. Il y a plusieurs façons d’être reconnu : par sa famille, la société, la politique, le religieux, les médias, la culture, l’esthétique, l’amitié.
L’idéal étant d’être reconnu par toutes ces facettes identitaires.

Les reconnaissances les plus naturelles sont celles de la famille, du travail et de la nation (même si cela fait un peu pétainiste !).

Les terroristes des attentats de janvier ont une quant à eux une reconnaissance post-mortem.

Les discours qui méprisent les nationalistes et les fondamentalistes viennent de personnes qui sont eux-même reconnus…

Pourquoi ce basculement dans la violence ?

Kant a dit : « La guerre ne paraît pas avoir de motifs déterminants, elle est greffée sur la nature humaine. »

Il faut prendre conscience de la potentialité de violence qui est en chacun de nous. Il faut entendre les réactions identitaires. La post-modernité génère parfois de excès et des dérives qui excluent la religion et prônent un égocentrisme individualiste.

Le relativisme aussi (tout se vaut) provoque un vide de notre société aux questions que les gens se posent.

 

Le fondamentalisme musulman est-il spécifique ?

Les caractéristiques du fondamentalisme musulman sont la lecture littéral du livre, avec cette dichotomie : halal/ haram (illicite/ licite).

Pour les islamistes, la colonisation reste un sujet difficile à digérer. Ils se sentent victimes. Et en même temps, l’islam étant la dernière religion, ils peuvent se sentir supérieurs. Ils se questionnent sur la suprématie occidentale, sur le développement de la science, de l’industrie…

Il y a un profond ressentiment par rapport aux peuples judéo-chrétien.

Est-ce que le Coran est universel ? Il faut regarder le lien avec les juifs et les chrétiens dans le Coran.

 

 

Figures du fondamentalisme islamique

 

Le hanbalisme ou la lecture littéraliste d’un Coran incrééMichelYounes

Michel Younès

 

 

Ibn Taymiya, Ibn ‘abdel Wahhab : concepteurs du fondamentalismeAbdel-Wahhab

Maurice Borrmans

 

L’image des femmes dans les fatwas hanbalites d’ouvrages francophonesBenedicte-du-chaffaut

Bénédicte du Chaffaut

 

La place des autres dans la littérature fondamentalisteMalekChaieb

Malek Chaieb

 

 

 

Intervenants :

Samir Amghar, Post-doctorant au Centre d’études sur les arts, les langues et
la tradition de l’Université du Québec à Chicoutimi

Maurice Borrmans, Professeur émérite au PISAI (Institut Pontifical d’Etudes
Arabes et Islamologie) de Rome

Bénédicte du Chaffaut, Enseignante au Centre Théologique de Meylan-
Grenoble

Malek Chaieb, Enseignant à l’Université catholique de l’Ouest, Angers

Philippe Dockwiller, Maître de conférences à l’UCLy

Ali Mostfa, Enseignant-chercheur à l’ESTRI (UCLy), Chercheur associé
au GREMMO (Groupe de Recherches et d’Études sur la Méditerranée
et le Moyen Orient)

Emmanuel Pisani, Directeur de l’ISTR, Paris

Haouès Seniguer, Maître de conférences à l’IEP de Lyon, chercheur
au GREMMO

Bertrand Souchard, Maître de conférences à l’UCLy, titulaire de la chaire
Science et Religion

Michel Younès, Professeur à l’UCLy, directeur du CECR

Un MBA pour améliorer le management des religions

MBADiversitéDialogueManagement

Partant du constat que les religions pèsent de plus en plus dans l’entreprise, le MBA « Diversité, dialogue et management » de l’Institut catholique de Paris (ICP), unique en son genre, propose d’étudier les principaux courants religieux et culturels, et de mieux les comprendre afin d’améliorer le management.

C’est le doyen de la faculté de théologie et de sciences religieuses de l’ICP, Thierry-Marie Courau, qui en a eu l’idée dès 2010. A l’époque, on s’interrogeait sur les moyens d’intégrer « la diversité ». Depuis, le débat s’est déplacé sur les religions, notamment sur l’islam. L’ICP, qui a créé une formation des imams aux valeurs de la République, s’estime particulièrement bien placé sur ces questions. « L’idée du MBA est que, pour manager par le dialogue, il faut comprendre comment se comporter avec des personnes de cultures et de religions différentes, souligne Thierry-Marie Courau, ingénieur à l’origine, devenu franciscain et professeur de bouddhisme. Pour cela, nous nous appuyons sur nos recherches et nos ressources pédagogiques. »

Tous horizons

Cette année, ce MBA accueille dix personnes, de toutes confessions et de tous horizons – le directeur de communication d’un groupe, une directrice d’école enseignant le français langue étrangère (FLE), un psychologue spécialisé dans l’interculturel… Certains participants veulent se réorienter et rejoindre, par exemple, les pôles diversité d’entreprises ou de métropoles. « Nous pourrions aller jusqu’à 15 étudiants, mais pas plus, explique Anne-Sophie de Quercize, la directrice du MBA,car nous assurons un tutorat très approfondi pour aider chacun à affiner son projet et à trouver des stages qui lui correspondent. »

La formation débute par quatre semaines de cours sur les sept grands courants – christianisme, judaïsme, islam, bouddhisme, hindouisme, traditions asiatique et africaine. Puis l’étudiant part en immersion pendant trois semaines pour découvrir une autre religion au quotidien : à la rencontre d’une confrérie soufie au Maroc, dans un ashram indien ou dans un monastère bouddhiste. De retour à Paris, il enchaîne avec cinq séminaires de trois jours, animés par des professionnels, sur des questions concrètes – juridiques notamment – qui se posent dans l’entreprise. Le programme s’achève par un stage de trois à six mois dans une organisation ayant trait à la diversité.

En raison de l’actualité récente, les responsables du MBA ont vu affluer les demandes de renseignements et de formations spécifiques. Le ministère de la défense les a, par exemple, sollicités « afin d’expliquer la laïcité à ses cadres à travers le prisme historique ».

 

En pratique

Conditions d’entrée : bac + 4

Langue : français

Coût : entre 2 500 euros et 4 800 euros suivant les revenus, 7 020 euros en formation continue

Temps de formation : 400 heures sur un an, possibilité d’avoir un certificat si l’on suit les cinq séminaires de trois jours chacun.

 

Pour en savoir plus : http://campus.lemonde.fr/

Cette jeunesse musulmane qui veut quitter la France pour Dubai

Chayma-Haddou

Difficultés à trouver un emploi, stigmatisation liée à leur religion? : de plus en plus de jeunes Français, souvent bac + 5, songent à s’installer à Dubai.

Elle donne rendez-vous au pied des tours de la Défense. Dans ses yeux miroitent celles de Dubai. Chayma Haddou, 31 ans, titulaire d’un master en langues et d’un autre en business et stratégie, a achevé il y a peu un contrat de deux ans dans une grande banque. Elle est partie dans la foulée en repérage dans le Golfe, son « rêve américain ». C’était en janvier, la semaine des attentats. « Quand j’ai vu ça, je me suis dit que ça allait être dur pour nous, les musulmans… Ça m’a donné le cafard. » Dubai est, plus que jamais, une manière de se « fondre dans la masse », mais aussi « d’accélérer sa carrière ». « Ici, on n’a pas le droit d’oser, on n’est pas valorisé. En France, on est issu de l’immigration, alors que là-bas, on a la French touch! On a une double culture avec l’école de la République et pour moi le Maroc à la maison, sur les chaînes de télévision. On est né pour s’adapter. Là-bas, on a le profil idéal.

Pour boucler son projet, Chayma s’est rendue samedi dernier à une journée d’information organisée par l’association Hégire – pour « hijra » ou « exil » en arabe – destinée aux francophones musulmans installés dans le Golfe, 1.300 membres. Le restaurant de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) a fait salle comble : plus de 50 participants. « Depuis quelques mois, de plus en plus de jeunes nous contactent, confirme Khaled Boudemagh, responsable de la structure. On sent un ras-le-bol sur la discrimination, la stigmatisation. A Dubai, il y a moins de pression. On ne vit pas caché, et on pratique beaucoup plus librement notre religion. »

«Ce désir d’ailleurs diffère de l’alya des Juifs qui mettent le cap vers Israël. Il illustre surtout les doutes d’une génération balançant entre deux rives»

Fuir une conjoncture économique difficile et un climat tendu, briser le plafond de verre… Ce désir d’ailleurs diffère de l’alya des Juifs qui mettent le cap vers Israël. Il illustre surtout les doutes d’une génération balançant entre deux rives. En bons enfants de la mondialisation, ces bac +5, diplômés d’écoles de commerce ou d’ingénieurs, rêvent d’en faire un pont. Les pays anglo-saxons ne les intéressent guère ; leurs regards se tournent naturellement vers les Émirats arabes unis et notamment Dubai, qui accueille 15.000 Français, ou vers le Qatar, en plein essor économique.

« Avoir deux cultures peut être un levier »

Calepin en main, Chayma ne perd pas une miette de la discussion. Sa feuille de route est millimétrée : quitter Sevran (Seine-Saint-Denis), se faire embaucher sur place par une société idéalement française, mettre de l’argent de côté et revenir pour créer son entreprise, afin de « remercier ». « La France m’a éduquée. Je veux apporter ma pierre à l’édifice, prouver que la République a fait quelque chose de ses enfants issus de l’immigration. Les petits sont très négatifs. Il faut leur donner envie de rêver, leur montrer qu’on peut être maghrébin et réussir! »

A la table d’à côté, Mohammed, 24 ans, originaire de Roubaix (Nord), fraîchement diplômé d’une école d’ingénieurs, conte les remarques entendues pendant ses stages. « Tu jeûnes? T’es un extrémiste! », « Salut couscous »… Passé l’humiliation, son envie de réussir ne s’est pas estompée. Au contraire. « Petit, je n’ai pas toujours mangé à ma faim… Dubai, c’est mon objectif. Les salaires sont doubles ou triples! » Diplômé d’une école de commerce grenobloise, embauché dans un grand cabinet de conseil, Abdelkarim confirme : « La gueule de l’emploi, ça existe. Il y a de la méfiance vis-à-vis des communautés, la vie est lourde. Je veux partir pour changer d’air. » Prochaine étape, des vacances en immersion, puis démarcher sur des salons professionnels. « J’ai une culture française et une seconde culture maghrébine, tunisienne, confie le jeune homme de 25 ans. Je pense que ça peut être un levier. »

«Comptez au moins 700 euros par mois pour une chambre en colocation et n’acceptez pas de salaires trop bas»

Chayma, Mohammed et Abdelkarim mettront néanmoins les voiles en connaissance de cause : Khaled Boudemagh ne laisse fermenter aucune illusion sur la vie chère, l’absence de sécurité de l’emploi, la concurrence internationale, le fantasme de l’eldorado. « Comptez au moins 700 euros par mois pour une chambre en colocation et n’acceptez pas de salaires trop bas », en dessous de 2.000 euros net. En creux apparaissent aussi des interrogations sur la prière, le port du voile ou la barbe en entreprise. « Vous serez déçus si vous cherchez une pratique très rigoureuse, prévient Samy, trentenaire expatrié à Dubai. Même s’il y a des mosquées partout et qu’on ne travaille pas le jour de l’Aïd. De plus, les entreprises françaises sur place adoptent la même politique que dans l’Hexagone. » Mohammed l’a compris : Dubai n’est pas un « paradis islamique ». Qu’importe, il compte n’y faire qu’un passage. « Je suis parti en Turquie sept mois. Au bout d’un moment, j’ai eu envie de rentrer chez moi, la France. C’est important, le rapport au sol. »

Camille Neveux

Le Journal du Dimanche

15 mars 2015  |  Mise à jour le 16 mars 2015

Pour en savoir plus : http://www.lejdd.fr/

Laïcité : une proposition de loi qui heurte les religions

CrècheBabyLoup

Le texte veut imposer la neutralité dans les structures éducatives accueillant des mineurs.

«Imposer la neutralité religieuse dans les crèches privées.»Une proposition de loi, perçue par certains comme une offensive «antivoile», qui finalement s’est attirée les foudres des religions dans leur ensemble… Un épisode qui en dit long sur cette France en quête tout à la fois de laïcité et de religieux, dans un contexte post-attentats de janvier.

Portée par les radicaux de gauche, la proposition de loi entend imposer la neutralité religieuse dans les structures éducatives privées subventionnées par l’État, qui accueillent des mineurs. Un vaste univers fait de crèches mais aussi de centres de vacances et de mouvements de scoutisme. Prévus jeudi à l’agenda de l’Assemblée, les débats ont été repoussés à la semaine du 11 mai, après les élections départementales. Il faut dire que les critiques ont fusé.

«En minant ainsi peu à peu, insidieusement, notre modèle de laïcité, ce n’est pas un État laïque qu’on veut garantir, mais promouvoir une société vidée de toute référence religieuse. Nous ne pouvons l’accepter», s’est indigné Mgr Pontier, archevêque de Marseille et président de la Conférence des évêques de France, qui perçoit dans ce texte «l’inspiration manifeste d’une méfiance vis-à-vis des religions dont il faudrait protéger les mineurs». L’ambition de la proposition est d’étendre le cadre fixé dans les établissements scolaires, et notamment la loi de 2004 sur le port de signes religieux, à l’éducation de la jeunesse au sens large. Le Conseil supérieur du culte musulman (CFCM) dénonce une «politique d’intolérance». La Fédération du scoutisme français, qui demande le retrait du texte, estime que «la concorde nationale» est menacée.

Face à cette levée de boucliers, dans un débat où pointe aussi la «stigmatisation» des musulmans, le président du groupe PS, Bruno Le Roux, a joué l’apaisement. «La période me semble mal adaptée pour un examen serein», a-t-il indiqué le 10 mars. Le texte reviendra à l’Assemblée la semaine du 11 mai, avec une possibilité d’amendements qu’il reste à confirmer. «J’ai un accord écrit de Bruno Le Roux et un vote positif de son groupe sur la proposition votée en commission», a fait savoir le chef de file des radicaux de gauche, Roger-Gérard Schwartzenberg, qui réfute toute idée d’«enterrement» de la proposition.

Le 5 mars, c’est à la quasi-unanimité que ce texte a été adopté par la commission des lois de l’Assemblée – les Verts et le socialiste Patrick Menucci se sont prononcés contre. Déposé à l’origine par la sénatrice radicale Françoise Laborde, il a été adopté en première lecture au Sénat il y a plus de trois ans, en pleine affaire Baby-Loup. La crèche privée avait défrayé la chronique médiatico-judiciaire pendant quatre ans, avant de voir confirmer le licenciement d’une salariée voilée, par la Cour de cassation en juin 2014. Mais aujourd’hui, deux mois après les attentats de janvier, la donne a apparemment changé.

La proposition de loi pose que les structures accueillant les enfants de moins de 6 ans et les mineurs ont une «obligation de neutralité en matière religieuse», dès lors qu’ils «bénéficient d’une aide financière publique». Le texte ajoute cependant que ces dispositions ne sont pas applicables aux structures se prévalant d’un «caractère propre». Des termes empruntés à l’Éducation nationale qui, conformément à la loi Debré, finance les établissements privés sous contrat et reconnaît leur caractère propre – cet aspect «confessionnel», présent dans la vie scolaire – en échange du respect des programmes et de l’ouverture à tous.

Dans le camp laïque, l’idée d’étendre ce «caractère propre» ne séduit pas forcément, certains arguant qu’il serait possible alors de reconnaître officiellement les crèches coraniques ou «loubavitch», d’obédience juive. Et l’on hésite à légiférer. D’autant que ce «camp» laïque n’en est pas vraiment un. Président de l’Observatoire de la laïcité, Jean-Louis Bianco a fustigé la proposition de loi, jugeant «paradoxal» que des radicaux de gauche puissent «envisager d’adopter cette proposition alors qu’elle figure dans le programme du Front national pour les départementales». Mais, dans les rangs de l’Observatoire, certains, comme Jean Glavany, Patrick Kessel et Françoise Laborde, n’ont pas hésité à dénoncer, après les attentats, l’«angélisme» de leur président.

Caroline Beyer

Pour en savoir plus : http://www.lefigaro.fr/

Le fait religieux au Maroc : conférence

Marchand lecteur du Coran par ©Jean-François Gornet
Malgré l’arrivée d’un gouvernement de sensibilité islamiste au pouvoir, le Maroc est resté à l’abri des dérives intégristes. La figure tutélaire du roi, facteur d’ordre et de régulation du politique et du religieux reste un recours et un référent. Dans ce travail de régulation le souverain est allé jusqu’à interdire aux oulémas et autres responsables religieux de faire de la politique. Cette séance tentera de faire écho à un débat riche et complexe que connaît le pays.
Avec :

Ahmed Abbadi, secrétaire général de la Ligue des Ouléma ;
Hassan Aourid, enseignant chercheur, conseiller scientifique de la revue Zamane ;
Mohamed Tozy, politologue, écrivain et auteur entre autres de L’évolution du champ religieux marocain au défi de la mondialisation (2009) ;
Asma Lamrabet, auteure de nombreux ouvrages sur les femmes et le Coran, dont le plus récent Femmes et hommes dans le Coran : Quelle égalité ? (éd. Al Bouraq, 2012).

Débat animé par Youssef Aït Akdim, journaliste à Jeune Afrique, spécialiste du Maroc et de la Libye.

Quand :  Jeudi 19 mars 2015, à 18h30
 :  Institut du Monde Arabe, Paris : Salle du Haut Conseil, niveau 9
Combien : Entrée libre dans la limite des places disponibles

 

Pour en savoir plus : http://www.imarabe.org/

Djihadisme : l’islam n’est ni le problème ni la solution. Il faut reparler d’humanisme

Muslim pilgrims pray around the holy Kaaba at the Grand Mosque, during the annual haj pilgrimage

 

De quoi l’islam est-il aujourd’hui le nom ? Cette question agite les médias et les intellectuels des pays occidentaux. Interprétés au gré des convictions, les versets du Coran sont devenus l’argument de toutes les causes. Alors, peut-on compter sur un « bon islam » pour sortir de cette crise sociale et politique ? Non, affirme l’écrivaine Chahla Chafiq.

A la recherche du profil type des jeunes djihadistes, les experts se heurtent à des contradictions et zigzaguent au gré de l’actualité.

 

« Les loups solitaires »

Avant que les meurtres du 7 janvier ne mettent en scène les frères Kouachi et Amedy Coulibaly, le départ de jeunes français vers la Syrie avait révélé les visages surprenants de djihadistes, des Maximes devenus des Abou Abdallah al-Faransi, nés dans des familles qui ne sont ni immigrées ni musulmanes.

Ce choc aurait pu être salvateur en nous invitant à une analyse complexe des enjeux que pose l’idéologisation de toute religion dans notre monde hanté par une crise non seulement économique et sociale, mais aussi culturelle et politique. Les débats de l’époque n’incitaient pourtant qu’à remplacer d’anciens clichés stéréotypés par de nouveaux.

On a vu les regards se focaliser sur de jeunes djihadistes issus de familles « athées » qui s’ »auto-radicalisent » sur internet, le caractère virtuel du processus servant à omettre, en termes d’explication, la complexité du monde réel. Dans le même temps, l’émergence de l’image des « loups solitaires » gommait l’existence de groupes islamistes organisés, leurs stratégies et leurs moyens d’action.

L’attentat du 7 janvier nous a, hélas, replongé au cœur de cette réalité, sans pour autant amener à une prise de conscience claire quant à la dimension idéologico-politique des phénomènes auxquels nous confronte le djihadisme.

L’islam est-il coupable ou innocent ?

En se centrant sur le rôle de l’islam, les débats n’ont pas tardé à s’orienter vers les sentiers battus de la confrontation entre les défenseurs de l’islam et ses contestataires qui énumèrent, à tour de rôle et à leur guise, des versets du Coran.

En filigrane de ces controverses, se profile le duel entre ceux qui exposent l’islam comme une menace pour les valeurs démocratiques françaises et ceux qui brandissent le danger de l’ »islamophobie », de ces valeurs.

Une interrogation hante les uns et les autres : l’islam est-il coupable ou innocent ?

Cette manière d’aborder la question nous conduit fatalement à une confrontation binaire, stérile et sans issue. Ne devrait-on pas lui préférer une approche complexe, capable d’élucider le rapport entre l’islam et l’islamisme, tout en mettant fin à leur confusion ?

La question de l’islam et des femmes, largement débattue dans les médias, nous y invite. « L’islam est misogyne », disent certains, alors que d’autres inventent un « islam féministe ». Les premiers n’auront aucun mal à trouver dans le Coran des versets affirmant l’infériorisation des femmes ; et leurs opposants en trouveront d’autres pour nuancer ces affirmations.

« La polygamie est autorisée par le Coran », ajoutent les premiers ; et les seconds de leur préciser qu’elle ne peut s’appliquer qu’à une condition : l’égalité entre les épouses ; une telle égalité étant humainement impossible, d’autres ripostent déjà que cette condition, et donc le Coran, plaide pour l’abolition de la polygamie.

 

Une famille patriarcale classique

Face aux versets cautionnant la suprématie des hommes, les défenseurs d’une interprétation féministe du Coran soulignent ainsi les versets qui plaident pour la prise en compte des besoins des femmes et de leurs droits. La discussion tourne vite en rond, car, aussi paradoxal que cela puisse paraître, ces deux positions sont bel et bien présentes dans le Coran et, loin d’être contradictoires, constituent une vision cohérente de l’équité – et non de l’égalité – dans laquelle les droits différenciés des hommes et des femmes correspondent à des devoirs différenciés.

Aux femmes, le devoir de se soumettre aux hommes ; aux hommes, le devoir d’assurer les besoins des femmes et de toute la famille.

Pour les islamistes, ce schéma est d’ailleurs le comble de l’honneur et de l’amour à l’égard des femmes. La Loi islamique, la charia, donne corps à cette équité en dessinant une famille patriarcale dont les valeurs ne diffèrent guère des lois juives et chrétiennes. En effet, toute religion, dès lors qu’elle est institutionnalisée comme source de loi, au prétexte de l’intérêt supérieur de la famille, cautionne la hiérarchisation des sexes et la suprématie de l’homme (du père, du mari, du frère, du fils), au nom de l’ordre sacré.

Ce dernier se combine parfaitement à l’ordre politique autoritaire (du roi, du chef, du sage…) et s’y épanouit au nom de l’intérêt de la communauté. Or, cet intérêt est intrinsèquement en contradiction avec le projet démocratique basé sur l’égalité et la liberté des individus-citoyens.

C’est pourquoi l’imposition de la charia entre en contradiction avec toute volonté émancipatrice.

 

Une idéologie qui prône un ordre totalitaire

Les débats passionnés sur l’islam et les droits des femmes, sans cesse relancés depuis fin du 19e siècle, témoignent des tensions sociopolitiques et culturelles qui traversent le monde dit musulman où les avancées en termes de modernisation se produisent en l’absence de démocratie. Ainsi, l’accès des femmes à la scolarisation, au travail rémunéré et à l’espace public n’y va pas de pair avec la reconnaissance de leur autonomie, de leur liberté et de l’égalité des droits.

Ces droits sont refusés à la société tout entière pour préserver l’identité dite islamique de ces pays. Au nom de l’unité de l’oumma, on cautionne l’ordre autoritaire, on le renforce. Si les dictatures utilisent la religion pour se maintenir, l’islamisme va plus loin dans l’instrumentalisation de la religion : il en fait une idéologie qui prône un ordre totalitaire.

Dans l’instauration de l’ordre sacré, une voie dont il promet qu’elle sera faite de justice et d’équité, l’islamisme rejette en effet l’autonomie démocratique assimilée à une source de perversion et de corruption.

 

Instrumentalisation de l’identité religieuse

Que l’on soit dans la Tunisie post-révolutionnaire au cœur d’une bataille pour la démocratie, ou en France, au moment du vote des droits égalitaires pour les homosexuels, les islamistes, de toutes tendances, instrumentalisent l’identité religieuse en mobilisant la peur et les fantasmes quant au délitement de la famille, au désordre sexuel, au chaos moral. Ils attirent ainsi, dans leur camp, des hommes et des femmes que leur offre identitaire sécurise, tout comme le font les tenants des autres mouvements néoconservateurs fondés sur l’exacerbation des identités nationales, ethniques et religieuses (notamment chrétiennes et juives).

L’essor de l’islamisme, où qu’il ait lieu, renseigne surtout et avant tout sur l’état des rapports de force sociopolitiques autour de la démocratie et des failles qui menacent ses avancées. Une des manières de fermer les yeux sur ces failles consiste à chercher dans le « bon islam » une voie de sortie du djihadisme. Or, cette perspective du « tout religieux » croise les visées des islamistes et les nourrit.

Et si, au contraire, nous arrêtions de voir la religion à la fois comme l’unique source des problèmes et en même temps sa solution ? Et si nous cessions de jouer en faveur de tous les mouvements identitaires, extrémistes et anti-démocratiques ? Et si nous acceptions de nous confronter au vide politique creusé par le recul des repères humanistes et laïques ? Et si nous nous attaquions, vraiment, au développement multiforme des replis sexistes, racistes et antisémites ?

 

Par Chahla Chafiq

Écrivaine, sociologue

Pour en savoir plus : http://leplus.nouvelobs.com

L’Université Catholique de Louvain proposera dès avril un certificat en finance islamique

UnivLouvainBelgique

C’est un diplôme très spécifique destiné aux professionnels de la finance. L’objectif est de les familiariser avec un système appliqué dans de nombreuses institutions de pays musulmans, et avec lequel la finance traditionnelle est en interaction. C’est une sorte d’éthique de la finance à la mode coranique.

La finance islamique est un système mondial qui veut concilier économie de marché et concepts du coran. Investir, faire du profit, mais pas n’importe comment et pas à n’importe quel prix. « La finance islamique, nous explique Michel De Wolf (doyen de la Louvain School of Management), ne favorise par exemple pas les produits toxiques, l’ultra complexité dans les produits financiers dont on sait qu’ils ont fait quelques dégâts dans les banques traditionnelles en Occident ces dix dernières années. »

La finance islamique refuse par exemple la spéculation et l’intérêt, elle n’investit pas non plus dans les assurances, car se prémunir d’un risque, c’est aller contre la volonté de dieu.

Ce système brasse chaque année des centaines de milliards de dollars. Il y a donc clairement des occasions à saisir. « N’oubliez pas qu’un certain nombre de pays producteurs de pétrole sont des pays islamiques, qu’ils ont dégagé énormément de capitaux avec les revenus du pétrole… Et le résultat, c’est que ces revenus doivent être investis conformément à ses propres règles. Donc : que l’on soit, ici en Belgique, musulman ou non, tout le monde a intérêt à connaître les principes de la finance islamique. C’est une question de connaissance de l’autre et des opportunités que cet autre peut nous offrir. »

« Loin de nous de venir prôner les principes de la finance islamique comme étant, en eux-mêmes, des principes universels. » Il s’agit plutôt, poursuit Michel De Wolf, dans des contextes culturels différents, d’avoir des institutions adaptées et « de s’enrichir les uns les autres en partageant nos expériences et en réfléchissant parfois d’une manière plus éthique. Ce qui est indispensable dans des milieux où l’on brasse des capitaux de plus en plus importants. Découvrir et peut-être interpeller notre finance classique à la lumière de certains éléments intéressants de la finance islamique« , tel est l’objectif poursuivi par l’UCL avec cette formation.

Avec son certificat, l’UCL vise clairement les professionnels de la finance, les banquiers, avocats ou experts en fiscalité. Ouvrir les yeux, comprendre, échanger… Les premiers cours seront donnés au printemps.

Hugues Van Peel

Publié le jeudi 19 février 2015 à 14h47

Pour en savoir plus : http://www.rtbf.be

Halal, par-delà les fantasmes de la laïcité

LotfiBelHadj

« La question de la laïcité ne veut pas dire que tout le monde doit manger la même chose, mais qu’il faut respecter les orientations des uns et des autres. » C’est ainsi que Roland Ries, maire de Strasbourg, conçoit ce qui est propre à la laïcité sur la question des pratiques alimentaires. Après les événements tragiques du 7 au 9 janvier et les polémiques surmédiatisées sur l’islam, il est essentiel de faire un point sur cette prescription religieuse devenue un vrai phénomène de société et passée, en quelques années, de simple niche marketing à la caverne d’Ali Baba: le halal.

Le principe de la laïcité, avant de devenir cet outil politique alimentant de nombreuses polémiques, est un concept et une base juridique fondamentale dans notre République, qui implique l’impartialité et la neutralité de l’État à l’égard des confessions religieuses. Je persiste à dire que le halal, comme le casher, est compatible avec la laïcité. C’est une réalité que je m’attache à défendre en tant que républicain convaincu. L’idée est simple: il est possible de pratiquer sa religion sans nier ou biaiser son identité française et -plus important, même si cela m’attriste de constater que nous avons besoin de le mentionner- sans être en infraction avec les lois de notre pays.

Le halal, avant d’être « problématisé », voire même compris dans la perspective d’un enjeu sociétal, est sur le banc des accusés. Le sujet n’est pas maîtrisé. Preuve en est lors d’auditions sur le sujet au Sénat, où les élus confondent halal et casher et posent des questions qui attestent de leur méconnaissance totale du sujet. Mais peu importe, il demeure un instrument politique parfait. Connoté, sorti de son contexte, il suffit de l’agiter pour faire remonter les plus bas instincts et ainsi en jouer et faire valoir des intérêts qui dépassent ceux du simple citoyen.

Et pourtant, légitimer le halal, c’est en faire un allié de la laïcité. Sauf pour celles et ceux qui tentent d’emmener notre pays vers « une laïcité négative » au lieu de tendre vers « une laïcité d’intelligence » que Régis Debray appelle de ses vœux. Jean Baubérot, spécialiste de la sociologie des religions et fondateur de la sociologie de la laïcité, affirme qu’avec sa loi sur le port du voile, la France est « à la limite de ce qui est possible dans une société démocratique ». Légiférer sur le droit de manger ou non halal serait un dépassement de cette limite. « La laïcité, c’est, certes, la neutralité, mais c’est aussi la liberté », ajoute Thierry Rambaud, professeur agrégé de droit public à l’Université de Strasbourg et à Sciences Po Paris.

Accepter et légitimer le halal, aussi bien dans le discours que dans les actes, permettrait de sortir l’islam « des caves » pour qu’il se nourrisse et se pratique au grand jour, c’est-à-dire de manière transparente et sous un contrôle direct de la société civile (et non de celui du ministère de l’Intérieur, alimentant des craintes et remettant en question le pacte de confiance entre les Français de toute origine). Bâtir des lieux de culte appropriés, c’est donner un espace identifiable et identifié comme celui qui éduque les fidèles au grand jour. Contre l’islamisme radical, il faut une société qui puisse observer, juger, même s’indigner, mais dans le respect des règles démocratiques. Une mosquée financée avec les deniers du secteur d’activité lié au halal, c’est une mosquée dont le financement est tracé par l’Etat, et dont toutes les activités se pratiqueraient sans fantasmes quant à son opacité présumée.

Le halal doit devenir, au même titre que le casher, un des symboles de ce droit à l’indifférence que revendiquent nos compatriotes musulmans dans leur vie quotidienne comme dans l’exercice de leur culte. À ce titre, la normalisation du halal dans la société française témoignera d’une République apaisée, confiante en son avenir, en ses valeurs qui unissent tous nos compatriotes, et leur permettra de cultiver cet art français si singulier du vivre-ensemble. Et si, faute de halal, l’islam devait rester à la merci des discours islamophobes, comment pourrions-nous construire cette communauté de destins contre ce communautarisme qui bat son plein, de Neuilly-sur-Seine jusque dans le VIIe arrondissement? Oui, car c’est de là que part le communautarisme et non pas, comme on voudrait le faire croire, de ces « fameuses banlieues ».

Aussi, nous voyons beaucoup d’interrogations de la part de personnalités publiques comme de simples citoyens sur cette question: le halal financerait-il les djihadistes? Comme je l’écris dans mon dernier livre, La Bible du Halal (Editions du moment): « en réalité, les plus gros bénéficiaires de l’abattage rituel sont les industriels. (…) Des multinationales, de grandes sociétés ou simplement des PME, dont les profits sont traçables, généralement destinés à des actionnaires qui n’ont pas vraiment des têtes de djihadistes. Mieux, les sociétés, qui font leur beurre sur le halal, ont bien souvent pignon sur rue dans les marchés de l’agroalimentaire (Nestlé, Doux ou Labeyrie) et de la cosmétique (L’Oréal). Si l’argent du halal était destiné à la guerre sainte, les djihadistes d’aujourd’hui s’appelleraient Paul Bulcke, Liliane Bettencourt, Xavier Govare ou Charles Doux. »

Le secteur économique lié au halal est évalué au niveau mondial à 687 milliards de dollars, il connaît une croissance annuelle à deux chiffres et atteindra, selon les estimations, un montant de 2 000 milliards en 2023. La France, cinquième puissance économique mondiale, mais qui risque de se voir détrôner, empêtrée dans un chômage de masse et une croissance faible, devrait se saisir de ce secteur et y déployer toute son énergie, son ambition et ses compétences. Notre pays a une place à prendre et tout à gagner. Et le temps presse.

Le halal est une opportunité pour la France: générateur d’emplois et de clients à l’export. Un halal « made in France » implique des secteurs économiques déjà maîtrisés par les industriels de notre pays: agroalimentaire, cosmétique, tourisme et pharmaceutique pour ne citer que les principaux. Pour que notre pays puisse profiter davantage de cette opportunité, il ne faut pas l’opposer à la laïcité. On ne doit pas, comme le craignait déjà Jules Ferry, faire de cette dernière « une religion laïque ».

Publié par Lotfi Bel Hadj, essayiste, économiste de formation et entrepreneur

Pour en savoir plus : http://www.huffingtonpost.fr

Douai : musulmans, pourquoi ont-ils choisi d’étudier dans un établissement catholique ?

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Marwane Maaroufi et Amel Id Nhand sont de confession musulmane mais pourtant scolarisés depuis des années dans un établissement catholique, l’institution Saint-Jean à Douai. Comment leurs familles ont-elles vécu les événements de janvier ? Pourquoi étudier ici ? Que pensent-ils de Charlie Hebdo ?

Les attentats :

La sentence de Farid Id Nanhd, papa d’Amel (en 6e) et professeur de techno à Saint-Jean, est sans appel. «  Je me suis senti agressé. En tant que musulman, on essaye de représenter un modèle, on passe énormément de temps à montrer l’exemple. Et avec ça, on doit repasser du temps à dire que ce n’est pas ça, l’islam.  » Latifa Maaroufi, maman de Marwane, élève de 1ère S, abonde. «  J’ai eu du dégoût aussi. Du mépris pour ces gens qui se disent islamiques, alors que notre religion, au contraire, c’est une religion saine.  »

Pourquoi une école catholique ?

Latifa commence par parler ouverture d’esprit, mais convient qu’elle a d’abord scolarisé son fils ici en raison «  de la réputation de Saint-Jean. C’est une bonne école, les résultats sont là  ». L’enseignement catholique, «  c’est une richesse. il faut être ouvert d’esprit.  » Farid affine : «  En plus, on n’y enseigne pas seulement le catéchisme, ils ont des cours de culture religieuse tous les quinze jours. Et puis les cours de caté ne sont pas obligatoires. Par exemple, j’ai demandé que ma fille de maternelle n’y participe pas pour l’instant, parce qu’elle n’a pas d’équivalent pour la religion musulmane. Je voudrais qu’elle ait les deux visions.  » Le père de famille souligne aussi la « rigueur  » de Saint-Jean. «  C’est un sacrifice financier (200 € par mois environ pour deux enfants) mais je veux leur donner le meilleur. Si l’école républicaine répondait à toutes nos exigences, on aurait moins de raison d’aller dans le privé. En plus, ici, les projets sont très intéressants, avec plusieurs voyages à l’étranger à la clé.  »

Quels pratiquants ?

Farid : «  On fait le ramadan, les enfants aussi. Même si je leur demande ne pas le faire quand ils suivent certaines activités physiques. Sinon, ma fille mange à la cantine. S’il y a du poisson, tant mieux. S’il y a de la viande, elle n’en mange pas. On s’adapte.  » Latifa ne dit pas autre chose.

L’après-Charlie et la caricature :

Les deux parents regrettent les amalgames. Farid : «  On surexpose certaines personnes radicalisées. Ils parlent au nom des musulmans mais ils ne nous représentent pas. La plupart des musulmans n’aspirent qu’à vivre sereinement en France.  » Quid de l’esprit Charlie ? «  La caricature, c’est l’essence de Charlie, leur fonds de commerce. Ils le font pour tout le monde. Si on n’adhère pas, on n’achète pas, c’est tout. On est en France. On n’a pas à appliquer des règles qui ne sont pas d’ici. C’est le manque de connaissance et de culture qui font que certains basculent.  »

Pour en savoir plus : http://www.nordeclair.fr