Le terrorisme n’a pas de religion ! Jamel Debbouze

 

Où est Mahomet ?

SophieGherardi

Un numéro historique de Charlie Hebdo continue de s’arracher dans tous les kiosques de France. Historique est ici à prendre au sens littéral, dans lequel  l’histoire est ce mouvement qui transforme les hommes, les ensembles, les puissances. Cette histoire est-elle «pleine de bruit et de fureur, racontée par un idiot, et qui ne signifie rien», pour reprendre la tirade fameuse de Hamlet ? En tout cas, elle nous emmène tous quelque part où nous n’étions pas auparavant.

Ce vendredi 16 janvier, jour de prière pour les musulmans, des prêcheurs échauffés ont expliqué aux fidèles, de par le monde, que Charlie Hebdo, une fois encore, insultait le prophète sur sa Une. Les douze personnes massacrées le 7 janvier à l’hebdomadaire satirique pèsent peu, pour certains, face à une telle accusation. Et «la rue musulmane» a une fois de plus résonné de cris de colère contre l’Occident : des drapeaux français ont été brûlés, des instituts français incendiés, il y a eu au moins quatre morts au Niger, un photographe de l’AFP a été grièvement blessé au Pakistan.

Les intégristes ont une excuse : ils n’ont certainement pas regardé cette Une de peur d’y voir un sacrilège. S’ils osaient lever les yeux avant de lever le poing, que verraient-ils ? Un personnage en turban blanc, sur fond vert islam, la larme à l’œil et tenant une pancarte «Tout es pardonné». Où est Mahomet sur cette Une ? Rien ne dit que c’est lui. D’ailleurs on serait bien en peine de le reconnaître puisqu’il n’est jamais représenté, en tout cas dans la tradition musulmane sunnite –les Persans chiites, eux, l’ont longtemps fait figurer sur leurs exquises miniatures.

Nous sommes bien là devant un problème de représentations, sans mauvais jeu de mot. Les commentateurs de l’islam le plus rigoriste – par exemple le courant wahhabite – poussent l’interdit de la représentation de Dieu jusqu’à l’extrême : Dieu, inconnaissable, ne peut être représenté ; par transitivité, le Prophète Muhammad (Mahomet) non plus ; par extension la figure humaine non plus ; et jusqu’aux animaux, créatures de Dieu. Dans cette logique, la photographie et les vidéos, si prisées de ceux qui se proclament djihadistes, ne semblent pas très  halal. Mais le dessin est une technique très ancienne, qui existait déjà au VIIe siècle, époque à laquelle disent se référer certains «docteurs de la loi» (oulémas) pour faire valoir au XXIe siècle un iconoclasme inflexible (l’iconoclasme est la destruction des images assimilées aux idoles adorées par les païens).

Les représentations, l’Occident chrétien en a aussi. Et elles méritent tout autant d’être prises en considération, décryptées et même respectées que celles de l’Islam (avec une majuscule, pour parler de l’aire culturelle musulmane). Voilà ce qu’un œil français voir sur cette Une de Charlie Hebdo, réalisée avec un courage impressionnant par des gens épouvantés, endeuillés, parfois blessés quelques jours auparavant. Il y voit un message foncièrement fraternel. L’homme au turban blanc, un musulman standard selon les codes simplifiés du dessin de presse, loin de faire peur ou d’éloigner, rapproche par sa compassion : il pleure, et il pardonne.

Ce «Tout est pardonné» est une parole chrétienne. Il est impossible de l’ignorer, même si la miséricorde n’est pas une exclusivité chrétienne. Surgi sous le crayon de Luz dans le pire moment de souffrance, ce pardon montre que les caricaturistes, y compris les athées et les anticléricaux de Charlie Hebdo, appartiennent à cette culture chrétienne où l’injonction « pardonne à tes ennemis » est profondément inscrite dans les consciences – ou les inconscients. Là où beaucoup de musulmans, y compris en France, voient une provocation, la plupart des Français, et parmi eux des musulmans, voient un geste de réconciliation, une main tendue. Pardonner malgré notre propre colère, c’est ce qui nous est présenté comme la bonne chose à faire – tant dans l’éducation laïque que dans l’éducation religieuse.

Comme disait Catherine Nay sur Europe 1 ce samedi matin, les pays musulmans ne comprennent pas que nous ne comprenions pas ce qu’ils ressentent. De notre côté, nous ne comprenons pas qu’ils ne comprennent pas ce que nous ressentons. L’histoire est faite de ces moments. Dans notre intérêt à tous, il ne faut pas en sous-estimer le danger. En ce sens, la présence de hauts représentants musulmans ou de pays musulmans à Paris dans la marche des «Je suis Charlie», ne doit pas être ridiculisée ou minimisée. Le roi et la reine de Jordanie, les imams français ou le ministre des affaires étrangères turc, en défilant à Paris contre le terrorisme paré du nom d’Allah, ont pris, eux aussi, des risques.

Sophie Gherardi | le 17.01.2015 à 14:55
En savoir plus sur http://www.fait-religieux.com/monde/religions-1/ou-est-mahomet-#S2lwBhFoRFEFd3zP.99

 

Des intellectuels de confession musulmane appellent à une «révolution» dans l’islam

 DesMusulmansRéformesIslam

Pour Naser Khader, ancien membre du Parlement danois d’origine syrienne, «les islamistes radicaux sont les nazis de l’islam». Il estime que les musulmans sont à même de les combattre.

Ce dimanche, dans le New York Times, 23 intellectuels musulmans influents des États-Unis, du Canada et de Grande-Bretagne, soutenus par le Gatestone Institute, ont signé un appel vibrant à une «réforme de l’islam». «Que peuvent faire les musulmans pour se réapproprier leur “belle religion”», s’interrogent-ils, soulignant que les massacres, les décapitations et mutilations perpétrés par l’État islamique, les prises d’otages de jeunes filles innocentes orchestrées par Boko Haram ou la mise en esclavage de chrétiens en Irak sont autant de crimes menés au nom d’Allah. «Notre déni et notre silence relatif doivent cesser», écrivent ces personnalités.

«Nous devons nous engager dans la promotion de réformes quand nécessaire, y compris une réinterprétation honnête et critique des écritures et de la charia, utilisées par les islamistes pour justifier la violence et l’oppression.» «La théocratie est un échec prouvé», disent-ils encore. «Le chemin vers la justice et la réforme doit se faire à travers la liberté», ajoutent ces musulmans laïcs, dévoués à la cause de la démocratie. Un propos bien éloigné du discours généralement entendu dans le monde musulman, selon lequel l’islam n’a rien à voir avec les dérives terroristes de certains de ses membres.

Parmi les signataires, se trouve notamment Naser Khader, un ancien membre du Parlement danois, d’origine syrienne, qui y a créé une association «des démocrates musulmans» pendant la crise des caricatures de 2006. Aujourd’hui chercheur au Hudson Institute de Washington, Khader est bien placé pour mesurer la gravité du défi qui se pose à l’Occident et à l’ensemble du monde musulman. Il a été très actif après 2006 au Danemark pour défendre le point de vue des musulmans laïcs contre la domination médiatique des radicaux islamistes. «J’en avais marre de leur monopole sur ce que doit être l’islam, c’était toujours eux que les journalistes allaient interviewer dans les mosquées, mais nous, les musulmans laïcs, avons notre mot à dire.» Il connaissait très bien les journalistes de Charlie Hebdo pour avoir témoigné à leur procès et aussi reçu un prix de la laïcité de la Mairie de Paris, dans le jury duquel figuraient presque tous les journalistes de Charlie.

La démocratie doit venir avant la religion

«J’ai essayé de créer des ponts. Ce que j’ai toujours expliqué aux musulmans, c’est que les Danois n’aiment pas ceux qui haïssent la liberté. Mais si vous êtes pour la liberté, vous serez toujours bien accueilli. Le fossé n’est donc pas entre promusulmans et antimusulmans, mais entre démocrates et antidémocrates», affirme Khader. «La démocratie doit venir avant la religion comme principe organisateur de la société», ajoute cet homme qui reçoit régulièrement des menaces de mort.

Naser Khader sait que seulement 20 % des musulmans danois sont d’accord avec lui, selon un sondage réalisé il y a quelques années. Mais il insiste pour qu’«une bataille s’engage à l’intérieur de la maison islam» afin que prévalent ces idées. «Pour moi, les islamistes radicaux sont les nazis de l’islam. Les gens les mieux placés pour les combattre sont les musulmans, nous devons être en première ligne. Actuellement, mon camp est petit, de même que celui des extrémistes, et au milieu il y a 80 % de gens passifs et silencieux, qu’il faut convaincre de nous rejoindre pour mener cette révolution», analyse l’ancien député, soulignant que pas un religieux n’a signé son appel pour l’instant.

Naser Khader affirme qu’Obama et Hollande«n’aident pas» en répétant sans cesse que les terroristes n’ont rien à voir avec l’islam. «Je ne suis pas d’accord. C’est l’islam aussi. En refusant de le reconnaître, les Occidentaux ne nous rendent pas service, à nous les musulmans démocrates. Car comment se battre si on n’identifie pas clairement l’ennemi ?» Naser Khader se dit en revanche favorablement impressionné par les récentes déclarations du président égyptien al-Sissi qui a appelé à une révolution dans l’islam. «Il faut qu’il aille plus loin, dit-il. Qu’il explique qu’on ne peut continuer de tolérer que les juifs soient traités de singes et les chrétiens de cochons dans les mosquées égyptiennes.» «Il est très important que le pouvoir politique donne l’exemple, car les grands centres théologiques comme l’université al-Azar ne bougeront que s’ils se sentent soutenus», conclut Khader.

Pour en savoir plus : http://www.lefigaro.fr

« L’islam ne peut plus lutter contre l’invasion des images »

En 2010, Oleg Grabar, l’un des plus grands spécialistes de l’art islamique, revenait pour « Le Point » sur la question de la représentation dans la religion musulmane.

Mohamed-prophete-islam-oleg-grabar

Le roi couronné reçu par le Prophète, v. 1800, Iran. © The Art Archive / Ashmolean Museum / AFP PHOTO

 

Si le Coran reste évasif sur la question des images, pourquoi les premiers musulmans se sont-ils interdit la représentation des êtres vivants ? Réponse d’Oleg Grabar, décédé en 2011, qui fut l’un des plus grands spécialistes de l’art islamique.

Le Point : Pourquoi l’islam a-t-il interdit la reproduction des êtres vivants ? Est-ce par imitation du judaïsme ?

Oleg Grabar : L’influence du judaïsme a peut-être joué un rôle. Mais il faut surtout se replacer dans le contexte de l’époque. Il y avait, d’une part, les empires byzantin et perse qui affirmaient la gloire impériale par le biais de monnaies à l’effigie de l’empereur ou de palais somptueux édifiés en son honneur. D’autre part, le christianisme élevait de grands sanctuaires comme Sainte-Sophie à Constantinople ou le Saint-Sépulcre à Jérusalem. Ces édifices allaient devenir les microcosmes d’une vision chrétienne du monde, où l’image proclame les concepts fondamentaux du dogme. Certaines chroniques racontent d’ailleurs que lors de la construction de la coupole du Rocher, à Jérusalem en 692, on répondait à ceux qui se demandaient pourquoi on s’activait à un si bel ouvrage que c’était simplement pour faire concurrence au Saint-Sépulcre. Et il y a une quarantaine d’années, le cheikh Ahmad Muhammad Isa de l’université d’al-Azhar au Caire affirmait que les musulmans avaient rejeté les images plus par refus de s’engager dans les discussions très complexes d’un monde qui leur accordait désormais une importance excessive que pour des raisons doctrinales. Mais on ne peut nier que les premiers musulmans redoutaient l’idolâtrie, et qu’ils préféraient ne pas avoir d’images plutôt que de courir le risque de voir se développer un culte à leur égard.

Mais le Coran contient-il des indications précises sur ce sujet ?

Si certains passages du Coran abordent le problème de la représentation, aucun cependant ne l’interdit clairement. Une seule chose est certaine : les idoles y sont prohibées. Dans la sourate V, le verset 90 énonce clairement : « Ô vous qui croyez ! les boissons fermentées, les jeux de maysir, les pierres dressées et les flèches divinatoires sont seulement une souillure procédant de l’oeuvre du Démon. Évitez-la ! Peut-être serez-vous bienheureux. » Si, chez les chrétiens, le Christ et Dieu peuvent être représentés en un seul corps, chez les musulmans, en revanche, il est inconcevable d’essayer d’imaginer Dieu. Insaisissable par essence, il ne peut être représenté sous aucune forme que ce soit. Mais d’autres versets du Coran évoquent la représentation. Ainsi, aux versets 43-44 de la sourate III, Jésus façonne, avec de la boue, la forme d’un oiseau, à qui il donne vie par un miracle de Dieu. Et un peu plus loin, dans la sourate XXXIV, versets 11-12, il évoque la fabrication de statues : « À Salomon[nous soumîmes] le vent. Celui du matin soufflait un mois […] Parmi les djinns, il en était qui travaillaient à sa discrétion, avec la permission d’Allah. Quiconque, parmi eux, se serait écarté de Notre Ordre, nous lui aurions fait goûter aux tourments du Brasier. » Les versets 12-13 disent aussi : « Pour lui, ils faisaient ce qu’il voulait : des sanctuaires, des statues, des chaudrons [grands] comme des bassins, et des marmites stables. »

Ces versets ne semblent pas hostiles à la représentation…

Certes, mais ces deux Révélations ont pourtant été rapidement interprétées comme une condamnation des arts plastiques, de la peinture et de toute technique qui permettait la représentation de la réalité, car pour les exégètes, seul Dieu peut être Créateur et donner la vie. Un hadith célèbre, mais tardif stipulera même que tout artiste doit être châtié s’il ne peut donner vie à l’être qu’il a tenté de créer. Si les textes de la Révélation ne comportent nulle part une interdiction formelle, ces prises de position seront largement reprises au VIIIe siècle dans les hadiths, et bien plus tard, au XVIIIe siècle, par le wahhabisme.

Sans contestation ?

Il existe des Traditions du Prophète, qui sont autant d’exception à la règle générale. A’isha, par exemple, la plus jeune des épouses de Mahomet, possédait des tissus couverts d’images. De la même manière, on sait qu’il était permis de décorer les bains de pavements et d’images, que les représentations réalistes n’étaient pas prohibées, tant que les animaux étaient figurés sans têtes ou les têtes sans corps… De grands érudits comme, au Xe siècle, l’exégète Abu ‘Alî al-Fârisî ou, au XIIIe siècle, le théologien al-Qurtubî ont admis l’idée d’une prohibition des représentations, mais ils ont essayé d’introduire dans le débat une distinction entre celle de Dieu et les autres images.

Il existe pourtant des représentations de Mahomet…

En effet, mais elles sont très peu nombreuses. Les musulmans ont toujours évité de le représenter. Malgré tout, très rapidement, on le retrouve en illustré dans des textes, sans visage ou recouvert d’un voile qui dissimule ses traits. À mon sens, l’intransigeance sur ce sujet des fondamentalistes musulmans est parfaitement hypocrite. Mahomet est certes le Messager de Dieu, mais il n’en reste pas moins homme, et le croyant a besoin de se représenter les choses. Pour moi, la polémique sur la représentation du Prophète est inséparable du débat sur la représentation en général. Derrière certaines mosquées, notamment en Iran, les petites boutiques qui vendent des souvenirs religieux n’hésitent pas à proposer, par exemple, des images d’Alî. Et les familles se prennent en photo. L’islam ne peut plus lutter contre l’invasion des images par la photo, le film, la télévision ou l’Internet. Le monde change et la société s’adapte à son temps.

Vous évoquez les représentations d’Alî. Chiites et sunnites n’ont donc pas la même doctrine sur le problème de la représentation ?

Aujourd’hui, en Iran, Alî et Mahomet lui-même sont très souvent représentés, alors que dans les régions majoritairement sunnites, et particulièrement en Arabie saoudite, c’est impossible. Dans le chiisme, plus mystique et plus ésotérique, les choses et leurs représentations possèdent différents niveaux de sens, d’où une approche plus nuancée de la Tradition. Cela peut expliquer que, dès le XIe siècle, les souverains de la dynastie fatimide en Égypte n’aient pas hésité à multiplier les représentations.

Si l’image est interdite, comment évoquer les idées, les concepts ou même les sensations ?

L’art islamique a su contourner le problème. D’abord par la calligraphie. Dans l’art musulman, on remplace facilement une image par une lettre ou un mot. Et la calligraphie a pris d’autant plus d’importance qu’elle était un instrument stratégique pour le développement de l’islam. Dès le VIIIe siècle, avec l’expansion rapide de cette religion, il a fallu instaurer une unité afin que, de l’Andalousie jusqu’aux frontières de la Chine, il soit possible de lire le Coran en évitant les querelles et les hérésies. Au fil des siècles, différents styles calligraphiques ont acquis ainsi un statut canonique. Mais l’art a aussi utilisé un deuxième procédé, qui est la géométrie. La coupole du Rocher à Jérusalem, la mosquée d’Ibn Tulun au Caire, ou encore les mosaïques et les panneaux en plâtres de Khirbat al-Mafjar à Jéricho en offrent de superbes exemples. Mais l’apogée de son utilisation est atteint à mon avis au Xe et XIe siècle, avec l’apparition en Iran du « brick style », l’utilisation de briques de construction dans l’agencement de panneaux à la géométrie souvent extrêmement savante. C’est environ à la même époque d’ailleurs qu’apparaissent en Iran ainsi qu’en Irak des manuels de mathématiques qui décrivent les différentes combinaisons pour produire des formes. Peu à peu, la géométrie va ainsi devenir le moteur principal de la décoration des édifices islamiques.

Mais comment les dynasties persane et moghole vont-elles justifier l’art de la miniature et ses représentations, souvent très sensuelles ?

Elles n’ont ni souhaité ni eut véritablement besoin de se justifier. Aucune doctrine, d’ailleurs, n’a été élaborée sur l’art des miniatures. Je pense que ces princes aimaient les belles choses, c’est tout. À l’inverse de la chrétienté où l’art religieux a dominé jusqu’à la Renaissance, l’islam, en Perse ou en Inde notamment, a préféré très tôt l’art profane. Les princes moghols, qui ont régné en Asie centrale et dans le sous-continent du XVIe siècle au XIXe, étaient des Turcs d’Asie centrale qui n’avaient pas les mêmes préjugés que les peuples de la méditerranée en ce qui concerne les représentations.

L’architecture des mosquées varie beaucoup d’un pays à l’autre. Entend-elle, comme celle des églises chrétiennes, évoquer l’ordre du monde ?

Les premiers plans proviennent directement de la maison du Prophète à Médine, qui fut vers 650 sous le califat d’Uthmân, agrandie et transformée en mosquée. Une cour, des salles avec des colonnes : on ne sait finalement que très peu de choses de son architecture. Les chroniques de Tabarî et de Waqidi, notamment, racontent que c’est Al-Hajjaj, gouverneur d’Irak sous le califat d’Abd al-Malik, à la fin du VIIe siècle, qui aurait décrété qu’il fallait un espace pour que les musulmans puissent se retrouver et prier ensemble. Les plans qu’il aurait proposés et qui ont permis l’édification de la Coupole du Rocher à Jérusalem étaient cependant largement inspirés de la maison du Prophète. Mais le Coran lui-même ne précise à aucun moment la nécessité d’un lieu de culte, quel qu’il soit. Il indique seulement que le croyant fera sa prière à l’endroit où il est lorsque retentit l’appel à la prière. La mosquée évoquée dans le Coran n’est rien d’autre qu’un édifice administratif : c’est l’endroit où une fois par semaine, le vendredi à midi, le Prophète, puis plus tard le calife, réunit les hommes non seulement pour prier, mais aussi pour informer, décider des impôts et prendre des décisions collectives.

Oleg Grabar, décédé en 2011, était historien et archéologue, professeur émérite de l’Institute for Advanced Studies à Princeton. Il est l’auteur, entre autres, d’Images en terre d’Islam (RMN, 2009), La formation de l’art islamique (Flammarion, 1987), de Penser l’Art islamique. Une esthétique de l’ornement (Albin Michel, 1996) et de La peinture persane (PUF, 1999).

La place croissante de l’islam en banlieue

Coexister2

Voilà un constat qui va déranger. Dans les tours de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil (Seine-Saint-Denis), les deux villes emblématiques de la crise des banlieues depuis les émeutes de l’automne 2005, la République, ce principe collectif censé organiser la vie sociale, est un concept lointain. Ce qui « fait société » ? L’islam d’abord. Un islam du quotidien, familial, banal le plus souvent, qui fournit repères collectifs, morale individuelle, lien social, là où la République a multiplié les promesses sans les tenir.

La croyance religieuse plus structurante que la croyance républicaine, donc. Vingt-cinq ans après avoir publié une enquête référence sur la naissance de l’islam en France – intitulée Les Banlieues de l’islam (Seuil) -, le politologue Gilles Kepel, accompagné de cinq chercheurs, est retourné dans les cités populaires de Seine-Saint-Denis pour comprendre la crise des quartiers.

Six ans après les émeutes causées par la mort de deux adolescents, en octobre 2005, son équipe a partagé le thé dans les appartements des deux villes, accompagné les mères de famille à la sortie des écoles, rencontré les chefs d’entreprise, les enseignants, les élus, pour raconter le destin de cette « Banlieue de la République » – c’est le titre de l’enquête, complexe et passionnante, publiée par l’Institut Montaigne.

Le sentiment de mise à l’écart a favorisé une « intensification » des pratiques religieuses, constate Gilles Kepel. Les indices en sont multiples. Une fréquentation des mosquées beaucoup plus régulière – les deux villes (60 000 habitants au total) comptent une dizaine de mosquées, aux profils extrêmement variés, pouvant accueillir jusqu’à 12 000 fidèles. Une pratique du ramadan presque systématique pour les hommes. Une conception extensible du halal, enfin, qui instaure une frontière morale entre ce qui est interdit et ce qui est autorisé, ligne de fracture valable pour les choix les plus intimes jusqu’à la vie sociale.

Les chercheurs prennent l’exemple des cantines scolaires, très peu fréquentées à Clichy en particulier. Un problème de coût évidemment pour les familles les plus pauvres. Mais la raison fondamentale tient au respect du halal. Les premières générations d’immigrés y avaient inscrit leurs enfants, leur demandant simplement de ne pas manger de porc. Une partie de leurs enfants, devenus parents à leur tour, préfère éviter les cantines pour leur propre descendance parce que celles-ci ne proposent pas de halal. Un facteur d’éloignement préoccupant pour Gilles Kepel : « Apprendre à manger, ensemble, à la table de l’école est l’un des modes d’apprentissage de la convivialité future à la table de la République. »

Car le mouvement de « réislamisation culturelle » de la fin des années 1990 a été particulièrement marqué à Clichy et à Montfermeil. Sur les ruines causées par les trafics de drogue dure, dans un contexte d’effondrement du communisme municipal, face à la multiplication des incivilités et des violences, les missionnaires du Tabligh (le plus important mouvement piétiste de l’islam), en particulier, ont contribué à redonner un cadre collectif. Et participé à la lutte contre l’héroïne, dans les années 1990, là où la police avait échoué. Ce combat contre les drogues dures – remplacées en partie par les trafics de cannabis – a offert une « légitimité sociale, spirituelle et rédemptrice » à l’islam – même si la victoire contre l’héroïne est, en réalité, largement venue des politiques sanitaires.

L’islam a aussi et surtout fourni une « compensation » au sentiment d’indignité sociale, politique et économique. C’est la thèse centrale de Gilles Kepel, convaincu que cette « piété exacerbée » est un symptôme de la crise des banlieues, pas sa cause. Comme si l’islam s’était développé en l’absence de la République, plus qu’en opposition. Comme si les valeurs de l’islam avaient rempli le vide laissé par les valeurs républicaines.

Comment croire encore, en effet, en la République ? Plus qu’une recherche sur l’islam, l’étude de Gilles Kepel est une plongée dans les interstices et les failles des politiques publiques en direction des quartiers sensibles… Avec un bilan médiocre : le territoire souffre toujours d’une mise à l’écart durable, illustrée ces dernières semaines par l’épidémie de tuberculose, maladie d’un autre siècle, dans le quartier du Chêne-Pointu, à Clichy, ghetto de pauvres et d’immigrés face auquel les pouvoirs publics restent désarmés (Le Monde du 29 septembre). Illustrée depuis des années par un taux de chômage très élevé, un niveau de pauvreté sans équivalent en Ile-de-France et un échec scolaire massif.
Clichy-Montfermeil forme une société fragile, fragmentée, déstructurée. Où l’on compte des réussites individuelles parfois brillantes et des parcours de résilience exemplaires, mais où l’échec scolaire et l’orientation précoce vers l’enseignement professionnel sont la norme.

« Porteuse d’espoirs immenses,

l’école est pourtant aussi l’objet des ressentiments les plus profonds », constatent les chercheurs. Au point que « la figure la plus détestée par bon nombre de jeunes est celle de la conseillère d’orientation à la fin du collège – loin devant les policiers ».

Et pourtant, les pouvoirs publics n’ont pas ménagé leurs efforts. Des centaines de millions d’euros investis dans la rénovation urbaine pour détruire les tours les plus anciennes et reconstruire des quartiers entiers. Depuis deux ans, les grues ont poussé un peu partout et les chantiers se sont multipliés – invalidant les discours trop faciles sur l’abandon de l’Etat. Ici, une école reconstruite, là, un immeuble dégradé transformé en résidence. Un commissariat neuf, aussi, dont la construction a été plébiscitée par les habitants – parce qu’il incarnait l’espoir d’une politique de sécurité de proximité.
Le problème, montre Gilles Kepel, c’est que l’Etat bâtisseur ne suffit pas. Les tours ont été rasées pour certaines, rénovées pour d’autres, mais l’Etat social, lui, reste insuffisant. La politique de l’emploi, incohérente, ne permet pas de raccrocher les wagons de chômeurs. Les transports publics restent notoirement insuffisants et empêchent la jeunesse des deux villes de profiter de la dynamique économique du reste de la Seine-Saint-Denis. Plus délicat encore, la prise en charge des jeunes enfants n’est pas adaptée, en particulier pour les familles débarquant d’Afrique subsaharienne et élevés avec des modèles culturels très éloignés des pratiques occidentales.

Que faire alors ? Réorienter les politiques publiques vers l’éducation, la petite enfance, d’abord, pour donner à la jeunesse de quoi s’intégrer économiquement et socialement. Faire confiance, ensuite, aux élites locales de la diversité en leur permettant d’accéder aux responsabilités pour avoir, demain, des maires, des députés, des hauts fonctionnaires musulmans et républicains. Car, dans ce tableau sombre, le chercheur perçoit l’éveil d’une classe moyenne, de chefs d’entreprise, de jeunes diplômés, de militants associatifs, désireuse de peser dans la vie publique, soucieuse de concilier identité musulmane et appartenance républicaine.

Par Luc Bronner

Pour en savoir plus : http://www.fait-religieux.com

Attaques terroristes: La laïcité et le fait religieux restent sous-abordés à l’école

Fait-Religieux-Enseignement

A l’école Louis-Aragon de Pantin, un élève travaille sur la charte de la laïcité, le 9 décembre 2014. – EREZ LICHTFELD/SIPA

Eviter les amalgames, promouvoir à nouveau la laïcité, contrer les réactions hostiles face aux hommages aux victimes… Quelques jours après les attaques terroristes qui ont endeuillé la France, la ministre de l’Education, Najat Vallaud-Belkacem, a consulté ce lundi matin les syndicats de l’éducation et les fédérations de parents pour «préparer une mobilisation renforcée de l’école pour les valeurs de la République». L’occasion de discuter aussi de la manière d’aborder la laïcité et le fait religieux à l’école.

Car pour l’heure, ces questions semblent sous-traitées dans les établissements. Les élèves du primaire bénéficient d’une instruction morale et civique à l’école, où les différentes religions et la laïcité ne sont que survolées. Au collège, les élèves suivent aussi un enseignement d’éducation civique par leurs professeurs d’histoire-géographie et au lycée, un enseignement d’éducation civique, juridique et sociale est généralement dispensé par les mêmes enseignants. La laïcité fait partie du programme, mais elle n’est souvent abordée qu’en coup de vent. «Par ailleurs, ces heures servent souvent de variables d’ajustement aux enseignants pour finir d’aborder le programme. Et au bac, cet enseignement n’est pas évalué, ce qui le fragilise», explique Pierre Kahn, professeur en sciences de l’éducation à l’université de Caen Basse-Normandie.

«La méconnaissance est source de haine»

Idem concernant le fait religieux. «Depuis 1996, il est introduit par le biais d’autres disciplines (littérature, art et histoire) au collège et au lycée, mais il ne fait pas l’objet d’un enseignement spécifique», souligne Clémentine Vivarelli, docteur en sociologie spécialiste de la laïcité à l’école. Conséquence selon elle: «On n’aborde pas les religions dans leur dimension contemporaine (les faits religieux dans l’actualité, les pratiques religieuses…) et on reste sur des discours stéréotypés que ne s’approprient pas les élèves». Ces derniers manquent ainsi d’outils pour comprendre les différentes religions, ce qui peut entraîner des conflits confessionnels entre eux. Et lorsqu’ils sont interrogés sur le sujet par leurs élèves, certains enseignants préfèrent parfois botter en touche que de risquer d’attirer les foudres des parents d’élèves et de leurs parents.

Pour la chercheuse, il serait pourtant nécessaire «d’aborder le fait religieux de manière critique, distanciée, scientifique car la méconnaissance est source de haine». Des associations interviennent parfois dans certains établissements pour aborder la lutte contre les discriminations et l’identité religieuse. «Mais ces initiatives sont trop rares», souligne Clémentine Vivarelli. En novembre, la sénatrice EELV Esther Benbassa et son collègue de l’UMP Jean-René Lecerf avaient d’ailleurs proposé que le fait religieux soit enseigné dès l’école primaire. De son côté, Pierre Kahn estime aussi qu’il faudrait «renforcer la formation des enseignants afin de les aider à mieux aborder le fait religieux à l’école et de pouvoir désamorcer certains conflits entre les élèves».

A la rentrée 2015, les choses devraient cependant commencer à changer car un nouvel enseignement moral et civique sera initié dans les classes du primaire jusqu’au lycée et dans toutes les sections.A la tête du groupe d’experts chargés de concevoir ces programmes, Pierre Kahn estime qu’ils permettront de mieux aborder la laïcité et la manière dont les religions peuvent coexister dans l’espace public.

Publié par Delphine Bancaud – Créé le 12/01/2015 à 19h58 – Mis à jour le 12/01/2015 à 21h27

Pour en savoir plus : http://www.20minutes.fr

 

Divisions, pièges à cons

« Croire que la folie d’une poignée est la croyance de tous. Ne tombons pas dans le piège qui nous est tendu », affirment ensemble personnalités et mouvements interreligieux, interculturels, anti-islamophobie, qui lancent cet appel à l’unité, à la solidarité et à la liberté.

 

MinuteSilenceLycéeAverroès

 

Minute de silence au lycée musulman Avérroès le 8 janvier 2015

 

La France est fracturée. Elle saigne : bleu, blanc, rouge. Il y a eu 12 morts. Le mal est fait, la République est à terre, bafouée et elle voit rouge. Le lien social est menacé, le vivre ensemble dynamité. Le loup est dans la bergerie, oui le loup est vraiment dans la bergerie. S’attaquer à la rédaction d’un journal et s’en prendre à la liberté fondamentale d’expression est une chose ; créer la division, semer le doute, briser la cohésion d’une République et de ses valeurs en est une autre.

Aujourd’hui, les discours sont au recueillement et à l’union nationale, demain certains seront à la haine et à l’exclusion. Ils le sont déjà. A ne pas s’y tromper, le véritable piège devant lequel nous nous trouvons est bien celui de la division. Celui du repli sur soi et de la dénonciation de l’autre. La véritable victoire du terrorisme est de… terroriser. Leur but est de nous faire désigner un ennemi en France, un coupable dans notre communauté, un danger dans la nation.

Alors que faire ? Fuir ? Trouver un nouveau pays, accueillant, où il fait bon vivre ensemble ? Ou plutôt baisser la tête en attendant que ça passe et attendre des jours meilleurs ? Ils viendront sans aucun doute. Nan je sais, et si on passait au karcher la racaille musulmane qui infeste nos cités ? Qu’on permette à chacun de s’armer et ils verront de quel bois on se chauffe ! Si l’intégrisme est indéniablement responsable du massacre, le carnage qui nous guette est bien celui de l’amalgame. Croire que la folie d’une poignée est la croyance de tous. Ne tombons pas dans le piège qui nous est tendu.

« Engagez-vous qu’ils disaient, engagez-vous »

Alors que faire ? « Vous qui vivez en toute quiétude, bien au chaud dans vos maisons », cette réponse vous appartient. L’indignation et l’émotion sont légitimes mais ne suffisent pas. Oui, chacun doit prendre sa part de douleur dans la conscience collective. Mais abandonner, pire, trahir ce qu’est la France, serait la victoire des terroristes et des désespérants. Agir pour la construire, l’esquisser, la dessiner est notre responsabilité collective et durable. Plus question de se cacher, de s’exclure du collectif meurtri. Ce combat est le vôtre, le nôtre et il est décisif. C’est maintenant.

Ce combat n’appartient pas au gouvernement, il n’appartient pas à l’opposition. Il n’appartient pas aux associations ou aux instances religieuses. Il n’appartient pas aux chrétiens, aux musulmans, aux juifs, aux athées ou aux agnostiques. Ce combat est celui du citoyen. C’est un combat rapproché, de proximité, qui ne promet que du « sang, de la sueur et des larmes », une lutte à mort contre un ennemi invisible. Ce combat est celui de la coexistence active : refuser la peur et l’extrémisme, respecter les différences de l’autre et les utiliser comme autant de forces et de richesses pour  promouvoir les principes et les valeurs qui forment notre unité républicaine.

Sortons de nos maisons, sur nos paliers, levons les yeux quelques secondes de nos écrans. Ce combat se gagne par un sourire, une attention, une écoute, une connaissance de l’autre et une action avec lui. Il se gagne par le respect mutuel de la différence, par la fraternité, par la sensibilisation des plus jeunes dès l’école – le cœur de notre République – aux différences religieuses et culturelles. Dès aujourd’hui, élevons nous contre les attaques physiques ou verbales contre toute une collectivité, la communauté musulmane de France, désignée à tort comme responsable.

Les terroristes ont voulu mettre la France à genoux. Adressons-leur, à notre tour, un message. Nous sommes là debouts, solidaires et unis. Prêts à agir pour l’unité et la liberté en France.

 

Premiers signataires

Samir Akacha, président de l’Association méditerranée des cultures d’islam pour la jeunesse (AMCIJ)
Kevin Andre, chercheur à l’ESSEC et président de Kawaa
Guy Aurenche, avocat
Mohamed Bajrafil, enseignant, imam de la mosquée d’Ivry-sur-Seine
Stephen Berkowitz, rabbin, Mouvement juif libéral de France
Abdallah Deliouah, enseignant, imam de la mosquée de Valence
Christian Delorme, prêtre du diocèse de Lyon
Jean Delumeau, historien
Rokhaya Diallo, membre du bureau du réseau européen contre le racisme
Nabil Ennasri, écrivain, doctorant, président du CMF (Collectif des musulmans de France)
Véronique Fayet, présidente du Secours Catholique
Samuel Grzybowski, président de Coexister, le mouvement interreligieux des jeunes
Kamal Hachkar, cinéaste
Samia Hatroubi, professeur d’Histoire, présidente Foundation for Etnic Understanding
Monique Hebrard, journaliste
Amadou Ka, président de l’association Les Indivisibles
Rivon Krygier, rabbin, Adath Shalom
Omero Marongiu-Perria, sociologue, spécialiste de l’islam en France
Médine, rappeur
Ahmed Miktar, président des Imams de France
Elsa Ray, porte parole du CCIF (Collectif Contre l’Islamophobie en France)
Jean-Pierre Rosa, intellectuel chrétien
Anas Saghrouni, président des Étudiants musulmans de France (EMF)
Ilan Scialom, leader juif membre de l’InterFaith Tour
François Soulage, président de Chrétiens en forum

Pour en savoir plus : http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/080115/divisions-pieges-cons

Attentats à Charlie Hebdo : Immense tristesse et grande impuissance

7Janvier2014AttentatsCharlieHebdo

 

Immense tristesse et grande impuissance devant les événements d’hier à Paris.

Que faire contre cette violence extrême ? Ré-agir fermement certainement. Tenter de comprendre, aussi, comment on peut en arriver là.

Que c’est-il passé dans notre pays et dans notre monde depuis près de 30 ans ? Quels dérèglements géopolitiques sont survenus pour que deux hommes viennent abattre froidement des journalistes en plein travail ?

Quelles responsabilités des gouvernements de notre monde qui laissent deux hommes accéder à une barbarie sans nom dans leurs actes ?

Le plan vigipirate est activé. Mais le risque zéro n’existe pas. Le monde entier est pris par la menace d’un attentat inattendu (mais qui attend un attentat ?).

Les gouvernements mettent en place de précaires pansements sur un mal profond qui mettra des années voir des siècles à guérir.

La place dans les sociétés « modernes » de nombreux jeunes et moins jeunes restent à définir. Quelle place pour les pays moins riche que les « nôtres » ? Quelle place pour ceux qui viennent de ces pays, eux-mêmes ou leur parents, voir grands-parents ?

Quelles relations entre nos pays ? Entre les habitants de notre planète ?

Comment imaginer des sociétés, une société mondiale où les différences sont des atouts, ou chacun peut travailler, prier, aimer, partir en vacances, réfléchir, discuter, avoir des amis, un logement ???

Si nous ne sommes pas capables de réfléchir et de mettre en oeuvre ce monde, alors nous allons dans le mur. Et nous ne serons jamais en « sécurité », puisque l’Autre sera toujours en guerre pour avoir ce à quoi il a droit : une vie digne !

Hommes et femmes de bonne volonté, travaillons ensemble à un monde plus juste où chacun et chacune est reconnu pour ses qualités propres et non par la couleur de sa peau ou le nom de sa religion.

Notre responsabilité est de travailler dans notre quotidien à ouvrir nos coeurs pour accueillir celui qui ne pense pas comme moi, celui qui ne dit pas sa foi comme moi, celui qui vient d’ailleurs.

Enrichissons-nous de nos différences ou nous mourrons.

Publié par Marie DAVIENNE – KANNI le jeudi 8 janvier à 10h39

Islam is love

« Islam is love » : 8 reportages pour comprendre l’islam

 

8 vidéos pour montrer la complexité du monde musulman et de mettre en avant les aspects peu médiatisés (et pacifiques !) de l’islam.

 

[Replay 28′] La Tribune publie chaque jour des extraits issus de l’émission « 28 minutes », diffusée sur Arte. Aujourd’hui, « islam is love » !

 

Novembre 2014. Nous sommes à la rédaction de 28′, en pleine préparation d’une nouvelle émission consacrée à l’État islamique et au chaos qu’il fait régner en Irak et en Syrie. Dans notre recherche d’images pour illustrer l’émission du soir, une vidéo de propagande de Daesh fait tilt. On y voit des pelleteuses, puis des barbus détruire une mosquée. L’image des engins qui s’acharnent sur un dôme ne nous fait pas grand chose. En revanche, en voyant ces hommes pénétrer un lieu sacré et défoncer un autel à coup de pied, de bottes, les bras nous en tombent…

Attendez un peu ! Ces hommes qui prétendent vouloir instaurer un califat musulman, qui donc agissent au nom d’une religion, l’islam, sont en train de détruire une mosquée ?

Mais alors… De quoi parlent-ils ? Quel croyant détruit son lieu de culte ? On a tous déjà entendus parler des iconoclastes qui détruisaient les icônes chrétiennes au Moyen-Âge byzantin, mais l’État islamique, à nos yeux, va plus loin. Il anéantit ce qu’il défend. Et nous, médias, parlons de ces intégristes comme des représentants de l’islam. Il n’en est rien. Ctte question donc : c’est quoi l’islam ? Le vrai islam ?

Nous sommes partis rencontrer des religieux, des artistes, des chercheurs, des journalistes pour qu’ils nous parlent de leur religion (ou pas). Ils nous ont emmenés à Cordoue, en Indonésie, en Algérie, en Iran, à Médine. Ils nous ont parlés de tolérance, de paix, de spiritualité, de poésie, de sexe. Nous voulions qu’ils nous montrent le revers caché de la médaille… Et devinez ! Sur cette face, une inscription : islam is love !

 

Il était une fois Cordoue…

24 septembre 2014. L’assassinat d’Hervé Gourdel par des djihadistes dans les montagnes kabyles réveille chez les Algériens les vieux démons de la « décennie noire ».

17 septembre 2014. Une semaine avant ce meurtre, le ministre des Affaires religieuses algérien, Mohammed Aïssa, avait appelé, dans un grand entretien à « El Watan », à « retrouver une pratique modérée de l’islam ». Nommé le 5 mai 2014, il veut « dépoussiérer [leur] islam ancestral ». Car « chaque fois qu’il y a eu égarement, cela a donné lieu à l’extrémisme », constate-il.

Cet entretien devient dès lors un appel inédit qui résonne dans la société algérienne. Pourtant, Mohammed Aïssa se défend d’avoir un discours nouveau ou de rupture. Au contraire, il en appelle à un islam historique : il veut « réconcilier les Algériens avec l’islam authentique ».

« Nous avons oublié que nous appartenons à une civilisation qui a jailli de Cordoue (…). L’Algérie avait accueilli ceux qui ont été harcelés par l’inquisition en Espagne et qui sont venus avec leurs arts, leur savoir-faire, leur réflexion et leur philosophie. C’est ça l’Algérie qui a été contrainte à oublier ses jalons et ses repères. Comment faire en sorte de renouer avec l’islam de Cordoue ? » continue-t-il.

« L’islam de Cordoue ». L’expression a retenu notre attention.

La civilisation dont il parle est celle qui a émané du califat de Cordoue, en Andalousie. Fondé en 929, le califat connaît son apogée vers les années 960 avant de s’effondrer en 1031. Quelques décennies qui restent une période historique à part. Une période où, dans le sud de l’Espagne actuelle, cohabitent pacifiquement musulmans, chrétiens et juifs dans un saisissant foisonnement intellectuel, culturel et artistique. C’est l’époque du philosophe musulman Averroès et du philosophe juif Maïmonide… Cette civilisation, c’est au sein d’un califat qu’elle s’est épanouie.

C’est donc à l’islam de cette époque que Mohammed Aïssa veut que l’Algérie revienne…

Mais qu’est-ce que c’est que cet islam ? Un islam modéré et tolérant ? Une parenthèse close dans l’histoire des musulmans ? Un mythe ? Un idéal ? Une réalité ?

Pour en savoir plus, nous avons posé la question au journaliste et écrivain algérien Kamel Daoud, au calligraphe Hafid El Mehdaoui, au cheikh Bentounès et à l’artiste plasticien Rachid Koraïchi.

 

 

 

Femmes : deuxième sexe, premier islam

Il y a quelques semaines, nous avons reçu sur le plateau Mehran Tamadon, réalisateur téméraire qui s’est entretenu tout un week-end avec des mollahs iraniens. Sur la question du rapport homme-femme, leur point de vue est flippant : « l’homme est faible et la femme un virus. » Merci messieurs. Cette fois encore, nous nous sommes demandés si le revers de la médaille islamique ne pourrait pas nous apporter quelques surprises, du moins un peu de mesure… Pourquoi le monde masculin musulman a-t-il peur du deuxième sexe ?

Éléments de réponse avec Amira Yahyaoui, blogueuse tunisienne, Chahla Chafiq, sociologue iranienne, Elisabeth Inandiak, journaliste installée en Indonésie et le Cheikh Bentounès.

 

 

Le calligraphe

Hafid El Mehdaoui a quitté l’Algérie avec sa famille en 1994 alors que la « décennie noire » faisait rage. Jeune adolescent, il rejette l’islam qu’il avait connu alors : un islam violent et radical.

Parallèlement, Hafid maintient en vie les liens avec sa culture d’origine par la calligraphie. Enfant, elle ornait les murs de sa maison. Peu à peu, il s’y est intéressé, s’y est essayé. Et il y a découvert la spiritualité musulmane : un message pacifique et prônant l’amour.

Son parcours et son art nous ont intéressé.

 

L’Indonésie diverse mais unie

« Moi Jokowi, appartient à l’islam rahmatan lil alamin, l’islam porteur de paix et non de haine. »

Saviez-vous que Barack Obama avait un frère caché en Indonésie ? Air de ressemblance et air de changement qui flotte sur l’Indonésie depuis l’élection de Joko Widodo, le 22 juillet 2014.

« Je n’appartiens pas à cet islam arrogant qui dégaine son épée de ses mains et de sa bouche ».

Qu’on se le dise : l’islam n’est pas incompatible avec la démocratie ! Et c’est le plus grand pays musulman du monde qui nous le montre. Elisabeth D. Inandiak et Le cheikh Bentounès nous y emmènent.

 

 

Le monde des soufis

Une fois nos recherches lancées, un mot a vite émergé : « Soufisme ». Difficile de mêler amour et islam sans parler de soufisme.

Pas facile non plus de définir ce qu’est le soufisme. Ce serait à la fois « le coeur de l’islam », son essence, une « pratique spirituelle intérieure » et en même temps une philosophie bien plus ancienne, une lumière qui nous viendrait de la nuit des temps…

Pour résumer, un islam transmis de génération en génération depuis Mahomet jusqu’à nous, grâce à des confréries et à leurs guides, les cheikhs. Ou des cheikha d’ailleurs ! Une des plus importantes confréries soufies de Turquie (où la culture soufie est très présente) est dirigée depuis des années par une femme, la cheikha Nur.

Le soufi centre sa vie autour d’une pratique intérieure de l’islam et de la recherche de la vérité. Une vérité propre à chacun et universelle en même temps… Bref, le soufi respire.

 

 

L’islam en vers

Nous vous proposons une interlude poétique avant de retourner dans le vif du sujet.

Laissez-vous porter par la voix d’Abd Al Malik qui rappe l’amour, puis découvrez quelques vers du grand poète soufi Rumi, lu par Rachid Koraïchi. Poète d’aujourd’hui et poète historique pour des paroles intemporelles.

 

 

C’est quoi le djihad ?

Abd Al Malik et le cheikh Bentounès nous proposent leur définition du djihad… Et pas besoin d’aller en Syrie.

 

 

 

Let’s talk about sex !

Et le sexe dans tout ça ? Alors que le prêtre doit montrer son amour pour Dieu par sa chasteté, l’imam peut, quant à lui, profiter pleinement de sa vie sexuelle.

Malek Chebel, anthropologue des religions, a beaucoup travaillé sur l’érotisme dans l’islam et dans le monde arabe. « L’islam est la religion de toutes les gourmandises », nous a-t-il dit. Première nouvelle ! Forcément, on a voulu en savoir plus….

 

Pour en savoir plus : http://www.latribune.fr

La radicalisation religieuse, exutoire des frustrations arabes et occidentales

Beyrouth – L’irruption spectaculaire du groupe État islamique et l’incroyable attrait que représente la cause jihadiste dans un Occident désabusé illustrent la place centrale qu’occupent les religions dans la géopolitique mondiale.
 Combattants-kurdes-se-rassemblent-dans-une-rue-de-la-ville-de-kobane-assiegee-par-des-membres-du-groupe-etat-islamique-le-7-novembre-2014
Des combattants kurdes se rassemblent dans une rue de la ville de Kobané, assiégée par des membres du groupe Etat islamique, le 7 novembre 2014 – afp.com/Ahmed Deeb

 

Après des décennies de dictatures paralysantes, le Moyen-Orient, berceau des trois religions monothéistes, a vécu de nouveaux bouleversements stupéfiants en 2014, mais les résultats du Printemps arabe restent maigres.

S’ajoutant aux énormes frustrations nées de l’impasse sur la question palestinienne, du développement économique anémique et de la corruption endémique, les espoirs déçus du nationalisme arabe ont favorisé dans la région l’incroyable montée d’un projet islamiste qui affirme être capable d’offrir une autre voie.

Le vrai tournant a été l’invasion américaine de l’Irak en 2003. « Elle a exacerbé la ligne de fracture confessionnelle (entre chiites et sunnites), placé l’Iran comme acteur majeur dans le monde arabe et suscité un fort sentiment de vulnérabilité chez les sunnites au Levant« , estime Raphaël Lefèvre, chercheur au Carnegie Middle East Center.

« La montée de l’EI, du Front al-Nosra et d’autres groupes extrémistes sunnites ne peut être perçue qu’à la lumière de cette vulnérabilité« , dit-il, en citant le poids militaire du chiite Hezbollah au Liban et en Syrie, la répression d’une révolte largement sunnite en Syrie par un régime dominé par les Alaouites, et le comportement discriminatoire en Irak du pouvoir chiite.

L’ascension fulgurante de l’islamisme a été favorisée par l’échec du nationalisme arabe, qui voulait transcender les religions mais qui s’est incarné dans des régimes laïques autoritaires. L’échec des guerres contre Israël ainsi qu’une situation économique désastreuse ont finalement eu raison de cette idéologie.

« Ensuite, les accords (de paix) d’Oslo en 1993 (signés entre l’OLP et Israël) ont causé un choc car on ne pouvait plus combattre pour la cause palestinienne. Il n’y avait plus de cause, ce qui explique cet attrait pour l’islamisme« , explique Nayla Tabbara, professeur de sciences des religions à l’Université Saint Joseph de Beyrouth.

– Fuite des chrétiens d’Orient –

La radicalisation islamique a eu des conséquences désastreuses sur la présence deux fois millénaire des chrétiens en Orient, notamment après la prise par l’EI de la ville irakienne de Mossoul, où ils vivaient depuis l’Antiquité.

« Il y a une grande peur et une grande incompréhension des chrétiens au Liban et dans les pays alentours. Ceci les pousse à la fuite« , assure Mme Tabbara.

Selon l’expert français Fabrice Balanche, au moins 700.000 à 800.000 chrétiens ont quitté l’Égypte, la Syrie et l’Irak depuis 2011.

La religion, qui a toujours été une importante force socio-culturelle au Moyen-Orient, a également gagné du terrain en Israël et chez les Palestiniens.

« Il y a incontestablement une radicalisation et un durcissement, mais qui sont moins religieux à proprement parler que nationalistes« , assure à l’AFP l’historien israélien Zeev Sternhell.

« La religion est au service d’un nationalisme dur et colonisateur à outrance; elle a aujourd’hui un caractère fanatique inconnu dans le passé. Religion et nationalisme vont de pair« , précise-t-il.

Quant à la cause palestinienne, assure Mme Tabbara, qui préside également Adyan, une plate-forme de dialogue interreligieux basée au Liban, « l’islam politique l’a récupérée en insistant sur le sentiment d’injustice généralisée non seulement de la part d’Israël mais de la communauté internationale« .

– Besoin du sacré –

Mais la nouveauté radicale est la force d’attraction que représente l’organisation Etat islamique en Occident. Selon une étude récente, près de 15.000 combattants étrangers ont rejoint ce groupe en Syrie, dont 20% d’Occidentaux.

« Parce que ces jeunes y trouvent ce que nos sociétés n’offrent plus, le frisson lié au combat pour une cause qui leur fait croire qu’ils ont un pouvoir sans limite, un pouvoir divin« , explique à l’AFP l’anthropologue et psychologue Scott Atran, directeur de recherche au CNRS français et professeur adjoint à l’université du Michigan (Etats-Unis). « C’est glorieux et aventureux. Le sentiment de pouvoir changer le monde est très attirant« .

« Il faut donner un sens à sa vie, on a besoin du sacré. Comme cela n’existe plus en Occident, on va le chercher là où il est très apparent. Il y a aussi une quête de communauté et de fraternité. C’est ce sentiment qui pousse les jeunes à entrer dans ces mouvements« , précise Nayla Tabbara.

Par AFP, publié le

Pour en savoir plus : http://www.lexpress.fr