Discrimination religieuse au travail : le Rapporteur spécial pour des aménagements raisonnables

Timor-leste-mosque-UN-Photo-Martine-Perret-

Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté des cultes, Heiner Bielefeldt a présenté vendredi 24 octobre un rapport sur les pratiques religieuses au travail, proposant de développer le concept d’aménagements raisonnables sur le lieu de travail.

Lors d’une conférence de presse à New York, il a expliqué que ce qui l’avait poussé à porter son attention sur ce sujet était le cas d’un professeur de piano, juif orthodoxe, qui avait refusé de surveiller des examens le samedi, jour de shabbat, et avait été renvoyée de son emploi pour cette raison.

Le Rapporteur spécial a dit que la discrimination religieuse au travail est une question souvent négligée, alors que la plupart des gens passaient la majorité de leur temps au travail.

De nombreuses formes de discrimination religieuse existent sur le lieu de travail, a-t-il ajouté,  de manière directe ou indirecte,  comme par exemple les règles concernant la tenue vestimentaire ou les jours de congés.

Le Rapporteur spécial propose donc de mettre en place des aménagements raisonnables sur le lieu de travail, pour permettre aux personnes de pratiquer leur religion, mais avec des limites, afin que cela ne porte atteinte ni à la viabilité économique de l’entreprise, ni à la liberté des autres employés.  Il a insisté sur le fait que le respect des droits de l’homme était un préalable essentiel et que les requêtes au nom de la liberté de culte, devaient parfois être rejetées car contraires au respect des droits de l’homme.

Cependant, d’après Heiner Bielefeldt, le concept d’aménagements raisonnables est un moyen d’assurer l’équité, dans le respect de la diversité culturelle et de garantir la liberté de culte. Il a expliqué que ce concept était déjà une obligation légale dans le cas des personnes vivant avec un handicap.

Pour en savoir plus : http://www.unmultimedia.org

Les Français pour l’interdiction des signes religieux ostensibles au travail

La rédaction | le 21.10.2014 à 14:16

Selon une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc), « aujourd’hui 81 % des Français adhèrent à l’interdiction du port visible de tout signe d’appartenance religieuse comme par exemple le voile, la kippa, la croix dans les entreprises ». Cette opinion a fortement évolué ces dernières années : en 2005, moins d’un Français sur deux (49 %) soutenait cette idée. Le rapport explique cette évolution par « des crispations à l’égard de la place de l’islam » et les débats autour du procès lié au licenciement d’une employée de crèche qui avait refusé de retirer son foulard sur son lieu de travail (affaire Baby-Loup).

De la même manière, d’après cette étude réalisée à la demande de la Direction générale de la cohésion sociale et intitulée « Le modèle social à l’épreuve de la crise », une proportion grandissante des sondés est attachée à ce que la religion soit cantonnée à la sphère privée. 67 % d’entre eux demandent par exemple que les pouvoirs publics veillent « avant tout, à ce que les croyances et les pratiques religieuses des individus ne soient pas visibles dans les espaces publics plutôt qu’à protéger la liberté des croyances et des pratiques religieuses (32 %) ».

Au total, 93 % des Français sont d’accord avec l’idée que « les religions peuvent créer des tensions au sein de la société ». Une idée qui traverse l’ensemble du corps social, y compris les personnes ayant la foi. L’apport positif des religions via la transmission de valeurs et de repères est moins net dans l’esprit des Français (69 %).

Plus globalement, la perception de la diversité ne fait pas consensus : selon l’étude, pour 55 % des Français « la diversité des cultures et des origines est une richesse pour notre pays », alors que pour 44 %, celle-ci « rend difficile la vie en commun ».

Une ligne de partage divise, d’un côté, « des publics plutôt jeunes, urbains, diplômés qui voient la diversité plutôt comme une richesse » et, de l’autre, « des personnes peu diplômées, séniors, habitants de zone rurale qui l’appréhendent comme une difficulté ». La perception « tient davantage aux attitudes en matière de tolérance en général (racisme déclaré, souhait d’intégration des immigrés) qu’à la proximité de vie avec les quartiers dits « sensibles » », souligne l’étude, basée sur l’enquête « Conditions de vie et Aspirations des Français », réalisée deux fois par an depuis 1978 et qui porte, à chaque vague, sur un échantillon de 2000 personnes de 18 ans et plus, enquêtées en face à face.

L’étude intégrale du Credoc

Pour en savoir plus : http://fait-religieux.com

EDF : sept critères pour gérer le fait religieux

Par MORGANE REMY – Publié le

Le ramadan a commencé lundi 1er août. Une pratique religieuse qui ne concerne qu’une partie des salariés des usines. Chez EDF, pour répondre de façon uniformisée aux différentes situations, a été mise en place une grille de critères dédiés aux managers. Explications de Catherine Delpirou, directrice de la reconnaissance et vie au travail d’EDF.

L’Usine Nouvelle – Vous avez établi une liste de critères pour gérer le fait religieux. En quoi consiste ce système ?
Catherine Delpirou – Il s’agit de trouver une réponse adaptée dans l’intérêt de l’entreprise et le respect de l’individu. Ainsi, le guide  « Repères sur le fait religieux… » , après le rappel des textes légaux, prend en compte 7 critères: la sécurité, la sûreté des installations, l’hygiène, les aptitudes professionnelles nécessaires, l’organisation du travail, la protection contre le prosélytisme et le respect des intérêts commerciaux de l’entreprise. A partir de ces critères, le manager de terrain peut se poser les bonnes questions pour valider ou refuser la demande d’aménagement du travail d’un salarié pour des raisons religieuses. Et ce, selon qu’elle va ou non à l’encontre de l’un de ces critères. Par exemple, il peut s’assurer que les repas du restaurant d’entreprise  ou les distributeurs de sandwichs proposent toujours du poisson et des plats végétariens, ce qui permet à tous les salariés de pratiquer leur religion.

Comment avez-vous établi ces critères ?

Nous avons travaillé en collaboration avec l’association Cultes et Cultures consulting, spécialisée sur cette question des enjeux de diversité. Et surtout, nous avons pris pour point de départ les questions posées par des managers et des DRH, souvent démunis face aux pratiques religieuses. Nous avons ainsi proposé un outil qui permet d’aborder le sujet par la situation de travail. Il prend en compte la grande variété de nos métiers. Ce dispositif permet à l’entreprise de ne pas rentrer dans le débat religieux.

Concrètement, la gestion du fait religieux –  le ramadan notamment –  est-elle plus difficile dans l’industrie qu’ailleurs ?
Grâce à notre outil, nous nous intéressons aux problèmes concrets. Et ce sont les questions de sécurité qui prennent une dimension plus importante sur nos sites ou dans nos activités industrielles. Ainsi dans « Repères sur le fait religieux », nous citons un exemple, qui s’est posé dans notre filière EDF Energy au Royaume-Uni : le turban. Si un salarié en porte un et doit se rendre dans une usine où le port de casque est obligatoire, il devra alors l’enlever, car il y a ici un enjeu de sécurité.

http://www.usinenouvelle.com

Comment manager le fait religieux en entreprise ?

Matthieu Stricot et Fabien Leone – publié le 18/04/2014

3831_crucifix-travail_440x260

Des congés pour motifs religieux sont-ils vraiment des congés comme les autres ? Les managers peuvent-ils traiter la religion comme tout autre sujet ? Lors du colloque sur la laïcité organisé par le Centre d’étude du fait religieux contemporain (Cefrelco), à Paris début avril, des professionnels ont témoigné sur leur gestion du fait religieux en entreprise. Compte-rendu.

La neutralité religieuse n’existe pas dans le droit du travail qui régit les entreprises privées. Par conséquent, la liberté religieuse doit prévaloir. Mais comment concilier travail et religion ? De nombreux professionnels préfèrent apporter des réponses au cas par cas.

«Nous étions d’abord favorables à la création de salles de prières. Nous avons changé d’avis après consultation des délégués du personnel. Les 480 votants ont tous voté pour l’application de la laïcité», assure Jean-Luc Petithuguenin, P-DG de Paprec Group.

Pourtant, l’entreprise leader du recyclage en France se veut championne de la diversité. «Dès le premier jour, nous avons décidé que nous lutterions contre le racisme et l’antisémitisme», déclare le P-DG. Paprec Group emploie 4 000 employés de 56 nationalités différentes, diplômés comme non-diplômés.

Pourquoi appliquer une laïcité stricte dans ce cas ? «Nous ne sommes ni antireligieux ni contre l’islam. Par mes origines huguenotes, je suis attaché à la liberté religieuse. Mais je considère que la laïcité est la protection des croyants modérés. Par exemple, j’ai 200 employées musulmanes d’origine maghrébine. Plusieurs m’ont dit qu’elles étaient contre le port du voile dans l’entreprise, car elle n’en portent pas personnellement et n’ont pas envie d’être discriminée en tant que mauvaise musulmane».

« Le voile n’est pas un problème »

Cette vision est loin d’être partagée par Francine Blanche, membre de la direction confédérale de la CGT : «Il ne faut pas créer un problème là où il n’y en a pas. Il y a quelques dizaines d’années, les femmes se baladaient avec un couvre-chef dans la rue et des religieuses en tenue couverte exerçaient dans les hôpitaux sans que cela ne perturbe l’équilibre psychologique des patients. Dans l’affaire de Baby Loup, on en a fait toute une histoire. On sait pourtant que la majorité des femmes exerçant dans l’aide à la personne en Ile-de-France sont d’origine musulmane. Qu’elles soient voilées ou pas, le travail est un moyen d’émancipation.» La syndicaliste reste très dubitative sur la conception d’une charte dans une entreprise : «Il faut appliquer le droit existant et examiner les situations au cas par cas», estime-t-elle.

« Il y a toujours eu des méchouis partagés »

C’est ce que tente d’accomplir Pierre Coppey, président de Vinci Autoroute. «Un jour, je venais de faire signer un contrat à une femme. Elle m’a tout de suite dit qu’elle viendrait avec son voile. Je ne pouvais pas m’y opposer. Ça s’est très bien passé ». Chez Vinci Autoroutes, de nombreux salariés sont musulmans. La pratique religieuse et la tradition ne posent pas de problèmes sur les chantiers : « Il y a toujours eu des méchouis et des festins partagés. La pratique religieuse se régule à la base.»

Les seuls problèmes relèvent du prosélytisme : «Si dans les vestiaires d’un chantier, cinq salafistes font du prosélytisme dans un groupe de quinze ouvriers, c’est la révolution. Là, le chef d’équipe doit intervenir.»

De manière générale, Pierre Coppey estime qu’ «on fait porter aux entreprises beaucoup de responsabilités en matière d’intégration».

La liberté religieuse d’abord

Ces questions relevant du domaine politique ne sont pas faciles à appliquer pour les managers. «Il y a une confusion entre laïcité et sécularisation. Le principe de neutralité n’existe pas dans le droit du travail. C’est la liberté religieuse qui prévaut», estime Hicham Benaïssa, consultant Diversité à la fondation Agir contre l’exclusion. Le doctorant à l’École pratique des hautes études dans le groupe Sociétés religions, laïcités a mené pendant quatre ans une enquête auprès de managers et de salariés. Il a remarqué que certaines entreprises ne veulent pas entendre parler de diversité religieuse.

Pourtant, la Charte de la diversité de 2004 contient 18 critères dont l’appartenance religieuse. Hicham Benaïssa pointe des effets secondaires dans la promotion de la diversité : «J’ai rencontré Samir, un jeune employé recruté grâce aux critères de diversité. Il ne comprenait pas pourquoi il devrait gommer ce pour quoi il avait été recruté. » Pour le chercheur, «les entreprises sont coincées entre deux discours : la diversité et la laïcité ».

Pour en savoir plus : http://www.lemondedesreligions.fr