Le management interculturel, une boussole pour le temps présent

Le management interculturel, c’est la mise en commun de nos savoirs et nos savoir-faire dans l’entreprise et les organisations, pour valoriser les spécificités de chacun, accroître la créativité et préparer l’avenir de nos enfants sans porter atteinte au potentiel de la planète.

canstockphotoDiversitéCulturelle

Une difficulté dans certaines entreprises : la perte de sens ressentie par les collaborateurs

Nos entreprises tentent en permanence de répondre aux attentes des consommateurs, quitte à faire naître parfois des besoins un peu artificiels. Mais, ce faisant, elles épousent également l’air du temps, et nous renseignent sur les caractéristiques humaines et le flou qui marque aujourd’hui la différence entre attentes et besoins. Ainsi pendant des siècles, les hommes ont utilisé une boussole pour se déplacer. Une boussole indique le sens… Aujourd’hui la boussole est remplacée par le GPS, un système hautement perfectionné qui équipe notamment nombre de nos voitures. Avec cet équipement chacun sait s’il faut tourner à droite ou à gauche au prochain carrefour… sans savoir vraiment pourquoi. Et beaucoup d’entre nous avouent, arrivés à destination, qu’ils ne savent pas vraiment très bien par où « le GPS les a fait passer »… Ainsi le passage de la boussole au GPS  traduit bien une évolution de notre époque : la perte de sens dissimulée derrière un progrès technique. Il nous faut, dans un monde en complète mutation, retrouver une boussole qui assure l’essentiel : le sens. Quel est le sens de notre évolution actuelle, vers quelle société nous dirigeons-nous ?

 

Le management interculturel pour retrouver le sens

Le management interculturel est un de ces outils, à condition de le replacer dans son cadre essentiel, au premier sens du terme : valoriser la diversité des regards que les hommes portent sur le monde. Il ne s’agit pas simplement de comprendre la diversité des cultures du monde, il s’agit aussi de permettre à l’entreprise de retrouver toute sa raison d’être : valoriser les talents de chacun.
Depuis trente ans le management interculturel a cherché sa propre voie, de façon très empirique : comment comprendre l’autre, si étrange qu’il est nommé « l’étranger »… Des chercheurs, souvent d’Europe du Nord, se fondant sur des enquêtes menées dans de grands groupes industriels, ont proposé des classifications de cultures assimilées à des nationalités : une culture japonaise, une culture italienne, une culture nord-américaine, suédoise… Il y avait même deux cultures allemandes à l’époque… Cet énorme travail a permis l’émergence du concept de management interculturel.
Puis le monde s’est mis à bouger : la guerre froide est un souvenir, l’Europe s’est structurée, la Chine s’est réveillée, toutes les cartes  sont rebattues… Le grand vent de la concurrence s’est mis à souffler et il a fallu revoir tous nos présupposés : non, l’innovation n’est pas un privilège occidental, non, les Asiatiques ne sont pas seulement des copieurs obéissants, non l’Amérique latine n’est pas vouée à être une terre de dictateurs…et, plus douloureux, l’Occident n’a pas vocation à diriger le monde éternellement !
Dans ce contexte, une étude commanditée par Les Echos Etudes a permis de cerner les nouvelles lignes de force du management interculturel d’aujourd’hui. On y repère les traces du temps qui passe et laisse de profondes ornières dont les entreprises doivent sortir pour retrouver le sens de leur action aux yeux de leurs collaborateurs.

 

Dans les organisations, plusieurs types de management interculturel.

Plusieurs types de management interculturel sont aujourd’hui repérables dans les organisations, qui correspondent assez largement à des étapes successives de la pensée managériale, incarnées par des générations différentes de managers :
Ceux qui privilégient l’histoire longue. Ils sont rares dans les entreprises et ils n’ont jamais perdu de vue que le management interculturel était une obligation liée à la nécessité de faire vivre ensemble une humanité marquée par la diversité. La Ville de Belfort en est une illustration particulièrement éclairante. Les organisations devraient aujourd’hui réintégrer l’histoire longue dans leur stratégie, mais la mode est au court terme !

Ceux qui ont structuré leur pensée sur fond de guerre froide et de domination de l’Occident. Ils sont aujourd’hui à la peine : ce sont les plus nombreux. Le management interculturel construit comme une modalité de transfert – contrôlé – des savoirs occidentaux au reste du monde semble aujourd’hui obsolète, mais les paradigmes alternatifs sont encore très flous.  Le discours sur le management interculturel est alors hésitant, prudent, contrôlé, sur contrôlé et parfois… tu ! Des entreprises autrefois en pointe sur ces sujets se retrouvent aujourd’hui en retrait, comme dépassées par une réalité qui bouge plus vite que leur doctrine officielle. On retrouve des phénomènes de ce type dans des business schools ou dans de grands groupes installés à l’international de très longue date.

Ceux qui plongent dans la mondialisation aujourd’hui, sans expérience ni présupposés, construisent leur management interculturel comme une clé de compréhension du monde. Il s’agit de se doter d’un nouvel outil de lecture de la réalité du monde, intégrant les savoir-faire spécifiques de chacun. L’Insead, mais aussi les groupes Safran, GDFSuez, ou d’autres, illustrent cette génération du XXIème siècle où la coopération nécessaire entre les hommes impose une vision horizontale du monde, où chacun apporte son expérience, ses savoir-faire, et parfois plus encore son savoir-être. Il n’y a plus de vision dominante, il n’y a plus d’asymétrie dans les rapports de force, il y a recherche permanente des combinaisons optimales de personnalités et les notions de culture et de nationalité ne sont plus systématiquement associées.

Il est particulièrement instructif de regarder de près cette dernière démarche, car elle est porteuse d’enseignements très utiles pour un développement de nos entreprises. Elle montre, de façon encore imprécise, que ce développement peut se faire à travers la valorisation des savoirs de chacun, et non par une simple augmentation de la productivité des équipes obtenue par des dispositifs rationalisants. L’augmentation de productivité serait alors le résultat d’une mise en synergie des  savoirs spécifiques à chaque culture, un effet induit par une meilleure compréhension de ce que l’Autre est capable d’apporter à la collectivité… Le monde contemporain nous suggère ainsi une redéfinition du management interculturel. C’est une démarche à la fois exigeante et simple.

 

Une démarche exigeante

Exigeante car elle demande d’oublier les époques et les modèles classant les hommes et les cultures d’un plus vers un moins. Exigeante car elle présuppose de reconnaître un génie propre à chaque contexte, à chaque situation. Exigeante car elle oblige à une redéfinition de la culture qui donne aux hommes la possibilité de changer : le cadre chinois d’aujourd’hui est bien loin du cadre chinois d’il y a vingt ans, et pourtant il n’a pas cessé d’être chinois ! Puisque la culture change sans que les nationalités changent, alors cessons de lire les cultures à travers les nationalités ! Rude changement d’habitude, mais qui simplifie beaucoup le regard, et finalement le concept même de management interculturel : et si la culture peut être lue à travers les contextes, et non les nationalités, le changement de contexte devient une des composantes du management interculturel.

 

Mais une démarche simple !

Une démarche simple car en découplant les notions de culture et de nationalité, elle ouvre le champ culturel sur l’évolution des hommes, ici et partout. Simple car les questions intergénérationnelles peuvent être abordées avec le même regard. Simple car le management de la diversité et le management interculturel sont alors confondus dans une même approche. Les cultures deviennent un des aspects de la diversité qu’il convient de valoriser. Les entreprises commencent à convenir que la mixité hommes/femmes, par exemple, apporte un surcroît de créativité dans l’entreprise. Il s’agit là d’une notion liée au management de la diversité. Mais les nouvelles approches de la culture nous disent que les cultures masculines et les cultures féminines ne sont pas identiques, et que leur combinaison donne une créativité nouvelle aux organisations : il s’agit là d’une notion liée au management interculturel ! Le management intergénérationnel peut subir le même traitement. Le management interculturel est une façon de gérer la diversité des hommes, en y intégrant sans cesse les éléments nouveaux :

Le management interculturel prépare les hommes à gérer les incertitudes, dit l’une des participantes à cette enquête.

Grâce au management interculturel, adapter en permanence pour redonner du sens.

Cette enquête dessine ainsi le nouveau management interculturel : une méthode pour comprendre que chaque contexte permet aux hommes qui y sont confrontés de découvrir de nouvelles façons de faire, une nouvelle créativité. Il n’y a plus de « cultures efficaces » et de « cultures inefficaces », de « cultures rationnelles » ou de « cultures irrationnelles » comme Descartes avait réussi à nous en convaincre : il n’y a plus que des solutions adaptées à des contextes spécifiques. Comprendre les contextes, c’est comprendre les hommes. Faire vivre ensemble des hommes venus de contextes différents, c’est s’assurer une adaptabilité maximale à des équipes, c’est garantir l’efficacité de l’entreprise en redonnant du sens à l’action collective.

Clair MICHALON, consultant, cabinet CILO (Communication Interculturelle et Logiques Sociales)
Pour approfondir cette approche, voir  l’étude Management interculturel, publiée en avril 2012 par Les Echos Etudes , réalisée par Clair Michalon,  qui présente,  analyse et tire les enseignements opérationnels de pratiques exemplaires d’entreprises  et d’organisations inspirantes sur ce sujet.

En savoir plus sur : http://archives.lesechos.fr/archives/cercle/2012/05/11/cercle_46759.htm#EeE5kcVQmeqboL4c.99

LES ECHOS ETUDES |

 

Lien pour marque-pages : Permaliens.

Les commentaires sont fermés