Casino démine la question de l’apparence physique

A travers un guide managérial ultrapédagogique, Casino entend déconstruire les stéréotypes et vaincre les préjugés sur l’apparence. Témoignages d’Yves Desjacques, DRH de Casino, et de Mansour Zoberi, directeur de la diversité

 

Casino-demine-la-question-de-l-apparence-physique

Chaque jour, des remarques désobligeantes liées à l’apparence d’autrui fusent dans l’entreprise. « C’est une blonde » – sous entendue idiote -, « il est tatoué » – donc marginal et difficilement gérable -, « elle est obèse » – donc molle, etc. Formulées à la machine à café ou au détour d’un couloir, si ces jugements à l’emporte-pièce n’ont pas d’impact direct sur les carrières, « leur banalisation nuit au bien-vivre ensemble », lâche Yves Desjacques, directeur des ressources humaines de Casino. « Nous n’avons pas enregistré de réclamations liées à l’apparence physique », précise Mansour Zoberi, directeur de la promotion de la diversité et de la solidarité du groupe, « mais cela ne signifie pas que le sujet n’existe pas ».

Impact sur la carrière

Garant d’une politique de promotion de la diversité et de l’égalité des chances assumée et réaffirmée, le DRH estime qu’il est de sa responsabilité de rappeler le cadre de la loi et le nécessaire respect dû à chaque collaborateur : « De la même façon qu’il est interdit de voler, les propos jugés hors jeu, discriminatoires, les plaisanteries déplacées doivent être pointés et si besoin sanctionnés. »

Si ce guide managérial contient une « to do list » à destination des managers aux prises avec un recrutement délicat, leur rappelant notamment les formulations à éviter, la vocation de cet opus est plus large. « Ce livret répond à la juste perception de tous les salariés, conscients que leurs caractéristiques propres (poids, taille, physique, style vestimentaire, etc.) ont une incidence sur leur évolution professionnelle », révèle Yves Desjacques. A l’appui de ses dires, une enquête interne, menée auprès de 500 collaborateurs, qui a recensé toutes les situations vécues et intériorisées. Surprise, un problème d’acné, de dentition ou une dégradation physique est perçu comme une embûche potentielle à leur évaluation. « Par groupes de travail – qui ont associé collaborateurs, correspondants diversité, managers et experts d’IMS Entreprendre pour la Cité -, nous avons donc arbitré entre les sujets que nous allions développer dans le guide et le vocabulaire que nous allions choisir », précise Mansour Zoberi.

Illustré par le dessinateur Chéreau, le guide s’attarde ainsi longuement sur la définition des termes stéréotype et préjugé et liste les plus courants : la beauté assimilée à l’intelligence, le handicap associé à la lenteur, le poids trahissant un manque de volonté, etc. A l’aide de quelques chiffres, il démontre l’impact concret de ces discriminations. Exemple avec les femmes obèses, moins souvent recrutées que les autres, assignées à des tâches subalternes et subissant une « pénalité » salariale de 15 %. Mêmes conséquences pour les personnes jugées « laides ». « Les stéréotypes fonctionnent comme des filtres psychiques qui conduisent à négliger toute information contraire », insiste le livret qui cherche à éveiller les consciences.

Distribué actuellement aux 5.000 managers du groupe, à charge pour eux de le commenter en réunion d’équipe, ce guide, sans équivalent, tombe à pic. « Avec la crise, le risque d’un relâchement sur les enjeux de la diversité ne doit pas être sous-estimé », constate Matthieu Riché, directeur de la RSE. Les chiffres du Défenseur des droits le confirment : lorsque les temps se font plus durs, les bonnes intentions en termes d’égalité reculent. « La promotion d’un management bienveillant nous a semblé nécessaire, car lorsque le stress augmente, la motivation baisse, c’est mécanique », observe Yves Desjacques.

Rappeler page après page que le collaborateur ne doit être apprécié qu’à travers ses seules aptitudes professionnelles présentait toutefois un risque, celui de surligner les manquements quotidiens des managers. Un argument qu’Yves Desjacques balaye d’un revers de main : « Il ne s’agit pas de pointer les déficiences managériales mais de faire comprendre que de l’apparence – autant que l’origine, le sexe, le handicap, l’orientation sexuelle ou les convictions religieuses – ne doivent en aucun cas filtrer le jugement. »

À noter
Casino n’en est pas à son coup d’essai sur les guides didactiques. Après « Gérer la diversité religieuse en entreprise » (2010), et « L’orientation sexuelle et l’identité de genre » (2013), le groupe a publié à strict usage interne « Promotion de la diversité » (2014).

En savoir plus sur http://business.lesechos.fr/directions-ressources-humaines/0203999425667-casino-demine-la-question-de-l-apparence-physique-106274.php?YU0rHFi2R6Udytag.99