La religion conduit les gens à prendre plus de risques

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Lorsqu’il s’agit de dompter des pulsions destructrices, parier sur Dieu est peut-être la meilleure chose à faire. Demandez simplement à ceux qui se sont tournés vers les Alcooliques Anonymes. Les fameuses 12 étapes des AA sont indéniablement spirituelles et encouragent les membres à abandonner leur sort à une puissance supérieure, en échange de la force de pouvoir surmonter leurs démons. Les AA restent le programme le plus utilisé au monde pour guérir d’une addiction.

L’approche fondée sur la foi n’est pas une coïncidence. Des études ont démontré qu’intensifier une pratique spirituelle pouvait mener à la diminution de la consommation d’alcool et que les adolescents qui pratiquent une religion régulièrement ont plus de chance d’éviter les comportements à risque comme la cigarette, les rapports sexuels non-protégés, les drogues et l’alcool.

Mais ce ne sont pas les seuls risques que les gens peuvent prendre.

Dans une nouvelle étude publiée dans Psychological Science, des chercheurs de l’université de Stanford ont découvert que le fait de croire en Dieu pouvait en réalité avoir l’effet opposé: la foi en une puissance supérieure peut encourager les gens à prendre des risques plus grands.

La distinction clé est la nature du risque. En examinant les études précédentes, les chercheurs ont réalisé que la plupart des comportements à risque observés (boire, parier, fumer) ont tendance à avoir une dimension morale.

«Penser à Dieu pousse les individus à se détourner des choses immorales de manière plus générale», m’a expliqué Daniella Kupor, diplômée de l’école de commerce de l’université de Stanford et auteure principale de l’étude.

«Nous nous sommes demandés si, lorsqu’il s’agissait de risques sans connotations morales,  penser à Dieu pouvait amener les gens à se sentir protégés et en sécurité, et donc rendre ces personnes plus disposées à prendre des risques.»

Et c’est vraisemblablement le cas. Dans le cadre de cette étude, Daniella Kupor et ses co-auteurs ont interrogé près de 900 participants et ont trouvé qu’ils étaient plus susceptibles d’envisager des activités risquées (comme sauter en parachute, faire du vélo sans casque, ou faire des avances romantiques audacieuses) après avoir lu des mots ou des extraits de textes relatifs au Divin. Après avoir lu une liste de textes religieux ou de mots comme «Dieu» ou «divin», les participants qui ont dû choisir entre un comportement sans risque et un comportement risqué avaient plus de chances d’opter pour le second.

Les chercheurs ont attribué cette découverte à la façon dont les participants voient Dieu. Pour ces personnes, il n’est pas un Dieu en colère, de feu et de souffre, ni le membre d’un panthéon polythéiste, mais plutôt une source de protection divine. Ce n’est pas très surprenant: la plupart des participants de l’étude ont signalé appartenir à une foi judéo-chrétienne, ce qui signifie qu’ils ont une vision similaire du tout-puissant. Comme un gilet pare-balles, ou la plume magique qui permet à Dumbo de voler, ils font confiance à ce talisman protecteur pour les accompagner au travers du danger.

Dans l’un des questionnaires, il a été demandé aux participants s’ils acceptaient de regarder une «couleur extrêmement vive» qui pouvait potentiellement abîmer leurs yeux en échange d’une petite prime. Plus de 95% des personnes qui avaient lu des références bibliques ont choisi de regarder cette couleur contre 84% pour les autres. Une autre étude démontre que ceux qui ont reçu des «rappels» de Dieu étaient plus enclins à considérer la pratique de sports extrêmes, comme le saut en parachute. Après tout, pourquoi ne pas sauter d’un avion quand vous savez que Dieu est là pour vous protéger, ou au moins vous envoyer au paradis si vous ne réussissez pas?

Les chercheurs ont pu avoir un plus grand aperçu de la relation à Dieu des participants quand ils ont testé ce qu’il se passait lorsqu’une prise de risque finissait mal. Dans l’une des expériences, les participants ont pris part à un exercice qui était truqué de telle sorte à ce qu’ils perdent constamment de l’argent. Dans un sondage réalisé a postériori, ils ont affirmé se sentir plutôt mal face à leur supposé protecteur divin. Comme si vous faisiez un exercice de confiance où l’on ferme les yeux et se laisse tomber en arrière en espérant que quelqu’un vous rattrape et que cette personne vous laisse tomber. Et il était censé être quelqu’un de si sympathique.

Pour George Stavros, directeur exécutif de l’Institut Danielsen sur la religion et la psychologie de l’Université de Boston, l’étude permet de rappeler que prendre des risques ne revient pas toujours à mal se comporter. «La question est: Qu’est-ce que l’intentionnalité ?», explique George Stavros, qui ne fait pas partie de l’équipe de chercheurs ayant réalisé l’étude.

«Dans certains cas, la prise de risque mûrement réfléchie peut permettre aux gens de se sentir vivants.»

Comprendre comment l’idée de Dieu peut impacter les individus de manière différente selon le type de risque à portée de main pourrait également avoir des implications dans le développement des programmes de guérison. Lorsqu’il s’agit d’actions clairement immorales, par exemple, une dose de bonne vieille culpabilité catholique/juive/musulmane/placez ici le nom d’une autre religion peut encore être la solution. Mais si vous essayez de diminuer votre addiction au saut en parachute, ne regardez pas vers Dieu: il est à côté, en train de vous encourager.

 

Rachel E. Gross, traduit par Myriam Lebret

Publié le 05.03.2015 – 12 h 01

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