La fibre interreligieuse des mouvements scouts français

Scouts

Pour les Scouts musulmans de France (SMF), cela n’a été qu’un juste retour des choses. En 1991, alors qu’ils décidaient de lancer leur association,  ils avaient été aidés par les Scouts et guides de France (d’inspiration catholique). « Ils nous avaient notamment accueillis pour la formation de nos cadres », indique Abdelhak Sahli, président des SMF. Alors, lorsqu’à leur tour, les bouddhistes ont décidé en 2007 de lancer leur organisation scout, les Eclaireurs de la nature, c’est tout naturellement que les SMF les ont accompagnés dans ce processus.

Ces mouvements d’entraide n’ont rien d’anecdotique. Ils mettent en lumière une capacité des différentes entités du mouvement scout français à multiplier les échanges et les manifestations au-delà de leur appartenance confessionnelle. Un mouvement scout qui met d’ailleurs volontiers en avant cette spécificité.

Les différentes organisations travaillent par exemple à la mise en place de camps communs. Associations juive, musulmane, catholique ou encore laïque peuvent ainsi se retrouver lors d’une même manifestation. « J’ai assisté à l’un de ces moments, c’était très impressionnant, se souvient Driss Rennane, aumônier général du scoutisme musulman. Chaque mouvement organisait un temps spirituel et les autres pouvaient y assister. Les barrières de l’appartenance religieuse étaient bannies. » « Un beau moment de partage », à ses yeux.

Des camps communs au-delà des confessions

Les Eclaireurs de la nature sont des nouveaux venus au sein de la fédération du scoutisme français. Ils ont rejoint l’organisation en tant que membre associé le 19 avril dernier. Mais ils n’ont pas attendu cette reconnaissance officielle pour organiser, eux aussi, des activités communes avec d’autres mouvances scouts. « Nous aimons beaucoup mettre en place des camps communs, souligne Bastien Isabelle, président de l’association. L’idée est des plus simples : nous souhaitons nous ouvrir, aller au contact des autres. » Une initiative conjointe sera organisée en ce sens l’été prochain en Savoie avec les Scouts musulmans de France. D’autres ont eu lieu les années passées avec les Scouts et guides de France.

Le mouvement scout français encourage d’ailleurs de telles initiatives, à travers l’opération« Vis mon camp ! », « proposition de rencontre destinée à tous les membres du scoutisme français » et qui lance cette invitation aux plus de 110.000 jeunes membres des différentes organisations : « Pour l’été, tu peux contacter un camp d’une autre association qui sera à côté du tien, pour partager ensembles des moments uniques. »

Au-delà des frontières françaises, le scoutisme international travaille également aux rassemblements interculturels et interreligieux. C’est ainsi qu’en 2016 aura lieu en France le Roverway, vaste mouvement de convergence des 16-22 ans des différents mouvements, à l’échelle européenne. La commune de Jambville dans les Yvelines devrait être l’épicentre de cette manifestation. « C’est un projet porté par toutes les associations, explique Bastien Isabelle. C’est un travail collectif particulièrement intéressant : nous le préparons tous ensemble. »

Les chapelles françaises

Si les échanges entre associations scouts apparaissent réguliers en France, l’Organisation mondiale du mouvement scout (OMMS) souhaiterait que les structures hexagonales aillent plus loin. « L’OMMS n’aime pas le modèle qui a prévalu jusqu’à ce jour en France, composé de différentes chapelles, note un cadre-dirigeant. Elle préférerait une seule et unique entité englobant l’ensemble des associations. »

Pour l’heure, les chapelles sont toutefois bien en place. Mais les Français y inscrivant leurs enfants ne les perçoivent pas, aux dires de leurs dirigeants, comme des structures hermétiques. « Plus des ¾ des jeunes qui nous rejoignent n’ont pas de parents bouddhistes pratiquants, indique le président des Eclaireurs de la nature. Des familles catholiques n’ayant pas d’association des Scouts et guides de France proche de chez eux nous confient également leurs enfants. Notre message est clair sur la question confessionnelle : nous ne sommes pas là pour faire de ces enfants des petits bouddhistes. » 

Ces associations apparaissent même comme un recours pour certaines familles. Les Scouts musulmans de France l’ont constaté depuis que la question du djihadisme de jeunes européens en Syrie a pris de l’ampleur. Les attentats de Paris, en janvier, auraient, eux aussi, incité des parents à se tourner vers leur mouvement. « Nous avons beaucoup de demandes, assure leur président, Abdelhak Sahli. Suite à ces événements, des familles essaient de trouver des alternatives à la  »dérive de la jeunesse » et peuvent faire appel à nous pour mener des actions de prévention. » Elles ne sont pas les seules. Le monde politique frapperait aussi à la porte du scoutisme musulman. Un mouvement perçu aujourd’hui, presque malgré lui, comme l’un des seuls capable de porter efficacement, sur la radicalisation, un message préventif auprès de la jeunesse.

François Desnoyers
le 08.06.2015 à 12:04
Pour en savoir plus : http://www.fait-religieux.com/

Des personnalités musulmanes proposent à François Hollande de « tirer l’islam vers le haut »

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2/10/14 – 15 H 14

Une vingtaine de représentants de la société civile – avocats, médecins, politiques, journalistes – de confession musulmane ont signé la semaine dernière une tribune intitulée : « Nous aussi sommes de « sales Français » » condamnant les crimes de l’État islamique.

Mercredi 1er octobre, ils ont longuement rencontré le président de la République François Hollande à qui ils ont soumis leurs propositions pour « tirer l’islam vers le haut ».

« Nous sommes allés lui dire d’abord que, pour nous, ce qui se passe en ce moment est l’horreur absolue », rapporte Bariza Khiari, sénatrice socialiste de Paris, selon qui cette prise de position était « attendue » et « a été entendue ».

« Nous refusons cette polémique stérile qui oppose ceux qui s’expriment – accusés de duplicité – et ceux qui refusent de s’associer aux manifestations », poursuit-elle. « Au fond, nous sommes tous d’accord pour condamner ces crimes, seul le mode d’expression nous distingue ».

ISLAM SPIRITUEL, LIBRE ET RESPONSABLE

Madjid Si Hocine, médecin et militant associatif, Saad Khiari, cinéaste, Ghaleb Bencheikh, président de la Conférence mondiale des religions pour la paix, Said Branine, rédacteur en chef d’Oumma.com, ou encore Faycal Megherbi et Kamel Maouche, avocats au barreau de Paris, sont également venus dire au président de la République que « l’islam n’est pas celui qu’on perçoit dans les médias à travers ces gamins ghettoïsés ».

« C’est aussi nous, tenants d’un islam spirituel, libre et responsable », rappelle la sénatrice qui se décrit comme « farouchement laïque et sereinement musulmane ».

Parmi leurs propositions figure la création d’une chaire sur l’islam au Collège de France pour « intellectualiser, organiser le débat, la confrontation d’idées ». « La France devrait être le Harvard de l’islam », estime Bariza Khiari, convaincue que « l’islam d’Europe, parce qu’il se confronte à d’autres, peut apporter beaucoup au monde musulman ».

JOURNÉE MONDIALE DU VIVRE-ENSEMBLE

Sur une idée des Scouts musulmans de France, le petit groupe a également réclamé à François Hollande « l’aide de l’État » pour porter auprès des Nations unies une « journée mondiale du vivre-ensemble », ou de « la fraternité ». « La liberté, en France, on n’a pas de problème, l’égalité on essaye. En revanche, la fraternité personne n’en parle », déplore sa porte-parole.

Enfin, une dernière proposition a été retenue par le président de la République, qui a promis de « l’étudier », celle de constituer « un annuaire des talents issus de la diversité » à l’intention des médias, qui renvoient trop souvent une image « caricaturale, déformante » de la communauté musulmane. Le petit groupe avait même proposé à François Hollande de « réunir les grands patrons de presse » pour discuter de la manière dont ils traitent de l’islam dans leurs colonnes.

« Je pense que le président, que je connais depuis de longues années, est conscient des fractures béantes de la société. Il nous a accordé une heure d’écoute totale, suivie d’une heure d’un petit débat », se réjouit la sénatrice de Paris.

Anne-Bénédicte Hoffner

http://www.la-croix.com