Refuser l’esprit victimaire c’est donc devenir un être « sans excuse », avec beaucoup de dignité. C’est cultiver un esprit positif, et une pensée qui devient un formidable projectile qui vise devant. Car tout être qui vit dans la victimisation ne peut évoluer ; il a l’impression qu’un complot est mené contre lui, que le destin joue en sa défaveur. Il devient violent, il s’agite, et finit par ne croire en plus rien.D’évidence, il ne s’agit pas d’accepter le racisme, et toutes les discriminations liées à un nom, une cité, à une appartenance ethnique ou religieuse… Il ne s’agit pas non plus de vouloir ruiner le travail de ces associations qui se battent noblement pour dénoncer ces abus, et de ces gens qui mènent un travail d’investigation pour mettre à nu les travers de notre société afin de la faire évoluer, mais il s’agit surtout de dire à notre jeunesse que tout est possible, qu’en chacun de nous il y a une fleur de la vie, laquelle, touchée par la lumière de la volonté, pourrait à tout moment s’ouvrir et s’épanouir.Nous vivons dans un monde où il y a de belles possibilités, où tant de choses peuvent être encore créées. Il y a tant à innover et à réparer, à bâtir et à inventer. L’histoire liée au passé colonial de certains pays est terrible, mais il faut refuser de s’y enfermer, car elle peut être mortelle. Le devoir de mémoire est d’une extrême importance, mais toujours pour aider à gagner en esprit positif. Nos cités sont malmenées, mais elles regorgent de formidables forces. Ces forces-là, qui s’ignorent souvent, doivent trouver la voie de l’espoir et de la croyance en soi. Pour cela, elles ont besoin qu’on leur parle de possibilités, d’avenir, et non tout le temps des traumatismes du passé.
Certaines associations qui se montent dans nos cités se trompent parfois de combat ; elles tendent à montrer que nos quartiers sont forts, renforcent cette identité, et participent donc à figer la situation. Le vrai combat serait d’aider à en finir avec cette ghettoïsation en finissant avec ces quartiers justement. C’est tout l’enjeu de la libération de l’esprit.
Cette liberté permettrait de prendre à bras le corps son propre destin, et plus loin, celui de notre espèce humaine dont l’existence même est menacée avec la question de la pollution, et les agressions faites à l’ensemble de la faune et de la flore.
En finir donc avec la victimisation permettrait de rendre lucide le regard de l’intelligence, afin de pouvoir se battre enfin pour notre avenir commun, et sauver ce qu’il reste encore à sauver de notre monde.
Abderrahim Bouzelmate, auteur et enseignant, a publié Dernières nouvelles de notre monde et Apprendre à douter avec Montaigne (De Varly Éditions, 2013). Avec Sofiane Méziani, il a publié De l’Homme à Dieu, voyage au cœur de la philosophie et de la littérature (Albouraq Éditions, 2015).