Quels remèdes politiques aux dérives fondamentalistes ?

PUBLIÉ LE 22/09/2014 À 16:14

Que se passe-t-il à notre époque si rationnelle pour que l’on soit témoin d’actes d’une telle barbarie ?

Qu’y a-t-il que nous ne comprenons pas, que nous ne voyons pas pour que surviennent de telles tragédies politico-religieuses ? Rien ne saurait susciter une telle violence que des visions divergentes du sens de l’histoire, des réponses à l’énigme de la vie. Ce qui touche au destin ultime de chacun.

Notre Europe sécularisée est sonnée par l’upercut de fondamentalistes qui, tout en étant loin géographiquement, distillent chez elle, le venin de paroles fanatiques. La violence est d’autant plus grande que l’Europe baigne toujours dans un athéisme pratique. Celui-ci a rejeté les grandes traditions religieuses et l’adhésion de foi qu’elles supposent, mais aussi – et cela n’a pas été suffisamment perçu – l’immense travail de la raison sur les données de foi.

Ainsi les trois religions monothéistes qui se prétendent révélées conservent un contenu à croire, mais elles l’accompagnent d’un colossal effort pour comprendre. Si la foi catholique peut sembler irrationnelle à de nombreux observateurs, elle est pourtant constamment soumise à la critique de la raison. De même pour le Judaïsme ou l’Islam qui avancent dans l’histoire sous l’impérieuse obligation d’être crédible, c’est à dire compréhensible et recevable par la raison. Celle-ci expurge systématiquement du corpus des vérités proposées à la foi, ce qui nous semble aujourd’hui des énormités. Sur l’affaire Galilée, Jean-Paul II écrivait à l’Académie Pontificale des sciences en 1992 : « La science nouvelle, avec ses méthodes et la liberté de recherche qu’elles supposent, obligeait les théologiens à s’interroger sur leurs propres critères d’interprétation de l’Écriture. La plupart n’ont pas su le faire. Paradoxalement, Galilée, croyant sincère, s’est montré plus perspicace sur ce point que ses adversaires théologiens. « Si l’Écriture ne peut errer, écrit-il à Benedetto Castelli, certains de ses interprètes et commentateurs le peuvent et de plusieurs façons » (Lettre du 21 décembre 1613) ».

La raison va purifier la foi, autant que la foi va offrir une lumière plus vive sur le sens de l’histoire au travail de la raison. Elles ont une même source et tendent ensemble vers la contemplation de la vérité. Ainsi, le regard moderne sur les traditions religieuses doit il redécouvrir tout le travail des siècles d’intelligence qui ont scruté le langage de la foi. Or, l’affirmation de l’autonomie de la raison contre la foi s’est accompagnée du rejet de la reconnaissance des efforts de raison consentis par nos aïeux sur la foi elle-même. Passée dans un univers social où la laïcité impose d’ignorer les religions, il s’en suit un refus d’enseigner et de travailler à partir de la rationalité des religions historiques. Cette absence de travail, ce refus de considérer l’héritage rationnel sur les questions religieuses a laissé en friche le vaste champ de la crédulité naturelle qui habite toute personne.

Il est alors devenu très facile à partir de discours basés sur la seule autorité d’une proposition assez forte, d’une personnalité assez charismatique pour emporter l’adhésion d’une personne privée de repères et de réflexes rationnels sur les croyances. Les croyances explosent dans notre monde. Refuser de les considérer et de les interroger en raison, revient à laisser partir à la dérive les esprits inquiets et les livrer aux plus improbables croyances. Les rumeurs prolifèrent facilement car l’homme vit nécessairement de croyances.

Dans un monde où il est devenu ringard de croire en Dieu, on ne se rend plus compte que nous nous sommes mis à croire en n’importe quoi et en n’importe qui. Nous avons cru un temps que les avancées technologiques de notre modernité dispenseraient – enfin ! – de croire. Or, tout être humain doit rassembler ce qu’il sait dans un récit personnel, il doit croire quelque chose au sujet de ce qu’il sait.

Chacun doit donc se construire une représentation personnelle du sens de sa vie et de l’histoire. Celle-ci relèvera toujours du domaine de la croyance. Dès lors, la victoire contre les fondamentalismes ne viendra pas du rejet d’évocations religieuses dans l’éducation, mais au contraire d’un effort accru de questionnement sur ce que ces traditions pluriséculaires ont légué. Les jeunes français qui sont si aisément manipulés par les réseaux sociaux n’ont pas été éduqués à une réflexion critique sur la foi. Leur disponibilité à croire est totale, leur aptitude de raison critique est faible. Les grands témoins de la foi que furent Maïmonide, saint Thomas d’Aquin ou Ibn Arabi devraient être connus en vertu de leur effort de penser rationnellement la foi en Dieu.

Foi et raison sont ordonnées l’une à l’autre, elles sont ensemble les plus surs garants de l’équilibre psychique et de la fécondité spirituelle des sociétés.

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