L’académie de Paris organise les 22 et 23 janvier une formation ouverte au personnel de l’éducation nationale sur la laïcité et l’enseignement des faits religieux.
Pour une fois, ils sont de l’autre côté de la barrière. Enseignants, directeurs d’établissement ou conseillers principaux d’éducation, ils sont une centaine à être assis ce jeudi 22 janvier dans un amphithéâtre du lycée Montaigne, à Paris.
Ils sont venus assister à une session de formation organisée par l’académie de Paris et l’Institut européen en sciences des religions sur un sujet plus que jamais d’actualité : « enseignement et laïcité ».
« Il en va de notre vivre ensemble »
Ces deux journées étaient programmées bien avant les attentats des 7, 8 et 9 janvier. Mais les tueries lui donnent une résonance particulière.
« Ce moment doit nous donner l’occasion d’une mobilisation durable, il en va de notre vivre ensemble et de la cohésion de notre société », plaide un des intervenants, le philosophe Abdennour Bidar. « Il y a des questions et des responsabilités que nous ne pouvons plus ajourner », poursuit son voisin de table, Alain Seksig, membre du Haut conseil à l’intégration.
« Des parents refusent de nous serrer la main »
Dans la salle, des applaudissements fusent après chaque intervention. Des questions et des réflexions, aussi. Elles émanent d’expériences de terrain.
Les uns évoquent les menus à la cantine, les autres la séparation filles-garçons à la piscine, la peur diffusée par certains élèves, l’isolement de la France en matière de laïcité sur la scène internationale… « Messieurs les intellectuels, il faut aussi parler de ce que vivent les femmes, lance une voix féminine. Il y a des parents qui refusent de nous serrer la main. »
«J’ai besoin d’un argumentaire »
Cet enseignant en technologie, lui, veut souligner les manques de sa formation. « On ne m’a jamais parlé de laïcité quand je suis passé en IUFM il y a seize ans, explique-t-il. Je veux bien engager un débat avec les élèves sur ce sujet, mais on risque de se faire bouffer. On voit bien que des questions simples amènent des réponses complexes. Ce dont j’ai besoin, c’est déjà d’un simple argumentaire ».
Face à ce témoignage, Abdennour Bidar ne cache pas son énervement. « Une littérature sur la laïcité existe depuis plus d’un siècle, assène-t-il. Vous êtres des enseignants, des intellectuels. C’est aussi de votre responsabilité de prendre du temps pour lire ces textes et vous construire vous-même votre argumentaire. Il faut être vigilant par rapport à l’idée d’un prêt-à-penser fourni par l’institution. Je comprends que vous vous sentiez démunis, je comprends l’insécurité que vous pouvez ressentir, mais c’est à chacun de se prendre en main et de monter au front ! »
« Nous ne sommes pas formés »
À la sortie de cette première matinée consacrée aux fondements de la laïcité, Fabrice, un prof d’espagnol de 35 ans, prend la défense de son collègue. « La réalité, c’est que nous ne sommes pas formés pour mener un débat sur des questions de religion, confie-t-il. Moi non plus, je n’ai jamais eu de formation sur la laïcité et ma culture religieuse est limitée. Je ne connais presque rien de l’Islam. On est conscient qu’il faut passer par du débat, mais on est confrontés à des élèves qui ont d’autres repères. »
À côté de lui, sa voisine, qui enseigne les mathématiques, poursuit : « on se retrouve très seul face à une classe. Il faut aussi ne pas oublier qu’on a affaire à des adolescents qui aiment provoquer des adultes ». Pour elle, la laïcité est une « évidence ». « Elle fait partie de notre quotidien, elle est dans la loi, reprend-elle. Mais on a peut-être oublié de mettre l’accent sur la laïcité. Je n’avais jamais pensé avoir, un jour, à faire ce genre de formation. »
Pascal Charrier
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