Religion vs laïcité : la guerre des crèches n’aura pas lieu à Aix

Crèche-Mairie

Si les crèches sont bannies de certains lieux publics, certains santonniers aixois ne rechignent pas à proposer une mairie à côté de la grotte ou de l’étable. Photo Edouard Coulot

Attention, sujet explosif juste avant la trêve des confiseurs : faut-il faire une croix sur les crèches dans les lieux publics ? La libre-pensée s’est lancée dans une croisade rejaillissant sur le front politique. Gauche et droite, y compris dans le même camp, s’écharpent sur l’autel de la laïcité.

Et même l’Église de France, face à l’ampleur de la polémique, a dû prôner l’apaisement en affirmant que la crèche touche « la population d’un point de vue affectif bien plus large que sa signification religieuse ». « Le jour où notre société n’aura plus que la crèche à craindre est loin de se lever », a ironisé son porte-parole, Mgr Bernard Podvin. Société, d’ailleurs, qui fête de plus en plus ostensiblement Halloween, y compris dans les édifices publics…

Jusqu’ici, à Aix, on ne s’était pas vraiment posé la question de savoir si « la dimension culturelle et universelle des crèches transcendait ses origines chrétiennes ». Économie, patrimoine et tradition, sur fond de religion, cohabitent sans heurt. Et les élus aixois sont au côté des hommes d’église lors de la bénédiction des calissons, ainsi que de la foire aux santons, sans que la libre-pensée y voie de mauvaises intentions…

« La France est un pays judéo-chrétien »

Mais face à la menace qui guette le santon depuis la décision du tribunal administratif de Nantes, ordonnant le retrait d’une crèche installée dans le conseil général de Vendée, les santonniers sont montés au front.

Avec en chef de file, la Maison Fouque appelant « au soutien et à la défense de la tradition provençale », dans un communiqué. « Le respect de la laïcité n’est pas l’abandon de toutes nos traditions et la coupure avec nos racines culturelles, s’insurge la Maison Fouque. L’argument culturel de la crèche est particulièrement valide pour la crèche provençale, car celle-ci ne se limite pas à une pratique religieuse mais beaucoup plus généralement à une tradition provençale. »

« La France est un pays judéo-chrétien, martèle, à son tour, le maire UMP, Maryse Joissains qui arbore, n’en déplaise, une croix autour du cou « depuis toujours ». « Donc, nous avons des traditions et une histoire. Et la crèche fait partie de l’Histoire de France. Quant à moi, je suis catholique et je l’assume. » D’ailleurs, si le Petit Jésus n’a jamais été installé en mairie, il a toujours eu droit à l’office de tourisme. Sauf cette année pour cause de déménagement. « Mais j’y veillerai pour l’an prochain », affirme-t-elle.

Christian Kert dénonce « les Ayatollahs de la laïcité » 

Sur son blog, le député UMP Christian Kert dénonce « les Ayatollahs de la laïcité » et Bruno Genzana, conseiller général UDI, rappelle obtenir « depuis vingt ans des concerts de Noël dans son canton ». Cette année, l’élu invitait même les adeptes à venir écouter « Minuit chrétien » ou « Il est né le divin enfant » en l’église Saint-Jean-de-Malte, le 7 décembre dernier…

La libre-pensée a-t-elle fermé les yeux ou est-elle mal informée ? Quand se penchera-t-elle sur le décolleté de Maryse Joissains, les calissons bénis à Aix (et les navettes à Marseille), la messe des gendarmes pour honorer « leur patronne » Geneviève, les 15 août et 25 décembre notamment imposés en jours fériés aux agents publics, la messe du dimanche diffusée sur le service public… ? Peut-être même que les libres-penseurs vont désormais imposer une nouvelle façon de compter le temps…

Prendre la naissance de Jésus-Christ comme point de départ ne va-t-il pas à l’encontre du « sacro-saint principe de laïcité » ? Qui sait si un jour le Conseil d’État ne sera pas saisi de cette question cruciale…

Pour en savoir plus : http://www.laprovence.com

Où s’arrête l’intégrisme laïque ?

CrècheNoël
Si l’on veut enlever tous les signes religieux de l’espace public, il y a du boulot… © Daniel Karmann / AFP

La crèche de Noël installée dans le hall du conseil général de Vendée, à La Roche-sur-Yon, est « incompatible avec le principe de neutralité du service public ». Ainsi en a décidé le tribunal administratif de Nantes à la suite d’un recours de la fédération locale de la Libre pensée, organisation qui, à n’en pas douter, compte en terre vendéenne des milliers d’adhérents. Soit. Dura lex, sed lex. Mais pourquoi donc s’arrêter en si bon chemin ? Pas de demi-mesures quand on combat l’obscurantisme clérical ! Les ayatollahs du laïcisme ne doivent pas baisser les bras. L’infâme, pour reprendre une terminologie voltairienne, n’a qu’à bien se tenir…

Il faut impérativement extirper tout signe religieux de l’espace public. Les calvaires qui jalonnent l’Hexagone – et singulièrement l’ouest de la France – sont autant d’atteintes à la laïcité. Détruisons-les dans les meilleurs délais. Les clochers sont une provocation ouverte : arasons-les ! Même traitement, bien sûr, pour le minaret (33 mètres) de la Grande Mosquée de Paris voulue par le maréchal Liautey. Sans oublier la Grande Synagogue de la rue de la victoire (à Paris) où figure, à l’entrée, un verset de la Genèse qu’il est urgent d’effacer.

S’attaquer aux noms de commune !

Proclamons la loi martiale pour interdire les pardons en Bretagne, les processions à Lourdes. La police devra veiller à ce qu’aucun signe religieux, croix, chandelier à sept branches, mezouza, étoile de David ne puissent être imposés à la vue des passants d’une rue. Surveillons de près les boucheries hallal où traînerait un coran visible depuis l’extérieur. Gare au boulanger qui s’aviserait de mettre entre deux miches le petit Jésus encadré de Marie et Joseph flanqués d’un boeuf et d’un âne.

Il y a aussi les noms de milliers de nos communes qui posent problème. De Saint-Tropez à Saint-Jean-de-Luz ou Saint-Amand-les-Eaux, il y a du pain sur la planche. Il faudra ensuite s’attaquer aux rues portant des noms de saints. Les rues des Saints-Pères ou Saint-Dominique (à Paris) n’en ont plus pour longtemps. Il faudra trouver un autre nom au lycée Saint-Louis. Les musées – ce sont des espaces publics – devront être nettoyés de leurs fatras cléricaux genre vierge à l’enfant ou scène de l’apocalypse.

Enfin, notre vocabulaire devra être expurgé. Plus question de jurer en invoquant le nom de Dieu ou de prétendre le préférer à ses saints, de vouloir séparer le bon grain de l’ivraie. Le vocable « chemin de croix » devra être remplacé par « subir de dures épreuves consécutives ». Juda sera définitivement oublié et le mot « traître » retrouvera toute sa force. Le jugement de Salomon sera, évidemment, banni. Mais la sottise, elle, a encore de beaux jours devant elle..

 

Par PIERRE BEYLAU

Pour en savoir plus : http://www.lepoint.fr