Journée d’étude : le fondamentalisme islamique

FondamentalismeMusCathoLyon

20 mars 2015

Voici une partie des notes que j’ai prise à cette journée d’étude sur le fondamentalisme islamique.

Le reste va suivre rapidement !

Elles pourront apparaître comme approximative sur certains sujets. L’idée est de vous donner envie d’en savoir plus !

 

La compréhension du fondamentalisme passe par son décryptage historique, sociologique, anthropologique et psychologique, elle s’appuiera sur le mécanisme littéraliste et rigoriste.

L’objectif de la journée est de comprendre aujourd’hui la place qu’occupe ce phénomène dans le contexte musulman francophone actuel.

Pour cela, il s’attachera à étudier des penseurs musulmans soit parce qu’ils contribuent  à ce phénomène, soit parce qu’ils cherchent à le contrecarrer. En instaurant le débat, il s’agit de voir comment est considéré le rapport à l’origine, comment sont désamorcés les versets violents, quelle condamnation de la violence ?

 

Le fondamentalisme et ses modes opératoires

 

Le salafisme comme expression du fondamentalisme à dimension politique

SamirAmghar

Samir Amghar

 

Le salafisme est un mouvement ultra-orthodoxe de l’islam qui développe une lecture littéraliste du Coran et de la tradition prophétique. Il est le produit du retour des étudiants en Sciences des Religions d’Arabie Saoudite en France et de la venue de l’aile salafiste du Front du Salut Algérien.

Il existe trois tendances salafistes :

– le salafisme quiétiste et non-violent qui condamne les attentats du 11 septembre. Il est apolitique.

– le salafisme politique : pour ce courant,  il est nécessaire de s’engager en politique au nom de l’islam. Il y a des liens avec l’idéologie des Frères Musulmans.

– le salafisme révolutionnaire, jihadiste : il faut combattre par les armes ceux qui ne respectent pas les musulmans.

Pourquoi est-ce que les jeunes sont attirés par le salafisme jihadiste ?

– l’idéologie est attirante, même si certains ne sont pas formés idéologiquement,

– la politique : certains jeunes sont le produit d’une frustration politique. En effet, les musulmans ont le sentiment qu’ils ne peuvent pas exprimer leurs idées sans se faire arrêter. L’Etat criminalise l’outil de contestation que sont les manifestations par un verrouillage sécuritaire.

– la sur-criminalisation des acteurs jihadistes : la prison a sur eux un effet accélérateur de leurs activités politico-religieuse.

– la radicalisation : ils n’ont plus rien à perdre (altruisme familial).

Il est cependant important de ne pas enfermer le salafisme dans une catégorie.

 

Le salafisme, le cas de l’Égypte et des Frères musulmansHaouesSemiguer

Haouès Seniguer

L’approche salafiste peut être critique, apologétique ou violente.

En Egypte, les responsables néo-salafistes ne veulent pas s’aliéner les coptes : ils prônent donc un retour aux valeurs conservatrices qui plaisent également aux coptes.

 

Le Maroc, État fondamentaliste ?

Ali Mostfa

Les salafistes au Maroc sont pour la purification de l’islam et contre l’innovation (bidaa). Ils n’ont pas de prétentions politiques.

La définition du fondamentalisme en arabe peut se traduire par celle d’authenticité, d’autorité par rapport au corpus du Coran et de la tradition prophétique.

Dans le contexte marocain, on peut identifier trois périodes différentes sur ce sujet :

– le 18è siècle avec Moulay Slimane qui a eu des liens (courriers) avec Abdel-Wahhab. Le wahhabisme est introduit au Maroc : c’est le retour au salaf des 2è et 3è génération après le prophète. Les pratiques populaires (pélérinage autour de mausolés,…) sont interdites. On interdit aussi de fêter l’anniversaire (mouloud) du prophète.

Il n’y a pas de place pour une pensée autre, pas de nuances.

– Années 30-40 : naissance du nationalisme qui aboutira à la négociation de l’indépendance, avec Allal Al-Fassi qui s’érige comme figure du nationalisme au Maroc. Il prône un nouveau salafisme fait de thèses nationalistes, de salafisme, de fiqu et de références françaises.

Pour lui, ce nouveau salafisme est un message fédérateur, contrairement à la dichotomie du message de Abdel-Wahhab et à l’opposé des soufis. Al Fassi a été un des négociateurs de l’indépendance du Maroc en 1956 sur la base d’un discours politico-religieux.

– Arrivée de Hassan II au pouvoir (1960) jusqu’à 1999. Hassan II islamise la société marocaine. Au moment de la révolution iranienne en 1979, Hassan II définit le Maroc comme un pays fondamentaliste (maîtrise des sciences islamique et du fiqh) par opposition à l’intégrisme.

C’est le début du processus de dé-divinisation de l’espace publique et la fin du discours religieux dans cet espace. La synthèse du politique et du religieux au Maroc, c’est le roi.

Les marocains font allégeance au roi chaque année au moment de la fête du trône.

 

Le fondamentalisme : analyse et mise en rapportBertrandSouchard

Bertrand Souchard

Qu’est-ce que le fondamentalisme ?

– C’est une identité religieuse,

– Absolue et sans médiation (on relativise tout le reste), sans la médiation d’une culture,

– Dualiste ou binaire : rejet de l’autre, exclusion (voir violente, bipolaire ou schizophrène : l’ennemi est dans mon camp),

– Eschatologique (rapport à la fin des temps) et tragique : mal-être du présent. Mon identité présente est tragique,

– Peut être en réaction avec les modernité, lutter contre.

 

Pourquoi le fondamentalisme ?

Le fondamentalisme serait-il une réaction à la modernité (qui elle pourrait se définir comme défense des individus, foi en la sciences et tolérance) ?

Le fondamentalisme existe de tout temps et en tout lieu, dans toutes les religions. Ce pourrait être plutôt une réaction à la post-modernité.

En fait, toute religion porte en elle fondamentalement l’énigme de la mort. La mort produit l’acte religieux. La religion est donc un engagement qui a une forme d’absolu. Ce sont des questions qui sont très profondes chez l’homme et qui peuvent mettre en colère !

La reconnaissance pour construire son identité :

La conscience de soi passe par la re-connaissance de l’autre. Il y a plusieurs façons d’être reconnu : par sa famille, la société, la politique, le religieux, les médias, la culture, l’esthétique, l’amitié.
L’idéal étant d’être reconnu par toutes ces facettes identitaires.

Les reconnaissances les plus naturelles sont celles de la famille, du travail et de la nation (même si cela fait un peu pétainiste !).

Les terroristes des attentats de janvier ont une quant à eux une reconnaissance post-mortem.

Les discours qui méprisent les nationalistes et les fondamentalistes viennent de personnes qui sont eux-même reconnus…

Pourquoi ce basculement dans la violence ?

Kant a dit : « La guerre ne paraît pas avoir de motifs déterminants, elle est greffée sur la nature humaine. »

Il faut prendre conscience de la potentialité de violence qui est en chacun de nous. Il faut entendre les réactions identitaires. La post-modernité génère parfois de excès et des dérives qui excluent la religion et prônent un égocentrisme individualiste.

Le relativisme aussi (tout se vaut) provoque un vide de notre société aux questions que les gens se posent.

 

Le fondamentalisme musulman est-il spécifique ?

Les caractéristiques du fondamentalisme musulman sont la lecture littéral du livre, avec cette dichotomie : halal/ haram (illicite/ licite).

Pour les islamistes, la colonisation reste un sujet difficile à digérer. Ils se sentent victimes. Et en même temps, l’islam étant la dernière religion, ils peuvent se sentir supérieurs. Ils se questionnent sur la suprématie occidentale, sur le développement de la science, de l’industrie…

Il y a un profond ressentiment par rapport aux peuples judéo-chrétien.

Est-ce que le Coran est universel ? Il faut regarder le lien avec les juifs et les chrétiens dans le Coran.

 

 

Figures du fondamentalisme islamique

 

Le hanbalisme ou la lecture littéraliste d’un Coran incrééMichelYounes

Michel Younès

 

 

Ibn Taymiya, Ibn ‘abdel Wahhab : concepteurs du fondamentalismeAbdel-Wahhab

Maurice Borrmans

 

L’image des femmes dans les fatwas hanbalites d’ouvrages francophonesBenedicte-du-chaffaut

Bénédicte du Chaffaut

 

La place des autres dans la littérature fondamentalisteMalekChaieb

Malek Chaieb

 

 

 

Intervenants :

Samir Amghar, Post-doctorant au Centre d’études sur les arts, les langues et
la tradition de l’Université du Québec à Chicoutimi

Maurice Borrmans, Professeur émérite au PISAI (Institut Pontifical d’Etudes
Arabes et Islamologie) de Rome

Bénédicte du Chaffaut, Enseignante au Centre Théologique de Meylan-
Grenoble

Malek Chaieb, Enseignant à l’Université catholique de l’Ouest, Angers

Philippe Dockwiller, Maître de conférences à l’UCLy

Ali Mostfa, Enseignant-chercheur à l’ESTRI (UCLy), Chercheur associé
au GREMMO (Groupe de Recherches et d’Études sur la Méditerranée
et le Moyen Orient)

Emmanuel Pisani, Directeur de l’ISTR, Paris

Haouès Seniguer, Maître de conférences à l’IEP de Lyon, chercheur
au GREMMO

Bertrand Souchard, Maître de conférences à l’UCLy, titulaire de la chaire
Science et Religion

Michel Younès, Professeur à l’UCLy, directeur du CECR

Panorama de l’islam en France

 

canstockphotoBabBouJeloudFez

L’intellectuel franco-algérien Fouad Alloui (1) dresse un panorma de l’islam de France au niveau social et cultuel en 2014. Retraçant l’historique de la communauté musulmane de France, il insiste sur la diversité qui la caractérise. Ci-dessous la première partie d’un étude qui donnera lieu à des publications ultérieures.

L’islam en France : contexte général (historique, géopolitique et social)

L’islam est devenu la deuxième religion de France après le catholicisme. Près de cinq millions de musulmans y vivent. Néanmoins ce chiffre doit être tempéré, car il n’existe pas de statistiques ethno-religieuses officielles (la loi française interdit depuis 1872 de distinguer, lors des recensements, les personnes sur la base de leur appartenance confessionnelle ou de leur origine ethnique), mais surtout parce qu’il ne s’agit pas d’un groupe homogène dont les membres auraient tous un rapport identique au fait religieux. La majorité des musulmans de France ont plutôt une approche culturelle de la religion et non pas cultuelle. Les quelques statisticiens et sociologues qui ont voulu chiffrer la présence musulmane en France se sont notamment basés sur les patronymes, les pays d’origine et des rapports gouvernementaux.

Il est donc impératif, avant toute chose, de reconnaître la diversité qui existe au sein de cette communauté : les pratiquants et les non-pratiquants, mais aussi les personnes portant une identité à consonance musulmane, mais qui se déclarent, pour autant, agnostiques, laïques ou athées. Cette diversité est visible également chez les musulmans qui se déclarent « pratiquants ». Aussi, constate-t-on que 88% d’entre eux disent faire le ramadan, 43% feraient les cinq prières quotidiennes, 17% iraient à la mosquée au moins une fois par semaine et 4% se sont déjà rendus à la Mecque . Ces nuances sont importantes à relever tant il est évident que plusieurs interprétations pourraient découler d’une « donnée statistique » non décryptée.

Le chiffre de « 5 millions de musulmans en France » est souvent instrumentalisé pour des considérations politiques ou idéologiques tantôt comme étendard tantôt comme épouvantail. Il est tout aussi important afin de ne pas confondre les choses de préciser que dans les chiffres proposés, notamment par les médias, il y a des Français de confession ou de culture musulmane, des immigrés légaux et des « sans-papiers », des citoyens de descendance française convertis à l’islam et enfin des citoyens nés de parents immigrés, eux-mêmes issus de pays à majorité musulmane. Cette seule appartenance incite parfois certains observateurs à considérer qu’il s’agirait de fait de « musulmans ». Toujours est-il, il apparaît que 70% des « musulmans de France » possèdent la citoyenneté française.

Si l’islam est devenu la deuxième affiliation en France, c’est en raison d’une longue histoire coloniale d’abord et de migration ensuite. Une immigration maghrébine suivie d’autres, africaine et turque, sont autant de faits historiques qui ont permis l’installation de l’islam dans l’Hexagone. Ainsi, comme pour les autres religions, l’islam ne peut être appréhendé dans sa seule dimension spirituelle, mais doit être également étudié à travers les plans social et culturel.

De ce point de vue, il serait opportun d’esquisser une définition du « musulman » afin de mieux cerner l’objet de notre étude et d’éviter ainsi l’approche approximative. Un musulman est-il simplement une personne née dans un environnement familial ou dans une société composée majoritairement de musulmans ? L’espace français qui accorde une large place à la liberté de conscience ne saurait s’accommoder d’une telle classification. D’ailleurs, même si leur nombre est difficile à évaluer, il existe des personnes nées et/ou issues d’un environnement islamique et qui se déclarent « non-croyantes » ou d’autres encore qui se sont converties au catholicisme et au protestantisme. Il va sans dire que le musulman est, avant tout, celui qui se définit lui-même comme tel. Mais là aussi, il est important d’établir un distinguo entre celui qui se déclare culturellement musulman (né dans une famille et/ou environnement musulman, mais qui n’est pas forcément « pratiquant » du culte) et celui qui entretient un lien cultuel avec l’islam (qui accomplit la prière quotidienne, le ramadan, le Pèlerinage et tous les « piliers » et principes islamiques ).

Pour toutes ces raisons, nous allons manier les chiffres proposés par les médias et une partie de la doxa avec beaucoup de précaution. Lorsqu’on avance le chiffre de « 5 millions de musulmans en France », il n’est pas précisé si, par « musulman », il est question de la croyance religieuse ou du référent culturel. Or, ce qui nous intéresse, en premier lieu, c’est de pouvoir comprendre les musulmans de France à travers les associations et organisations cultuelles censés les représenter. En d’autres termes, l’objet de cette étude concerne la composante religieuse de la « communauté musulmane ».

Pour mieux cerner le propos qui va suivre et dans un souci pédagogique, il convient de rappeler, pour les moins initiés, que l’islam se compose de deux principaux courants (le sunnisme et le chiisme) et qu’il est également traversé par différentes influences idéologiques, dogmatiques, nationales, etc.

En France, la majorité des musulmans se reconnaissent dans l’islam sunnite , lui-même composé de quatre grandes écoles juridiques :

– L’école hanafite : Elle tire sa dénomination de son fondateur, l’imam Abou Hanifa. Créé à Bagdad, au VIIIe siècle, sous la dynastie abbasside, cette école s’appuie sur le Coran et la sunna (la tradition du Prophète Mahomet) et, au niveau de la jurisprudence islamique (appelée fikh) sur le raisonnement par analogie (appelé qiyas) et sur la réflexion personnelle (appelée raïe ou ray). Cette école est présente notamment en Égypte, en Syrie, au Liban, en Inde et en Turquie ou elle fut la doctrine officielle sous l’empire ottoman.

– L’école malékite : Elle tire sa dénomination de son fondateur, l’imam Malek Ibn Anès. Cette école s’appuie sur le Coran et la sunna (la tradition du Prophète Mahomet), mais aussi, pour les questions relatives à la jurisprudence, au raisonnement par analogie (qiyas), mais surtout elle privilégie le consensus (appelé ijmaa) des docteurs en théologie de toutes les époques en accordant, par ailleurs, une place importante à la coutume locale (eurf) et au jugement personnel (appelé raïe ou ray). Cette école est majoritaire dans les pays du Maghreb et dans plusieurs pays africains et se retrouve, par conséquent, majoritaire dans l’islam de France.

– L’école shafiite : Elle tire sa dénomination de son fondateur l’imam Mohamed Idris Al-Shafii. Disciple de l’imam Malek, il devient, après la mort de celui-ci, le fondateur de cette école qui portera son nom. Il s’appuie sur le Coran et la sunna (la tradition du Prophète Mahomet), rejette le jugement personnel (raïe ou ray), lui préférant le raisonnement par analogie (qiyas). Cette école est influente en Asie du sud-est (Malaisie et Indonésie) et dans quelques pays arabes.

– L’école hanbalite : Elle tire sa dénomination de l’imam Ahmed Ibn Hanbal. Fondée à Bagdad, durant la seconde partie du IXe siècle, elle exige une application rigoriste, littérale de l’islam des origines appelant à s’en tenir aux seuls enseignements des textes scripturaires et refuse toute innovation (appelée bidaa). C’est cette école qui donnera plus tard, au 18e siècle, naissance au wahhabisme, doctrine officielle en Arabie-Saoudite.

Par ailleurs, plusieurs courants sont aujourd’hui présents en France. Si majoritairement, ils se reconnaissent dans l’islam sunnite, certains musulmans de France sont chiites, en référence au chiisme et d’autres enfin appartiennent au soufisme.

L’implantation de l’islam en France a été le résultat de plusieurs vagues d’immigration successives, encouragées en un premier temps, dès le début du 20e siècle, par les politiques publiques. Au début du siècle dernier, près de 5000 musulmans vivaient dans l’Hexagone, la plupart des Algériens. À l’époque, en effet, l’Algérie, colonie française depuis 1830, représentait trois départements français. Par conséquent, même si les Algériens, appelés « Indigènes » (tout comme les Marocains et les Tunisiens), étaient considérés comme des citoyens de seconde zone, il n’en demeure pas moins qu’ils faisaient partie, sociologiquement parlant, du panorama français.

C’est à partir de la première Guerre mondiale (1914 – 1918) que l’on notera des arrivées massives de populations musulmanes, notamment des hommes, sur le sol métropolitain. Lorsque débute le conflit en 1914, la conscription des « indigènes » venait d’être mise en place en Algérie, à la faveur d’une loi promulguée en 1911. Aussi, plus de 260.000 habitants du Maroc, de la Tunisie, mais surtout de l’Algérie (34.000 Marocains, 50.000 Tunisiens et 136.000 Algériens) furent mobilisés par l’armée française. Outre les personnes originaires d’Afrique du Nord, il y eut également 215.000 personnes issues des colonies, notamment près de 140.000 Sénégalais qui furent également mobilisés. D’un autre côté plus de 130.000 musulmans sont recrutés durant la Première guerre mondiale pour travailler dans les usines et les mines et remplacer ainsi la nombreuse main d’œuvre française, partie au front.

Plus de 80.000 soldats originaires d’Afrique du Nord furent tués ou recensés disparus à l’issue de la « Grande guerre ». Cette contribution suscitera, après la guerre, des gestes symboliques de la part des autorités françaises. Ainsi, la construction de la Grande Mosquée de Paris sera lancée dès le lendemain du conflit mondial. Elle fut inaugurée en 1924. Il y eut également la création de cimetières musulmans et l’ouverture de l’hôpital Avicenne à Bobigny.

Au lendemain de la guerre, le mouvement d’immigration de main d’œuvre issue des colonies devait s’accroitre. Mais cette politique est stoppée dès 1924. En 1939, plus de 200.000 Algériens sont recensés en métropole.

Durant et après la seconde Guerre mondiale des phénomènes sociologiques identiques devaient relancer les vagues migratoires (mobilisation de soldats musulmans au sein de l’Armée d’Afrique et recrutement d’une main d’œuvre issue des colonies).

Dévastée par près de cinq ans de guerre, la reconstruction de la France a imposé de faire appel à cette main d’œuvre, bon marché et corvéable. L’ordonnance du 2 novembre 1945 allait faire annuler les décisions de 1924 et permettre le retour à la liberté de circulation pour les Algériens. De fait, l’immigration algérienne devient la plus prépondérante et ce, jusqu’en 1962, année de l’indépendance de ce pays.

D’un autre côté, il faut préciser qu’au lendemain de la guerre d’Algérie, plus de 80.000 harkis (les supplétifs de l’armée française en Algérie) sont rapatriés en Métropole. Pour les Français, l’islam devient un « marqueur identitaire » qui permet de désigner ces populations venues des anciennes colonies.

Au courant des années 1970, notamment sous les gouvernements de Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing, les autorités françaises soutiennent la création de lieux de culte musulmans, en réalité des « salles de prières » dans les foyers d’accueil des travailleurs immigrés et à l’intérieur d’immeubles HLM. Aussi, le plus souvent, des garages ou des caves sont-ils transformés en « lieu de culte ». Cette politique répond en réalité à un objectif de paix sociale.

Les enfants issus de cette immigration postcoloniale seront des citoyens français. Ayant reçu l’islam en héritage éducatif, cette « deuxième génération » va progressivement, à travers sa propre implantation, faire émerger ce qui sera appeler plus tard « l’islam de France ». Une religion qui ne sera plus vécue comme un « culte étranger », mais progressivement comme la deuxième religion de France.

Ces « enfants de la deuxième génération » vont être, très souvent, confrontés à quelques « chocs » sociologiques, idéologiques et politiques. Ils sont Français, car nés en France et, dans la plupart des cas, ils ne connaissent pas un autre pays que la France. Le pays d’origine des parents est souvent fantasmé, idéalisé et mis en opposition aux difficultés qu’ils sont nombreux à rencontrer dans leur pays de naissance. Les problèmes ayant trait à leur intégration sur le marché du travail ou ceux inhérents à leur intégration dans la société sont devenus la raison essentielle d’un repli sur soi communautaire opéré, au fil des années, selon une logique religieuse. En effet, ce sentiment de rejet, réel ou ressenti, de la part de la société française a créé chez les enfants d’immigrés une vraie inquiétude sur leur origine et leur identité, mais aussi sur cette double appartenance au pays d’origine et au pays d’accueil.

Sans faire l’apologie d’un quelconque discours victimaire, il convient de souligner la double pression sociale subie par cette catégorie de la société soumise, d’un côté, aux exigences familiales quant au respect de la culture et de la religion des « ancêtres » et, d’un autre, à la nécessaire intégration républicaine qui exige un strict respect de la laïcité. Ces réalités ont créé des situations de mal-être évident chez plusieurs « enfants de la deuxième génération » qui se considèrent « ni véritablement d’ailleurs, ni tout à fait d’ici », pour reprendre l’expression du philosophe Yves Charles Zarka.

L’islam, ou plus précisément une certaine vision de l’islam, revendicatif, militant et, parfois belliciste, a été alors érigé comme une sorte d’identité de substitution. C’est ainsi que l’islam de France s’est progressivement transformé, dans certaines sphères, comme outil identitaire quand il n’est pas utilisé comme idéologie politique, notamment par les adeptes de l’islam politique, plus communément désigné sous le vocable d’islamisme.

Comme nous le verrons plus loin, l’islam de France est souvent instrumentalisé par les États et gouvernements, français et étrangers, et par des courants de pensée, comme ceux proches de la Confrérie des Frères musulmans ou ceux sensibles aux théories wahhabites. L’ensemble pouvant compter sur de nombreux relais agissant sur le territoire français ou sur des personnalités médiatiques diffusant leurs idées à travers des conférences, des ouvrages ou des associations. C’est ainsi que nous nous apercevrons qu’il existe autant d’islam(s) que d’organisations islamiques. Cette palette de nuances est composée d’associations dirigées, en sous main, par des États étrangers et appelées à maintenir un cordon ombilical entre le pays d’origine et la « communauté », et, par ailleurs, d’organisations affranchies de tutelles étatiques mais liées à des groupements transfrontaliers dont l’objectif nous avoué vise à (ré) islamiser les musulmans de France et, au-delà, les musulmans européens et les amener, à travers l’action sociale, l’endoctrinement ou le prosélytisme à appliquer un islam idéologisé et politique.

(1) Pseudonyme de l’auteur

Pour en savoir plus : http://www.memri.fr