Aumôniers : accompagner et soigner les âmes à l’hôpital

Matthieu Stricot et Fabien Leone – publié le 23/04/2014

Religieux et fonctionnaire à la fois, le métier d’aumônier est méconnu. Pourtant, cette profession couvre des territoires aussi essentiels que l’armée et l’hôpital. Un rôle d’accompagnement dans la vie comme dans la mort, tout en respectant la religion de chacun. Anne Thöni, pasteur-aumônier à l’hôpital Avicienne de Bobigny, a témoigné de son métier lors d’un colloque organisé par le Cefrelco*, début avril, à Paris.

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© Stéphane OUZOUNOFF/CIRIC

À la fois dépendant de sa tutelle religieuse et soumis à l’autorité de l’hôpital, « l’aumônier est en quelque sorte un agent double », sourit Anne Thöni, pasteur-aumônier et coordinatrice de la première aumônerie interreligieuse à l’hôpital Avicenne de Bobigny pendant dix ans.

L’aumônier ne doit trahir ni celui qui l’envoie, ni celui qui l’embauche. Cela doit être vécu « comme un mariage en alliance avec la laïcité. L’aumônier se trouve au carrefour du public et du privé, sans les mélanger », rappelle-t-elle. C’est une règle primordiale sinon le professionnel sera « écartelé » par cette double appartenance.

Un collègue catholique lui confia un jour son exaspération d’être cantonné « à donner un coup de goupillon sur les cercueils ». Anne Thöni persiste et signe : « nous ne sommes pas des gens de la mort mais de la vie » ! Au-delà des obsèques, la mission principale est d’accompagner, d’évaluer les besoins et promulguer des soins spirituels.

La spiritualité tient une place dans la guérison

Les hôpitaux sont des lieux de souffrance où la spiritualité peut occuper une place primordiale pour le patient. Pour certains malades, « c’est une pratique intégrante du quotidien. Elle peut constituer une place importante dans le processus de guérison », observe le pasteur-aumônier.

Anne Thöni se souvient « d’une patiente protestante évangélique. Elle m’explique qu’elle est fichue et qu’elle n’arrive plus à prier. Point par point, je tente de lui faire comprendre que sa culpabilité la bloque dans sa pratique. Nous avons échangé longuement au point de faire de la théologie. Avec les textes bibliques, je lui ai montré ce Dieu qui accueille. Après des mois de dialogue, elle retrouve la force de prier. Depuis cinq ans, elle vit chez elle et, bien que toujours bien malade, transcende son quotidien ».

La nécessité des aumôneries interreligieuses

La France est un pays traversé par un pluralisme religieux que les services d’aumôneries se doivent de traduire. Anne Thöni rappelle que « l’interreligieux n’est pas la fusion des cultes mais l’égalité des cultes. Ni minoritaire, ni majoritaire et surtout pas dominante ; une religion ne doit pas imposer sa vérité à l’autre », insiste-t-elle.

Les aumôneries interreligieuses sont « des alliances de bonne volonté où le respect se conjugue à tous les modes (le monde de l’hôpital, les autres cultes et la singularité des personnes).»

Ces années passées à l’hôpital Avicenne à Bobigny au côté d’aumôniers catholique, orthodoxe, juif et musulman ont été pour Anne Thöni « dix ans de bonheur ».

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