La commission des lois de l’Assemblée adopte la proposition de loi sur la laïcité dans les structures privées

 MèresVoilées

Trois ans : c’est le délai qu’il aura fallu à la proposition de loi « visant à étendre l’obligation de neutralité à certaines personnes ou structures privées accueillant des mineurs et à assurer le respect du principe de laïcité » – adoptée en première lecture par le Sénat le 17 janvier 2012 – pour arriver devant l’Assemblée nationale (voir nos articles ci-contre du 30 novembre 2011 et du 18 janvier 2012). En dépit de cette lenteur, le texte vient toutefois de franchir une étape importante avec son adoption, le 4 mars 2015, par la commission des lois de l’Assemblée.

Un texte déposé dans le contexte de l’affaire Baby Loup

La proposition de loi a été déposée le 25 octobre 2011 par Françoise Laborde – sénatrice de la Haute-Garonne – et l’ensemble du groupe RDSE, composé principalement des Radicaux de gauche. Le dépôt de ce texte est très lié au contexte de l’époque, avec la polémique autour de l’affaire du licenciement d’une salariée voilée par la crèche privée Baby Loup (voir nos articles ci-contre).
Le texte prévoit principalement que « lorsqu’ils bénéficient d’une aide financière publique, les établissements et services accueillant des enfants de moins de six ans sont soumis à une obligation de neutralité en matière religieuse ». Les établissements qui ne bénéficient pas d’une telle aide peuvent néanmoins « apporter certaines restrictions à la liberté d’expression religieuse de leurs salariés au contact d’enfants » (dans les limites définies par l’article L.1121-1 du Code du travail). Des dispositions similaires sont prévues pour les établissements accueillant des mineurs hors du domicile parental. En revanche, ces dispositions « ne sont pas applicables aux personnes morales de droit privé se prévalant d’un caractère propre porté à la connaissance du public intéressé » (autrement dit les structures confessionnelles), sous réserve – dès lors qu’elles bénéficient de financements publics – qu’elles accueillent tous les mineurs sans distinction et que leurs activités « assurent le respect de la liberté de conscience des mineurs ».
Enfin, le texte initial de la proposition de loi prévoit qu' »à défaut de stipulation contraire inscrite dans le contrat qui le lie au particulier employeur, l’assistant maternel est soumis à une obligation de neutralité en matière religieuse dans le cours de son activité d’accueil d’enfants ».

Pas d’obligation pour les assistantes maternelles

La commission des lois de l’Assemblée a adopté, dans sa séance du 4 mars, une quinzaine d’amendements émanant quasiment tous du rapporteur du texte, Alain Tourret, député (RDSE) du Calvados. La plupart sont des amendements de cohérence ne modifiant pas le fond du texte.
Seuls deux amendement identiques présentés par un député PS et par deux députés EELV (Europe Ecologie – Les Verts) – et adoptés par la commission – introduisent une modification de taille en supprimant l’article relatif aux assistantes maternelles. Les auteurs estiment en effet qu' »étendre ainsi l’obligation de neutralité religieuse, dans le silence du contrat, semble introduire un risque constitutionnel et conventionnel. Cette disposition apparaît en effet comme outrepassant le caractère justifié et proportionnel des restrictions à la liberté d’expression religieuse, garantie à l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et à l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme ».
La commission a en revanche écarté un autre amendement présenté par les deux députés EELV, qui visait à abroger les dispositions relatives aux enfants accueillis hors du domicile parental (article 2 du texte). Un amendement du rapporteur a toutefois restreint le champ d’application de cet article 2 en le limitant au cas des structures d’accueil collectif à caractère éducatif, excluant ainsi les établissements du champ médicosocial, « que le Sénat n’avait pas entendu viser, mais que les dispositions adoptées par celui-ci avaient pourtant pour effet d’inclure dans le champ du texte ».
Après son passage en commission des lois, la proposition doit être examinée en séance publique le 12 mars 2015.

Références : proposition de loi visant à étendre l’obligation de neutralité à certaines personnes ou structures privées accueillant des mineurs et à assurer le respect du principe de laïcité (adoptée en première lecture par le Sénat le 17 janvier 2012, examinée en séance publique par l’Assemblée nationale le 12 mars 2015).

Jean-Noël Escudié / PCA

Publié le vendredi 6 mars 2015

Pour en savoir plus : http://www.localtis.info

Et si on changeait le calendrier des jours fériés ?

Aujourd’hui, il y a douze jours fériés en France. On compte cinq fêtes civiles : le jour de l’an, la fête du travail (1er mai), la capitulation de l’Allemagne nazie (le 8 mai), la fête nationale (le 14 juillet) et l’armistice de la Première Guerre mondiale (le 11 novembre). On dénombre aussi six fêtes religieuses : le lundi de Pâques (le 6 avril en 2015), le jeudi de l’Ascension (14 mai 2015), le lundi de Pentecôte (le 25 mai 2015 qui est désormais un jour non payé), l’Assomption (le 15 août), la Toussaint (le 1er novembre) et Noël (le 25 décembre).

Mais voilà, l’amendement 2992 de la loi Macron envisage de remettre en cause ses sacro-saintes fêtes, comme le souligne le Parisien. Il indique que, dans les départements d’outre-mer, «afin de tenir compte des spécificités culturelles, religieuses et historiques, un arrêté préfectoral peut remplacer des jours fériés – le lundi de Pâques, l’Ascension, le lundi de Pentecôte, l’Assomption, la Toussaint – par un même nombre de jours fériés locaux.» Le rapporteur de la loi a souligné que les fêtes religieuses en France donnaient «un statut légal» uniquement à des fêtes chrétiennes. Eric Ciotti qualifie ce dispositif de «scandale institutionnel» qui remet en cause «l’identité et la culture de notre pays».

En attendant, Libération a pris les devants pour savoir à quoi ressemblerait notre calendrier si on changeait les dates des jours fériés.

SI ON CHOISISSAIT D’AUTRES FÊTES RELIGIEUSES

C’est la députée PS de la Réunion, Ericka Bareigts qui est à l’origine de cet amendement. Une façon de reprendre une des propositions d’Eva Joly. Pendant la campagne de l’élection présidentielle, la candidate écologiste avait proposé de rendre fériées les fêtes de l’Aïd et de Yom Kippour, provoquant une polémique jusque dans son camp.

Yom Kippour, aussi appelé le «jour du Grand Pardon» ou «jour des Expiations», est la fête la plus importante du calendrier hébraïque. Les fidèles juifs sont invités à réparer les fautes commises envers Dieu et envers leurs prochains. C’est un jour marqué par le jeûne. Cette journée rappelle la faute du veau d’or. Après avoir quitté l’Egypte, Moïse se rend sur le mont Sinaï pour recevoir les Tables de la Loi. Pendant ce temps, le peuple hébreu se détourne de Dieu pour adorer une statue en or en forme de veau. Yom Kippour sera célébrée le 22 et 23 septembre 2015.

L’Aïd al-Fitr est la fête musulmane marquant la rupture du jeûne du mois de Ramadan. Les musulmans se rassemblent alors pour faire des prières rituelles festives. Des mets et des boissons sont servis dans les mosquées et dans les maisons. Les enfants reçoivent des sucreries, ce qui explique l’autre nom de l’Aïd : la «fête du sucre». Cette année, elle sera célébrée le 18 juillet.

La fête de la Réformation, fêtée le 31 octobre, commémore un acte traditionnellement considéré comme fondateur du protestantisme. En 1517, le moine Martin Luther affiche, sur les portes de la chapelle du château de Wittenberg en Saxe (Allemagne), ses thèses contre les indulgences.

Divali, la fête des Lumières hindoue, célèbre le retour de Rama à Ayodhya, où les habitants éclairaient les rues où le roi passait, avec une multitude de lampes. La célébration s’étend sur cinq jours, et le troisième est appelé le «grand Divali», c’est le plus important. Les autres jours sont liés à des traditions et mythes différents. Le lendemain, c’est donc le début d’une nouvelle année indienne, et ce jour est appelé Annakut. Cette année, la fête tombe entre le 11 et le 15 novembre 2015.

Vesak ou Visakha est la principale fête bouddhiste. On y célèbre la naissance, l’éveil et l’extinction de Bouddha. La communauté bouddhiste se réunit alors pour méditer sur les trois «Joyaux» : le Bouddha, le dharma (son enseignement) et le sangha (communauté des pratiquants). Elle est fêtée en France, le 2 juin 2015.

SI ON CÉLÉBRAIT SEULEMENT LA RÉPUBLIQUE

A l’inverse, on pourrait décider de supprimer tous les jours fériés en lien avec la religion. Pour avoir 12 jours chômés, il faudrait donc ajouter des dates de commémoration basées sur les valeurs de la République.

Le 21 janvier serait à retenir car c’est le jour où le roi de France Louis XVI, est guillotiné à Paris, en 1793. Une façon toutefois un peu radicale de célébrer la fin de la monarchie.

Plus consensuel, on peut célébrer un autre épisode de la Révolution, le 20 juin 1789, date du serment du Jeu de Paume où les députés de l’Assemblée nationale jurent de ne pas se séparer avant d’avoir donné une constitution à la France.

Révolution toujours, mais au mois d’août (ce qui permettrait de remplacer le 15 août de la Vierge), la France pourrait chômer le 4 août en souvenir de l’abolition des privilèges par la Constituante. Tous les citoyens sont désormais égaux en droits et en devoirs. Une manière de remplacer le 15 août et la fête de l’Assomption en somme.

Ou le 26 août, qui deviendrait un second jour de fête nationale pour rappeler le vote de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, proclamant les droits naturels de l’homme et la souveraineté de la nation, en 1789.

Plus militaire, le 20 septembre 1792, la bataille de Valmy est la première victoire décisive de l’armée française après la Révolution. Les Prussiens essayent de marcher sur Paris. Ils sont stoppés près du village de Valmy, en Champagne-Ardenne. L’issue de la bataille est considérée comme «miraculeuse».

Enfin, le 5 octobre célébrerait la proclamation de la Ve République, en 1958, après le référendum du 28 septembre de la même année.

SI LES RÉGIONS ÉTAIENT MISES À L’HONNEUR

Enfin, il ne faut pas oublier que la France est constituée de multiples régions aux identités fortes qui ont leurs propres fêtes. Celles-ci pourraient être reprises et devenir des jours chômés en référence à la diversité régionale.

Le 18 novembre célèbre la proclamation de la constitution corse, lancée par Pascal Paoli, en 1755. Ce texte est souvent considéré comme la première constitution démocratique du monde moderne. «La Corse se donne une constitution basée sur la souveraineté du peuple et la séparation des pouvoirs. Le pouvoir législatif reste confié aux consultes. L’exécutif est assuré par un Conseil d’Etat présidé par le général et subdivisé en trois sections : politique, économique et militaire. Le pouvoir judiciaire est donné, suivant l’importance des délits, à des tribunaux situés au niveau de la paroisse, de la pieve, de la province ou de la nation.»

La fête de la Saint-Yves (Gouel Erwan en breton) ou fête de la Bretagne deviendrait un événement national. Elle serait célébrée tous les ans le 19 mai en l’honneur du patron des avocats et des Bretons. C’est l’occasion de processions mais aussi de pardons dans les églises.

On pourrait aussi fêter la Saint-Étienne. C’est une fête chrétienne célébrée le 26 décembre qui commémore le premier martyr de la chrétienté. Etienne fut accusé, en l’an 36, de blasphème contre le sanhédrin (assemblée législative juive de Jérusalem) et fut condamné à la lapidation. C’est surtout une excuse supplémentaire pour digérer la dinde de Noël. La Saint-Étienne est déjà un jour férié en Moselle et en Alsace (qui ont également droit à un deuxième jour chômé supplémentaire : le vendredi saint).

Déborah COEFFIER

Pour en savoir plus : http://www.liberation.fr