Charleston : «Nous ne sommes pas guéris du racisme», estime Barack Obama

BarackObama

Quelques jours après la fusillade dans laquelle neuf Noirs ont été abattus par un jeune suprématiste blanc en Caroline du Sud, Barack Obama a évoqué sans mâcher ses mots l’ombre de la ségrégation qui pèse toujours sur la société américaine, n’hésitant pas à utiliser le mot tabou, «Nigger» (nègre).

Advertisement«Nous ne sommes pas guéris du racisme»: quelques jours après la fusillade dans laquelle neuf paroissiens noirs et leur pasteur ont été abattus par un jeune suprématiste blanc à Charleston (Caroline du Sud), Barack Obama a choisil’émission de radio «WTF with Marc Maron» , lundi matin, pour évoquer «l’ombre» de la ségrégation qui pèse sur la société américaine. Et le président américain n’a pas mâché ses mots, expliquant que l’absence d’un langage raciste ne signifie pas qu’il n’y a plus de racisme, utilisant à dessein le mot «Nigger» (nègre) pour marquer les esprits : «Ce n’est pas seulement la question de ne pas dire ‘nègre’ en public parce que c’est impoli, ce n’est pas à cela que l’on mesure si le racisme existe toujours ou pas», a expliqué le premier président noir des États-Unis.

«Les sociétés n’effacent pas complètement, du jour au lendemain, ce qui s’est passé deux ou trois cents ans plus tôt», a poursuivi Obama. «L’héritage de l’esclavage, des (lois de ségrégation raciale instaurées en 1876) Jim Crow, de la discrimination dans presque tous les compartiments de nos vies, cela a un impact durable et cela fait toujours partie de notre ADN», a-t-il ajouté, estimant toutefois que les relations raciales «se sont sensiblement améliorées»: «Je dis toujours, aux jeunes en particulier, ne dîtes pas que rien n’a changé sur les races aux Etats-Unis, à moins que vous ayez vécu en tant qu’homm noir dans les années 1950 ou 1960 ou 1970. Il est indéniable que les relations raciales se sont améliorées de manière significative au cours de ma vie et la vôtre.»

Déclaration «audacieuse» pour les uns, «indigne» de son statut de président pour les autres… L’utilisation du terme «Nigger» a très vite fait les gros titres des sites d’informations et des émissions de télévision, la plupart se refusant à écrire le mot tant controversé en toutes lettres, lui préférant l’expression «N-word»… voire le remplaçant par un bip,comme la chaîne conservatrice Fox News.

Par Anne-Laure Frémont

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Cessons de faire la com de l’Etat islamique !

EtatIslamique

Un polémiste britannique, ardent défenseur de la liberté d’expression, appelle ses confrères occidentaux à ne plus diffuser les images sordides du groupe terroriste.

J’ai une question pour les médias occi­dentaux : si vous êtes si convaincu que l’Etat islamique est barbare, monstrueux, l’un des pires mouvements de notre histoire récente, pourquoi donc assurez-vous sa com ?

Pourquoi diffu­sez-vous sa propagande, et avec elle la « marque » EI, vous comportant de facto comme autant d’attachés de presse offi­cieux ?

Car ne vous y trompez pas. Quand des organes de presse occidentaux éta­lent en première page les sordides snuff movies de l’Etat islamique, assortis d’al­léchantes captures d’écran des quelques secondes précédant l’horreur absolue, c’est précisément ce qu’ils font : c’est presque de la complicité avec les terroristes, et c’est sans conteste les aider à parachever ces actes de terreur en en faisant la publicité auprès d’opinions occidentales sidérées. Le terroriste à lui seul n’a pas les moyens de faire connaître aussi largement ses actes, mais les médias sont là pour interpréter et semer tous azimuts cette terreur qu’il veut jeter dans nos cœurs.

Le 3 février, le groupe Etat islamique a de nouveau publié la vidéo d’une exé­cution, la pire à ce jour. Nul besoin ici d’en détailler le contenu, puisqu’il vous suffit de prendre n’importe quel journal britannique, n’importe quel journal au monde, d’ailleurs, pour obtenir dès la une de macabres et terrifiantes informations sur ce qu’a fait l’El et peut-être, en prime, des photos du mort-vivant. Certains journaux publient des images prises quelques milli­secondes avant l’horreur, à la façon d’une foire aux monstres digne de l’Angleterre victorienne. Et vous, naturellement, vous vous demandez ce qui s’est passé ensuite, à quel point cela a été atroce – a-t-il hurlé ? S’est-il tordu de douleur ?

Le traitement de ces vidéos par les médias est au fond une invite à googliser, à aller chercher le film d’horreur authentique en ligne – car évi­demment il y est [la chaîne américaine Fox News est allée jusqu’à publier l’inté­gralité de la vidéo sur son site]. C’est du racolage moderne: « Approchez, approchez, mesdames et messieurs! Venez voir ce qu’il advient de l’homme en cage !

La pornographie de l’horreur

Certains organes de presse justifieront le récit éprou­vant qu’ils font de la vidéo et l’usage abon­dant d’extraits par le devoir d’informer, voire de défendre la liberté de la presse. Spiked est loin d’être le dernier en la matière, mais je ne peux pas adhérer à ces justifications. Naturellement, l’exécution de ce citoyen jordanien par l’Etat islamique est une information d’intérêt public. Mais la description façon exercice d’écriture de toutes les plaies sur le visage de l’otage… La représentation image par image, façon Wes Craven [réalisateur de films d’hor­reur], de l’instant fatal… Le récit pénible du moindre mouvement de l’agonisant… Tout cela est-il vraiment nécessaire ? De mon point de vue, pour l’essentiel, la cou­verture médiatique des pratiques meur­trières perverses de l’El a moins pour but d’informer que d’aguicher, de provoquer, d’offrir aux lecteurs une pornographie de l’horreur dont ils peuvent jouir tout en gar­dant la conscience tranquille. Nombre de journaux ressemblent aujourd’hui à ces feuilles de choux bon marché qu’on trou­vait à l’époque victorienne, qui préten­daient sensibiliser l’opinion au fléau de la prostitution enfantine en déversant des tombereaux de détails racoleurs sur les il outrages infligés à ces enfants : aujourd’hui comme hier, le devoir d’informer sert de prétexte douteux à la publication de contenus voyeurs complaisants.

Et le pire, c’est que c’est précisément ce que cherche l’Etat islamique terr: qu’on parle aussi loin et aussi fréquemment que possible de ses pratiques volontairement le archaïques et ultraviolentes. Et le groupe a particulièrement besoin de ce genre d’opé­ration de communication aujourd’hui, après la défaite que lui ont infligée les Kurdes à Kobané et étant donné son isolement à Mossoul, qui serait assiégée par des forces irakiennes et étrangères.

Les médias encouragent l’El

Ebranlé, l’El a besoin de rappeler aux Occidentaux qu’il reste une menace, et quoi de mieux pour cela que de diffuser une vidéo vraiment choquante, sachant que des médias occi­dentaux assoiffés de gore vont immédiate­ment s’en emparer ? Certains se demandent pourquoi l’El réalise des vidéos si atroces. C’est en partie parce que cette organisation est manifestement à des années-lumière de l’univers moral et politique dans lequel évoluent la plupart des groupes politiques, même les plus violents. Mais c’est aussi parce qu’il sait que ses vidéos vont faire réagir, qu’elles vont générer des « pages vues », susciter l’obsession des médias occi­dentaux. Il est donc vraisemblable que la presse occidentale encourage l’El à conti­nuer ses exécutions filmées.

Nos sociétés occidentales apeurées ampli­fient les actes de terrorisme en réagissant de façon excessive au terrorisme. On l’a vu ces dix dernières années, les acteurs poli­tiques ont réagi aux attentats islamistes dans les grandes villes occidentales : ils ont réé­crit les lois, restreint les libertés et instauré une culture de la peur. Le retentissement du terrorisme est très souvent déterminé.

Au bout du compte, ce sont les ressources morales (ou leur absence) d’une société prise pour cible qui déterminent si le ter­rorisme aura un retentissement sanglant mais temporaire ou un retentissement durable sur les plans politique, juridique et moral. Et aujourd’hui encore face à l’Etat islamique: si « John le djihadiste » et ses acolytes hantent nos cauchemars, c’est à cause de ce que les médias ont fait d’eux, c’est parce que nos sociétés elles­-mêmes ont érigé en monstres ces meurtriers pathétiques.

Par : Brendan O’Neill (Spiked – Londres)

Pour en savoir plus : http://article19.ma/