Attentats à Charlie Hebdo : Immense tristesse et grande impuissance

7Janvier2014AttentatsCharlieHebdo

 

Immense tristesse et grande impuissance devant les événements d’hier à Paris.

Que faire contre cette violence extrême ? Ré-agir fermement certainement. Tenter de comprendre, aussi, comment on peut en arriver là.

Que c’est-il passé dans notre pays et dans notre monde depuis près de 30 ans ? Quels dérèglements géopolitiques sont survenus pour que deux hommes viennent abattre froidement des journalistes en plein travail ?

Quelles responsabilités des gouvernements de notre monde qui laissent deux hommes accéder à une barbarie sans nom dans leurs actes ?

Le plan vigipirate est activé. Mais le risque zéro n’existe pas. Le monde entier est pris par la menace d’un attentat inattendu (mais qui attend un attentat ?).

Les gouvernements mettent en place de précaires pansements sur un mal profond qui mettra des années voir des siècles à guérir.

La place dans les sociétés « modernes » de nombreux jeunes et moins jeunes restent à définir. Quelle place pour les pays moins riche que les « nôtres » ? Quelle place pour ceux qui viennent de ces pays, eux-mêmes ou leur parents, voir grands-parents ?

Quelles relations entre nos pays ? Entre les habitants de notre planète ?

Comment imaginer des sociétés, une société mondiale où les différences sont des atouts, ou chacun peut travailler, prier, aimer, partir en vacances, réfléchir, discuter, avoir des amis, un logement ???

Si nous ne sommes pas capables de réfléchir et de mettre en oeuvre ce monde, alors nous allons dans le mur. Et nous ne serons jamais en « sécurité », puisque l’Autre sera toujours en guerre pour avoir ce à quoi il a droit : une vie digne !

Hommes et femmes de bonne volonté, travaillons ensemble à un monde plus juste où chacun et chacune est reconnu pour ses qualités propres et non par la couleur de sa peau ou le nom de sa religion.

Notre responsabilité est de travailler dans notre quotidien à ouvrir nos coeurs pour accueillir celui qui ne pense pas comme moi, celui qui ne dit pas sa foi comme moi, celui qui vient d’ailleurs.

Enrichissons-nous de nos différences ou nous mourrons.

Publié par Marie DAVIENNE – KANNI le jeudi 8 janvier à 10h39

Abdennour Bidar sur la nécessaire réforme de l’islam : « L’autocritique est la porte de la renaissance »

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Le 13 octobre 2014, le philosophe musulman français Abdennour Bidar publiait dans l’hebdomadaire Marianne une Lettre ouverte au monde musulman (1) où il expliquait que l’indignation des musulmans face à  Daech (traduite par le mouvement «Not in my name») ne suffit plus, que le monde musulman doit cesser d’accuser l’Occident de ses maux, entamer son autocritique et réformer l’islam en profondeur – en légitimant la libre pensée. Dans un entretien accordé à « Aujourd’hui le Maroc » le 25 octobre 2014, Abdennour Bidar développe sa vision d’un islam spirituel du XXIème siècle.

Extraits :

Entre islam traditionnel et renonciation à la vie spituelle, une troisième voie est possible : celle d’un rapport libre à la religion

Abdennour Bidar : J’appelle la culture de l’Islam à se réformer parce que je crois que nous devons sortir de l’alternative où nous sommes actuellement enfermés: soit garder l’Islam de la tradition, soit renoncer à la vie spirituelle. Une troisième voie est possible qui est d’imaginer une nouvelle vie spirituelle, un nouveau rapport à l’Islam, plus libre, plus personnel, plus en phase avec notre temps. Un Islam qui reconnaît le droit à chacun d’entre nous de choisir en son âme et conscience le musulman ou la musulmane qu’il veut être – sans jugement d’autrui, sans contrôle des uns sur les autres mais dans une reconnaissance et une tolérance pour la diversité interne de nos rapports à la religion.

Je crois en cette évolution parce que c’est ce à quoi aspirent aujourd’hui les jeunes générations : elles veulent un Islam libre, compatible avec la démocratie, les droits de l’Homme, l’égalité des femmes et des hommes, le respect du pluralisme des croyances religieuses et de toutes les convictions. C’est comme cela que j’espère convaincre le monde musulman : non pas en proposant le discours abstrait du philosophe mais en m’adressant directement à l’esprit et au cœur de chaque conscience musulmane, en répondant à ce qu’elle attend elle-même, c’est-à-dire un nouveau rapport à la culture, à la tradition, aux coutumes, un rapport libéré de tous les poids du passé…

« L’Occident est ‘sorti de la religion’ par la mauvaise porte, celle de l’abandon de la vie spirituelle, et les musulmans peuvent prendre une voie différente qui serait la régénération d’une vie spirituelle pour le XXIe siècle »

A cet égard j’entends souvent des musulmans me dire merci, «vous dites tout haut ce que beaucoup pensent tout bas» et vous nous donnez confiance dans notre droit à vouloir un autre islam qui n’a rien à voir avec le wahhabisme, le salafisme, le traditionalisme, et toutes ces fausses solutions qui voudraient ressusciter un passé imaginaire. Je crois que l’Occident est «sorti de la religion» par la mauvaise porte, celle de l’abandon de la vie spirituelle, et que les musulmans peuvent prendre une voie différente qui serait la régénération d’une vie spirituelle pour le XXIe siècle.

On me dit souvent, «vous les Occidentaux ne regardez que les terroristes, mais c’est l’arbre qui cache la forêt». Alors moi je demande : «Mais dans quel état est la forêt ?». Dans quel état est l’Islam dans son ensemble ? Dans quel état moral, social, politique, spirituel ? Je vois que c’est un monde qui souffre de multiples maladies, dont les groupes terroristes ne sont que le symptôme le plus grave, le plus visible. Mais derrière, il y a le traditionalisme, le littéralisme, le dogmatisme, c’est-à-dire tout ce qui transmet une sous-culture religieuse faite de taqlid, de répétition des traditions sans aucune éducation de l’individu à la réflexion personnelle: «Le Coran a dit, point», «la Sunna a dit, point». Tout ce que je dénonce dans mes livres comme une confusion entre Islam et soumission, religion et soumission. Mais Allah ne veut pas des esclaves ! Il veut des rois! Il a demandé aux anges de se prosterner devant Adam, dans la sourate Al Baqara. Et il a élevé Adam au rang de calife, chargé d’administrer l’univers avec justice. L’être humain est «Abderrahmane», «au service de la miséricorde»: c’est lui le roi de la terre qui fait exister la miséricorde divine sur la Terre. Il a été créé avec cette souveraineté et c’est pour cela qu’il est un être spirituellement libre: c’est à chacun de nous de choisir comment il veut servir la miséricorde. «La ikraha fi Din !»

« Ne pas laisser quelqu’un d’autre choisir mon islam à ma place. Refuser les discours de haine, de violence, de guerre, d’intolérance, de soumission et de domination »  

Je suis philosophe, ce qui veut dire que pour moi c’est un combat de fond : au niveau des idées, et du «fond d’écran» de la civilisation de l’Islam. Ce fond d’écran c’est l’ensemble des fondements de notre spiritualité. Voilà ce qu’il faut revoir, il faut tout refonder, tout reprendre depuis le début que chacun relise aujourd’hui le Coran comme s’il venait de lui être révélé. Ne pas laisser quelqu’un d’autre choisir mon Islam à ma place. Refuser les discours de haine, de violence, de guerre, d’intolérance, de soumission et de domination. Entrer, comme le disait au XIIIe siècle le cheikh Al Akbar, Muhyiddin Ibn Arabi, dans une religion de l’amour.

Beaucoup de musulmans (…) sentent que le moment de l’autocritique est venu, parce que l’autocritique est la porte de la renaissance! Mais il faut que tous ces musulmans osent se mobiliser, osent agir, ne serait-ce qu’au niveau le plus modeste de l’éducation spirituelle qu’ils donnent à leurs enfants, et du modèle qu’ils donnent en société, en faisant la preuve par leur comportement de tous les jours d’une vie spirituelle à la fois riche et ouverte, profonde et tolérante, de telle sorte que, à la fois, l’image extérieure de l’Islam change, et que de l’intérieur ce soit une spiritualité de paix et d’approfondissement qui l’emporte. A cet égard, il y a beaucoup à prendre dans notre héritage soufi : un Islam discret, fait de vertus (générosité, désintéressement, tolérance) et de méditation profonde sur la beauté de l’univers, le mystère du cœur humain et de la présence qui s’y cache. L’Islam n’est pas dans les apparences – le vêtement, la barbe, etc. –, il est dans le secret d’un cœur ouvert aux autres, à la fraternité humaine avec tous nos frères humains de toutes couleurs et cultures. Il est dans la niya, l’intention de bien agir et de trouver le chemin de la sagesse. (…)

Le soufisme est le cœur spirituel de l’Islam. Il est à la fois malade et vivant. Il n’échappe pas à la dégradation spirituelle générale de l’islam du passé. Mais il contient toujours des germes de sagesse pour demain. Je prendrais volontiers une image : il y a dans le soufisme des graines de sagesse qui n’ont encore jamais été utilisées, qui sont restées inconnues pendant tous les siècles qui précèdent depuis la naissance de l’Islam. Aujourd’hui les sages ont reçu l’ordre – idhn, la permission divine – de les semer dans les cœurs et dans les sociétés, et nous allons tous être surpris des fruits et des fleurs qu’ils vont donner. Ce sera un nouveau Jardin spirituel que nous n’arrivons même pas à imaginer encore aujourd’hui. (…)

« Le Printemps arabe s’inscrit dans un processus à long terme : le monde musulman est en train, au prix de convulsions énormes, de s’arracher à son passé »

Le Printemps arabe s’inscrit dans un processus de long terme, à l’échelle de décennies et de siècles : le monde musulman est en train, lentement mais sûrement, et au prix de convulsions énormes, de régressions terribles parfois, c’est-à-dire de tragiques retours en arrière, de s’arracher tout de même à son passé, et de cheminer vers ce que mon ami le penseur Souleymane Bachir Diagne appelle l’équilibre entre la fidélité et le mouvement, l’équilibre entre le recueillement des héritages et l’invention de l’avenir. Ayons confiance, et essayons d’assumer chacun sa part de responsabilité dans cet immense processus en cours !

(1) Lettre ouverte aux musulmans, le 13 octobre 2014 : http://www.marianne.net/Lettre-ouverte-au-monde-musulman_a241765.html

Pour en savoir plus : http://www.memri.fr

La laïcité au risque de l’Autre

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La charte de la laïcité introduite solennellement en 2013 par le ministre de l’Éducation nationale d’alors, Vincent Peillon et affichée depuis lors dans tous les établissements scolaires français proclame dans son article 12 « Les enseignements sont laïques. Afin de garantir aux élèves l’ouverture la plus objective possible à la diversité des visions du monde ainsi qu’à l’étendue et à la précision des savoirs, aucun sujet n’est a priori exclu du questionnement scientifique et pédagogique. Aucun élève ne peut invoquer une conviction religieuse ou politique pour contester à un enseignant le droit de traiter une question au programme. »

L’ouvrage « la laïcité au risque de l’autre » qui vient de paraître aux éditions de l’Aube se propose de prendre au mot cet article en questionnant… La laïcité telle qu’elle s’est mise en place en France. L’article 7 de la charte proclame par ailleurs que « la laïcité assure aux élèves l’accès à une culture commune et partagée ».

C’est principalement sur ce point que les auteurs une anthropologue et une sociologue se proposent de déconstruire nos représentations collectives, qui n’ont d’universel que ce que l’arrogance de la nation française, « patrie des droits de l’homme », s’arroge le pourvoir de définir comme universel.

La thèse soutenue est la suivante: alors que les conditions de la mise en place du projet émancipateur républicain ont radicalement changé depuis la république des Jules, alors que l’éducation civique ou morale de J. Ferry se déclare au service d’un très actif projet de société, un projet politique, aujourd’hui elle apparaît plutôt comme un remède ou une réponse, à des « problèmes » d’insécurité, d’autorité, de communautarisme.

Posée depuis les origines républicaines comme une forme supérieure de lien social, au service de l’émancipation, de la formation d’un esprit critique et de la promotion de valeurs universelles, la laïcité se manifeste aujourd’hui comme une forme identitaire majoritaire aux tendances islamophobes. Et le diagnostic collectif contemporain porté sur l’école de la République présente une forte tendance réactionnaire, au sens propre du terme: face aux dysfonctionnements de l’Ecole ce discours propose d’en revenir à une époque antérieure et cette nostalgie collective d’une société autour d’une école qui n’a jamais existé en dit long sur le processus d’amnésie collective, d’oublis sélectifs et de fantasmes qui produit les sociétés et le lien social.

La laïcité est le produit d’une histoire culturelle de la Raison et d’une tradition pratique et particulière de la rationalité, comme toutes les sociétés en connaissent. S’y référer sans cesse, à droite comme à gauche, au nom de la neutralité et de l’universel pour statuer sur les problèmes de la pluralité, ne peut que générer des sentiments d’injustice, car c’est conférer une dimension hégémonique à une conception toute particulière et majoritaire du bien, conception en crise en termes de projet socialisateur émancipateur et d’égalité d’accès aux biens premiers. Dès lors, la question se pose d’un avenir politique de la « laïcité à la française » dont l’école a été l’acteur cardinal.

Or l’école amplifie les inégalités sociales qui lui préexistent à l’aide de mécanismes de connivence entre curricula, techniques scolaires et valeurs culturelles des classes cultivées. Le plus frappant est que ce constat alarmant sur les écarts de réussite scolaire selon les origines sociales ne relève pas seulement d’une pensée de sociologie critique, mais est devenu en quelques décennies presque une vulgate autant qu’ une véritable affaire d’État, au centre d’une politique, dite d’égalité des chances, pilotant et gouvernant par objectifs et indicateurs.

Dés lors, la laïcité est alors un discours de double jeu, puisque le « discours de l’Ecole de la réussite de type méritocratique », fonctionne non seulement comme espace narratif de l’égalisation des chances (que l’analyse sociologique récuse), mais aussi comme légitimation de l’existence même d’une périphérie. Si la méritocratie est pensée en tant que vecteur d’une réussite personnelle possible, quelles que soient ses origines, c’est-à-dire à l’aune de ses compétences; la laïcité admet le périphérique comme nécessaire à sa propre pérennisation. Le double jeu consiste alors à ce que cette apparente neutralité sociale et politique justifie les parcours scolaires socialement et donc scolairement différentiels, niés dans leurs pratiques par le discours même qui les masque mais producteur d’une rhétorique enseignante de déploration et d’accusation.

L’école a fourni jusqu’au milieu du XXe siècle environ, l’accès vers un imaginaire et une identité organisés autour de l’idée de nation. Elle a instauré un nouveau type de légitimité politique, dont la citoyenneté a constitué le noyau de rassemblement supérieur à toute autre appartenance ou croyance. Elle a été le viatique vers l’Universel et la Raison, pour lesquels élèves et familles devaient faire passer au second plan leurs particularismes culturels, leurs langues régionales, leurs identités, leurs attaches.

Mais le « roman national » élaborant collectivement et de manière imaginaire un passé mythique et partiellement amnésique, grâce aux discours, aux pratiques et aux institutions, est devenu un des ressorts au nom de quoi l’exclusion de « l’étranger sociologique » se légitime, voire même son « intégration » au sens de disparation de ce qui fait altérité, fut-elle portée par de « petites différences ». Dans la république française moniste, « l’Autre doit devenir le Même » selon l’expression de Bruno Etienne et n’a pas droit à la différence: « cujus regio ejus religion ».

En effet, l’idéologie latente de cette unité moniste de la République laïque, largement portée par l’Ecole était évolutionniste: tous les peuples allait petit à petit (et surtout grâce à la France éternelle, à la Raison universelle et à l’Ecole) après avoir parcouru toutes les étapes, accéder à la Civilisation d’Auguste Comte et aux droits de l’Homme universel….sauf aujourd’hui les musulmans, voire même dans une figure essentialisée, le musulman, archétype de « l’étranger sociologique »; En particulier, le débat en France renforce sans cesse la représentation d’un clivage profond entre une identité musulmane réifiée et objectivée en culture, et une laïcité tout en principes et en proclamation Les professionnels du monde éducatif et scolaire sont alors invités d’un côté à déployer des efforts pour aller vers des parents que tout éloignerait de l’école (scolarité, capital culturel, quartier) et de l’autre à être les gardiens d’une neutralité que menacerait le « communautarisme » musulman.

Au fond, parents et professionnels savent que les institutions, au premier chef l’école, n’appliquent pas les idéaux proclamés de laïcité, de neutralité et d’égalité: « Refonder l’école de la République pour refonder la république par l’école »? Cette déclaration solennelle résonne étrangement. Que peut aujourd’hui offrir l’école en échange de l’ancienne remise d’un soi – différent, attaché – exigée au nom du respect des valeurs de la République? En tout cas, elle ne peut offrir ni de l’intégration, ni de la socialisation, ni de la mobilité sociale.

Coincés entre des injonctions contradictoires à s’intégrer à l’invisible d’un côté et à respecter leurs racines de l’autre, les jeunes descendants de migrants musulmans ont bien du mal à trouver le moindre sens à des leçons de morale laïque, alors qu’un débat binaire et stérile s’installe entre islam et laïcité. Alors qu’elle était, dans sa genèse, un outil politique au service d’un projet – même dominateur -, il faut bien admettre que la laïcité se transforme en instrument d’agression des minorités, principalement aujourd’hui vis-à-vis de la minorité musulmane qui concentre à elle seule l’idée d’une crise du modèle d’intégration français.

Ce modèle citoyen français, scotomisant les appartenances met à mal la construction des subjectivités, dans une radicalisation de la laïcité que questionne ce mythe contemporain de l’islamisation. Il n’est que voir la représentation des musulmans dans les manuels scolaires.

La thèse de l’ouvrage est que ce n’est pas tant un dévoiement de la laïcité qu’un aboutissement logique du déni systématique des identités culturelles, qui constituent une sorte de passager clandestin de la laïcité. Or, le propre même de notre seconde modernité est caractérisé par les potentialités d’un cosmopolitisme ouvrant pour un même individu à une pluralité d’identifications et encourageant la construction d’identités culturelles combinant individualisme et multi-appartenances.

L’idéal de la laïcité fondateur de la république française est aujourd’hui devenu prétexte à oblitérer toute prise en compte de l’altérité et ses figures, qui sont pensés comme menaces. Car la laïcité, œuvre de compromis de la IIIe république, n’est pas tant une articulation des activités privées et publiques à l’Ecole, une éviction des religions de l’école, une neutralité religieuse ou d’opinion revendiquée qu’un véritable modèle politique d’imposition et de légitimation d’un ordre social supposé pacifié et conçue comme emblème de la conception républicaine de l’espace public.

La laïcité française est aujourd’hui prise entre une droite développant de façon « décomplexée » les idées de hiérarchisation des cultures, et une gauche piégée par la référence à un universel émancipateur nécessairement fondé sur une supériorité de valeurs. Car la laïcité se situe intrinsèquement dans l’espace d’un universel substantiel et de surplomb (une manière de s’habiller, ou de manger, plutôt qu’une autre) et pas seulement procédural (une manière de trouver des solutions avec la discussion.)

L’ouvrage propose deux pistes qui s’offrent à l’action publique si la laïcité à la française peut être questionnée dans ces effets comme le propose la …charte de la laïcité. Aucun grand média et très peu de travaux scientifiques n’osent ouvrir cette question.

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Pour en savoir plus : www.huffingtonpost.f

Peu de Français revendiquent l’appartenance à une communauté

LA RÉDACTION | LE 15.10.2014 À 15:21

De plus, les Français, quelles que soient leurs origines, « plébiscitent à plus de 90% les valeurs républicaines, y compris la laïcité », selon un sondage pour la Licra.

Des passants dans les rues de Paris. (FRED DUFOUR / AFP)
Des passants dans les rues de Paris. (FRED DUFOUR / AFP)

Une minorité de Français, un sur cinq, a le sentiment d’appartenir à une « communauté spécifique » du fait de ses origines ou de sa religion, parmi lesquels beaucoup citent la France ou le catholicisme, selon un sondage OpinionWay pour la Licra publié mercredi 15 octobre.

Parmi les 22% de personnes citant leur appartenance à une « communauté spécifique », près d’un tiers se définit comme « Français » ou « Français de souche, vrai Français, Français d’origine… », d’autres citent la Bretagne (3%), l’Europe (4%), l’Afrique (3%).

Les Français « plébiscitent à plus de 90% les valeurs républicaines »

Quant à ceux qui invoquent une communauté religieuse, trois quarts sont catholiques, 9% musulmans, 5% protestants et 2% juifs, selon ce sondage.

Mais surtout, « l’immense majorité des Français n’affiche aucune appartenance communautaire », souligne la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), qui consacre ses universités annuelles, de vendredi à dimanche au Havre, à la lutte contre le communautarisme.

De plus, les Français, quelles que soient leurs origines, « plébiscitent à plus de 90% les valeurs républicaines, y compris la laïcité », se réjouit cette association.

Parallèlement, 77% des sondés jugent que les replis communautaires sont un danger pour la société. La majorité juge qu’ils sont liés aux conflits internationaux (67%), à la crise (62%), au besoin de valeurs, de racines (61%) et aux discriminations (58%).

Près de trois quarts des sondés (72%) estiment par ailleurs que la France ne traite pas toutes les minorités de la même manière mais aucune minorité n’apparaît unanimement comme privilégiée.

« A quelle minorité accorde-t-on le plus d’importance? », a demandé Opinionway aux sondés qui évoquaient une différence de traitement: 15% ont cité les étrangers ou immigrés, 13% les Juifs, 13% les musulmans, 5% les Roms, 4% les homosexuels, 4% les chômeurs, etc.

Le sondage a été réalisé les 8 et 9 octobre sur la base d’un échantillon représentatif de 1.006 personnes interrogées en ligne.

http://tempsreel.nouvelobs.com

Où est la diversité religieuse ?

KateWilliamNouvelleZélande

CRÉÉ LE 08/04/2014 / MODIFIÉ LE 09/04/2014 À 06H52

Singapour est en tête des pays détenant la plus grande diversité religieuse, le Vatican demeure en toute logique la lanterne rouge. La France est gratifiée par le Pew Reseatch Center d’une belle 25e place sur les 232 pays pris en compte.

Plusieurs évènements de cette semaine ont révélé à quel point la liberté religieuse demeure bien fragile sur l’ensemble des continents, et combien l’objectif du dialogue et de la cohabitation s’affiche encore pour beaucoup de contrées comme un horizon lointain.

Alors que le Père van der Lugt
était assassiné ce lundi à Homs, alors qu’au Pakistan un couple de chrétiens se retrouvait condamné pour blasphème, qu’en Chine les protestants restent dans le collimateur de l’État, ou qu’à Bagdad des chrétiens voient leurs maisons réquisitionnées par des gangs armés (pour ne citer que ces quelques cas), il semblait intéressant de revenir sur une recherche publiée il y a quelques jours par le Pew Research Center.

Dans le cadre de sa prochaine étude sur le paysage religieux mondial, le fact tank s’est penché sur un indice qui classe chaque pays en fonction de sa diversité religieuse.

Bien sûr, cet indice ne prend pas en compte les nombreux paramètres nécessaires à l’élaboration d’une cohabitation sereine (respect légal des minorités, influence des différents groupes…), il s’attache plutôt à comprendre ici la diversité en fonction de la répartition de la population parmi huit groupes religieux (voir ci-dessous). Plus la population d’un pays se répartit équitablement entre les différents groupes, plus celle-ci fera preuve de diversité. C’est ainsi que le Vatican est le pays qui accueille le moins de diversité religieuse avec ses 99% de catholiques.

Au-delà de ce chiffre anecdotique, il est intéressant de réaliser que parmi les 12 pays qui ont selon cette étude la plus grande diversité religieuse en leur sein, 6 sont de la région Asie-Pacifique (Singapour, Taiwan, Vietnam, Corée du Sud, la Chine et Hong Kong); cinq sont en Afrique sub-saharienne (Guinée-Bissau, Togo, Côte-d’Ivoire, le Bénin et le Mozambique); et un en Amérique latine et dans les Caraïbes (Suriname). Aucun pays européen ne fait partie du groupe de tête.

Pour autant, la France
(25e) se classe devant des pays comme les États-Unis (63e). Selon le Pew Institute, en effet, les chrétiens représentaient en 2010 63% de sa population, alors que deux autres groupes se partageaient d’importantes parts: les religieux non affiliés (28%) et les musulmans (8%).

La population européenne reste selon ce sondage majoritairement chrétienne (75%), avec 6% de musulmans et 15% de « non affiliés ».

La liste des huit religions prises en compte est celle-ci : les cinq religions mondiales (bouddhisme, christianisme, hindouisme, islam et judaïsme) ; les « non-affiliés » (agnostiques, athées…) ; les adeptes des religions traditionnelles ; et enfin les adeptes d’autres religions (comme la foi baha’ie, le jaïnisme, le shintoïsme, le sikhisme, le taoïsme, Tenrikyo, Wicca et le zoroastrisme).

http://www.lavie.fr

L’islam doit faire un effort radical de renouvellement

« L’islam doit faire un effort radical de renouvellement et de dépassement de soi »

Abdennour Bidar, philosophe, est membre de l’Observatoire national de la laïcité et auteur de plusieurs essais dont Un islam pour notre temps (Seuil, 2004) etL’islam sans soumission : pour un existentialisme musulman (Albin Michel, 2008). Dans le texte ci-dessous, il apporte une réponse à la question « Qu’est-ce que l’islam vrai ? », qui fait l’objet du dossier principal de l’édition mars-avril du Monde des Religions.

© William ALIX/CIRIC

© William ALIX/CIRIC

La question est particulièrement difficile, alors qu’immédiatement on serait tenté de répondre que c’est l’islam d’une majorité de musulmans qui ne sont ni des terroristes, ni des fanatiques, ni des intégristes, mais la multitude silencieuse des musulmans tranquilles. Tous ceux qui ne font pas parler d’eux dans les médias parce qu’ils ont choisi une religion discrète et une culture spirituelle de l’intériorité. Dire cela est sans doute salutaire à court terme pour dénoncer certains clichés et fantasmes sur l’islam.

Pourtant cela ne règle pas du tout la question et ne fait au contraire qu’éluder la difficulté. Par responsabilité intellectuelle et spirituelle, le philosophe de culture musulmane que je suis est nécessairement plus exigeant, beaucoup plus exigeant ! J’ai écrit quatre essais de philosophie de l’islam qui ne prétendent pas du tout être « l’islam vrai », mais qui essaient d’aider les uns et les autres à réfléchir à ce que serait un islam non pas seulement « tranquille » et « sans histoires », mais réellement dégagé ou débarrassé de sa radicalité et de ses traditionalismes – qui sont parfois la belle répétition de belles choses, mais plus du tout adaptées au temps présent.

Pour cela, année après année, j’ai voulu « tester méthodiquement » tout ce qui dans l’immense univers de la religion islam – sa théologie, sa mystique, ses dogmes, sa loi, ses rites, ses grands symboles, sa morale – peut vraiment résister à l’épreuve de sa confrontation avec les principes intellectuels et culturels de la modernité, et pourrait donc conserver une véritable actualité spirituelle. J’ai d’ailleurs entrepris, il est toujours utile de le préciser, une critique à double front : critique de l’islam par la modernité, mais tout autant critique de la modernité par l’islam.

Pourquoi m’être lancé dans ce travail que nous ne sommes pas nombreux à faire – combien de philosophes de l’islam aujourd’hui en France ? Parce que le risque est aujourd’hui que s’il l’on n’entreprend pas un tel travail critique de fond, de destruction mais aussi (re)créateur, « l’islam vrai » reste malheureusement une belle idée introuvable. De ce point de vue, je suis particulièrement sceptique face à la thèse selon laquelle il suffirait de séparer l’islam de ses intégrismes/fondamentalismes pour trouver un tel « islam vrai ». C’est pourtant ce que nous répètent à l’envie à peu près tous les défenseurs de l’islam : « ne faites pas « l’amalgame » entre l’islam et l’islamisme ».

Thèse rassurante et sans doute indispensable à court terme, mais tragiquement insuffisante. Car les maladies de l’islam sont ses maladies. Un corps malade ne dit pas « ce n’est pas mon cancer » ! Donc tous les « ismes » – littéralisme, formalisme, dogmatisme, traditionalisme, machisme, etc. – sont des cellules cancéreuses dans le corps même de l’islam et si on refuse de le voir elles vont métastaser.

Cet appel à ne pas faire « l’amalgame » oublie un peu vite, par conséquent, que les difficultés de l’islam dans la modernité ne sont pas seulement, pas essentiellement, le fait de ses intégrismes et fondamentalismes. Ceux-ci ne sont que la partie émergée, la plus visible et urgente, de points de blocage et d’abcès beaucoup plus profonds. Ces radicalismes cachent en effet tous les autres « ismes » que j’ai énumérés, et qui sont tout aussi préoccupants parce que bien plus largement répandus. Intégrismes et fondamentalismes ne témoignent ainsi que de la façon exacerbée dont les plus fragiles (psychologiquement et socialement) subissent et réagissent à la crise d’identité que travers la civilisation islamique – où la ligne de partage entre religion et culture attend toujours d’être redéfinie selon des standards appropriées au présent.

Car la crise est bien celle d’une civilisation tout entière, n’en déplaise à tous ceux qui veulent aujourd’hui défendre l’islam à bon compte. Et ce n’est pas du tout rendre service à cette civilisation que de minimiser l’ampleur de la tâche autocritique qui est la sienne… C’est l’ensemble des consciences et des sociétés musulmanes qui subit depuis plus d’un siècle et demi une perplexité durable entre tradition et  modernité, fidélité et mouvement, fascination et rejet de l’Occident, pulsions modernistes et régressions néo-conservatrices, etc.

L’Occident en a sa part de responsabilité – lourde – mais là encore, attention à tout ce qui exonère à bon compte l’islam de sa propre responsabilité. La Constitution tunisienne récemment adoptée est un exemple éloquent de cette valse-hésitation interminable et de cette contradiction toujours ouverte. En effet, elle concilie l’inconciliable sur le plan logique entre des avancées considérables, exceptionnelles dans le monde arabo-musulman (ce caractère d’exceptionnalité étant lui-même très révélateur de l’ampleur du problème, qui est tout sauf marginalisable à quelques poignées de fanatiques), et des références à l’islam ainsi qu’à la supériorité de l’autorité divine qu’on aimerait croire seulement symboliques comme aux Etats-Unis par exemple…

Si donc il ne faut pas faire d’amalgame ni d’essentialisation, il s’agit aussi d’avoir la lucidité et le courage de constater que cette civilisation et religion se tient encore presque tout entière dans une sorte de « bulle de verre » de représentations non assez critiquées ni même souvent ouvertement critiquables, et non encore assez actualisées. Que l’on aille du côté des démocrates ou des soufis, des laïcs ou des partisans d’une « chari’a de la minorité » (Tareq Oubrou, recteur de la mosquée de Bordeaux), des « musulmans modérés » ou des clercs éclairés, on est face à une multitude de musulmans qui sont tout sauf des intégristes.

Mais au-delà de leur bonne volonté et de leurs richesses patrimoniales, la plupart restent captifs d’un embarras durable – conscient ou inconscient – au sujet de ce qui, de la tradition, peut être conservé ou pas, renouvelé ou pas, au-delà de quelques « recettes » de conciliation quotidienne entre les exigences du passé et du présent. Rien de plus contestable et préjudiciable à cet égard – même si elle part des meilleures intentions du monde – que la proclamation de principe : « l’islam est compatible avec la modernité/la démocratie/les droits de l’homme ». Non, tout est encore à faire de ce côté-là.

Cela ne veut pas dire que ce n’est pas possible, et je crois au contraire pour l’avoir justement « testé » dans mes livres que c’est tout à fait possible, et même que l’islam pourra apporter demain une profonde contribution à ces valeurs elles-mêmes dans leur effort d’universalisation. J’ai confiance en cela ! Mais à présent ce ne peut pas être seulement l’effort d’une poignée de philosophes de culture musulmane qu’on va traiter d’hérétiques – ou même, c’est nouveau, d’islamophobes ! Il faut que cela devienne l’évolution et le bien commun d’une culture tout entière.

C’est donc tout le sens de mon travail de philosophe que de mettre cette réflexion à la disposition de tous – et de repenser l’islam pour qu’il apparaisse aussi au reste du monde comme un interlocuteur sur lequel on pourra – enfin – compter dans le grand dialogue des civilisations qui s’amorce aujourd’hui, en vue d’un humanisme partageable et partagé à l’échelle planétaire. Mais il reste tant à faire ! Encore une fois ce ne serait donc pas rendre service à l’islam, et au monde, que de dire qu’il est « déjà » moderne et qu’il y a quelque part un « vrai islam » déjà disponible. Quand on entre dans le détail de la question c’est infiniment plus compliqué. S’il y a un « islam vrai » il n’est pas à chercher du côté d’une origine mythifiée du temps du prophète Mohammed, des beaux versets du Coran dûment sélectionnés pour mettre de côté tout ceux qui fâchent, des grands saints du passé, d’une Andalousie musulmane idéalisée (VIIIe-XVe siècles) ou d’un « islam tranquille et ouvert ».

Cette richesse patrimoniale existe, cet islam paisible et tolérant existe, et nombreux sont les musulmans aujourd’hui en France à en témoigner. Mais cela n’empêchera pas que cette religion ait devant elle, toujours à faire et toujours remis à plus tard pour de mauvaises raisons, ou seulement a moitié accompli, un effort radical de renouvellement et de dépassement de soi.

Pour aller plus loin http://www.lemondedesreligions.fr/

> « Cet islam sans haine », éditorial de Virginie Larousse
> Retrouvez notre dossier complet sur « L’islam vrai » dans l’édition mars-avril du Monde des Religions
, à retrouver en kiosques ou à commander sur notre boutique en ligne

Pas de laïcité sans humanité, pas d’humanité sans raison

Laurent Stalla-Bourdillon
Directeur du Service Pastoral d’Etudes Politiques – Aumônier des parlementaires

PUBLIÉ LE 04/08/2014 À 17:16

Il n’y aura pas de paix sans un retour à la raison

Qu’il s’agisse du conflit israélo-arabe, de l’exode ou des massacres des chrétiens d’Orient, ou des violences urbaines en France sur fond de malaise identitaire, il n’y aura pas de paix sans un retour à la raison. C’est elle qui détient la capacité de discerner à la fois les errances historiques et les apports spécifiques au bénéfice de tous, des différentes traditions religieuses. «Derrière toute activité humaine, se tient un logos qui l’oriente» écrivait Edith Stein. Au delà du seul fait religieux historique, il faudrait s’intéresser aux pensées religieuses actuelles. Il faudrait clarifier les différentes représentations du sens de la vie, non pour les superposer, ni pour les imposer, mais pour identifier ce que chacune contient de questions essentielles. Ainsi du judaïsme et de l’identité juive comme signe pour la famille humaine de la permanence de la présence d’un Dieu unique et Créateur à qui la louange est due. Ainsi du christianisme et de l’annonce du pouvoir rédempteur de l’amour en la personne du Christ. Ainsi de l’islam qui renvoie l’humanité à la question de la source de la loi à travers l’affirmation de la Parole incréée du Coran. Si nul n’est obligé de croire la doctrine d’une de ces familles religieuses, nul ne peut se dispenser de les connaître, d’interroger la rationalité de leurs fondements et de se laisser interroger par elles.

Contrairement à ce que l’on a voulu faire croire pour les écarter, les religions ne sont pas sans fondements rationnels. La cohérence du sens de la vie humaine qu’elles véhiculent doit d’ailleurs pouvoir être confrontée au questionnement de la raison commune. Ce n’est pas faire œuvre de condescendance à l’égard des religions que d’interroger les principes de la foi qu’elles professent. Le citoyen républicain ne peut se satisfaire d’ignorer la réalité des courants spirituels qui ont façonné l’histoire de son pays et qui aujourd’hui encore, animent tant d’hommes et de femmes à travers le monde. N’y aura-t-il bientôt plus que la France pour ne plus rien comprendre à la religion, parce qu’on y aurait décrété que le sujet ne méritait pas qu’on y applique son intelligence ? Quelle erreur ! Ce n’est pas en négligeant l’apport des religions qu’on neutralise leurs possibles déviances, c’est au contraire en leur imposant l’exigent effort de la raison. Qui mieux que la France aurait pu être en pointe dans ce domaine ? Hélas, la paresse ou le mépris ont conduit à laisser ce terrain en déshérence. Le législateur doit se contorsionner pour gérer au plus prêt sans paraître y toucher. Pouvons-nous avec respect revenir aux grandes questions essentielles auxquelles les religions proposent des réponses ? La vie humaine n’est-elle pas une question ouverte ? Allons-nous réveiller l’esprit ou bien avons-nous déjà cédé à l’absurdité de l’existence qui ne laisse que le vaste champ de l’émotion pour pleurer nos morts ? Non la vie n’est pas absurde, simplement elle ne se réduit pas au seul vivant que nous pensons pouvoir bientôt maitriser. «L’homme passe l’homme» disait Blaise Pascal.

La cohérence des doctrines religieuses doit donc pouvoir être rationnellement mise en débat par tout un chacun, et passer le critère de leur admissibilité dans l’espace commun. Il n’y a de laïcité qu’à condition de cet effort. Mieux, il n’y aura de parade à la dérive essentialiste des religions auquel nous assistons qu’à la condition d’une réappropriation collective des débats théologiques. Ce sera à partir de respectueuses confrontations initiées dès l’école, que les représentations du sens de la vie pourront émerger dans le cœur des jeunes et se préciser au fil de leur vie. Il n’y a de laïcité qu’à condition d’écoute de notre commune humanité en quête. Avec l’audacieuse expression de « la transsubstantiation des religions en race », le philosophe Pascal Bruckner évoquait récemment (Revue des deux mondes, juin 2014) le grave danger qui guette la société française. Un refus de considérer le chemin spirituel de l’humain l’oblige à s’inventer une identité plus religieuse qu’humaine. Tandis que reviennent de plus en plus les mots d’antisémitisme, d’islamophobie, de christianophobie, nous comprenons que seul ce que nous ne connaissons pas fait peur. Dès lors, que faisons-nous pour nous rendre audibles auprès de ceux qui ne connaissent pas nos traditions religieuses ? Quels efforts faisons-nous pour connaître la pensée des autres ? La société française doit apprendre à mieux différencier les éléments qu’elle unit et pour cela accepter de saisir la pensée qui suscite ces différences. Elle doit pouvoir entendre les points de vue de l’autre sur ses propres options collectives et entendre sa critique pourvu qu’elle ne soit pas un vain mépris. L’unité d’une famille ne se fera jamais au dépend des différences de ses membres comme semble le suggérer le succès du film « Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? » Ce film ne sonne-t-il pas comme un appel à expliquer le sens de rites et des cultures religieuses ?

C’est par le travail de la raison que nous redécouvrirons qu’avant d’être de confessions religieuses différentes ou sans religion, nous sommes tous faits de la même pâte humaine. L’homme développe un sens de son existence à partir des représentations qui lui sont transmises par sa communauté. Une société sans transcendance génère une culture du consommable et du jetable à laquelle l’homme n’échappe pas. Aujourd’hui revient le besoin de la quête du sens ultime de nos vies. Ce sens se cache dans ces intimes convictions que nous devons réapprendre à partager. Il y a plus à perdre en taisant les questions essentielles, qu’en les posant. Tout chemin d’intégration qu’il soit personnel ou en société, passe toujours par l’intérieur. L’intérieur d’un « dia-logos » avec sa conscience ou avec les autres, par lequel la vérité d’un sens peut émerger. Notre avenir repose donc sur l’accompagnement des familles et notre paix sur un meilleur usage de la raison dans la formation des plus jeunes.

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