Le symbolique Kosovo organise sa 4e Conférence interreligieuse

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Atifete Jahjaga, présidente du Kosovo

L’un des thèmes principaux de cette rencontre était la lutte contre les discours haineux, notamment via Internet et les réseaux sociaux devenus des terrains de chasse favorables aux extrémistes. Du 28 au 30 mai dernier, Pristina a accueilli religieux, experts et journalistes pour faire un état des lieux et échanger leurs expériences.

Dans un hôtel donnant sur l’avenue Mère-Teresa, 200 participants venus du monde entier ont  pu entendre Atifete Jahjaga, présidente du Kosovo, ouvrir les débats. Les religieux locaux ont présenté un visage apaisé et uni qui a pu en surprendre plus d’un. Ainsi, l’archimandrite orthodoxe Sava Janjic a noté que « les religions n’avait pas joué de rôle dans le conflit qui avait ensanglanté le Kosovo ». Le président de la Conférence islamique locale, Ejup Ramadani, a appelé « à l’éradication de l’extrémisme, où qu’il soit caché ». Pour les catholiques, très minoritaires mais partie intégrante du peuple albanais, Don Lush Gjergji a souligné que « personne n’a réussi à briser l’unité religieuse du pays, ce qui doit en faire un produit d’exportation ».

Les religions, l’ONG la plus importante du monde

Pour conclure cette  session, l’ancien grand rabbin de Norvège, Michael Melchior, a partagé l’une des ses plus fortes expériences de dialogue interreligieux. En 2014, alors qu’il préparait la fête du Kippour en Israël, il fut informé que des extrémistes voulaient provoquer une émeute entre juifs et musulmans, profitant de la coïncidence de dates avec la fête de l’Aïd al-Adha – un jeûne contre un festin… Immédiatement, il a pris contact avec les imams locaux et, ensemble, ils ont pu éviter un bain de sang. Le rabbin Melchior d’en conclure que « les religions sont l’ONG la plus importante du monde »

Substance et efficacité des tables rondes

Particularité de cette rencontre, l’accent mis sur les solutions à apporter pour lutter contre la haine sur Internet. Ainsi, la directrice des produits de Facebook, Monika Bickert, a détaillé les stratégies du groupe dans ce sens. Des tables rondes expliquant comment devenir des activistes de la paix religieuse ont également suivi, sous l’impulsion du vice-ministre des Affaires étrangères Petrit Selimi. L’évènement est, en effet, l’un des piliers de la « diplomatie numérique » du Kosovo qui veut donner le modèle d’une société musulmane parfaitement laïque au reste du monde. De petits groupes de jeunes activistes du dialogue, comme les Français de l’association Coexister avaient aussi fait le déplacement pour partager leurs expériences de terrain auprès des jeunes avec d’autres acteurs, notamment de nombreux Américains. Parmi les questions posées, la place et la responsabilité des médias et des journalistes dans la connaissance et la présentation des religions ont été mises en avant et, il faut le dire, pas toujours à l’avantage des organes d’information. Un sujet important pour empêcher les extrémistes de trouver des arguments en faveur de leurs causes.

Par Antoine Colonna, envoyé spécial

publié le 01/07/2015

Pour en savoir plus : http://www.lemondedesreligions.fr/

Laïcité : une proposition de loi qui heurte les religions

CrècheBabyLoup

Le texte veut imposer la neutralité dans les structures éducatives accueillant des mineurs.

«Imposer la neutralité religieuse dans les crèches privées.»Une proposition de loi, perçue par certains comme une offensive «antivoile», qui finalement s’est attirée les foudres des religions dans leur ensemble… Un épisode qui en dit long sur cette France en quête tout à la fois de laïcité et de religieux, dans un contexte post-attentats de janvier.

Portée par les radicaux de gauche, la proposition de loi entend imposer la neutralité religieuse dans les structures éducatives privées subventionnées par l’État, qui accueillent des mineurs. Un vaste univers fait de crèches mais aussi de centres de vacances et de mouvements de scoutisme. Prévus jeudi à l’agenda de l’Assemblée, les débats ont été repoussés à la semaine du 11 mai, après les élections départementales. Il faut dire que les critiques ont fusé.

«En minant ainsi peu à peu, insidieusement, notre modèle de laïcité, ce n’est pas un État laïque qu’on veut garantir, mais promouvoir une société vidée de toute référence religieuse. Nous ne pouvons l’accepter», s’est indigné Mgr Pontier, archevêque de Marseille et président de la Conférence des évêques de France, qui perçoit dans ce texte «l’inspiration manifeste d’une méfiance vis-à-vis des religions dont il faudrait protéger les mineurs». L’ambition de la proposition est d’étendre le cadre fixé dans les établissements scolaires, et notamment la loi de 2004 sur le port de signes religieux, à l’éducation de la jeunesse au sens large. Le Conseil supérieur du culte musulman (CFCM) dénonce une «politique d’intolérance». La Fédération du scoutisme français, qui demande le retrait du texte, estime que «la concorde nationale» est menacée.

Face à cette levée de boucliers, dans un débat où pointe aussi la «stigmatisation» des musulmans, le président du groupe PS, Bruno Le Roux, a joué l’apaisement. «La période me semble mal adaptée pour un examen serein», a-t-il indiqué le 10 mars. Le texte reviendra à l’Assemblée la semaine du 11 mai, avec une possibilité d’amendements qu’il reste à confirmer. «J’ai un accord écrit de Bruno Le Roux et un vote positif de son groupe sur la proposition votée en commission», a fait savoir le chef de file des radicaux de gauche, Roger-Gérard Schwartzenberg, qui réfute toute idée d’«enterrement» de la proposition.

Le 5 mars, c’est à la quasi-unanimité que ce texte a été adopté par la commission des lois de l’Assemblée – les Verts et le socialiste Patrick Menucci se sont prononcés contre. Déposé à l’origine par la sénatrice radicale Françoise Laborde, il a été adopté en première lecture au Sénat il y a plus de trois ans, en pleine affaire Baby-Loup. La crèche privée avait défrayé la chronique médiatico-judiciaire pendant quatre ans, avant de voir confirmer le licenciement d’une salariée voilée, par la Cour de cassation en juin 2014. Mais aujourd’hui, deux mois après les attentats de janvier, la donne a apparemment changé.

La proposition de loi pose que les structures accueillant les enfants de moins de 6 ans et les mineurs ont une «obligation de neutralité en matière religieuse», dès lors qu’ils «bénéficient d’une aide financière publique». Le texte ajoute cependant que ces dispositions ne sont pas applicables aux structures se prévalant d’un «caractère propre». Des termes empruntés à l’Éducation nationale qui, conformément à la loi Debré, finance les établissements privés sous contrat et reconnaît leur caractère propre – cet aspect «confessionnel», présent dans la vie scolaire – en échange du respect des programmes et de l’ouverture à tous.

Dans le camp laïque, l’idée d’étendre ce «caractère propre» ne séduit pas forcément, certains arguant qu’il serait possible alors de reconnaître officiellement les crèches coraniques ou «loubavitch», d’obédience juive. Et l’on hésite à légiférer. D’autant que ce «camp» laïque n’en est pas vraiment un. Président de l’Observatoire de la laïcité, Jean-Louis Bianco a fustigé la proposition de loi, jugeant «paradoxal» que des radicaux de gauche puissent «envisager d’adopter cette proposition alors qu’elle figure dans le programme du Front national pour les départementales». Mais, dans les rangs de l’Observatoire, certains, comme Jean Glavany, Patrick Kessel et Françoise Laborde, n’ont pas hésité à dénoncer, après les attentats, l’«angélisme» de leur président.

Caroline Beyer

Pour en savoir plus : http://www.lefigaro.fr/