« Les paroisses, mosquées ou lieux de culte musulmans du département ont été invités à cette rencontre par le service diocésain des relations avec l’islam », a fait part le diocèse d’Annecy sur son site.
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Comment l’Etat présente l’instance de dialogue avec l’islam
L’instance de dialogue avec l’islam tient sa réunion inaugurale lundi 15 juin au ministère de l’Intérieur. Loin de remplacer le Conseil français du culte musulman (CFCM) dont les membres statutaires sont intégrés de fait, cette structure, annoncée en février après les attentats de Paris, comptera en son sein quelque 150 personnes. Les participants à la réunion, ouverte par le Premier ministre Manuel Valls puis clôturée par son ministre de l’Intérieur chargé des Cultes Bernard Cazeneuve, ont tous reçu de la Place Beauvau une lettre signée du ministre que Saphirnews dévoile pour la première fois dans son intégralité. Seuls les sous-titres sont de notre fait.
L’instance ne fera pas disparaître le CFCM
Quatre thèmes phares définis
– La sécurité des lieux de culte et l’image de l’islam. Cet atelier permettra notamment d’échanger sur les moyens d’améliorer la prévention et la prévention des actes antimusulmans et, en particulier, dans le contexte de l’augmentation du nombre de faits antimusulmans depuis le début de l’année, sur les mesures prises et celles qui sont envisageables pour assurer la sécurité des lieux de culte. La question de la mise en valeur de la culture musulmane, notamment dans les médias, pourra également être abordée.
– La construction et la gestion des lieux de culte. Les consultations organisées dans les départements confirment qu’il s’agit d’un sujet de préoccupation important pour les Français de confession musulmane. La question du cadre juridique dans lequel s’inscrivent le financement des lieux de culte, le fonctionnement des associations gestionnaires et les relations qu’entretiennent celles-ci avec les pouvoirs publics pourrait ainsi être approfondie.
– La formation et le statut des aumôniers et des cadres religieux. Cet atelier permettra en particulier de s’interroger sur les compétences que doivent présenter les aumôniers dans les matières générales et profanes, et sur l’offre de formation qui doit, en conséquence, être proposée dans ces matières. Le statut des ministres du culte au regard du droit social pourra également être abordé.
– Les pratiques rituelles. Il s’agit d’identifier les difficultés que peuvent rencontrer les musulmans, et les solutions concrètes qui peuvent être apportées, pour leur assurer des possibilités effectives de pratiquer au quotidien leur religion dans le cadre des lois françaises, qu’il s’agisse des fêtes religieuses, du pèlerinage ou des pratiques funéraires.
Je vous remercie par avance de la contribution personnelle que vous voudrez bien apporter à cette première réunion. (…). »
Rédigé par La Rédaction | Dimanche 14 Juin 2015
Pour en savoir plus : http://www.saphirnews.com/
« Votre Bible, à vous, ce sont les programmes ! »
Il y a d’abord eu la partie théorique. Trente minutes de cours magistral pour remettre en perspective la laïcité, son émergence et ses dates clés, résumées avec brio par Aminata Diallo, l’inspectrice qui prend en charge, ce 18 mars, la formation d’une vingtaine de contractuels rassemblés au collège Gustave-Courbet de Romainville (Seine-Saint-Denis).
Penchés sur leur cahier, ces enseignants débutants mais pas tous inexpérimentés – quelques uns ont 40, voire 50 ans – prennent des notes scrupuleusement. Sûrs que leur réputation de « profs de seconde zone » les précède dans certaines des écoles où ils sont envoyés pour pallier les difficultés de remplacement, devenues quasi chroniques dans le département. Sûrs aussi qu’après les attentats de janvier, la laïcité figurera ce printemps au concours de l’enseignement, alors que deux sessions sont exceptionnellement organisées à Créteil pour attirer les candidats, certes, mais aussi pour accélérer la titularisation du « volant » de précaires dont ils font partie. En Seine-Saint-Denis, ils sont cette année 520 à colmater les brèches à l’école primaire, une première – on n’avait jusqu’à présent recours à eux que dans le second degré. Travaux pratiques Place, ensuite, aux travaux pratiques. Mme Diallo partage sa « classe » en deux groupes, et propose à chacun une étude de cas. « Vous identifierez les problèmes déontologiques, réglementaires et pédagogiques, explique-t-elle, en vous demandant : si vous étiez l’enseignant de la classe, que feriez-vous ? » « On se retrouve parfois face à des parents qui vous parlent d’une “contre-histoire”… Que leur répondre ? »
Premier cas : celui d’un professeur de CM2 dont des élèves, appuyés par leurs parents, s’opposent à une sortie prévue dans une église pour écouter du Vivaldi. Dans le deuxième cas, c’est un cours sur l’islam qui vaut à un enseignant la réaction courroucée d’un parent. A chaque fois, les familles ont mis en avant leur religion – musulmane dans le premier exemple, catholique dans le second –, affirmant agir au nom même de la laïcité.
« Ce sont deux histoires vraies, précise la formatrice, l’une en Seine-et-Marne, l’autre dans le Val-de-Marne. Elles sont antérieures à cette année, certes, mais elles cristallisent des crispations de la société qui déteignent sur l’école. » Pour aider les contractuels, ni Larousse, ni code de l’éducation, mais la Charte de la laïcité affichée dans tous les établissements depuis la rentrée 2013, dans le but de faciliter l’appropriation par chacun – parents, enseignants, élèves – de ce principe républicain. « Contre-histoire » Dix-huit mois ont passé et beaucoup sur le terrain confient leurs difficultés à « faire vivre » cet outil. « Quand des élèves, tout jeunes, vous parlent de Dieu, comment réagir ? », interroge une contractuelle trentenaire. « On se retrouve parfois face à des parents qui vous parlent d’une “contre-histoire”, relève un autre, invoquent des pans d’histoire occultés, la colonisation notamment… Que leur répondre ? » Un troisième s’interroge sur « la possibilité de se référer, en classe, à une autorité religieuse ». A chaque question, Aminata Diallo répond avec le même aplomb : « Restez dans le champ des savoirs, jamais des croyances. Il n’y a pas de recettes toutes faites… Votre Bible, votre livre à vous, ce sont les programmes », répète-telle. Mezza voce, des discussions s’engagent sur ces sujets qui agitent l’opinion : les repas de substitution, les mères voilées… Des anecdotes que l’on se répète entre professeurs – ici, un cours de natation problématique, là, une leçon de SVT contestée –, en se demandant si elles sont avérées ou de l’ordre de la rumeur.
« Quand on se sent légitime, droit dans ses bottes, on n’a pas de problème particulier avec la laïcité, assure Julie Reteuna, 26 ans mais déjà des études de droit et d’histoire en poche. Sur 26 ou 27 élèves par classe, vous en aurez toujours un ou deux pour faire les malins, mais quand ils m’interpellent, surpris qu’on aborde la christianisation ou l’islam, je leur réponds que la religion ne m’intéresse pas. Le fait religieux, l’histoire, ça, oui ! » « Le 9-3 ostracisé » Ce n’est pas Sadia Mazni, 50 ans, qui lui donnerait tort. Pour cette ex-enseignante en CFA (centre de formation des apprentis) qui s’occupe désormais de CE1-CE2, ces « entorses à la laïcité qui font le buzz, ça ne marque pas notre quotidien ». A l’écouter, « c’est plutôt une lubie de ministres » qui passe à côté des « vrais problèmes » : l’absence de mixité, la ségrégation sociale et scolaire. « Enseigner ici, c’est très dur, note-t-elle. On peut se retrouver face à des élèves qui ne savent pas écrire le français en CM2. Il est là, le nœud ! » Parmi les participants à cette demi-journée de formation – l’une des six promises dans le cadre du « plan d’action » pour la Seine-Saint-Denis –, certains n’ont débuté qu’en janvier.
Parfois la veille des attentats. C’est le cas d’Emilie Grattepanche, 27 ans, qui a commencé à enseigner le 5 janvier. « Je n’ai pas vécu de dérapages, mais l’émotion était vive, raconte cette ancienne assistante d’éducation, qui ne comprend pas qu’« on ait mis l’accent sur ces jeunes affirmant “ne pas être Charlie”, quand tant d’autres étaient solidaires ». Isabelle (elle a préféré conserver l’anonymat), 42 ans, est plus circonspecte. « Autour de moi, la petite phrase “Ils l’ont bien cherché”, en référence aux journalistes assassinés, je l’ai entendue dans la bouche d’élèves, mais aussi d’adultes », regrette-t-elle. Ces contestations, Aminata Diallo ne les occulte pas. « Elles ont existé, mais pas plus je pense dans le 9-3 qu’à Trappes ou Nanterre… même si c’est le 9-3 qui est aujourd’hui ostracisé. » Dans sa circonscription de Montreuil, « les profs n’ont rien lâché », affirme l’inspectrice. L’émotion a été d’autant plus forte que le dessinateur Tignous y était connu comme parent d’élève.
Par Mattea Battaglia
Pour en savoir plus : http://fait-religieux.com/
Enseignement du fait religieux : des situations variées en Europe
Dans le cadre de la « refondation de l’école laïque » voulue par le gouvernement après les attentats de Paris, la ministre de l’Education nationale a annoncé un renforcement de l’enseignement laïque du fait religieux, officiellement au programme depuis 2005. Comment enseigne-t-on le fait religieux dans les écoles publiques ailleurs, en Europe ? Saphirnews vous fait un petit tour du continent.
En Europe, l’enseignement religieux est au programme de tous les pays. Il existe une grande variété de situations, presque autant que d’Etats. Deux grands cas de figures se distinguent dans les écoles publiques : l’enseignement confessionnel et non confessionnel, celui qui prévaut en France, en Suède ou en Finlande. Le cas français est toutefois unique : il est transdisciplinaire alors qu’ailleurs, il donne lieu à des cours spécifiques dont la forme et le contenu varient ensuite selon les contextes et le processus de sécularisation.
Autre facteur générant des situations différentes à l’échelle européenne : la plus ou moins grande centralisation de l’éducation. En France, les programmes et les enseignements sont déterminés au niveau national. En Allemagne, ces questions sont régionalisées, tandis qu’en Angleterre, une large marge de manœuvre est laissée aux autorités locales et aux chefs d’établissement.
Ces enseignements font régulièrement débat dans certains pays.
En Belgique, les élèves des écoles publiques ont le choix entre suivre le cours de religion d’un des six cultes reconnus dans le pays (catholique, protestant, anglican, orthodoxe, juif et musulman) et le cours de morale non confessionnelle, deux enseignements inscrits dans la Constitution. Le contenu de l’enseignement religieux et le recrutement des enseignants sont du ressort des instances religieuses. En janvier, le débat autour de la suppression des cours de religion a été relancé. La ministre de l’Education s’est prononcé pour leur maintien.
En Allemagne, l’éducation relève de la compétence des 16 régions (Lander). La séparation entre l’Eglise et l’Etat est moins marquée qu’en France, et la Constitution prévoit des cours de religion à l’école. Ils sont même obligatoires, mais les enfants peuvent suivre à leur place des cours de philosophie et d’éthique, ou en être dispensés si les parents le souhaitent. L’instruction religieuse est placée sous la responsabilité de l’Etat, mais son contenu relève de la responsabilité des Eglises. Les élèves sont séparés selon leur confession et le cours, choisi.
En Grande-Bretagne, l’anglicanisme est religion d’Etat en Angleterre, le presbytérianisme (protestantisme) en Ecosse, tandis que l’Irlande du Nord et le Pays de Galles n’en ont pas. La loi sur l’éducation de 1988 précise que l’éducation religieuse « doit refléter le fait que les traditions religieuses en Angleterre sont principalement chrétiennes, tout en tenant compte de l’enseignement et de la pratique des autres grandes religions représentées dans le pays ».
La Pologne est un des pays les plus catholiques d’Europe. L’instruction religieuse est enseignée dans les écoles publiques depuis la signature du Concordat avec le Saint-Siège en 1998 mais ne se limite pas au catéchisme. Les cultes reconnus ont le droit d’en organiser tant qu’une présence minimum de sept élève est assurée. Comme l’Eglise, ils sont tenus de s’occuper eux-mêmes de la forme et du contenu des cours de religion mais les enseignants sont payés par l’Etat. Un cours de morale non religieux existe aussi en place et lieu de l’enseignement religieux mais ni l’un ni l’autre n’est obligatoire.
Le catholicisme n’est plus religion d’Etat depuis 1984 en Italie, mais l’Eglise catholique jouit toujours d’un statut privilégié. Un enseignement religieux est dispensé dans les écoles publiques, de la maternelle au lycée. Même s’il ne porte pas sur les sacrements, cet enseignement est placé sous la responsabilité de l’Eglise catholique. Il est facultatif, mais reste très largement suivi. Les notes obtenues dans cette matière comptent autant que les autres.
En Espagne, les liens entre l’Etat et l’Eglise catholique demeurent importants même si le catholicisme n’est plus la religion officielle depuis 1978. Les grandes lignes de l’enseignement religieux sont fixées par un accord avec le Vatican. Les cours d’instruction religieuse sont dispensés dans toutes les écoles, publiques comme privées sous contrat. Le statut de cette matière oscille au gré des majorités politiques. Le Parti socialiste avait rendu cette matière facultative en 2006. En 2013, le gouvernement de droite de Mariano Rajoy est revenu sur cette disposition en rendant les cours de religion – majoritairement catholique, mais aussi évangélique, juive ou musulmane – ou de « valeurs culturelles et sociales » obligatoires à la rentrée 2014.
Rédigé par Christelle Gence et H. Ben Rhouma | Lundi 16 Février 2015
Pour en savoir plus : http://www.saphirnews.com
Formation « Rites en Soins Palliatifs » à Lyon
Intervention de Marie DAVIENNE – KANNI à l’Ecole Rockefeller à Lyon (IFSI) ce mardi 25 novembre dernier : une matinée de formation sur les rites religieux et laïques en soins palliatifs.
Les étudiants en troisième année d’études en Soins Infirmiers ont été attentifs à l’approche des rites et de leurs fonctions, à l’analyse de l’intrusion de la maladie et l’approche de la mort au sein des familles.
Une troisième partie portait sur une approche rapide des fondements des trois religions monothéistes : la religion juive, chrétienne catholique et musulmane. En rapport avec ses trois religions, les fêtes et rites, et notamment le rapport à la vie et à la mort.
Une ouverture a été faite sur les nouveaux rites mortuaires.
Un temps de questions-réponses a clôturé la formation.
Panorama de l’islam en France
L’intellectuel franco-algérien Fouad Alloui (1) dresse un panorma de l’islam de France au niveau social et cultuel en 2014. Retraçant l’historique de la communauté musulmane de France, il insiste sur la diversité qui la caractérise. Ci-dessous la première partie d’un étude qui donnera lieu à des publications ultérieures.
L’islam en France : contexte général (historique, géopolitique et social)
L’islam est devenu la deuxième religion de France après le catholicisme. Près de cinq millions de musulmans y vivent. Néanmoins ce chiffre doit être tempéré, car il n’existe pas de statistiques ethno-religieuses officielles (la loi française interdit depuis 1872 de distinguer, lors des recensements, les personnes sur la base de leur appartenance confessionnelle ou de leur origine ethnique), mais surtout parce qu’il ne s’agit pas d’un groupe homogène dont les membres auraient tous un rapport identique au fait religieux. La majorité des musulmans de France ont plutôt une approche culturelle de la religion et non pas cultuelle. Les quelques statisticiens et sociologues qui ont voulu chiffrer la présence musulmane en France se sont notamment basés sur les patronymes, les pays d’origine et des rapports gouvernementaux.
Il est donc impératif, avant toute chose, de reconnaître la diversité qui existe au sein de cette communauté : les pratiquants et les non-pratiquants, mais aussi les personnes portant une identité à consonance musulmane, mais qui se déclarent, pour autant, agnostiques, laïques ou athées. Cette diversité est visible également chez les musulmans qui se déclarent « pratiquants ». Aussi, constate-t-on que 88% d’entre eux disent faire le ramadan, 43% feraient les cinq prières quotidiennes, 17% iraient à la mosquée au moins une fois par semaine et 4% se sont déjà rendus à la Mecque . Ces nuances sont importantes à relever tant il est évident que plusieurs interprétations pourraient découler d’une « donnée statistique » non décryptée.
Le chiffre de « 5 millions de musulmans en France » est souvent instrumentalisé pour des considérations politiques ou idéologiques tantôt comme étendard tantôt comme épouvantail. Il est tout aussi important afin de ne pas confondre les choses de préciser que dans les chiffres proposés, notamment par les médias, il y a des Français de confession ou de culture musulmane, des immigrés légaux et des « sans-papiers », des citoyens de descendance française convertis à l’islam et enfin des citoyens nés de parents immigrés, eux-mêmes issus de pays à majorité musulmane. Cette seule appartenance incite parfois certains observateurs à considérer qu’il s’agirait de fait de « musulmans ». Toujours est-il, il apparaît que 70% des « musulmans de France » possèdent la citoyenneté française.
Si l’islam est devenu la deuxième affiliation en France, c’est en raison d’une longue histoire coloniale d’abord et de migration ensuite. Une immigration maghrébine suivie d’autres, africaine et turque, sont autant de faits historiques qui ont permis l’installation de l’islam dans l’Hexagone. Ainsi, comme pour les autres religions, l’islam ne peut être appréhendé dans sa seule dimension spirituelle, mais doit être également étudié à travers les plans social et culturel.
De ce point de vue, il serait opportun d’esquisser une définition du « musulman » afin de mieux cerner l’objet de notre étude et d’éviter ainsi l’approche approximative. Un musulman est-il simplement une personne née dans un environnement familial ou dans une société composée majoritairement de musulmans ? L’espace français qui accorde une large place à la liberté de conscience ne saurait s’accommoder d’une telle classification. D’ailleurs, même si leur nombre est difficile à évaluer, il existe des personnes nées et/ou issues d’un environnement islamique et qui se déclarent « non-croyantes » ou d’autres encore qui se sont converties au catholicisme et au protestantisme. Il va sans dire que le musulman est, avant tout, celui qui se définit lui-même comme tel. Mais là aussi, il est important d’établir un distinguo entre celui qui se déclare culturellement musulman (né dans une famille et/ou environnement musulman, mais qui n’est pas forcément « pratiquant » du culte) et celui qui entretient un lien cultuel avec l’islam (qui accomplit la prière quotidienne, le ramadan, le Pèlerinage et tous les « piliers » et principes islamiques ).
Pour toutes ces raisons, nous allons manier les chiffres proposés par les médias et une partie de la doxa avec beaucoup de précaution. Lorsqu’on avance le chiffre de « 5 millions de musulmans en France », il n’est pas précisé si, par « musulman », il est question de la croyance religieuse ou du référent culturel. Or, ce qui nous intéresse, en premier lieu, c’est de pouvoir comprendre les musulmans de France à travers les associations et organisations cultuelles censés les représenter. En d’autres termes, l’objet de cette étude concerne la composante religieuse de la « communauté musulmane ».
Pour mieux cerner le propos qui va suivre et dans un souci pédagogique, il convient de rappeler, pour les moins initiés, que l’islam se compose de deux principaux courants (le sunnisme et le chiisme) et qu’il est également traversé par différentes influences idéologiques, dogmatiques, nationales, etc.
En France, la majorité des musulmans se reconnaissent dans l’islam sunnite , lui-même composé de quatre grandes écoles juridiques :
– L’école hanafite : Elle tire sa dénomination de son fondateur, l’imam Abou Hanifa. Créé à Bagdad, au VIIIe siècle, sous la dynastie abbasside, cette école s’appuie sur le Coran et la sunna (la tradition du Prophète Mahomet) et, au niveau de la jurisprudence islamique (appelée fikh) sur le raisonnement par analogie (appelé qiyas) et sur la réflexion personnelle (appelée raïe ou ray). Cette école est présente notamment en Égypte, en Syrie, au Liban, en Inde et en Turquie ou elle fut la doctrine officielle sous l’empire ottoman.
– L’école malékite : Elle tire sa dénomination de son fondateur, l’imam Malek Ibn Anès. Cette école s’appuie sur le Coran et la sunna (la tradition du Prophète Mahomet), mais aussi, pour les questions relatives à la jurisprudence, au raisonnement par analogie (qiyas), mais surtout elle privilégie le consensus (appelé ijmaa) des docteurs en théologie de toutes les époques en accordant, par ailleurs, une place importante à la coutume locale (eurf) et au jugement personnel (appelé raïe ou ray). Cette école est majoritaire dans les pays du Maghreb et dans plusieurs pays africains et se retrouve, par conséquent, majoritaire dans l’islam de France.
– L’école shafiite : Elle tire sa dénomination de son fondateur l’imam Mohamed Idris Al-Shafii. Disciple de l’imam Malek, il devient, après la mort de celui-ci, le fondateur de cette école qui portera son nom. Il s’appuie sur le Coran et la sunna (la tradition du Prophète Mahomet), rejette le jugement personnel (raïe ou ray), lui préférant le raisonnement par analogie (qiyas). Cette école est influente en Asie du sud-est (Malaisie et Indonésie) et dans quelques pays arabes.
– L’école hanbalite : Elle tire sa dénomination de l’imam Ahmed Ibn Hanbal. Fondée à Bagdad, durant la seconde partie du IXe siècle, elle exige une application rigoriste, littérale de l’islam des origines appelant à s’en tenir aux seuls enseignements des textes scripturaires et refuse toute innovation (appelée bidaa). C’est cette école qui donnera plus tard, au 18e siècle, naissance au wahhabisme, doctrine officielle en Arabie-Saoudite.
Par ailleurs, plusieurs courants sont aujourd’hui présents en France. Si majoritairement, ils se reconnaissent dans l’islam sunnite, certains musulmans de France sont chiites, en référence au chiisme et d’autres enfin appartiennent au soufisme.
L’implantation de l’islam en France a été le résultat de plusieurs vagues d’immigration successives, encouragées en un premier temps, dès le début du 20e siècle, par les politiques publiques. Au début du siècle dernier, près de 5000 musulmans vivaient dans l’Hexagone, la plupart des Algériens. À l’époque, en effet, l’Algérie, colonie française depuis 1830, représentait trois départements français. Par conséquent, même si les Algériens, appelés « Indigènes » (tout comme les Marocains et les Tunisiens), étaient considérés comme des citoyens de seconde zone, il n’en demeure pas moins qu’ils faisaient partie, sociologiquement parlant, du panorama français.
C’est à partir de la première Guerre mondiale (1914 – 1918) que l’on notera des arrivées massives de populations musulmanes, notamment des hommes, sur le sol métropolitain. Lorsque débute le conflit en 1914, la conscription des « indigènes » venait d’être mise en place en Algérie, à la faveur d’une loi promulguée en 1911. Aussi, plus de 260.000 habitants du Maroc, de la Tunisie, mais surtout de l’Algérie (34.000 Marocains, 50.000 Tunisiens et 136.000 Algériens) furent mobilisés par l’armée française. Outre les personnes originaires d’Afrique du Nord, il y eut également 215.000 personnes issues des colonies, notamment près de 140.000 Sénégalais qui furent également mobilisés. D’un autre côté plus de 130.000 musulmans sont recrutés durant la Première guerre mondiale pour travailler dans les usines et les mines et remplacer ainsi la nombreuse main d’œuvre française, partie au front.
Plus de 80.000 soldats originaires d’Afrique du Nord furent tués ou recensés disparus à l’issue de la « Grande guerre ». Cette contribution suscitera, après la guerre, des gestes symboliques de la part des autorités françaises. Ainsi, la construction de la Grande Mosquée de Paris sera lancée dès le lendemain du conflit mondial. Elle fut inaugurée en 1924. Il y eut également la création de cimetières musulmans et l’ouverture de l’hôpital Avicenne à Bobigny.
Au lendemain de la guerre, le mouvement d’immigration de main d’œuvre issue des colonies devait s’accroitre. Mais cette politique est stoppée dès 1924. En 1939, plus de 200.000 Algériens sont recensés en métropole.
Durant et après la seconde Guerre mondiale des phénomènes sociologiques identiques devaient relancer les vagues migratoires (mobilisation de soldats musulmans au sein de l’Armée d’Afrique et recrutement d’une main d’œuvre issue des colonies).
Dévastée par près de cinq ans de guerre, la reconstruction de la France a imposé de faire appel à cette main d’œuvre, bon marché et corvéable. L’ordonnance du 2 novembre 1945 allait faire annuler les décisions de 1924 et permettre le retour à la liberté de circulation pour les Algériens. De fait, l’immigration algérienne devient la plus prépondérante et ce, jusqu’en 1962, année de l’indépendance de ce pays.
D’un autre côté, il faut préciser qu’au lendemain de la guerre d’Algérie, plus de 80.000 harkis (les supplétifs de l’armée française en Algérie) sont rapatriés en Métropole. Pour les Français, l’islam devient un « marqueur identitaire » qui permet de désigner ces populations venues des anciennes colonies.
Au courant des années 1970, notamment sous les gouvernements de Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing, les autorités françaises soutiennent la création de lieux de culte musulmans, en réalité des « salles de prières » dans les foyers d’accueil des travailleurs immigrés et à l’intérieur d’immeubles HLM. Aussi, le plus souvent, des garages ou des caves sont-ils transformés en « lieu de culte ». Cette politique répond en réalité à un objectif de paix sociale.
Les enfants issus de cette immigration postcoloniale seront des citoyens français. Ayant reçu l’islam en héritage éducatif, cette « deuxième génération » va progressivement, à travers sa propre implantation, faire émerger ce qui sera appeler plus tard « l’islam de France ». Une religion qui ne sera plus vécue comme un « culte étranger », mais progressivement comme la deuxième religion de France.
Ces « enfants de la deuxième génération » vont être, très souvent, confrontés à quelques « chocs » sociologiques, idéologiques et politiques. Ils sont Français, car nés en France et, dans la plupart des cas, ils ne connaissent pas un autre pays que la France. Le pays d’origine des parents est souvent fantasmé, idéalisé et mis en opposition aux difficultés qu’ils sont nombreux à rencontrer dans leur pays de naissance. Les problèmes ayant trait à leur intégration sur le marché du travail ou ceux inhérents à leur intégration dans la société sont devenus la raison essentielle d’un repli sur soi communautaire opéré, au fil des années, selon une logique religieuse. En effet, ce sentiment de rejet, réel ou ressenti, de la part de la société française a créé chez les enfants d’immigrés une vraie inquiétude sur leur origine et leur identité, mais aussi sur cette double appartenance au pays d’origine et au pays d’accueil.
Sans faire l’apologie d’un quelconque discours victimaire, il convient de souligner la double pression sociale subie par cette catégorie de la société soumise, d’un côté, aux exigences familiales quant au respect de la culture et de la religion des « ancêtres » et, d’un autre, à la nécessaire intégration républicaine qui exige un strict respect de la laïcité. Ces réalités ont créé des situations de mal-être évident chez plusieurs « enfants de la deuxième génération » qui se considèrent « ni véritablement d’ailleurs, ni tout à fait d’ici », pour reprendre l’expression du philosophe Yves Charles Zarka.
L’islam, ou plus précisément une certaine vision de l’islam, revendicatif, militant et, parfois belliciste, a été alors érigé comme une sorte d’identité de substitution. C’est ainsi que l’islam de France s’est progressivement transformé, dans certaines sphères, comme outil identitaire quand il n’est pas utilisé comme idéologie politique, notamment par les adeptes de l’islam politique, plus communément désigné sous le vocable d’islamisme.
Comme nous le verrons plus loin, l’islam de France est souvent instrumentalisé par les États et gouvernements, français et étrangers, et par des courants de pensée, comme ceux proches de la Confrérie des Frères musulmans ou ceux sensibles aux théories wahhabites. L’ensemble pouvant compter sur de nombreux relais agissant sur le territoire français ou sur des personnalités médiatiques diffusant leurs idées à travers des conférences, des ouvrages ou des associations. C’est ainsi que nous nous apercevrons qu’il existe autant d’islam(s) que d’organisations islamiques. Cette palette de nuances est composée d’associations dirigées, en sous main, par des États étrangers et appelées à maintenir un cordon ombilical entre le pays d’origine et la « communauté », et, par ailleurs, d’organisations affranchies de tutelles étatiques mais liées à des groupements transfrontaliers dont l’objectif nous avoué vise à (ré) islamiser les musulmans de France et, au-delà, les musulmans européens et les amener, à travers l’action sociale, l’endoctrinement ou le prosélytisme à appliquer un islam idéologisé et politique.
(1) Pseudonyme de l’auteur
Pour en savoir plus : http://www.memri.fr