Un pèlerinage islamo-chrétien pour une rencontre au sommet

Bénite-Fontaine
Le sanctuaire marial de la Bénite-Fontaine, en Haute-Savoie, lieu de pèlerinage chrétien consacré à la Vierge Marie, a accueillit dimanche 9 août une rencontre entre divers groupes islamo-chrétiens du diocèse d’Annecy sous le signe de la fraternité interreligieuse.
Après la messe célébrée par le père Raphaël Deillon, un pique-nique départemental a été prévu. S’en est suivi une visite des lieux – la Bénite-Fontaine étant souvent surnommée « la petite Lourdes savoyarde » – par le recteur et prêtre Christian-Marie Giraud puis une conférence du père Bernard Janicot, directeur du Centre de documentation économique et sociale d’Oran, en Algérie, sur le thème « Vivre en monde musulman, difficultés et espérances ».
Raphaël Deillon, qui a vécu plus de 20 ans en Algérie au service des petites communautés chrétiennes et des musulmans, sera aussi présent lors de ce qui est appelé un « pèlerinage islamo-chrétien ».

« Les paroisses, mosquées ou lieux de culte musulmans du département ont été invités à cette rencontre par le service diocésain des relations avec l’islam », a fait part le diocèse d’Annecy sur son site.

Rédigé par La Rédaction | Mercredi 5 Août 2015
Pour en savoir plus : http://www.saphirnews.com/

Cheikh Khaled Bentounès au centre Claverie : «La violence coûte plus de 9 trillion de dollars par an» à l’humanité

KhalebBentounès
Devant une foule nombreuse venue l’écouter au centre Claverie, Cheikh Khaled Bentounès a commencé son intervention en rappelant ses amitiés avec feu Claverie tué par le terrorisme en disant « j’ai un lien particulier avec cette maison. (……) L’ami enterré ici venait souvent à la zaouïa de Mostaganem où on discutait notamment de l’avenir de notre pays».Ce qui l’a amené à avancer que «la tradition musulmane incite à la rencontre de l’autre». Après un long développement, il conclura «c’est la rencontre avec l’autre qui nous permet d’accéder mieux à nous-mêmes». Il ajoutera que «Dieu a mis en chacun de nous un secret: cette capacité de comprendre l’autre». Ce qui pourrait nous faire éviter «ce labyrinthe de classification» consistant à trier les humains en noir et blanc; croyant, non croyant; musulman; non musulman; sunnite, chiite…..Une fois le cadre défini, la place « de la rencontre des autres » dans les religions, Cheikh Khaled Bentounès abordera le sujet de sa conférence portant sur son initiative pour « l’institution d’une journée du vivre-ensemble » par les Nations unies. Il s’interrogera « que faire dans un monde rentré dans les turbulences ? » Et de surprendre son assistance en tonnant « nous vivons une époque magnifique». Il se réfère aux statistiques des Nations unies pour affirmer que « la violence a baissé de l’ordre de 17% par rapport au 18 et 19ème siècle » alors que « la population mondiale s’est multipliée par sept ». Il estimera que « la communication au niveau universel se fait sur la violence et non la paix » ce qui nous donne l’impression de « vivre dans un monde violent ». Abondant dans ce sens, il réfutera que la région du Moyen-Orient, berceau de toutes les religions monothéistes, soit la région la plus violente. « C’est l’Amérique du Sud où sévit la violence », lance-t-il. Pour Cheikh Bentounès « la réalité n’est pas aussi catastrophique ».Sur son projet, présenté à l’ONU il y a quelques mois, suite au Congrès mondial sur « la Femme et la Paix » organisé à Oran, en novembre dernier, il affirme « qu’il a été bien reçu » par les instances internationales. Il ajoutera que « 6000 délégués » représentant les pays membres de l’ONU, l’ont reçu. Ceux avec qui il s’est entretenu lors de son passage à New York lui ont demandé pourquoi juste « une journée pour le vivre-ensemble », indique t-il. Façon de dire que « le vivre-ensemble » supposant l’acceptation de l’autre en dépit de ses différences, doit être l’attitude de tout un chacun l’année durant. Cheikh Bentounès réclame un million de signatures pour pouvoir imposer son projet. Dans ce sens, il dira « une signature, c’est votre empreinte que vous allez apposer à ce merveilleux édifice ». Il donnera juste un chiffre pour expliquer la nécessité et l’urgence de s’inscrire dans une démarche pour la paix. « Le coût de la violence se situe à 9,47 trillions de $ par an ». Or, le 1/10 de cette somme peut permettre à tous les enfants d’Afrique de s’épanouir et de rêver d’un monde meilleur au lieu de se lancer dans des suicides collectifs en voulant rejoindre les rivages du Nord.

par Ziad Salah
Pour en savoir plus : http://www.lequotidien-oran.com/

Algérie : la fragmentation des mémoires

ALGER

L’anniversaire des 60 ans du début de la guerre d’Algérie n’a, il faut le dire, pas été l’occasion de beaucoup de commentaires de notre côté de la méditerranée. Ce n’est bien entendu pas le cas en Algérie et c’est bien normal: leurs commémorations mettent l’accent sur 1954, et le début de la guerre contre la présence coloniale française, tandis que la France célèbre surtout la fin de la guerre, près de huit ans plus tard. C’est loin d’être un détail: cela prouve le malentendu historique qui perdure entre ces deux nations. Pour les Algériens, le 1er novembre explique la guerre par l’histoire longue de la colonisation, tandis que pour les Français, il s’agit d’insister sur le départ des harkis et l’exil des Européens, ceux que l’on appellera plus tard les « pieds-noirs ». Cette distorsion temporelle (le début ou la fin de la guerre comme commémoration essentielle) entre l’un et l’autre pays au sujet des manifestations du souvenir donne à réfléchir.

Ces dernières années, nous sommes passés d’une période d’amnésie française envers cette séquence de notre histoire, à une hypermnésie traduite par une inflation de toute sorte de documentaires, films, romans, autobiographies, etc. Mais cela ne traduit pas pour autant une réelle connaissance de l’histoire !

C’est cette hypermnésie nouvelle qui nous fait assister à une sorte d’éclatement, de fragmentation de la mémoire. Nos mémoires s’opposent et ont chacune une conception ainsi qu’une vision différente de l’histoire, ce qui se concrétise par exemple par la divergence au niveau des dates de commémoration. Fondamentalement, les conflits de mémoire se portent sur la date de fin de la guerre. En France, toute une partie symbolisée par les anciens combattants, les appelés, retient les accords d’Evian du 18 mars 1962. En revanche, les immigrés algériens qui vivent en France voient la tragédie de la manifestation du FLN à Paris le 17 octobre 1961 comme symbole tragique de la fin du conflit. Les pieds-noirs, eux, vont focaliser leur attention sur le massacre du 5 juillet de l’année suivante, avec le massacre et l’enlèvement à Oran de civils européens. Les Algériens d’Algérie, eux, célèbrent la fête de l’indépendance du 5 juillet 1962. On voit donc bien qu’il y a une séparation des mémoires, d’une rive à l’autre de la méditerranée, mais également d’un même côté, avec des différences entre les mémoires. Cette fragmentation des mémoires est due à un déficit des récits d’histoire. Il n’y pas de consensus mémoriel. Au contraire, on assiste à une séparation mémorielle: d’un côté des groupes veulent renoncer à toute forme de culpabilité vis à vis de la colonisation, qu’ils jugent positive. En Algérie, on est au contraire dans l’attente d’excuses pour la longue période coloniale. C’est là toute la difficulté.

Gardons toutefois le cap sur l’optimisme. Il faut, dans le fond, poursuivre le travail d’écriture de l’histoire, accorder une plus grande place aux historiens de tous bords, sans céder au tyrannisme de certains groupes de mémoire qui veulent imposer leur histoire en toute méconnaissance des faits. C’est pour ça qu’il est important de restituer l’ensemble des points de vues autour de cette histoire longue, des harkis aux indépendantistes, en passant par les pieds-noirs. Pour y parvenir, il faut respecter cette multiplicité des points de vue, les restituer, et non avoir une mémoire exclusive, univoque qui refuse la reconnaissance de la souffrance de l’autre, comme certains, tournée uniquement vers les immigrés de manière obsessionnelle. Il nous faut traiter l’histoire de la nation dans toute sa complexité.

Benjamin Stora, historien

Publication:

2014-10-30-couvstora

Dernier ouvrage: La guerre d’Algérie expliquée en images, publié au Seuil. Septembre 2014. 29€.

Pour en savoir plus : http://www.huffingtonpost.fr