Noël dans les entreprises : boudin blanc et chèques cadeaux

NOEL

85 % des comités d’entreprise font une action pour Noël (photo Tillwe/Flickr)

 

Dans les entreprises, Noël c’est du boudin blanc aux morilles à la cantine, des cadeaux pour les enfants, des chèques pour les grands. Et malgré la crise, la tradition perdure, même si tous les salariés ne sont pas logés à la même enseigne. Ce sont les comités d’entreprises (CE), obligatoires à partir de 50 salariés, qui gèrent les petits bonus pendant cette période.Pour Noël, « 85 % des CE font une action », assure Jacques Lambert, de SalonsCE, qui met en relation élus et fournisseurs. Et le budget est « préservé » car c’est le moment l’année où le CE dit « j’existe ». Parmi les incontournables: chèques cadeaux, colis gastronomiques, jouets, spectacles… et repas festif à la cantine. « C’est toujours la même chose quasiment », observe Patrick Hamonière, responsable de Forum CE, un autre intermédiaire.
Côté agapes, les cantines mettent les petits plats dans les grands et les tables se parent de nappes blanches. Ces repas festifs avec foie gras, cailles rôties ou bûche pour le même prix que d’habitude (environ 4 euros) sont un moment « sympathique », estime René Ollier, représentant SUD-PTT au CE d’Orange. Mais tout le monde n’est pas adepte : « je n’y vais pas en général car il faut faire une heure ou une heure et demie de queue, à moins d’être prêt à aller déjeuner dès 11 heures », témoigne une salariée de Thales Alenia Space à Toulouse.Autre classique, les « arbres de Noël » à l’extérieur autour d’un spectacle. Selon Jacques Lambert, « les CE sont les plus gros contributeurs au spectacle vivant ». Les dépenses de Noël sont financées sur le budget des « activités sociales et culturelles » du CE. Le taux de contribution de l’entreprise n’est pas fixé mais ne peut être revu à la baisseChez Air France, qui distribuera comme l’an dernier 18.000 jouets et livres, ce budget équivaut à plus de 3 % de la masse salariale, l’un des plus généreux, avec EDF ou la RATP.La moyenne du budget des quelque 40.000 CE est de « 1 % de la masse salariale », mais « la part consacrée à Noël est compliquée à savoir », reconnaît Jacques Lambert de SalonsCE.
Selon un rapport du Sénat, le budget global des CE des entreprises de moins de 99 salariés n’excède pas 19.000 euros en moyenne, là où il dépasse 600.000 euros au-delà de 500 salariés.

Mais petit budget ne veut pas dire fête ratée. « Environ 50 à 60 % de notre budget passe dans les fêtes de Noël », dit Marie Rialland, élue au CE de Benchmark group, société d’environ 100 personnes spécialisée dans les contenus en ligne. Le CE n’ayant aucun permanent, il est fait appel aux bonnes volontés pour l’emballage des cadeaux ou le goûter des enfants, « un moment sympa mais assez usant en fin d’année ».

Dans les grands groupes, le bon d’achat prédomine. « Le responsable du CE n’a pas envie de se casser la tête à trouver quelque chose qui plaise à tout le monde », explique Patrick Hamonière. Avec les contraintes alimentaires liées aux allergies ou aux religions (halal, casher, végétarien, etc.), « ça devient compliqué de faire un colis », ajoute Jacques Lambert.

Sortie en famille avec un spectacle

A la SNCF, certains résistent. « On est un peu contre les chèques cadeaux car on ne sait pas si c’est l’enfant qui en profitera », fait valoir un représentant d’un des 28 CE du groupe. Il prévoit toujours une « sortie en famille avec un spectacle » fédérateur, cette année au cirque Bouglione.

Les CE, qui ont « un pouvoir d’achat que n’a pas le commun des mortels », sont hyper courtisés. Les éditeurs de chèques cadeaux « ont des commerciaux qui vont les voir » et les prestataires rivalisent de « cadeaux » pour les séduire, raconte Patrick Hamonière.

Mais quand les entreprises restructurent, la fête peut s’en ressentir. Comme en 2012 à l’usine PSA de Charleville-Mézières, où le repas avait été annulé ou chez Air France, où l’arbre de Noël a disparu, mais où le CE a maintenu la distribution des cadeaux.

Avec AFP

Pour en savoir plus : http://www.fait-religieux.com

La rédaction | le 23.12.2014 à 08:00

Algérie : la fragmentation des mémoires

ALGER

L’anniversaire des 60 ans du début de la guerre d’Algérie n’a, il faut le dire, pas été l’occasion de beaucoup de commentaires de notre côté de la méditerranée. Ce n’est bien entendu pas le cas en Algérie et c’est bien normal: leurs commémorations mettent l’accent sur 1954, et le début de la guerre contre la présence coloniale française, tandis que la France célèbre surtout la fin de la guerre, près de huit ans plus tard. C’est loin d’être un détail: cela prouve le malentendu historique qui perdure entre ces deux nations. Pour les Algériens, le 1er novembre explique la guerre par l’histoire longue de la colonisation, tandis que pour les Français, il s’agit d’insister sur le départ des harkis et l’exil des Européens, ceux que l’on appellera plus tard les « pieds-noirs ». Cette distorsion temporelle (le début ou la fin de la guerre comme commémoration essentielle) entre l’un et l’autre pays au sujet des manifestations du souvenir donne à réfléchir.

Ces dernières années, nous sommes passés d’une période d’amnésie française envers cette séquence de notre histoire, à une hypermnésie traduite par une inflation de toute sorte de documentaires, films, romans, autobiographies, etc. Mais cela ne traduit pas pour autant une réelle connaissance de l’histoire !

C’est cette hypermnésie nouvelle qui nous fait assister à une sorte d’éclatement, de fragmentation de la mémoire. Nos mémoires s’opposent et ont chacune une conception ainsi qu’une vision différente de l’histoire, ce qui se concrétise par exemple par la divergence au niveau des dates de commémoration. Fondamentalement, les conflits de mémoire se portent sur la date de fin de la guerre. En France, toute une partie symbolisée par les anciens combattants, les appelés, retient les accords d’Evian du 18 mars 1962. En revanche, les immigrés algériens qui vivent en France voient la tragédie de la manifestation du FLN à Paris le 17 octobre 1961 comme symbole tragique de la fin du conflit. Les pieds-noirs, eux, vont focaliser leur attention sur le massacre du 5 juillet de l’année suivante, avec le massacre et l’enlèvement à Oran de civils européens. Les Algériens d’Algérie, eux, célèbrent la fête de l’indépendance du 5 juillet 1962. On voit donc bien qu’il y a une séparation des mémoires, d’une rive à l’autre de la méditerranée, mais également d’un même côté, avec des différences entre les mémoires. Cette fragmentation des mémoires est due à un déficit des récits d’histoire. Il n’y pas de consensus mémoriel. Au contraire, on assiste à une séparation mémorielle: d’un côté des groupes veulent renoncer à toute forme de culpabilité vis à vis de la colonisation, qu’ils jugent positive. En Algérie, on est au contraire dans l’attente d’excuses pour la longue période coloniale. C’est là toute la difficulté.

Gardons toutefois le cap sur l’optimisme. Il faut, dans le fond, poursuivre le travail d’écriture de l’histoire, accorder une plus grande place aux historiens de tous bords, sans céder au tyrannisme de certains groupes de mémoire qui veulent imposer leur histoire en toute méconnaissance des faits. C’est pour ça qu’il est important de restituer l’ensemble des points de vues autour de cette histoire longue, des harkis aux indépendantistes, en passant par les pieds-noirs. Pour y parvenir, il faut respecter cette multiplicité des points de vue, les restituer, et non avoir une mémoire exclusive, univoque qui refuse la reconnaissance de la souffrance de l’autre, comme certains, tournée uniquement vers les immigrés de manière obsessionnelle. Il nous faut traiter l’histoire de la nation dans toute sa complexité.

Benjamin Stora, historien

Publication:

2014-10-30-couvstora

Dernier ouvrage: La guerre d’Algérie expliquée en images, publié au Seuil. Septembre 2014. 29€.

Pour en savoir plus : http://www.huffingtonpost.fr