Une religion, des religions ?

Si vous demandez aux Japonais quelle est leur religion, la plupart d’entre eux répondront qu’ils n’en ont pas, ou diront ne pas savoir. Plus étonnant : si vous les questionnez sur les religions du Japon, ils citeront souvent le christianisme, parfois le bouddhisme, mais rarement le Shintô qui est pourtant la religion la plus pratiquée, la plus ancienne et la plus spécifiquement japonaise.

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Si l’on additionne les chiffres officiels des différentes religions du Japon et qu’on y ajoute le nombre des personnes qui se disent sans religion, on obtient 277 millions de personnes, soit plus de deux fois la population japonaise!

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Une raison en est que ces chiffres sont ceux que communiquent les cultes eux-mêmes. Or les temples bouddhistes comptent systématiquement dans leurs registres tous les membres de toutes les familles avec qui ils ont eu affaire! De même, les sanctuaires shintô considèrent comme pratiquants tous les membres de leur paroisse. Ce n’est toutefois pas complètement mensonger: la plupart des Japonais sont à la fois shintoïstes et bouddhistes.

En effet, les deux croyances ne se contredisent pas. Au cours de leur longue histoire commune, elles ont pratiquement toujours adopté la forme d’un syncrétisme. Pendant plusieurs siècles, Shintô et bouddhisme ont même cohabité dans les mêmes temples et les prêtres pouvaient officier dans les deux obédiences.

Lorsqu’on sonde directement les Japonais sur leur religion de prédilection, les trois cinquièmes se déclarent sans religion ou ne répondent pas, ce qui est surprenant sachant que tous participent au cours de leur vie à nombre de rites religieux concernant la naissance, la santé des enfants, le mariage, les changements saisonniers, la bénédiction des affaires, les funérailles, etc.

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Ceux qui se déclarent shintoïstes ne sont qu’une infime fraction. La raison en est sans doute que les Japonais ne considèrent pas vraiment le Shintô comme une religion mais comme un ensemble de rites relevant plus de la forme que de la croyance. Dans le même ordre d’idée, alors que seuls 2% des Japonais se déclarent chrétiens, plus de 50% des mariages seraient célébrés selon des rites chrétiens ou pseudo-chrétiens, sans que ces célébrations aient la moindre signification religieuse: le mariage « chrétien » étant simplement considéré comme plus occidental, et donc plus chic.

Pour en savoir plus : Jean-Luc Azra (2011) «Les Japonais sont-ils différents?» (Éditions Connaissances et Savoirs)

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