Les religions, un bien pour la République

 SignesReligieux

L’école joue un rôle déterminant dans l’éducation au vivre-ensemble. Rien d’étonnant, donc, qu’après le temps de l’émotion suscitée par les attentats à Paris et à Montrouge du 7 au 9 janvier, elle fasse l’objet d’attention. Jeudi dernier, la ministre de l’éducation nationale a fourni les détails de la « grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République » voulue par le président de la République : nouvel enseignement moral et civique, renforcement de l’éducation aux médias, renforcement de la formation des enseignants « à la laïcité et à l’enseignement moral et civique », célébration chaque 9 décembre de la Journée de la laïcité, participation des élèves à la semaine de lutte contre le racisme et l’antisémitisme…

Najat Vallaud-Belkacem a également demandé au Conseil supérieur des programmes de renforcer la place de l’enseignement du fait religieux dans le cursus scolaire. Depuis la remise du rapport Debray en 2002, la nécessité d’un tel parcours n’est plus discutée. Tout l’enjeu pour l’école publique est de savoir comment aborder le fait religieux et les textes fondateurs dans « un esprit de laïcité respectueux des consciences et des convictions », pour reprendre des termes officiels. D’où l’approche essentiellement historique, censée libérer les enseignants de leurs éventuelles préventions ou réticences.

Mais cette perspective n’est pas neutre. Elle cantonne le fait religieux au passé et tient implicitement l’expérience croyante comme quelque chose d’archaïque ou d’exotique, alors que celle-ci oriente la vie de nombreuses familles dans leur recherche du bien. La remise sur le chantier du programme d’enseignement sur le fait religieux gagnerait à dépasser ce jugement de valeur implicite. La République a besoin des religions parce que celles-ci animent et soutiennent des lieux concrets – à commencer par les familles – où s’incarnent et s’expérimentent les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. L’expérience et le fait religieux sont de bonnes choses pour l’unité républicaine. De cela un enseignement attaché à la laïcité doit aussi rendre compte.

Dominique Greiner

25/1/15 – 19 H 34

Pour en savoir plus : http://www.la-croix.com

« Nous ne sommes pas formés à la laïcité »

L’académie de Paris organise les 22 et 23 janvier une formation ouverte au personnel de l’éducation nationale sur la laïcité et l’enseignement des faits religieux.

Nous-ne-sommes-pas-formes-a-la-laicite

Pour une fois, ils sont de l’autre côté de la barrière. Enseignants, directeurs d’établissement ou conseillers principaux d’éducation, ils sont une centaine à être assis ce jeudi 22 janvier dans un amphithéâtre du lycée Montaigne, à Paris.

Ils sont venus assister à une session de formation organisée par l’académie de Paris et l’Institut européen en sciences des religions sur un sujet plus que jamais d’actualité : « enseignement et laïcité ».

« Il en va de notre vivre ensemble »

Ces deux journées étaient programmées bien avant les attentats des 7, 8 et 9 janvier. Mais les tueries lui donnent une résonance particulière.

« Ce moment doit nous donner l’occasion d’une mobilisation durable, il en va de notre vivre ensemble et de la cohésion de notre société », plaide un des intervenants, le philosophe Abdennour Bidar. « Il y a des questions et des responsabilités que nous ne pouvons plus ajourner », poursuit son voisin de table, Alain Seksig, membre du Haut conseil à l’intégration.

« Des parents refusent de nous serrer la main »

Dans la salle, des applaudissements fusent après chaque intervention. Des questions et des réflexions, aussi. Elles émanent d’expériences de terrain.

Les uns évoquent les menus à la cantine, les autres la séparation filles-garçons à la piscine, la peur diffusée par certains élèves, l’isolement de la France en matière de laïcité sur la scène internationale… « Messieurs les intellectuels, il faut aussi parler de ce que vivent les femmes, lance une voix féminine. Il y a des parents qui refusent de nous serrer la main. »

«J’ai besoin d’un argumentaire »

Cet enseignant en technologie, lui, veut souligner les manques de sa formation. « On ne m’a jamais parlé de laïcité quand je suis passé en IUFM il y a seize ans, explique-t-il. Je veux bien engager un débat avec les élèves sur ce sujet, mais on risque de se faire bouffer. On voit bien que des questions simples amènent des réponses complexes. Ce dont j’ai besoin, c’est déjà d’un simple argumentaire ».

Face à ce témoignage, Abdennour Bidar ne cache pas son énervement. « Une littérature sur la laïcité existe depuis plus d’un siècle, assène-t-il. Vous êtres des enseignants, des intellectuels. C’est aussi de votre responsabilité de prendre du temps pour lire ces textes et vous construire vous-même votre argumentaire. Il faut être vigilant par rapport à l’idée d’un prêt-à-penser fourni par l’institution. Je comprends que vous vous sentiez démunis, je comprends l’insécurité que vous pouvez ressentir, mais c’est à chacun de se prendre en main et de monter au front ! »

« Nous ne sommes pas formés »

À la sortie de cette première matinée consacrée aux fondements de la laïcité, Fabrice, un prof d’espagnol de 35 ans, prend la défense de son collègue. « La réalité, c’est que nous ne sommes pas formés pour mener un débat sur des questions de religion, confie-t-il. Moi non plus, je n’ai jamais eu de formation sur la laïcité et ma culture religieuse est limitée. Je ne connais presque rien de l’Islam. On est conscient qu’il faut passer par du débat, mais on est confrontés à des élèves qui ont d’autres repères. »

À côté de lui, sa voisine, qui enseigne les mathématiques, poursuit : « on se retrouve très seul face à une classe. Il faut aussi ne pas oublier qu’on a affaire à des adolescents qui aiment provoquer des adultes ». Pour elle, la laïcité est une « évidence ». « Elle fait partie de notre quotidien, elle est dans la loi, reprend-elle. Mais on a peut-être oublié de mettre l’accent sur la laïcité. Je n’avais jamais pensé avoir, un jour, à faire ce genre de formation. »

Pascal Charrier

Pour en savoir plus : www.la-croix.com

Ecole : la guerre des laïques

Après les attentats, l’enseignement laïque du fait religieux est avancé comme une nécessité. Un débat qui déchire l’école depuis trente ans.

NajatVallaudBelkacem
Najat Vallaud-Belkacem se heurte à son tour à la mise en oeuvre d’un enseignement du fait religieux au service de la laïcité. © Etienne Laurent / AFP
Il a été question de « sursaut collectif » dans le discours de Najat Vallaud-Belkacem, de « réponses nouvelles » à des « circonstances exceptionnelles ». Après les attentats, la ministre de l’Éducation nationale s’est lancée dans un marathon consultatif destiné à forger la riposte de l’école à la menace intégriste. Les conclusions sont attendues cette semaine, mais les pistes sont connues : développer la « pédagogie de la laïcité » (via l' »instruction civique et morale » que la rentrée 2015 doit étrenner), renforcer l’enseignement laïque du fait religieux, réduire les inégalités scolaires. Des « réponses nouvelles » ? La réouverture, plutôt, de débats déjà anciens : vieux d’une trentaine d’années, au moins.

« L’éducation à la citoyenneté, abandonnée dans les années 60 et 70, est réapparue dans les années 80 face à la crise économique et à la crainte des communautarismes », explique Philippe Portier, directeur d’études à l’École pratique des hautes études en sciences sociales. Comment éduquer à la laïcité ? Comment former des citoyens en tenant compte des différences culturelles et religieuses ? La question, constamment posée depuis lors, dépasse les clivages politiques : l’apprentissage de la Marseillaise, évoquée par Najat Vallaud-Belkacem, a été rendu obligatoire en 2005 par François Fillon. Le fait religieux a été, dans le même temps, intégré au « socle commun » des connaissances. Sans succès, faute d’un consensus sur ce que devrait être cet enseignement. En effet, à gauche comme à droite, les tenants d’une laïcité stricte s’empaillent avec les partisans d’une laïcité plus accommodante, ou « inclusive ».

Désarroi

La « morale laïque », ardemment défendue par Vincent Peillon à son arrivée en fonction, a payé le prix de ces tiraillements. Devenue « enseignement laïque de la morale » en avril 2013 dans un rapport préliminaire, elle s’est transformée en « enseignement civique et moral » sous la plume du Conseil supérieur des programmes (CSP), chargé d’en déterminer le contenu. Évacuée la laïcité, au moins de l’intitulé. « Sans doute s’agissait-il de détendre l’atmosphère autour de ces questions, mais je ne peux m’empêcher d’y voir aussi une manière de contourner l’importance du fait religieux », commente Philippe Gaudin, responsable des programmes de formation à l’Institut européen en sciences des religions (IERS).

Résultat : l’accent a été mis sur l’interdisciplinarité et le débat afin de développer chez les élèves « une aptitude à vivre ensemble dans une société démocratique ». Un projet louable, sans doute, mais sur lequel les équipes pédagogiques restent pour le moins circonspectes. L' »échec » dont on accuse de nouveau l’école depuis les attaques est « celui de la société française dans son ensemble », affirme dans les Échos Philippe Tournier, secrétaire général du syndicat des chefs d’établissement SNPDEN-Unsa. « Il y a des quartiers dans lesquels les valeurs de la République ne sont d’évidence pas en oeuvre et où les jeunes pensent que la société ne leur laisse aucune place. » Créer les conditions d’un débat en classe n’a rien d’aisé. Témoin, le désarroi des enseignants face à la réaction de certains élèves aux attentats.

« Secouer la tutelle d’autorités fanatisantes »

Là non plus, l’affaire n’est pas neuve. Le 11 Septembre avait même contribué à ce que soit commandé au philosophe Régis Debray un rapport sur l’enseignement du fait religieux, remis en 2002, qui continue de faire foi aujourd’hui. Le philosophe estimait alors que, sans qu’il faille faire entrer les curés dans les écoles (pas plus que les rabbins ou les imams), la relégation des cultes hors des espaces de « transmission rationnelle des savoirs » n’était pas tenable. À l’inverse, écrivait-il, « une connaissance objective et circonstanciée des textes saints comme de leurs propres traditions conduit nombre de jeunes intégristes à secouer la tutelle d’autorités fanatisantes, parfois ignares ou incompétentes ».

Régis Debray demandait, notamment, une formation continue des agents de la fonction publique en général, et des enseignants en particulier. L’IERS a été créé à cet effet, mais la suppression des IUFM et la valse des ministres Rue de Grenelle ont laissé la préconisation à l’état de voeu pieux. « On peut espérer toutefois que les choses se stabilisent aujourd’hui avec les nouvelles Espé (écoles supérieures du professorat et de l’éducation) », note Philippe Gaudin. « L’ensemble de la communauté éducative a besoin d’être formé », sur la question religieuse comme sur la laïcité elle-même, entendue parfois comme une forme d’athéisme public.

La guerre des laïcs

Près de quinze ans après, les mêmes polémiques minent toute action. L’Observatoire de la laïcité s’est ainsi déchiré sur un avis remis après les attentats. Il plaidait pour le « développement effectif de l’enseignement laïque du fait religieux » et demandait, en outre, que « toutes les cultures convictionnelles et confessionnelles présentes sur le territoire de la République » soient prises en compte dans les programmes scolaires. Des propositions jugées « angéliques », « pusillanimes » et même « anti-laïques » par trois des membres de l’institution (le député socialiste Jean Glavany, la sénatrice radicale de gauche Françoise Laborde et Patrick Kessel, ancien grand maître du Grand-Orient de France), qui ont aussitôt menacé de démissionner.

« La laïcité, la laïcité, voilà ce que droite et gauche nous ont répondu lorsque nous avons plaidé pour un enseignement du religieux ! Mais c’est dans notre pays laïque que des personnes en assassinent d’autres en prenant prétexte de leur foi ! » s’insurge de son côté Esther Benbassa, sénatrice EELV du Val-de-Marne, directrice d’études à l’École pratique des hautes études et auteur, avec l’UMP Jean-René Lecerf, d’un rapport sur la lutte contre les discriminations qui ‘a enflammé le Palais du Luxembourg en novembre dernier. « Les professeurs d’histoire, de lettres ou de philosophie continueraient comme ils le font d’aborder les religions en fonction des programmes, avance-t-elle. Mais un enseignement spécifique et laïque permettrait de développer chez les élèves un esprit critique et une connaissance de leurs différentes cultures qui, sans doute, aideraient à tempérer la force des radicalismes. On ne peut pas laisser la question religieuse à Internet. »

Sanctuaire

Le 12 janvier, le président du Conseil supérieur des programmes, Michel Lussault, soutenait dans un entretien que, sans « remettre en cause la laïcité à l’ancienne », il fallait « dire que la société et les élèves ont changé au point que le corpus des enseignants doit lui aussi évoluer ». Soit, pour le nouvel enseignement de « l’instruction civique et morale », atteindre « une forme de consensus par recoupement, forger une morale commune à partir de la diversité sociale, culturelle, religieuse des élèves », explique Philippe Portier, plutôt que chercher à renouer avec le modèle de la IIIe République en administrant d’en haut un dogme laïque. Soit l’exact opposé, par exemple, des déclarations d’un André Gerin, l’ancien maire (PCF) de Vénissieux, qui, en 2009, avait été à l’origine de la loi interdisant le port du voile intégral dans l’espace public : « L’école doit redevenir un sanctuaire, déclare-t-il au Point.fr. Il faut sortir de l’illusion de l’école portes ouvertes, comme on le fait depuis quarante ans. Il faut désormais que la laïcité soit totalement respectée, qu’il y ait une séparation entre l’école et la société, et un retour à l’autorité. » Retour à la case départ.

Dans la même interview, Michel Lussault parlait de la laïcité comme d’un « savoir chaud ». Sur ce point du moins, les enseignants ne le contrediront pas.

Par Marion Cocquet

Pour en savoir plus : http://www.lepoint.fr/

Le Point – Publié le – Modifié le

 

Najat Vallaud-Belkacem détaille les mesures pour réaffirmer les valeurs républicaines à l’école

Laïcité et valeurs républicaines, apprentissage de la citoyenneté, réduction des inégalités : la ministre de l’éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem a détaillé jeudi 22 janvier des mesures pour un coût de plus de 250 millions d’euros sur trois ans, au nom de la « mobilisation » de l’école pour la République après les attentats à Paris et les incidents qui ont suivi dans certains établissements.
L’école « ne tolère aucune remise en cause des valeurs de la République », a souligné Najat Vallaud-Belkacem, affirmant vouloir lutter contre le « repli identitaire », les « théories du complot », la « défiance » à l’égard des médias et le « péril du relativisme généralisé ».

Laïcité, enseignement moral et civique

L’accent est mis sur la laïcité. Un plan de formation continue exceptionnel va être mis en place pour « 1.000 premiers formateurs formés d’ici juillet » à « la laïcité et à l’enseignement moral et civique », selon le ministère. Par ailleurs, lors du concours de recrutement des enseignants, les candidats seront désormais « évalués sur leur capacité à faire partager les valeurs de la République ».

La ministre de l’éducation veut aussi sévir contre les comportements mettant en cause les valeurs de la République. « Ils seront systématiquement signalés au directeur d’école ou au chef d’établissement et seront suivis d’un dialogue éducatif avec les parents et, le cas échéant, d’une sanction disciplinaire », prévient Najat Vallaud-Belkacem, en promettant aussi de développer « un portail de ressources destinés à lutter contre le racisme et l’antisémitisme ».

 

-

 

Najat Vallaud-Belkacem a mis l’accent sur la laïcité (photo AFP).
 

« La question de l’autorité à l’école se pose », a martelé la ministre, jugeant que la formation est inutile si les enseignants « continuent à être trop souvent perturbés dans leur enseignement ». Elle a donc promis qu’elle ne tolérerait « aucune faiblesse contre les comportements » qui « portent atteinte » aux enseignants, appelant à l’extension, parmi les sanctions, des travaux d’intérêt général.
Les rites républicains – hymne national, drapeau, devise – seront « expliqués » et « valorisés » afin de « rétablir l’autorité des maîtres ». Et une journée de laïcité sera célébrée chaque 9 décembre dans tous les établissements.

Un « nouveau parcours citoyen » de l’école élémentaire à la terminale s’articulera notamment autour du nouvel enseignement moral et civique, prévu dès la prochaine rentrée, d’une éducation aux médias et à l’information, ou encore de l’incitation à débattre et à argumenter dans les classes. « Le parcours citoyen sera évalué à la fin de la scolarité obligatoire selon des modalités qui seront définies au printemps », précise le ministère.
Des ressources seront produites sur « la pédagogie de la laïcité et pour l’enseignement laïque du fait religieux », ajoute le ministère sans préciser les modalités.
Autre annonce : la création d’une « réserve citoyenne » d’appui aux écoles et aux établissements dans chaque académie. Les bénévoles d’associations ainsi que les délégués départementaux de l’éducation nationale « seront notamment sollicités pour y participer ». La ministre veut aussi « associer pleinement les parents d’élèves ». Aussi, un comité départemental d’éducation à la santé et à la citoyenneté sera créé et les espaces parents seront développés. Ces comités locaux seront destinés à être « une instance de réflexion sur les protocoles de communication vis-à-vis des parents d’élèves lors des situations d’urgence ».

Lutter contre les inégalités

La maîtrise du français est « un chantier prioritaire ». Il y aura une évaluation du niveau des élèves en français en début de CE2.

« L’école républicaine, gratuite et laïque, est en première ligne, a déclaré le premier ministre Manuel Valls. Au fil des années, notre école a dévié de son cap. Elle reproduit les inégalités ». Pour mieux aider les enfants en situation de pauvreté, les fonds sociaux seront augmentés de 20 %, a annoncé Najat Vallaud-Belkacem.

Concernant les jeunes placés sous contrôle de la justice après un acte de délinquance et pour les jeunes détenus, le gouvernement lance « une mobilisation en faveur de la poursuite de l’enseignement et de l’acquisition des compétences fondamentales ». Enfin, face aux risques de repli chez les jeunes pouvant représenter un risque pour eux-mêmes et la vie collective, « un meilleur repérage » aura lieu avec « la formation renforcée des chefs d’établissements » et « le contrôle renforcé de l’instruction à domicile ».

Avec AFP
En savoir plus sur http://www.fait-religieux.com

Le terrorisme n’a pas de religion ! Jamel Debbouze

 

Laïcité et enseignement des faits religieux : où en est-on ?

Deux spécialistes font le point avec nous sur cette question, plus que jamais d’actualité.

Fotolia

L’attentat contre Charlie Hebdo et les quelques cas de perturbations de la minute de silence par des élèves ont soulevé beaucoup de questions sur la laïcité et ravivent le débat sur l’enseignement des faits religieux à l’école. Alors que la ministre de l’Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem, « mobilise » l’école autour des valeurs républicaines et cherche à revaloriser les cours d’éducation morale et civique, un rapport des sénateurs Esther Benbassa (EELV) et Jean-René Lecerf (UMP), adopté en novembre 2014 par le Sénat, soulevait déjà la question de cet enseignement pour lutter contre les discriminations. L’une des mesures était l’enseignement du fait religieux au cours de la scolarité, en dispensant la formation nécessaire aux enseignants. « On voit ici poindre deux questions distinctes quoique complémentaires, explique Philippe Gaudin, directeur adjoint de l’Institut européen en sciences des religions (IESR) : la formation autour de la laïcité et l’enseignement des faits religieux. »

La laïcité aujourd’hui à l’école

« Jusqu’à présent, poursuit Philippe Gaudin, la formation sur la laïcité à l’école se faisait dans le cadre de l’éducation civique au collège, et de l’ECJS (éducation civique juridique et sociale) au lycée. Le grand projet de réforme en cours sur la laïcité propose, à terme, un enseignement moral et civique, de la Primaire à la Terminale. » Une pédagogie autour de la laïcité est aussi mise en place par le ministère de l’Education nationale, coordonnée par Abdenmour Bidar, chargé de mission et membre de l’Observatoire national de la laïcité . Cette pédagogie s’appuie notamment sur la Charte de la laïcité  : « C’est une bonne chose mais cette charte n’a pas de valeur juridique ou contraignante, il est donc nécessaire de former les enseignants pour mieux transmettre ses messages », souligne Charles Coutel, directeur de l’Institut d’étude des faits religieux (IEFR), rattaché à l’université d’Artois et travaillant en collaboration étroite avec l’IESR.

 

L’enseignement des faits religieux

En France, contrairement aux autres pays européens,« l’enseignement des faits religieux se fait dans le cadre des disciplines existantes : l’Histoire, les Lettres, la Philosophie… »,reprend Charles Coutel. Le rapport du philosophe Régis Debray, en 2002, sur l’enseignement du fait religieux à l’école a jeté les bases d’un redéploiement de cet enseignement. Le philosophe en précisait le but : non pas « remettre Dieu à l’école » mais « décrisper, dépassionner, et même (…) banaliser le sujet, sans lui enlever, tout au contraire, sa dignité intrinsèque ».

Une formation continue peut exister dans le plan de formation des enseignants, ainsi qu’une formation initiale sur ces questions dans les ESPE, mais « c’est encore trop peu car l’enseignement civique et moral et celui sur les faits religieux sont interdépendants,poursuit Charles Coutel. Le combat laïc n’est pas un combat contre les religions mais contre les fanatismes. Il faudrait donc, en formation initiale, deux modules de 15 heures : l’un sur la pédagogie de la laïcité, l’autre sur une initiation à l’éducation aux faits religieux. »

Philippe Gaudin explique d’ailleurs que l’IESR a été créé en 2003, à la suite du rapport Debray, pour participer à la formation initiale et continue des enseignants et des formateurs, et réfléchir au contenu des enseignements.

La laïcité n’est pas une démarche antireligieuse

Beaucoup de choses ont donc été faites jusqu’ici, mais « de façon discontinue, avec un certain manque d’homogénéité sur le territoire et peut-être aussi d’intensité dans les programmes », souligne Philippe Gaudin. Le temps de l’action est venu et on peut parler de façon laïque de la « matière » religieuse. « On vit dans une société sécularisée et laïcisée, mais où les religions s’expriment de plus en plus et avec un pluralisme religieux qui n’existait pas en 1905 (date de la séparation de l’Eglise et de l’État.) », rappelle-t-il. Ce à quoi souscrit Charles Coutel : « L’enseignement des faits religieux peut se faire par la controverse : parler des guerres de religions pour évoquer le catholicisme et le protestantisme, évoquer l’islam en expliquant la différence entre chiisme et sunnisme, ne pas parler de taoïsme sans évoquer le confucianisme… » Les événements de ces derniers jours pourraient marquer une prise de conscience sur ces questions.

Aurélien Coustillac

 

Pour en savoir plus : http://www.vousnousils.fr

  • Le défi de l’enseignement des faits religieux à l’école, réponses européennes et québécoises, Jean-Paul Willaime. Riveneuve éditions, 2014, 358 p.
  • Double défi pour l’école laïque : enseigner la morale et les faits religieux, Isabelle Saint-Martin et Philippe Gaudin, avec la participation notamment de Charles Coutel. Riveneuve éditions, 2013, 204 p.
  • L’enseignement des faits religieux France – Espagne – Irlande – Écosse.Préface et conclusion par Charles Coutel. Artois Presses Université, 2014, 157 p.
  • Vers une laïcité d’intelligence en France ? L’enseignement des faits religieux en France comme politique publique d’éducation depuis les années 1980, Philippe Gaudin, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 2014.

L’ESPÉ Clermont Auvergne : pourquoi cela fonctionne-t-il ?

La fin du trimestre donne l’occasion de tracer un état des lieux de l’École supérieure du professorat et de l’éducation de la région Auvergne. Elle entame sa deuxième année d’existence et continue des renouvellements et des travaux qui lui permettent d’avancer.


Contrairement à d’autres ESPÉ confrontées à de grosses difficultés dans leur restructuration, la première phase de réformes des masters de l’enseignement tinte comme une réussite en Auvergne. Grâce à la synergie de tous les acteurs de l’ESPÉ Clermont-Auvergne, les évolutions et les régénérations du défi de la formation des maîtres des premiers et seconds degrés ont pu avoir lieu.

UNE QUESTION DE RECHERCHE

La recherche universitaire en sciences de l’éducation tient une place conséquente dans le rouage des facteurs de ce succès. Le laboratoire ACTé dont est dotée l’école permet de cerner les véritables enjeux de notre système d’éducation et de mettre en place des dispositifs pédagogiques et didactiques efficaces. Cette efficacité se construit au fil des observations, des expérimentations, des questionnements des enseignants-chercheurs dont la classe reste le premier objet d’étude. C’est ainsi que l’ESPÉ Clermont-Auvergne occupe un positionnement reconnu dans les champs universitaire, scolaire, social et économique clermontois.

SENS ET CONTINUITÉ PRAGMATIQUE

Le dynamisme de l’ESPÉ Clermont-Auvergne s’écrit dans une mutation culturelle qui fait apparaitre un continuum de formation entre les licences universitaires et l’entrée dans le métier d’éducation par la masterisation. Apparait ainsi une logique de mobilisation générale des acteurs de l’académie pour la formation de ces étudiants. Les professeurs expérimentés de terrain s’inscrivent dans cette dynamique et bénéficient d’une reconnaissance avérée dans le circuit de la professionnalisation enseignante. Ils sont ceux que l’on nomme les PFA, professeurs formateurs académiques, pour le second degré ou les PEMF, professeurs des écoles maîtres formateurs.


Amphi-ESPE

PARTENARIAT ET OUVERTURE

Ainsi, ce que réussit particulièrement cette École trouve son essence dans la philosophie du partenariat : l’ESPÉ Clermont-Auvergne développe une nouvelle culture du travail collaboratif, qu’elle fait rayonner avec l’université Blaise Pascal, l’université d’Auvergne, le rectorat de l’académie de Clermont-Ferrand et l’inspection académique et même certaines universités étrangères comme celle de Constantine dans le cadre de l’ouverture d’un parcours de formation de formateurs de langue française de l’espace francophone. Cet esprit d’ouverture a permis de construire des temps forts durant l’année écoulée, année scandée par des moments structurants et consacrés par exemple à des journées d’étude réservées à la problématique de la pédagogie universitaire, au vaste sujet de la philosophie pour les enfants et aux grands thèmes d’actualité de la laïcité. Pour l’année 2014-2015, l’ESPÉ Clermont-Auvergne entend s’engager encore plus avant dans la stabilisation de son fonctionnement. Elle se penche notamment sur l’accompagnement de tous ses étudiants dans la construction d’une formation par et pour l’alternance. Les professeurs stagiaires affectés pour moitié dans les établissements scolaires bénéficient d’une formation rigoureuse, suivie et tutorée au métier de l’enseignant selon des dispositifs stabilisés et cohérents qui doivent les conduire à la titularisation. Dans une logique d’unification et de progression permanente l’ESPÉ Clermont-Auvergne se dote également pour la rentrée universitaire 2014 d’un service réservé à la qualité. Dans cette démarche, chaque personnel se sent investi d’une mission qualitative pour l’avancement de la formation des maitres dans la région Auvergne.

LA LAÏCITÉ AU CŒUR DE LA FORMATION DE TOUS LES ENSEIGNANTS

Le 2 juin 2014, tous les acteurs académiques de la formation ont assisté à la conférence d’Abdennour Bidar et Jean-Louis Bianco sur la laïcité. Lors de ce temps de réflexion et de concertation a été rappelée toute l’importance de la loi de 1905, une loi plus que jamais adaptée à notre société française pour aider la République à dépasser ses doutes et ses différences. Symbolisant avant tout la liberté dans un esprit de neutralité absolue du service public, la laïcité trouve sa place au cœur de la pédagogie, une pédagogie pour apprendre le respect de l’autre et construire l’autonomie des élèves. En cela, les futurs enseignants ont été sensibilisés à leur mission permanente : transformer le petit d’homme en citoyen responsable, respectueux d’une véritable cohésion nationale et de valeurs partagées. L’exercice de la citoyenneté dans la fraternité et l’intérêt général s’acquiert à l’École, aussi tous les futurs maîtres ont-ils à relever le défi d’une pédagogie émancipatrice, pour conduire chaque écolier, chaque collégien, chaque lycéen, du « je » au « nous » en conciliant liberté individuelle et intérêt collectif. Pour pérenniser et concrétiser l’intérêt d’une pareille action de formation, l’ESPÉ Clermont-Auvergne a construit « un escalier de la laïcité » qui remémore à chacun les articles de la Charte de la laïcité à l’école, laïcité qui garantit à chaque élève l’accès à une culture commune et partagée.

JPEG - 142.8 ko

Paroles d’étudiants

« J’ai choisi de préparer mon concours de professeur des écoles à l’ESPÉ Clermont-Auvergne, parce que les équipes de formateurs travaillent en étroite association les unes avec les autres. Le chef d’orchestre de cette belle harmonie est la directrice des études. Elle est notre interlocutrice directe, celle qui sait tout et répond tout de suite ! » Pauline, admise au CRPE

« Moi, j’ai voulu m’inscrire au CAPLP, le certificat d’aptitude au professorat en lycée professionnel Lettres histoire, en raison du taux de réussite très élevé de ce parcours. Nous sommes un petit groupe, très motivé, issu d’une licence d’histoire, de géographie, de lettres modernes, de psychologie ou d’italien. Nos formateurs sont toujours présents à nos côtés, ils répondent à toutes nos interrogations, ne laissent jamais aucun courriel sans réponse. Ils partagent avec nous leur propre satisfaction à nous préparer au concours et à nous professionnaliser. Nous baignons dans une atmosphère très motivante, même si parfois le travail à fournir nous parait insurmontable et lourd. Les encouragements nous permettent de passer les caps difficiles, comme celui de l’attente des résultats d’admissibilité ».
Fabien admis au CAPLP LH et au CAPES d’histoire

« Bien que je sois titulaire d’un master de recherche, j’ai préféré poursuivre mon parcours de master 2 Lettres-histoire dans un souci de professionnalisation. Je suis donc stagiaire, PLP lettres-histoire et je passe deux jours de la semaine à l’ESPÉ pour suivre une formation appropriée à mon métier. J’apprécie les moments d’échanges sur nos pratiques : on est obligés de prendre de la distance, d’analyser et c’est grâce à cette analyse que l’on peut rectifier les pratiques didactiques maladroites et progresser. Quand je reviens dans l’établissement où je suis affectée, je transpose ce que j’ai appris. Ce va-et-vient entre l’ESPÉ et la classe me permet de construire mes compétences d’enseignante et de consolider peu à peu ma confiance professionnelle. On ne nait pas enseignant, chacun a besoin d’être formé pour entrer dignement dans ce métier. »
Charlotte, admise au CAPLP LH

Josiane Morel
Formatrice, 26 novembre 2014
http://josianemorel9.e-monsite.com/

 

Pour en savoir plus : http://www.cahiers-pedagogiques.com

Faut-il renforcer l’enseignement du fait religieux à l’école ?

ecole-salle-de-classe-1280

POLÉMIQUE – C’est ce que proposent les deux sénateurs Esther Benbassa et Jean-René Lecerf.

A peine dévoilé, le rapport fait déjà couler beaucoup d’encre. La sénatrice EELV Esther Benbassa et son collègue de l’UMP Jean-René Lecerf préconisent plusieurs mesures pour renforcer la lutte contre les discriminations. Parmi elles, deux propositions sont particulièrement controversées : le renforcement de l’enseignement du fait religieux à l’école et la mise en place de statistiques ethniques. Le texte a été adoptée mercredi par la commission des lois du Sénat.

Renforcer l’enseignement du fait religieux à l’école

Le rapport préconise de renforcer l’enseignement du fait religieux à l’école. Une proposition qui a donné lieu à de rudes débats au Sénat », confie Esther Benbassa au Figaro. Aujourd’hui, l’enseignement du fait religieux est inscrit dans les programmes de sixième et de cinquième, en histoire. Les deux sénateurs proposent que le fait religieux soit enseigné dès l’école primaire. « On ne voulait pas un enseignement sur la spiritualité, mais, simplement, que dès le primaire, on apprenne ce qu’est le judaïsme, le nom des saints, ce qu’ont dit les prophètes, etc. Sinon des jeunes peuvent faire leurs propres recherches sur Internet. Moi qui fais partie d’une commission d’enquête sur le djihadisme, je préférerais que l’on traite le problème en amont… », souligne la sénatrice écologiste.

L’autorisation de statistiques ethniques

Les deux sénateurs proposent que, lors d’un recensement, « tous les cinq ans, une question sur le pays de naissance des ascendants et la nationalité antérieure » soit posée, afin de mieux mesurer l’ampleur des discriminations. « Cela permettrait, par exemple, à ces employeurs qui ont embauché 99 % de Blancs, de se rendre compte qu’il y a 15 % de Maghrébins dans leur bassin d’emploi », assure au Figaro le parlementaire Jean-René Lecerf, qui se dit même « d’accord pour aller au-delà, dès lors que cela ne débouche pas sur un fichage ethnique ».

Des carrés musulmans dans les cimetières

Enfin, les parlementaires recommandent de développer les carrés musulmans dans les cimetières. Aujourd’hui, « 80 % de nos compatriotes musulmans font en sorte que leur dépouille mortelle soit renvoyée dans leur pays d’origine, pour qu’ils soient enterrés selon les rites de leur religion », indique Jean-René Lecerf.

Par Fabienne Cosnay

Pour en savoir plus : http://www.europe1.fr

Mères voilées et sorties scolaires : mettons un terme à l’instrumentalisation de la laïcité

Depuis la prise de parole publique de Najat Vallaud-Belkacem en faveur des mères voilées aux sorties scolaires, des voix se font entendre pour dénoncer une position qui menacerait la laïcité et réclamer une nouvelle loi d’interdiction contre le voile. L’Observatoire de la laïcité tranche cette question. Ici, la mise au point du président de l’instance, Jean-Louis Bianco, et du rapporteur général, Nicolas Cadène.

MèresVoilées

Le 21 octobre dernier, la ministre de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, Najat Vallaud-Belkacem, a été auditionnée par l’Observatoire de la laïcité. Cette instance a été installée le 8 avril 2013 par le président de la République. Elle est composée de personnalités diverses, d’élus de droite comme de gauche, et est indépendante dans la conduite de ses travaux.

Établissant un état des lieux du respect de la laïcité dans son secteur – qui, basé sur des faits objectifs et des remontées de terrain, apparaît éloigné de la situation « dramatisante » décrite par certains –, la ministre de l’Éducation a rappelé la règle concernant les parents accompagnateurs des sorties scolaires.

Mères voilées et sorties scolaires : mettons un terme à l'instrumentalisation de la laïcité

La participation des parents d’élèves est la règle

Celle-ci est claire et ne modifie en rien la ligne déjà définie par le Conseil d’État et le droit actuel : l’acceptation de la participation des parents d’élèves est la règle ; le refus de la participation des parents accompagnateurs portant un signe religieux est l’exception.

Cette règle repose sur l’analyse du comportement des parents d’élèves accompagnateurs, et non sur leur seule apparence. Si le comportement est prosélyte (par exemple, lors d’une visite dans un musée, en commentant un tableau de façon orientée), alors il sera fermement sanctionné. S’il n’y a aucun prosélytisme et si la sortie scolaire n’est pas perturbée, alors il n’y aura pas lieu de sanctionner.

Vouloir imposer une totale neutralité « d’apparence » va bien au-delà de la neutralité dans l’expression orale ou dans le comportement – exigée légitimement – vis-à-vis d’élèves. Jusqu’où faudrait-il aller ? Des vérifications sur la taille des habits ? Trop couvert… ou insuffisamment ? Où est-ce-qu’on commence et où est ce qu’on arrête ?

Les enfants sont entourés en permanence d’incitations diverses, à la surconsommation ou à une réussite matérielle flamboyante. La publicité ne se prive pas pour encourager les jeunes filles à ressembler à des femmes qui, à force de retouches, n’existent plus. Le champ des influences sociales est immense et il n’est pas exclusivement religieux.

Tout cela nous invite à nous interroger sur le sens profond de nos obsessions vis-à-vis de la neutralité : ne s’agirait-il pas plutôt d’un désir de « normalisation » sociale, très éloigné d’un idéal de laïcité ?


La laïcité, un principe qui permet le vivre ensemble

L’Observatoire de la laïcité le constate tous les jours : la méconnaissance entourant le principe de laïcité est considérable.

Dans notre société à vif, certains semblent penser que la laïcité a le devoir de résoudre tous les maux, y compris ceux qui supposent des politiques publiques ambitieuses en matière d’intégration, de mixité sociale, urbaine, scolaire et d’accès à la culture, seules véritablement efficaces contre les dérives communautaristes.

Non, la laïcité, ce n’est pas la neutralité de tous les citoyens, c’est au contraire la garantie donnée à chacun de croire ou de ne pas croire et de l’exprimer dans les limites de l’ordre public. C’est de l’histoire de France que découle la laïcité. Une histoire traversée par des guerres de religions et des persécutions contre les protestants et les juifs qui nous rappelle combien la liberté de conscience garantie par la laïcité est un formidable acquis de la République.

La laïcité ne suppose la neutralité que des représentants de l’administration (fonctionnaires ou assimilés) pour garantir leur impartialité, en particulier dans le service rendu aux usagers des services publics, quelles que soient les convictions politiques, philosophiques ou religieuses de ces usagers.

La laïcité, ce n’est pas une conviction ou une opinion mais le cadre qui les autorise toutes. C’est un principe qui permet le vivre ensemble : que l’on soit croyant ou non, on est laïque en ce sens où on accepte que chacun croit ou ne croit pas, l’exprime ou ne l’exprime pas.


La loi du 9 décembre 1905 a déjà tranché

Cessons les pressions encourageant les « lois d’émotion » (dont la France a toujours été malheureusement experte) et rappelons que la loi du 9 décembre 1905, dont découle pour l’essentiel notre laïcité, a déjà tranché ce débat entre les partisans d’une laïcité qui combattrait les religions et interdirait le port de tout signe religieux, et ceux de la laïcité telle que défendue par Aristide Briand, qui sépare l’État des organisations religieuses tout en garantissant le vivre ensemble quelques soient les opinions ou croyances de chacun.

Maurice Allard, Charles Chabert ou Émile Combes – par ailleurs principal opposant de l’époque au droit de vote des femmes –, défenseurs de cette « laïcité de combat », avaient ainsi exigé l’interdiction du port des vêtements religieux dans la rue (à l’époque : soutane des clercs, foulard des nonnes, etc.).

Aristide Briand, « père » de la laïcité française, y avait répondu très fermement, en estimant qu’il s’agirait d’une inacceptable atteinte à la liberté de conscience et qu’une telle disposition exposerait au « ridicule » en voulant par « une loi de liberté » imposer une « obligation de modifier la coupe des vêtements ».

****
Jean-Louis Bianco et Nicolas Cadène sont respectivement président et rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité.