Diversité religieuse au travail

 

SignesReligieuxC’est peu dire que le sujet est complexe, sensible, «  à risque  » même, pour une entreprise. C’est peu dire aussi qu’il interpelle et suscite le questionnement. La diversité religieuse au travail et son impact sur les organisations font aujourd’hui partie des problématiques émergentes autour desquelles apparaît un désir croissant d’information. «  Nous avons un nombre considérable de reprise de notre enquête dans la presse  », se plaît à répéter le directeur général de Randstad France, Abdel Aïssou, à chaque fois qu’il évoque les travaux menés sur le sujet  par l’Institut Randstad et l’Observatoire du fait religieux en entreprise. Gageons qu’il en sera de même pour la nouvelle étude publiée par le think tank Cefrelco (Centre d’étude du fait religieux contemporain) et le pôle d’expertise Fait religieux. Dirigée par Yaël Hirsch, docteure en sciences politiques, et intitulée « Diversité religieuse au travail : les bonnes pratiques des grandes entreprises françaises  », elle propose un état de l’art rigoureux sur cette thématique. Ce faisant, elle révèle, ainsi que le souligne en préface la directrice de Fait religieux, Sophie Gherardi, «  toute la complexité d’une problématique qui renvoie d’un côté à un appareil juridique touffu, et de l’autre à toute une palette de situations chargées d’affects

Et c’est précisément au regard de cette complexité que cette somme se révèle des plus utiles pour les professionnels. Dans son travail, Yaël Hirsch a en effet poussé la porte de grandes entreprises pour donner à voir ce qui se faisait de plus innovant en matière de gestion de la question religieuse. Cette étude qualitative dévoile comment ces pionnières abordent le sujet, quelles sont les bonnes pratiques qu’elles ont mises en œuvre, les difficultés face auxquelles elles ont dû réagir. On observe ainsi, sous l’angle religieux, l’écosystème de l’entreprise en action, les interactions entre ses salariés et les services des ressources humaines, entre la direction et les managers de proximité. On comprend également que, si de grandes règles existent pour prévenir efficacement les conflits, c’est bien souvent au cas par cas que devront se régler les problématiques liées aux faits religieux survenant dans les murs de l’entreprise.

Des problématiques religieuses amenées à se développer

Un «  cas par cas  » qui nécessite, pour les managers, une fine connaissance de la législation sur cette thématique -et tout particulièrement la maîtrise d’une jurisprudence en perpétuelle évolution. «  Si la liberté de religion prévaut dans l’entreprise privée, les managers peuvent y apporter des restrictions au cas par cas et sous certaines conditions », rappelle l’auteur. Pour les y aider, l’étude Cefrelco-Fait religieux propose de faire le point sur l’environnement législatif. L’occasion, également, de revenir sur l’affaire Baby-Loup, «  coup de tonnerre dans un ciel plutôt tranquille  », afin de comprendre ses ressorts et ses conséquences sur la question religieuse en entreprise. L’occasion aussi de s’arrêter sur une notion de «  laïcité  » dont les contours ne sont pas toujours bien cernés par les décideurs et de leur donner, au fil des pages, un certain nombre de points de repères.

Les situations conflictuelles ayant pour origine une question religieuse sont aujourd’hui des plus minoritaires dans les sociétés. Elles représenteraient 2 à 3 % des cas où le manager doit se pencher sur une demande d’ordre confessionnel, selon l’étude Institut Randstad/OFRE. Mais dans le même temps 41 % de ces mêmes managers pensent que la problématique sera amenée à prendre de l’ampleur ces prochaines années. De l’avis de nombre d’observateurs, la question pourrait en effet s’intensifier dans les organisations et les demandes (congés, tenues vestimentaires, nourriture, rapports hommes-femmes…) se multiplier. L’entreprise étant, en cela, le reflet de la société. «  L’affirmation religieuse contemporaine est une tendance lourde qui n’a aucune chance de disparaître à un horizon rapproché  », analyse Sophie Gherardi. A l’instar des «  pionnières  » évoquées dans l’étude Cefrelco-Fait religieux, les organisations ont donc tout intérêt à prendre à bras le corps le sujet. Pour que, comme ces grands groupes cités en exemple par Yaël Hirsch, elles «  traitent les premières étincelles avant que l’incendie ne se déclare  ».

FRANÇOIS DESNOYERS | LE 10.06.2014 À 16:55

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