Laudato si : François fait parler François

Terre

Le pape commence par la fameuse prière de saint François : « Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur notre mère la terre, qui nous soutient et nous gouverne, et produit divers fruits avec les fleurs colorées et l’herbe ». Il parle donc de la nature comme d’une sœur et d’une mère, qu’il ne faut ni exploiter ni dominer : « Nous avons grandi en pensant que nous étions ses propriétaires et ses dominateurs, autorisés à l’exploiter ». Et il continue : « C’est pourquoi, parmi les pauvres les plus abandonnés et maltraités, se trouve notre terre opprimée et dévastée ». Ce ton familier, poétique et respectueux où la nature est personnalisée court tout au long de l’encyclique. Il y a là un vrai changement. Non pas que le pape devienne tout à coup un adepte de la deep ecology, disons plutôt que son souci de la nature rompt avec toute forme d’utilitarisme, quelle qu’en soit la teneur, même le bien fondé rationnel. La terre n’est pas une ressource à gérer, elle est une sœur à respecter parce qu’elle est une créature, tout comme nous.

Urgence de la cause à défendre, sentiment qu’il pourra être entendu au-delà de la sphère catholique ou même des chrétiens, le pape s’adresse à tous les hommes de bonne volonté, comme jadis Jean XXIII, au temps de la guerre froide, lorsque les fusées soviétiques et américaines menaçaient le monde. Non seulement mais il puise très largement dans la sagesse des autres Eglises et des autres religions. Il cite abondamment le patriarche de Constantinople Bartholomé ainsi que le protestant Paul Ricoeur ou le mystique soufi Alî al-Khawwâç. Dans la même logique, il invite tous les hommes à un dialogue constructif et transparent sur toutes les questions relatives à ce qu’il appelle « l’écologie intégrale » qui est comme la version chrétienne du développement durable. La sauvegarde de la maison commune est affaire de dialogue et de fraternité. Et le pape François est crédible parce que, en dialoguant avec les autres Eglises et religions, il montre l’exemple.
Enfin François finit par deux prières. L’écologie intégrale, nous dit-il, est une question de spiritualité. Mais de spiritualité ouverte. Et là François nous étonne encore. A ma connaissance c’est en effet la première fois dans l’histoire qu’un pape compose une prière pour les croyants non-chrétiens ! Et ce avant d’en proposer une autre, spéciale, pour les chrétiens.
Bref la tonalité heureuse et franciscaine ne se dément pas d’un bout à l’autre de cette longue lettre aux hommes de bonne volonté ce qui lui donne un souffle particulièrement puissant. Et extrêmement novateur.

Jean-Pierre Rosa, de l’équipe du blog

Pour en savoir plus : http://latribunedessemaines.fr/

Sept mots-clés méconnus pour mieux comprendre l’islam

Testez vos connaissances : un petit lexique sort en librairie. Il clarifie tous ces termes qui inondent les médias. Et en révéle d’autres.

DervicheTourneurSoufi

Derviche tourneur soufi, une méditation par le mouvement.Image: DR

«Petit lexique pour comprendre l’islam et l’islamisme.» Tout simplement. C’est sous ce titre que paraît cette semaine un précieux ouvrage publié par l’éditeur Erick Bonnier, sous la direction de l’universitaire genevois Hasni Abidi, chercheur au Global Studies Institute. Djihad, fatwa, talibans, wahhabisme, mais aussi Daech ou encore Boko Haram… «Au-delà des controverses et des polémiques», le politologue entend clarifier les mots de l’islam. Parce que «les amalgames et les déformations (…) ne font qu’amplifier l’incompréhension, les clichés et le repli.» En voici sept, de ces mots, très largement méconnus, qui illustrent pourtant la grande complexité de cette religion.

1. Choura

La «consultation» des croyants est une obligation faite au Prophète directement par Dieu, selon le Coran. De nos jours, cela a permis «de justifier l’instauration de régimes parlementaires de type occidental, tout en mettant en oeuvre la notion coranique».

2. Dhimmi

Le «citoyen non musulman d’un Etat musulman» a le même statut juridique qu’un «hôte protégé». Il s’applique surtout au «peuple du livre» (juifs et chrétiens), mais inclut aussi parfois zoroastriens et sabéens. Les dhimmis sont soumis à des impôts spécifiques. «En échange, leur liberté de mouvement ainsi que la protection de leur vie, de leur corps et de leurs biens sont assurées. De même, une pratique restreinte de leur religion leur est garantie.» Mais pas question de «construire des lieux de culte» ni de «faire du prosélytisme» ou d’organiser «des manifestations religieuses ostentatoires».

3. Djihad (le vrai)

Ce mot, tout le monde pense le connaître ! Devenu synonyme de «guerre sainte» dans les médias, il a pourtant une toute autre signification. Il s’agit d’un «effort» tendu vers un objectif louable. Dans sa forme dite «majeure», il s’agit d’un «combat constant de l’homme contre ses passions, effort spirituel dont l’importance primait, à l’origine, sur l’effort guerrier». Dans sa forme dite «mineure», il désigne effectivement une «guerre légale», donc respectant des règles de droit. Ce qui est finalement assez limitatif. De nos jours, les groupes dits «djihadistes» accusent «leurs adversaires musulmans d’hérésie», car la loi islamique autorise la lutte armée dans le cas où «un dirigeant musulman renonce à sa foi».

4. Ijtihad

Ce mot désigne en arabe «l’effort le plus intense (physique ou mental) que l’on place dans une activité». Mais il se réfère généralement à «l’exercice intellectuel entrepris par les oulémas ou muftis» pour comprendre les véritables implications de ce qui est écrit dans le Coran. C’est un «devoir religieux dont le fruit doit constituer le reflet de l’esprit et de la lettre des sources coraniques». Quitte à «se distancer des maîtres du passé». Bref, pas question de piquer au hasard des versets et de les appliquer littéralement, il faut au contraire faire un effort d’interprétation pour bien saisir dans quel esprit ils ont été écrits. «De nos jours, ceux qui souhaitent réformer le droit musulman» se sont emparés de ce concept.

5. Soufisme

Nos médias parlent rarement de ce mouvement mystique. Il s’est pourtant implanté très tôt dans «tout le monde musulman». Influencés par «l’ascétisme chrétien» et «le monachisme bouddhiste», les soufis «estiment pouvoir accéder personnellement à la révélation de Dieu, d’où l’effort d’aller outre les paroles divines contenues dans le Coran». Du coup, «en relativisant le rôle du Prophète, leur mouvement a fait l’objet de persécutions». Récemment, on a vu des djihadistes détruire des mausolées soufis, «accusés d’hérésie».

6. Takfir

Construit sur la même racine que kafir (mécréant), ce terme «se réfère à l’acte d’excommunier un individu ou un groupe d’individus de religion musulmane en raison de leur mécréance en Dieu.» De nos jours, les groupes radicaux, dénommés takfiristes, font un grand usage du takfir, accusant de mécréance tous ceux qui ne partagent pas leurs opinions. Ainsi, «le groupe Etat islamique (Daech) et Boko Haram déclarent unilatéralement qui sont les apostats à éliminer afin de renforcer leur pouvoir à travers la terreur.»

7. Taqiya

Ce terme dérive d’un verbe signifiant «prévenir, se prémunir». Il se réfère à «une dissimulation de la foi par précaution», que ce soit «en cas de persécution ou pour éviter un préjudice». La sourate 3.28 du Coran dit: «Que les croyants ne prennent pas, pour alliés, des infidèles, au lieu de croyants. Quiconque le fait contredit la religion de Dieu, à moins que vous ne cherchiez à vous protéger d’eux.» Historiquement, la dissimulation a été systématisée par les chiites minoritaires, «accusés de toujours dissimuler leurs vraies croyances». Même si ce Petit lexique ne le dit pas, cette méfiance est souvent exprimée, de nos jours, face aux diplomates iraniens. (TDG)

Hasni Abidi, chercheur au Global Studies Institute, Université de Genève.
Créé: 17.03.2015, 15h28
Pour en savoir plus : http://www.tdg.ch/

Une religion, des religions ?

Si vous demandez aux Japonais quelle est leur religion, la plupart d’entre eux répondront qu’ils n’en ont pas, ou diront ne pas savoir. Plus étonnant : si vous les questionnez sur les religions du Japon, ils citeront souvent le christianisme, parfois le bouddhisme, mais rarement le Shintô qui est pourtant la religion la plus pratiquée, la plus ancienne et la plus spécifiquement japonaise.

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Si l’on additionne les chiffres officiels des différentes religions du Japon et qu’on y ajoute le nombre des personnes qui se disent sans religion, on obtient 277 millions de personnes, soit plus de deux fois la population japonaise!

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Une raison en est que ces chiffres sont ceux que communiquent les cultes eux-mêmes. Or les temples bouddhistes comptent systématiquement dans leurs registres tous les membres de toutes les familles avec qui ils ont eu affaire! De même, les sanctuaires shintô considèrent comme pratiquants tous les membres de leur paroisse. Ce n’est toutefois pas complètement mensonger: la plupart des Japonais sont à la fois shintoïstes et bouddhistes.

En effet, les deux croyances ne se contredisent pas. Au cours de leur longue histoire commune, elles ont pratiquement toujours adopté la forme d’un syncrétisme. Pendant plusieurs siècles, Shintô et bouddhisme ont même cohabité dans les mêmes temples et les prêtres pouvaient officier dans les deux obédiences.

Lorsqu’on sonde directement les Japonais sur leur religion de prédilection, les trois cinquièmes se déclarent sans religion ou ne répondent pas, ce qui est surprenant sachant que tous participent au cours de leur vie à nombre de rites religieux concernant la naissance, la santé des enfants, le mariage, les changements saisonniers, la bénédiction des affaires, les funérailles, etc.

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Ceux qui se déclarent shintoïstes ne sont qu’une infime fraction. La raison en est sans doute que les Japonais ne considèrent pas vraiment le Shintô comme une religion mais comme un ensemble de rites relevant plus de la forme que de la croyance. Dans le même ordre d’idée, alors que seuls 2% des Japonais se déclarent chrétiens, plus de 50% des mariages seraient célébrés selon des rites chrétiens ou pseudo-chrétiens, sans que ces célébrations aient la moindre signification religieuse: le mariage « chrétien » étant simplement considéré comme plus occidental, et donc plus chic.

Pour en savoir plus : Jean-Luc Azra (2011) «Les Japonais sont-ils différents?» (Éditions Connaissances et Savoirs)

http://www.japoninfos.com