Vivre dans une société plurielle

EstherBenbassa

Le titre de cette table ronde interroge l’universitaire que je suis restée et la politicienne que je suis devenue. Ainsi suis-je entrée de plain pied dans un univers où les mots semblent changer de connotations en fonction de la perception qu’en ont les différentes sensibilités politiques. En France, où on a l’habitude depuis l’affaire Dreyfus de diviser l’espace politique entre droite et gauche, ces connotations varient à l’intérieur même de la gauche, qui ne donne d’ailleurs pas le même sens à ces concepts quand elle est au pouvoir ou dans l’opposition. Et il suffit bien souvent de dire « minorités » et « diversité » religieuse pour que de vagues slogans républicains soient immédiatement brandis pour occulter ce que ces mots veulent dire. Puisque la République est égalitaire, il n’y aurait pas, à ses yeux, de minorités, et la diversité religieuse n’y serait éventuellement tolérée que tant qu’elle reste confinée à l’espace privé, la « laïcité », dernière valeur rassembleuse encore en vie, étant mise en exergue pour verrouiller le débat public.

Les discriminations perdurent

Certes, la société française est une société plurielle, ne serait-ce que par sa composition, comme bien d’autres sociétés démocratiques. Est-elle pour autant pluraliste? Cette question reste au cœur du débat, surtout en cette période de grandes turbulences économiques et de chômage, qui porte les politiciens, à défaut de programme susceptible d’endiguer ces maux, à se focaliser sur « la question des minorités ». Des minorités qui, en fait, la plupart du temps, ne devraient pas être réduites à ce statut, puisque désormais constituées de personnes nées en France et parfaitement françaises, mais qui, en raison des discriminations qu’elles subissent à cause de leur prénoms, patronymes, couleur de peau, religion (islam) et/ou adresse, dans maints domaines, de l’école jusqu’à l’emploi, en passant par le logement ou le contrôle d’identité au faciès, se considèrent elles-mêmes comme « minoritaires ». Les pouvoirs publics, de leur côté, tendent à valider et à renforcer ce statut de « minoritaires ».

Le vrai problème des « minorités » est d’être perçues comme non « autochtones ». Le nationalisme exacerbé qui se développe, dans un contexte socio-économique dur, renforce le rejet. Et il encourage les politiciens à faire mine de ne pas voir que ce rejet est lourd de conséquences. On ne commence à en prendre conscience que lorsque de jeunes musulmans s’enrôlent dans le djihadisme. Mais même dans ce cas, on préfère produire des lois exclusivement répressives, sans se donner la peine de travailler en amont, pour éviter à ces jeunes de devenir étrangers à une République dont les valeurs leur parlent de moins en moins.

Notre pays rechigne à mesurer les discriminations par crainte d' »assigner » les individus à une identité de groupe et de favoriser le « communautarisme », cet épouvantail ressorti régulièrement de sa boîte pour faire peur. Ce faisant, il s’évite de reconnaître que l’absence d’efforts consentis pour faire émerger une société réellement inclusive a déjà encouragé le repli des musulmans, notamment, sur leur groupe religieux, et ouvert la voie à l’endoctrinement de certains par des éléments qu’on n’a pas su repérer à temps. Que dire des dégâts observés dès l’école, où l’échec des enfants de minoritaires paraît programmé? Ou encore du chômage, de la précarité et de la pauvreté qui frappent tant d’entre eux, à un niveau évidemment supérieur aux Français dits « autochtones »?

Les solutions de la discrimination positive

Il est plus urgent que jamais de se résoudre à obtenir une radiographie de ces discriminations, pour tenter de mettre en œuvre les moyens d’en amortir les effets. Mesurer les obstacles, préciser leur nature permettra de déployer des mesures pour les combattre efficacement. Y compris la « discrimination positive », laquelle suscite immédiatement des débats virulents, à tort, et à laquelle on oppose trop facilement le principe républicain d’égalité. Comme si la réaffirmation incantatoire de ce principe était un remède miraculeux, alors qu’il n’est qu’un principe, justement, dont ne se prévalent, justement, que ceux qui ne subissent pas les discriminations. Si la discrimination positive n’est pas une panacée, ne peut-on au moins admettre qu’elle est en mesure de débloquer, dans un premier temps, pour certains, l’ascenseur social ? La discrimination positive, légalement décrétée pour bousculer l’inégalité dont pâtissent les femmes, n’a-t-elle pas permis d’obtenir quelques résultats appréciables ?

Statistiques ethniques, discrimination positive, on dirait que la polémique ne sert qu’à empêcher le débat. J’en ai encore récemment fait l’expérience en rédigeant, pour la Commission des Lois du Sénat, avec mon collègue UMP Jean-René Lecerf, après une quarantaine d’heures d’auditions dont celles de 14 universitaires, un rapport relatif à la lutte contre les discriminations qui, parmi une bonne dizaine d’autres, formulait une proposition pourtant bien modeste: la création, tous les cinq ans, dans le recensement, d’une case permettant d’indiquer le lieu de naissance des ascendants et la nationalité antérieure. Le but? Non seulement mesurer la diversité de la société française, mais aussi mesurer indirectement les discriminations dont pâtissent certains de nos concitoyens, tout en encadrant avec soin le recueil et l’utilisation les données.

Nous avons également appelé à la création de carrés musulmans dans les cimetières à l’instar des carrés juifs déjà existants pour éviter aux familles de défunts musulmans d’avoir à procéder à des dépenses importantes pour inhumer leurs proches dans le pays d’origine. L’opposition qu’a soulevée cette préconisation a une fois de plus montré combien notre corps politique reste réticent au pluralisme religieux, et à l’inclusion des musulmans, même morts. Seule notre proposition d’un approfondissement et d’une réorganisation de l’enseignement laïc du fait religieux a suscité une polémique comparable au Sénat. Et pourtant, l’apprentissage de la diversité, à travers l’acquisition, dans un cadre républicain, d’un vrai savoir, n’ouvre-t-il pas la voie à un réel vivre-ensemble ? Notre rapport a finalement été voté, mais après un long et houleux débat, et après, dans un premier temps, un report du vote, ce qui est tout à fait exceptionnel à la Haute Assemblée.

L’urgence du pluralisme

En cette période de radicalisation des positions exclusivistes, l’Etat doit donner l’exemple, appeler à l’inclusion, sans exiger a priori l’effacement pur et simple des différences et spécificités. Dès lors que nous vivons déjà dans une société plurielle, lancer une dynamique pluraliste volontariste, contre le rejet de l’autre que fabriquent certaines forces politiques, qui ont de surcroît le vent en poupe, aiderait sans nul doute à créer les conditions d’une plus grande solidarité et fraternité entre les Français.

Notons à ce propos qu’aujourd’hui, dans certaines strates de la société, ainsi parmi les jeunes, la question du pluralisme se pose avec beaucoup moins d’acuité que chez les aînés, simplement parce que celui-ci fait très tôt partie de leur vécu, grâce à une proximité bien plus grande dans leur quotidien avec les minorités dites « visibles ». Le pluralisme comme projet politique ne se décrète pas du jour au lendemain. Il demande de la volonté et du temps. Et une préparation du terrain à laquelle, hélas, ni notre exécutif ni les politiques, qu’ils soient de droite ou de gauche, ne paraissent prêts, tant la hantise des progrès de l’extrême droite paralyse leur action.

 

Pour en savoir plus : http://www.huffingtonpost.fr

 

Bibl. : E. Benbassa, La République face à ses minorités. Les Juifs hier, les Musulmans aujourd’hui, Paris, Mille et Une Nuits / Fayard, 2004 ; E. Benbassa (dir.), Minorités visibles en politique, Paris, CNRS Editions, 2011 ; J.-C. Attias & E. Benbassa (dir.), Encyclopédie des religions, Paris, Fayard, coll. « Pluriel », 2012.

Esther Benbassa est intervenu mardi 25 novembre dans le cadre de la conférence intitulée « Vivre dans une société plurielle : politique, minorités et diversité religieuse. »

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Esquisse pour une discussion sur la tolérance

KarenBarkey

La tolérance est une condition de la diversité. La diversité religieuse et ethnique a existé dans la plupart des sociétés mondiales au cours de longues périodes historiques. La diversité a parfois conduit à la brutalité et à la violence mais également à différents types d’arrangements ayant favorisé la coexistence pacifique. Une analyse sociologique de la tolérance devra mettre en évidence les conditions dans lesquelles les notions et les pratiques de la tolérance émergent au sein d’une société et de son régime politique, le rôle des différentes autorités publiques et des groupes sociaux, les limites érigées entre les groupes et les ressources auxquelles les acteurs ont accès. Dans mon travail sur la tolérance, j’entreprends une approche relationnelle qui souligne la puissance des relations entre les groupes afin de constituer des aboutissements tolérants. J’ai souligné en particulier le rôle des pouvoirs publics ainsi que les relations entre les autorités et les communautés de la différence.

Comment penser la tolérance?

Il existe plusieurs manières de penser la tolérance:

Je définis plus ou moins la tolérance comme l’absence de toute persécution; l’acceptation d’une pluralité de religions, mais pas nécessairement leur acceptation à part entière dans la société comme membres ou communautés. La tolérance peut signifier l’acceptation de la « différence » ainsi qu’un manque d’intérêt au-delà de l’instrumentalité afin de maintenir un système politique cohérent. Comme le suggère Ira Katznelson, « La tolérance répond à certaines des caractéristiques les plus difficiles et les plus persistantes des relations sociales humaines. Lorsque la haine se combine avec la hiérarchie, les individus et les groupes sont exposés au fanatisme et au danger. La tolérance est un acte de soutient et de permission. C’est le choix de ne pas agir, malgré la capacité d’agir. » [1]

La tolérance implique donc le « non agir » résultat de l’action réfléchie et stratégique qui entraine la retenue. Elle relève d’un choix, opéré par les pouvoirs publics, ainsi que par les groupes sociétaux, visant à répondre à la commande et à la modération. En ce sens, la tolérance est toujours essentielle à de nombreuses sociétés où la diversité et la différence sont la norme et au sein desquelles les groupes revendiquent fortement leur groupalité en tant qu’identités essentialisées. La tolérance demeure ainsi une valeur fondamentale des sociétés humaines, puisqu’elle nous met en garde en nous engageant à faire preuve de retenue. C’est une des façons de définir la tolérance que de se référer au concept durable des préoccupations persistantes de la vie dans les sociétés faisant face aux difficultés de la diversité.

Il existe une autre manière de penser la tolérance qui présente des similitudes dans l’absence de persécution et l’acceptation de la pluralité des religions. Mais elle va plus loin en mettant en avant des arguments sur la valeur de la pluralité des religions, articulés autour d’un cas où chaque groupe est présenté comme apportant quelque chose de différent et d’utile à la société et aux régimes politiques. En ce sens, nous dépassons la compréhension pragmatique de la tolérance dont la clé consiste à conserver l’altérité et à maintenir la paix en l’absence de toute appréciation. Il est question d’acceptation à un autre niveau, qui incite et implique le respect. Ces deux options ont existé dans des contextes impériaux et je tiens à préciser que le plus souvent les autorités publiques s’engagent dans la première forme de tolérance et qu’ensuite les forces sociales et politiques peuvent conduire à une transition vers une forme plus large et plus reconnaissante. Je vais revenir à des exemples.

Pourtant, la tolérance n’est pas la seule forme de diversité et, bien souvent, tolérance et persécution peuvent travailler main dans la main. Au sein de nombreux empires, par exemple, la tolérance a été accordée à certains groupes, tandis que d’autres ont été persécutés. Par conséquent, toute étude de la tolérance doit également tenir compte de son contraire: la persécution ou même d’autres politiques telles l’assimilation, l’exclusion, etc. Les régimes impériaux ont par exemple maintenu la loi sur la diversité religieuse et ethnique à travers une variété de politiques allant de la « tolérance » de la diversité et son incorporation, à la conversion forcée et à l’assimilation. Les différents résultats sont le fruit de la pensée religieuse, utilitaire et stratégique en matière de diversité. La stratégie pourrait conduire les élites étatiques à modifier leurs politiques. La tolérance et la persécution peuvent se produire de manière très rapprochée dans le temps et à tour de rôle. Les États peuvent tolérer certains groupes tout en en persécutant d’autres. Ces exemples indiquent que la tolérance peut être partielle et qu’elle n’est certainement pas une condition offerte à tous.

L’exemple de l’empire ottoman

Une tolérance pragmatique et étendue a simultanément émergé dans l’empire ottoman, principalement en regard de nombreux groupes non-musulmans constitués de chrétiens et de juifs. Les Ottomans, en conquérant les Balkans au début du XIVe siècle et en s’établissant dans la péninsule, se sont retrouvés nettement moins nombreux que les chrétiens. Dans ces circonstances, ils ont pratiqué une approche pragmatique face aux chrétiens, les accueillant, leur offrant des privilèges et essayant essentiellement d’obtenir leur consentement à une forme de tolérance tout en maintenant la paix et en rendant la coexistence possible. En admettant de nombreux guerriers chrétiens dans leurs rangs, ils ont également compris la nécessité d’une sorte de projet commun regroupant chrétiens et musulmans.

Au-delà de cette coopération initiale, les pratiques locales communautaires ont également travaillé à promouvoir cette coexistence. Les actions des dirigeants des derviches soufis ayant figuré parmi les meneurs de la colonisation des Balkans ont été particulièrement essentielles face à un tel événement indigène. Alors qu’ils passaient les frontières et s’installaient, les chrétiens ont lancé leurs propres mouvements hétérodoxes dans les Balkans, souligné les similitudes transfrontalières et initié une pratique locale de la tolérance entre les groupes. Au fil du temps, les nouveaux arrivants musulmans et les chrétiens ont pris pleinement connaissance les uns des autres, partagé des espaces profanes et sacrés, innové dans leurs relations et se sont sensibilisés aux traditions de chacun. Une pratique étatique favorisant l’hébergement et la coexistence sociale locale s’est constituée à travers ces premiers siècles de conquête et de contact avec la différence.

Après la conquête d’Istanbul, empressés d’acquérir une légitimité internationale, les Ottomans ont plus sûrement positionné leur pluralisme non seulement comme un choix pragmatique, mais aussi comme une politique d’intégration positive. Mehmed le Conquérant (1451-1481) a instauré la première série d’accords entre les communautés et l’État, des accords périodiquement renouvelables assurant la sécurité, l’autonomie et la protection des communautés non-musulmanes en échange d’une taxe supplémentaire, la cizye. Les sultans ont continué à être les dirigeants musulmans légitimes, l’empire a été considéré comme un empire musulman, néanmoins, il était entendu qu’il n’y avait pas lieu d’imposer leur religion aux non-musulmans vivant en paix sur leurs terres et qu’il n’était pas nécessaire de transformer la différence en similitude.

Ainsi, les sultans ne faisaient pas preuve de neutralité en ce qui concerne leur religion et la religion de l’empire, mais ils avaient choisi de protéger les autres religions. Nous trouvons des exemples de cette pensée dans les édits et les écrits des sultans. Le sultan Soliman le Magnifique (1520-1566) lorsqu’on lui a demandé, par exemple, si les Juifs devraient être exterminés de son empire, puisqu’ils en étaient les usuriers, a répondu en demandant à ses conseillers d’observer un vase de fleurs multicolores et de formes variées en les avertissant que chaque fleur, avec sa propre forme et sa propre couleur, ajoutait à la beauté de l’autre. Il a ensuite affirmé qu’ il « régnait sur beaucoup de nations différentes — Turcs, Maures, Grecs et autres. Chacune de ces nations contribuant à la richesse et à la réputation de son royaume, et afin de prolonger ce bienheureux contexte, il jugeait sage de continuer à tolérer ceux qui vivaient déjà ensemble sous son règne. » [2]

Diversité impériale et tolérance sélective

Ce qui se cache derrière le choix des politiques de tolérance des États impériaux est complexe. Il peut s’agir d’une compréhension religieuse de la diversité, d’un passé culturel baigné dans la diversité, d’une décision particulière émanant des dirigeants en regard de leur propre religiosité et de la protection d’autrui, ainsi que d’une réponse stratégique aux conditions de vie sur le terrain. Pour les Ottomans, durant la période 1300-1800, chacune de ces conditions touchait à un type de tolérance émergeant. Les Ottomans sont issus d’une tradition de conflit frontalier et de coexistence entre Seldjoukides et Byzantins, avec un passé de cohabitation ethnique et religieuse mixte dans les steppes d’Asie centrale. Ils ont apporté avec eux une compréhension de la diversité.

La religion qu’ils ont épousée, l’Islam, implique également une compréhension particulière des relations avec les non-musulmans, qui s’est instituée dans le cadre du Pacte d’Umar dans les premiers siècles de la montée de l’Islam. Le pacte d’Omar a reconnu les chrétiens et les Juifs comme peuple du Livre, et a exigé le paiement d’une taxe supplémentaire en échange de la paix et de la protection. Ces schémas historiques et culturels ont fourni le cadre de l’engagement avec l’autre. Les sultans tout en s’alignant avec leur identité islamique ont choisi de demeurer conscients de la diversité, d’en faire ouvertement l’éloge face à ceux qui s’érigeaient contre.

Pourtant, cette image resterait incomplète si l’on ignorait le fait que tous les groupes n’étaient pas tolérés. Alors que l’Empire ottoman insistait pour la tolérance des groupes non-musulmans, les groupes chiites et certaines sectes soufies étaient activement poursuivis et persécutés dans l’empire. Il nous faut donc envisager la tolérance par rapport à la persécution et à une variété d’autres politiques étatiques de la diversité. La persécution des sectes chiites a souvent été liée à leur alliance perçue avec le safavide Shah Ismail dont la rivalité avec les Ottomans était géopolitiquement envisagée comme voilée d’un discours conflictuel sectaire. Ces divisions sectaires, réelles ou perçues, ont transformé les communautés qui pratiquaient une forme de rituel chiite en ennemis de l’État, participant ensuite à l’élaboration d’un ensemble différent de relations avec les communautés non-musulmanes.

Enfin, l’autre question importante à poser est de savoir si la tolérance qui peut être accordée à un groupe peut également lui être retirée. Nous ne pouvons pas envisager la tolérance dans l’Empire ottoman, sans parler de son échec et de sa dérive génocidaire. L’équilibre de la société de la tolérance a été ébranlé au XIXe siècle par les changements de l’économie mondiale et du système moderne de pensée qui a impacté toutes les sociétés pré-modernes. Là où coexistaient dans une stabilité de la subjectivité, l’État impérial et les identités diverses, dans un équilibre précaire et hiérarchique, la modernité a imposé de nouveaux idéaux, et une tolérance fondée sur le pragmatisme, l’inclusion et le respect démantelé [3].

Pour en savoir plus : http://www.huffingtonpost.fr

Karen Barkey, Sociologue et historienne, spécialiste de l’Empire Ottoman, enseigne à l’université Columbia (New-York)

Elle interviendra mardi 25 novembre à « Mode d’emploi », dans le cadre de la conférence intitulée « Vivre dans une société plurielle ».

Découvrir l’ensemble des textes du festival Mode d’emploi déjà publiés sur le Huffington Post.

Deux semaines de rencontres et de spectacles ouverts à tous, dans toute la Région Rhône-Alpes: interroger le monde d’aujourd’hui avec des penseurs, des chercheurs, des acteurs de la vie publique et des artistes.
– Prendre le temps des questions
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Mode d’emploi, un festival des idées, est organisé par la Villa Gillet en coréalisation avec les Subsistances, avec le soutien du Centre national du livre, de la Région Rhône-Alpes et du Grand Lyon.

 

[1] Ira Katznelson, « Regarding toleration and liberalism: considerations from the Anglo-Jewish experience. » 48 in Religion and the Political Imagination, eds. Ira Katznelson and Gareth Stedman Jones, Cambridge University Press, 2010.
[2] Mark Haberlein, « A 16th-Century German Traveller’s Perspective on Discrimination and Tolerance in the Ottoman Empire, » in Discrimination and tolerance in historical perspective / ed., Gudmundur Hálfdanarson (Pisa : Plus-Pisa university press, 2008).
[3] La plupart de ces arguments ont participé à l’écriture de mon ouvrage, Empire of Difference: The Ottomans in Comparative Perspective (Cambridge: Cambridge University Press, 2008).

 

 

La tolérance religieuse : un fondement pour la démocratie ?

 Par Fleur Pellerin, Ministre de la Culture et de la Communication

Pour la troisième année consécutive, le festival Mode d’Emploi, conçu par la Villa Gillet, fait de la région Rhône-Alpes un lieu d’échanges, de débats et d’idées au croisement des arts, de la littérature et des sciences humaines.

Du 17 au 30 novembre, penseurs, chercheurs, décideurs, entrepreneurs, acteurs de la vie publique et artistes iront à la rencontre du public, à Lyon, Saint-Etienne, Chambéry ou Grenoble, pour nous inviter à interroger le monde d’aujourd’hui en replaçant les sciences humaines au cœur du débat citoyen.

Donner à chacun les outils pour comprendre le monde et penser le futur est un enjeu démocratique majeur, je me réjouis donc de la place accordée à la jeunesse, aux chercheurs et intellectuels de demain. En investissant les universités, grandes écoles et laboratoires de recherche lyonnais, le festival Mode d’Emploi permet le renouveau démocratique et l’émergence de nouveaux talents.

KarenBarkey

25/11/2014 >  14:00 15:30

Médiathèque Roger Martin du Gard
Place Roger Salengro / 04 78 70 96 98
Saint-Fons

La Médiathèque Roger Martin du Gard de Saint-Fons invite l’historienne Karen Barkey (USA) et la politologue Nadia Urbinati (IT/USA).

Rencontre conçue avec une classe du Lycée Les Chassagnes (Oullins).

Entrée libre dans la limite des places disponibles.

En savoir plus sur les invitées : Nadia  Urbinati et Karen  Barkey

http://www.villagillet.net/portail/mode-demploi/details/article/la-tolerence-religieuse-un-fondement-de-la-democratie/