En finir avec l’esprit victimaire

EspritVictimaire

L’entretien de l’esprit victimaire en milieu difficile est le meilleur moyen d’entretenir l’immobilité de l’esprit, et de figer les volontés de l’intelligence. Mais qu’est-ce que l’esprit victimaire ? C’est croire profondément, avec l’aide de « certains », que ce qui nous arrive de mauvais en matière de situation sociale, c’est de la faute d’un ennemi désigné, lequel, de par son intervention au cours de différents événements, nous a tendu des pièges, coupé les ailes, et brisé notre avenir. Cet état d’esprit, à l’origine de bien des haines destructrices pour tous, donne lieu au développement d’une attitude d’hostilité doublée d’une renonciation à la prise en main de son propre destin. C’est l’excuse la plus facile, la plus solide, et en même temps, la plus dévastatrice pour l’esprit. Souvent, l’Histoire est tragique, sa conscience est maintes fois utile, mais elle ne doit en aucun cas influer négativement sur l’ambition et l’avenir. Bien au contraire. Nous voudrions que notre jeunesse possède sa propre action pour tracer son propre chemin. Pour cela, elle a besoin de s’affranchir de ceux qui lui parlent sans cesse de son passé pour l’empêcher de regarder devant. Elle a également besoin de s’affranchir du discours de ceux qui lui désignent des adversaires et qui lui racontent toujours, par exemple, que sa situation sociale est un mauvais départ qui sonne déjà pour elle la fin du combat. Elle a enfin besoin de s’affranchir de ceux qui lui trouvent toutes les excuses pour lui permettre de rester à terre. Car on devient paresseux à force d’excuses ; l’intelligence devient stérile et la victimisation annonce le sentiment d’inutilité de l’être qui se cherche, en conséquence, une porte dérobée par laquelle il peut fuir son monde. Une belle pensée d’un grand écrivain nous apprend que « ceux qui vivent sont ceux qui luttent ».

Cultiver l’esprit de bonne volonté

Ces faiseurs de mauvais discours, qui ont souvent des comptes personnels à régler, prennent en otage notre jeunesse et lui font ses questions et ses réponses sur sa situation, la conduisant à penser sous leur dictée. La victimisation est un engrenage et ces gens lui servent de force motrice. Nous voudrions donc inviter à cultiver l’esprit de volonté pour en finir avec l’esprit victimaire ; car nous pensons que face à une volonté farouche aucun obstacle ne peut résister, qu’il soit d’ordre discriminatoire, social, scolaire, ethnique ou religieux. Un camarade qui n’arrivait pas à trouver un emploi a eu l’idée de créer sa propre entreprise et a employé une autre personne qui partageait les mêmes difficultés. Deux amis, partis de rien, ont crée Like dat’, une boisson très saine à base de jus de datte, qui se vent désormais sur trois continents.D’autres connaissances encore se sont lancées dans le monde artistique et tentent, grâce à leur talent, d’attirer l’attention du public sur la situation de notre monde ; ils voyagent partout, et sont devenus de bons exemples. La volonté fait courber les obstacles comme le vent fait courber les roseaux. Car chaque jour est une nouvelle occasion pour refaire l’histoire, pour donner aux événements une trajectoire nouvelle. Les exemples de personnes ayant réussi en partant de situations très défavorables abondent autour de nous. Et parfois même, il arrive que finalement ces malheureuses situations de départ, lorsqu’elles sont surmontées, nous dotent d’un avantage considérable : l’esprit de la détermination et la culture de la volonté ; autrement dit, le secret de toutes les vraies réussites.

 

En finir avec l’esprit victimaire

Refuser l’enfermement de la jeunesse

Refuser l’esprit victimaire c’est donc devenir un être « sans excuse », avec beaucoup de dignité. C’est cultiver un esprit positif, et une pensée qui devient un formidable projectile qui vise devant. Car tout être qui vit dans la victimisation ne peut évoluer ; il a l’impression qu’un complot est mené contre lui, que le destin joue en sa défaveur. Il devient violent, il s’agite, et finit par ne croire en plus rien.D’évidence, il ne s’agit pas d’accepter le racisme, et toutes les discriminations liées à un nom, une cité, à une appartenance ethnique ou religieuse… Il ne s’agit pas non plus de vouloir ruiner le travail de ces associations qui se battent noblement pour dénoncer ces abus, et de ces gens qui mènent un travail d’investigation pour mettre à nu les travers de notre société afin de la faire évoluer, mais il s’agit surtout de dire à notre jeunesse que tout est possible, qu’en chacun de nous il y a une fleur de la vie, laquelle, touchée par la lumière de la volonté, pourrait à tout moment s’ouvrir et s’épanouir.Nous vivons dans un monde où il y a de belles possibilités, où tant de choses peuvent être encore créées. Il y a tant à innover et à réparer, à bâtir et à inventer. L’histoire liée au passé colonial de certains pays est terrible, mais il faut refuser de s’y enfermer, car elle peut être mortelle. Le devoir de mémoire est d’une extrême importance, mais toujours pour aider à gagner en esprit positif. Nos cités sont malmenées, mais elles regorgent de formidables forces. Ces forces-là, qui s’ignorent souvent, doivent trouver la voie de l’espoir et de la croyance en soi. Pour cela, elles ont besoin qu’on leur parle de possibilités, d’avenir, et non tout le temps des traumatismes du passé.

Certaines associations qui se montent dans nos cités se trompent parfois de combat ; elles tendent à montrer que nos quartiers sont forts, renforcent cette identité, et participent donc à figer la situation. Le vrai combat serait d’aider à en finir avec cette ghettoïsation en finissant avec ces quartiers justement. C’est tout l’enjeu de la libération de l’esprit.

Cette liberté permettrait de prendre à bras le corps son propre destin, et plus loin, celui de notre espèce humaine dont l’existence même est menacée avec la question de la pollution, et les agressions faites à l’ensemble de la faune et de la flore.

En finir donc avec la victimisation permettrait de rendre lucide le regard de l’intelligence, afin de pouvoir se battre enfin pour notre avenir commun, et sauver ce qu’il reste encore à sauver de notre monde.

Abderrahim Bouzelmate, auteur et enseignant, a publié Dernières nouvelles de notre monde et Apprendre à douter avec Montaigne (De Varly Éditions, 2013). Avec Sofiane Méziani, il a publié De l’Homme à Dieu, voyage au cœur de la philosophie et de la littérature (Albouraq Éditions, 2015).

Mercredi 8 Juillet 2015
Pour en savoir plus : http://www.saphirnews.com/

La résilience, nouveau paradigme individuel et collectif de l’entreprise

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Une entreprise résiliente, c’est une entreprise capable de penser individuellement et collectivement un choc et son issue. L’entreprise résiliente produit un modèle mental qui laisse toute sa place à l’échec, au rebond et au risque.

Nous sommes déjà dans une nouvelle ère où les entreprises passent progressivement d’un instinct de protection des savoirs à un processus de création permanente. Ce processus de coproduction ravive toute l’importance des émotions, des échanges et de la confiance dans la création de valeur. Ainsi, la résilience – individuelle ou collective – s’impose comme l’un des nouveaux paradigmes de nos modèles économiques.

D’abord phénomène physique, la résilience désigne l’énergie absorbée par un corps lors d’une déformation. Le concept gagne la sphère psychologique individuelle au tournant de la Seconde Guerre mondiale. Les médecins parlent alors d’une capacité à se régénérer après un choc ou un traumatisme. La résilience, c’est la possibilité de briser les trajectoires négatives, de pallier la vulnérabilité de l’individu face à une expérience traumatique.

Par contagion, la résilience s’entend aussi aux organisations. Elle évoque alors une communauté capable de survivre et de se développer après un choc, une organisation structurée pour s’adapter au changement et conserver sa cohésion et son ouverture au monde.

L’entreprise résiliente

Dans un contexte économique marqué par l’hyperconcurrence, l’apparition et la disparition de segments de marché, l’accélération des technologies et des usages, la résilience permet aux les entreprises de trouver un nouveau souffle. Ces changements externes se doublent d’une modification substantielle des attentes du corps social des entreprises : personnalisation, accessibilité de la direction, autonomie, dématérialisation du lieu de travail…

Ce corps social, et en particulier les plus jeunes, réagit au sentiment d’usure psychologique des collaborateurs exposés à des changements permanents au cœur d’enjeux financiers de plus en plus serrés. Parce qu’elles refusent cette usure, parce que le changement est désormais l’état normal de l’entreprise, les nouvelles générations portent en elles la notion de résilience.

Une entreprise résiliente, c’est une entreprise capable de penser individuellement et collectivement le choc et son issue. L’entreprise résiliente produit un modèle mental qui laisse toute sa place à l’échec, au rebond et au risque. L’empathie, développée par Jérémy Rifkin, y trouve toute sa place : « les consciences changent quand se produisent, conjointement, une révolution de la production d’énergie et une révolution des communications. Quand les deux se combinent, c’est bien tout notre rapport à l’espace et au temps qui change, notre modèle de civilisation. Et notre empathie qui s’élargit ».

Cette nouvelle ère est marquée par le rôle des émotions au sein même de nos organisations. Auparavant contrôlée ou mise à distance, on sait désormais que l’émotion constitue un ressort fondamental de la résilience.

Trouver les facteurs de résilience

La résilience n’est pas une qualité, c’est un résultat adaptatif qui permet à l’entreprise d’être innovante, créative et de continuer à apprendre en permanence. L’agilité constitue l’expression aboutie d’une résilience permanente. C’est un processus à la fois individuel et collectif. La capacité de résilience des entreprises passe par celle des individus, dont les marges psychologiques conscientes demeurent limitées, c’est pourquoi l’entreprise du XXIe ne peut éluder cette question : quel environnement, quel contexte organisationnel favorise le processus individuel de résilience ?

Certains éléments de réponse rencontrent déjà les attentes et la nature des nouvelles générations. La diversité des éléments qui composent le corps social de l’entreprise permet de mieux absorber les chocs. La modularité de l’organisation c’est-à-dire la division en petites cellules autonomes permet également d’éviter que la déstabilisation d’une entité n’entraîne mécaniquement toutes les autres. Enfin, la visibilité rapide de l’impact de nos actions permet à la fois une production de l’estime de soi et la réorientation rapide des stratégies qui ont échoué.

D’autres facteurs de résilience procèdent d’un processus plus long d’évolution culturelle. Face à la nécessité d’être toujours préparé au changement, c’est la qualité du lien avec les autres et avec la réalité qui est déterminante. Au sein de l’entreprise, la qualité du lien entre les individus, l’acceptation de l’autre, le métissage des cultures individuelles sont des ferments d’implication collective et de cohésion.

Plus largement, la qualité de ce lien s’étend à tout l’écosystème de l’entreprise, dans une logique de réseau agile et d’équilibre des satisfactions de tous les partenaires. Pour les chercheurs Gitten et Coll, la capacité adaptative d’une entreprise dépend avant tout de son « capital relationnel ». D’autre part, l’entreprise résiliente établit une nouvelle éthique de sa relation à la réalité. Les évolutions permanentes contraignent les individus à renforcer leur lucidité pour une détection permanente des signaux faibles.

Enfin, le rôle du leader reste déterminant dans les représentations de ses collaborateurs : reconnaissance d’une destruction, dynamique vers la reconstruction et esquisse d’une nouvelle identité. Le leader est à la fois le garant d’une prédisposition au changement et d’une vocation à la continuité et à l’héritage.

La résilience, acte de management suprême

La résilience n’est pas seulement un ensemble de modifications structurantes pour l’entreprise, c’est un changement copernicien de vision. On passe d’une vie où l’on tente de contrôler tous les risques, notamment par l’inflation juridique, à une existence où l’on accepte de reconnaître l’erreur, le risque et l’échec. Dans la première vision, l’individu et les autorités cherchent d’abord à éviter le danger. Dans la seconde, les individus et leurs écosystèmes décident de s’y préparer, d’apprendre à construire des protections et les meilleurs moyens de surmonter les épreuves.

Notre identité n’est pas figée et la résilience réanime le dialogue entre notre identité perçue et l’image véhiculée par les autres. Elle entame un processus d’acceptation et de sublimation de l’image atrophiée de soi. Elle permet de mieux accepter les phénomènes de destruction et de remise en cause permanente. Ce phénomène de sublimation du traumatisme se doit, pour déterminer l’entreprise de demain, d’intervenir à la mesure de chaque individu et de surmonter toutes les vexations et les distorsions d’image. L’acte de résilience, dans une sphère collective, c’est l’acte de management suprême.

Matthieu Fouquet / Secrétaire Général & DRH de GROUPE ONEPOINT
Pour en savoir plus :  http://www.lesechos.fr