Mustapha Cherif : « En ces temps de crise, continuer à éduquer et à dialoguer »

MustafaCherif

Ce Ramadan 2015, mois de spiritualité par excellence, n’a pas été épargné par des exactions meurtrières commises au nom de l’islam. Mais le message de paix ‒ dont le mot « As-Salâm », le Pacifique, est l’un des 99 noms de Dieu ‒ doit prévaloir, nous dit le philosophe Mustapha Cherif. Face à la propagande du choc et au danger du repli sur soi, l’espérance en une société meilleure reste le moteur de notre humanité et l’éducation un de nos principaux outils.

Saphirnews : L’actualité française et internationale ne cesse d’être ponctuée d’actes de terrorisme. En même temps, intellectuels, leaders associatifs et une grande majorité des populations musulmanes européennes les dénoncent catégoriquement. Vos écrits ne cessent d’alerter sur les extrémismes de tous bords. Pensez-vous que la situation s’aggrave ou s’améliore ?

Mustapha Cherif : Trop de personnes ne parviennent pas à faire la part des choses. Certains développent une haine de la religion, de l’islam, ils ne saisissent pas son sens réel. Dans cette catégorie, des médias ont une lourde responsabilité. Ils émettent des opinions erronées, profitent des outils et espaces dont ils disposent pour entretenir la confusion, l’essentialisme, des calomnies et des appréciations fausses.
Des courants d’idées matérialistes, allergiques à la spiritualité, ou xénophobes, en profitent. D’autres, des rigoristes, figent la religion et l’instrumentalisent. Tous nuisent à ce qu’ils croient défendre. Cependant, l’immense majorité des citoyens, toutes convictions concernées, reste proche du juste milieu et se méfie à juste titre des discours extrémistes et respecte les critiques constructives. Il nous faut expliquer et consolider la voie du juste milieu.

Vous prônez l’éducation au dialogue interreligieux, des cultures et des civilisations : pour quelles raisons ?

Mustapha Cherif : Il y a trop de malentendus, d’ignorances et de désinformations. Il faut en sortir. Apprendre à se connaître, pour se respecter, passe par l’acquisition des instruments de la compréhension du monde, de sa propre culture, sa religion et sa société, mais aussi celles des autres. Ce qui signifie apprendre à apprendre et à écouter, afin que la capacité à acquérir des connaissances puisse se maintenir tout au long de la vie. Penser et agir par soi-même et avec les autres et pouvoir répondre de ses pensées et de ses choix pour avoir une capacité d’autonomie et d’ouverture à l’altérité vont de pair avec le renforcement du dialogue et de la responsabilité personnelle dans le destin collectif.

Quelles méthodes préconisez-vous ?

Mustapha Cherif : Encourager les regards croisés, pour apprendre à faire lien, afin que chacun s’enrichisse d’autrui et puisse être acteur et porteur de sens évolutif. Il s’agit de partager des points de vue et des expériences, afin de découvrir que l’autre a une part de vérité dans tous les aspects de l’existence. Comprendre le bien-fondé des règles régissant les comportements individuels et collectifs, à y obéir et à agir conformément à elles, principe de discipline et d’entraide. La pédagogie interculturelle et interreligieuse contribue à tisser des liens et à créer de la fraternité et de l’amitié.

Vous défendez le principe du vivre-ensemble : comment le réaliser ?

Mustapha Cherif : Il s’agit d’apprendre à vivre ensemble, afin de participer et de coopérer avec les autres croyants et non-croyants au bien commun et à toutes les activités humaines. Ce n’est point une fiction, le vivre-ensemble reste une réalité. La bonne voie pour le renforcer est de promouvoir l’apprentissage du « vouloir-vivre ensemble », en développant la connaissance des autres, de leur Histoire, de leurs traditions et de leur spiritualité. Par l’interconnaissance, reconnaître les bienfaits de la laïcité ouverte, le pluralisme des opinions, des convictions, des croyances et des modes de vie, principe de la coexistence des libertés et des valeurs.

Que dit la civilisation musulmane au sujet de l’éducation au vivre-ensemble ?

Mustapha Cherif : L’éducation se veut totale. Elle vise cinq dimensions de la personnalité humaine qui doivent être prises en compte : une dimension sensible (culture de la sensibilité) ; une dimension normative (culture de la règle et du droit), une dimension cognitive (culture du jugement), une dimension pratique (culture de l’engagement) et une dimension éthique.
Elle s’adresse au cœur et à la raison, à l’esprit et au corps, à l’individu et à la communauté. L’élève mémorise davantage les savoirs qu’il construit lui-même au fil de ses expériences que la connaissance énoncée par l’enseignant. Les citoyens musulmans d’Europe prouvent tous les jours leur capacité à vivre leur temps, la sécularité et la modernité, sans perdre leurs racines. Pour éviter les dérives, c’est cette ligne du juste milieu qu’il faut encourager.

Ces préconisations ne risquent-elles pas de rester des vœux pieux compte tenu de la crise économique européenne qui se cherche des boucs émissaires (les immigrés, les musulmans…) et du contexte international géopolitique où la loi du plus fort prévaut au nom d’intérêts financiers (pétrole, eau, ressources minières, armements…) ?

Mustapha Cherif : Tenter d’éveiller les consciences à la paix des esprits et au vivre-ensemble n’est point un vœu pieux. C’est une responsabilité collective. Il est clair que la crise économique et morale mondiale suscite des réactions irrationnelles et des fuites en avant. L’islamophobie, le racisme antimusulman sont un prolongement de l’antisémitisme. Hannah Arendt disait que la propagande totalitaire et mensongère se cherche des boucs émissaires comme diversion pour asseoir son hégémonie. Tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté doivent rester vigilants et unis afin que la fraternité humaine l’emporte sur l’exclusion et la loi du plus fort. Le droit et le respect de la diversité doivent prévaloir. Je reste confiant, les citoyens ne sont pas dupes.
Mustapha Cherif est philosophe. Il est l’auteur, notamment, de Le Coran et notre temps (Éd. Albouraq, 2012) ; Le Prophète et notre temps (Éd. Albouraq, 2012), Le Principe du juste milieu (Éd. Albouraq, 2014). Il est également l’auteur de la note Éducation et islam (Fondapol, mars 2015, 44 p.)
Rédigé par Huê Trinh Nguyên
Samedi 11 Juillet 2015
Pour en savoir plus : http://www.saphirnews.com

L’urgence d’un islam de France structuré, apaisé, crédible

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Prière à la Grande mosquée de Strasbourg en 2013. REUTERS/Vincent Kessler

 

Sans renier l’héritage laïque, une voie de cogestion de l’islam peut être imaginée en France, garantissant l’égalité de traitement des musulmans avec les autres religions, excluant l’assimilation autant que l’insertion communautaire à l’anglaise.

Depuis près d’un demi-siècle, tous les gouvernements, de droite comme de gauche, échouent dans la gestion d’un islam divisé, soumis aux influences étrangères, rétif à toute hiérarchie cléricale ou laïque. Il est devenu urgent de relancer la question obsédante de la place de l’islam dans la République laïque, de sa capacité à s’organiser, à s’unifier, à désigner des représentants compétents et incontestés, à se mobiliser contre ses tendances radicales, à condamner et évincer ses extrémistes.

Toutes les équivoques ne sont pas levées, mais l’une des leçons des derniers événements en France est la libération de la parole, chez les musulmans, à propos de l’islam radical dans leurs rangs.

 

Sans doute a-t-on eu tort de confondre leurs silences d’hier avec de la complicité. Leur peur, leur division, leur stupeur devant la montée du terrorisme islamiste, devant l’injonction de condamnation qui pesait sur elle, venant de tous les milieux, étaient les premiers responsables de cette paralysie. Une page semble aujourd’hui se tourner. Le désaveu est plus net et certainement majoritaire.

Faut-il y voir la promesse d’avancées, enfin sérieuses, sur la question obsédante de la place de l’islam, deuxième religion de France, dans la République laïque, de sa capacité à s’organiser, à s’unifier, à désigner des représentants compétents et incontestés, à se mobiliser contre ses tendances radicales, à condamner et évincer ses intégristes?

Depuis près d’un demi-siècle, c’est-à-dire depuis la sédentarisation d’une communauté musulmane qui a quintuplé (5 millions) depuis 1960 –notamment harkis, rapatriés, migrants économiques, regroupement familial–, tous les gouvernements, de droite comme de gauche, ont échoué à faire émerger une représentation unique, structurée, respectée de l’islam de France, à l’image de ce qui existe dans les consistoires juif, protestant ou dans les institutions de l’Eglise catholique de France.

Tous les ministres de l’Intérieur (chargés des cultes), qu’ils jouent la carte de la fermeté (Charles Pasqua) ou de la concertation (Pierre Joxe, Jean-Pierre Chevènement, Nicolas Sarkozy), se sont cassés les dents. On a isolé et arrêté des réseaux extrémistes, traqué et expulsé des imams politisés, remis de l’ordre dans certaines mosquées, tari des sources suspectes de financement et de fourniture d’armements. Mais la gestion sécuritaire de l’islam de France, pour ne pas dire policière, n’a pas endigué la montée de la radicalisation.

Tableau issu de l’enquête Ined-Insee «Trajectoires et origines 2010». Il en ressort qu’il y aurait 8% de musulmans en France, soit environ 5 millions. L’enquête du Pew Research Center aboutit environ au même nombre (4,7 millions).

 

Favorisée par la droite au pouvoir, la gestion dite «consulaire» avec un partenaire privilégié –la Mosquée de Paris, «vitrine» de l’islam de France, construite en 1926 à la mémoire des soldats musulmans tués lors de la Première Guerre mondiale– n’a pas davantage abouti.

Trop dépendante de ses liens statutaires et financiers avec l’Algérie, coupée de toute base associative, de jeunes, de femmes, d’intellectuels, la Mosquée de Paris n’a jamais été capable d’assurer le leadership musulman. Les polémiques incessantes sur la fixation des dates du Ramadan, sur le marché juteux de la viande halal, sur la formation et le recrutement des imams ont largement contribué à son discrédit.

Enfin, la gestion collégiale de l’islam, qui avait la préférence de la gauche, n’a pas donné de résultats plus probants. L’instance représentative à présidence tournante (le Corif, Conseil de réflexion sur l’avenir de l’islam en France), qu’avait mise en place le ministre Pierre Joxe (PS) au début des années 1990, a vite succombé à ses divisions.

Dans la même ligne, une décennie plus tard, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, a failli réussir. Avec habileté et énergie, il avait trouvé un compromis et obtenu un accord entre les principales obédiences rivales, la Mosquée de Paris fidèle à l’Algérie, la Fédération des musulmans de France liée à la Ligue islamique et au Maroc, l’Union des organisations islamiques de France, proche des Frères musulmans.

Et en avril 2003, pour la première fois, un organisme central –le Conseil français du culte musulman (CFCM)– était élu avec un mandat clair: organiser l’islam de France, en devenir le porte-parole, gérer les affaires du culte qui suscitent tant de convoitises et aiguisent tant de querelles recuites.

Un programme qui a globalement échoué. Depuis plus de dix ans, sur fond de rivalité entre musulmans d’origines algérienne et marocaine, le CFCM s’est montré incapable de travailler de manière collégiale. Il s’est partagé les majorités et les postes, mais, manquant de moyens, de charisme et d’agenda, il est devenu inaudible, jusque dans la tempête actuelle.

La contrainte des lois laïques

Le projet fédérateur d’un islam de France représentatif, structuré, inscrit dans la réalité laïque du pays, capable de contrôler ses dérives intégristes, fait donc partie des serpents de mer de la politique française. C’est un vœu pieux qui se dérobe toujours à la réalité, se résume à une longue série d’occasions gâchées. C’est la conséquence lancinante de ces maux congénitaux que sont l’absence de hiérarchie cléricale dans l’islam sunnite, majoritaire en France, et la fragmentation d’une communauté divisée par ses origines nationales, ses sensibilités, l’ego de ses représentants, ses clivages de générations et ses filières de financement.

Il n’y a pas un islam de France, mais presque autant d’islams que de musulmans! Eclatés en une quinzaine de nationalités d’origine (Maghreb, Turquie, Afrique noire, etc) et une multitude de chapelles associatives, placés sous la coupe d’ambassades et de bailleurs de fonds étrangers, réclamant sans cesse le soutien des pouvoirs publics, mais criant à l’ingérence dès la moindre intervention de l’Etat, la responsabilité des musulmans en France dans cet échec est écrasante.

Mais cela ne doit pas disculper les responsables politiques. Au lieu de tout entreprendre pour désolidariser l’islam de ses influences étrangères, ils ont fermé les yeux, au nom d’une laïcité non interventionniste, sur les subventions des pays arabes au culte musulman français. C’est l’Arabie saoudite qui a payé la construction de la grande mosquée de Lyon et le Maroc qui a financé, en partie, celle d’Evry. C’est l’Algérie qui subventionne le fonctionnement de la Grande mosquée de Paris. Ce sont les pays du Golfe qui ont servi de bailleurs de fonds à la première «université» islamique, créée à l’initiative de l’UOIF (Union des organisations islamiques) dans la Nièvre. Ce sont l’Egypte, l’Algérie, la Turquie qui envoient encore leurs imams en France prêcher dans les mosquées, chaque année, durant le mois de ramadan.

Les questions de fond, posées par l’intégration de cette nombreuse communauté, n’ont pas été traitées, encore moins réglées. Aucune des propositions allant dans le sens d’une plus grande transparence, d’un financement public de la formation des imams et des cadres religieux, n’a été suivie d’effet.

Dès les années 1970, le grand orientaliste Jacques Berque proposait de créer des lycées mixtes franco-arabes. Plus tard, des personnalités comme Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur, comme les professeurs Mohamed Arkoun et Jacques Trocmé, prenaient position en faveur de l’ouverture d’une faculté islamique financée par l’Etat à Strasbourg, en pays concordataire, comme sont financées les facultés catholique et protestante de cette ville. Ministre de l’Intérieur en 2004, Dominique de Villepin proposait aussi, sans succès, la création d’une Fondation chargée de finançer les «œuvres musulmanes». Quant à la question de l’enseignement musulman sous contrat, elle est restée taboue jusqu’à la création, au début des années 2000, du lycée musulman Averroès dans la région lilloise.

Le résultat est qu’au fil des années, profitant des espaces laissés libres par l’absence de dirigeants compétents et consensuels, se sont développées des pratiques de «réislamisation» de jeunes dans les banlieues, puis de radicalisation. Ces pratiques ont favorisé le «repli» identitaire religieux, accru la distance avec les élus locaux, avec les porte-parole officiels et le tissu des associations qui, sur le terrain, luttent entre autres contre la drogue et la délinquance, en faveur du soutien scolaire et familial. Echappant à toute autorité, dans les mosquées et dans les cités, des enclaves ont commencé à se former. Une auto-organisation s’est mise en place, devenue perméable à toutes les infiltrations extrémistes.

 

Repenser l’islam dans une société laïque

Tirant la leçon des échecs passés et des événements de ces derniers jours, le débat sur la structuration d’un islam pluriel, divisé, instrumentalisé, rebondit aujourd’hui. Si la France a réussi à intégrer «des musulmans» –et les exemples de réussite sont légion–, elle n’a jamais réussi à intégrer, ni même à penser l’islam en tant que tel, longtemps perçu comme un phénomène provisoire et étranger. Elle a longtemps cru que l’islam allait disparaître avec l’assimilation de la première génération.

Mais bien avant la vague salafiste et la radicalisation islamiste, le vent avait tourné. En rupture avec la génération des «pères» assimilés, avec un modèle dominant d’intégration culturelle, des jeunes filles auparavant en minijupe avaient commencé dans les années 1980 à porter le voile, à réciter leurs cinq prières quotidiennes, à faire le ramadan. C’est allé dans certains cas jusqu’au port de la burqa, réprimée par une loi de 2010.

Dans la situation nouvelle d’aujourd’hui, quels sont les scénarios disponibles et possibles?

Le premier est un interventionnisme plus direct de l’Etat dans la religion musulmane, en vue de régler des questions qui paraissent insolubles depuis des décennies, mais sont devenues cruciale et touchent à la sécurité même de la communauté et du pays. On le sent dans les coups de menton d’un Manuel Valls: la tentation est grande pour l’Etat de se substituer à un leadership musulman défaillant. Mais peut-on aller jusqu’à créer une forme de «consistoire» musulman, comme l’empereur Napoléon avait créé un consistoire juif et un consistoire protestant, toujours en fonction et qui ont prouvé leur capacité?

Déjà pressé, dans les années 1980, de faire preuve de plus d’autorité dans les affaires de l’islam, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur, avait l’habitude de répondre: «Je ne suis pas Napoléon». Il était trop fin connaisseur de l’histoire de la République et des lois laïques pour savoir qu’on ne pouvait pas organiser autoritairement l’islam en France.

Voudrait-on créer aujourd’hui un consistoire musulman qu’on ne le pourrait pas. L’islam est arrivé après 1905 sur le sol français, mais la séparation des cultes et de l’Etat ne permet plus à aucun gouvernement d’administrer directement une religion pourtant devenue, par le nombre de ses fidèles, la deuxième de France et traversée par de graves tensions.

Ministre de l’Intérieur, puis président de la République, Nicolas Sarkozy avait bien tenté de contourner l’obstacle, mais il avait profondément choqué le camp laïque. Il avait proposé d’amender –légèrement– la loi de 1905 pour aider à la construction de lieux de prière décents et pour financer la formation d’enseignants religieux parlant français et intégrés. Pour lui, la France devrait transcender son «culte de la laïcité», rompre avec l’interprétation restrictive des lois de séparation, délimiter un nouvel espace pour la religion en politique. En raison des polémiques qui ont suivi ses discours de Saint-Jean de Latran à Rome en 2007 et de Ryad en 2008, il ne s’est pas obstiné.

Faut-il alors se tourner vers le système «communautariste» qui prévaut en Grande-Bretagne, où l’islam prend en charge sa propre organisation, désigne ses représentants, possède ses écoles privées mais subventionnées, ses agences de l’emploi situées au sein même des mosquées? Cette logique de développement séparé est contraire à toute la tradition française d’intégration depuis deux siècles. Elle ne protège aucunement des montées de fièvre intégriste et crée même des sortes de ghetto.

Faut-il voir l’exemple espagnol: en 1992 à Madrid, un accord passé avec l’Etat garantit aux fidèles de confession musulmane la construction de lieux de culte, la formation de leurs imams, l’enseignement religieux à l’école publique, la reconnaissance des mariages islamiques, la pratique religieuse des militaires, etc.

 

Former des cadres religieux et des aumoniers de prison

Après la tragédie du 7 janvier et le sursaut républicain du 11, traquer les réseaux islamistes, chasser les imams politiques, réprimer le port de la burqa, sanctionner les refus de mixité, à l’école ou à l’hôpital, ne peuvent plus tenir lieu de seule politique. Sans renier l’héritage laïque, une voie de cogestion de l’islam peut être imaginée en France, garantissant l’égalité de traitement des musulmans avec les autres religions, excluant l’assimilation autant que l’insertion communautaire à l’anglaise.

D’abord, faire émerger un mode plus crédible de représentation et de direction de la communauté, dans toutes ses composantes, y compris laïque. Le modèle est celui du Conseil des institutions juives de France (Crif).

Puis il est aussi urgent de faire avancer la question cruciale de la formation des cadres religieux. Celle-ci devait être la clé de voûte d’un islam apaisé, mais les instituts Avicenne de Lille, ceux de l’UOIF près de Château-Chinon (Nièvre) ou de la Mosquée de Paris (dont les étudiants reçoivent aussi des cours de religion et de laïcité à l’Institut catholique) témoignent, hélas, d’une formation qui reste précaire, peu contrôlée, dispersée. Les pouvoirs publics, autant que les associations divisées sur les contenus théologiques, semblent dépassés par les enjeux de formation musulmane.

Enfin, si Manuel Valls et l’ensemble de la classe politique conviennent que la racine du mal se trouve largement dans la concentration de musulmans radicaux en prison, il faudra impérativement renforcer les moyens budgétaires et augmenter la charge et le nombre des aumôniers de prisons. Ceux-ci ne sont qu’environ 150. Ils touchent un maigre pécule et n’ont pas de statut qui les protège socialement. Les contrôles et les enquêtes (légitimes) des préfectures et de l’administration pénitentiaire découragent aussi des vocations.

On ne pourra cependant trouver de meilleur antidote au prosélytisme radical que dans la présence et l’écoute des aumôniers en nombre, éclairés, formés, convaincus de l’importance de leur mission pour lutter contre l’endoctrinement, l’influence de «meneurs» qui prêchent un islam de guerre et de violence. C’est à ce prix que la communauté musulmane pourra guérir de ses démons. Mais, sur ce terrain de la prison comme sur les autres, l’Etat ne pourra pas non plus se dérober à ses responsabilités.

21.01.2015 – 7 h 36 – mis à jour le 21.01.2015 à 7 h 40

Pour en savoir plus : http://www.slate.fr