A Noël, préparer plus qu’une trêve

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A travers l’activité de coaching, je me rends compte que la période de Noël n’est pas forcément la plus simple à vivre. Il se rejoue à travers ces 24 heures qui séparent le réveillon du 24 décembre et du repas du 25 décembre des scénarios pas toujours plaisants. Aussi me semble-t-il bon de se préparer un minimum à vivre cet événement pour qu’il demeure un temps de joie. Voici plusieurs conseils issus d’un article que j’ai rédigé pour l’hebdomadaire La vie. Bonne fête à tous.

Le 24 décembre 1914, sur la ligne de front. Les Allemands se mettent à chanter des cantiques. Dans la tranchée en face, les anglais reprennent des airs de Noël. Puis les uns envoient des barres de chocolat, les autres balancent du saucisson. De part et d’autres, des soldats s’aventurent alors hors de leurs abris, sur le champ de bataille. Des cigarettes sont échangées, on chante, on sort les bouteilles, une partie de football s’improvise. Le grand public a découvert l’existence de ces scènes de fraternisation à travers le film « Joyeux Noël ». « À l’époque, tout le monde croit à une guerre courte et espère retrouver rapidement les siens, précise le père Robert Poinard, vicaire général du Diocèse aux armées, qui connait bien cette période pour avoir travaillé à partir de lettres d’aumôniers militaires. « Mais ces échanges pacifiques sont demeurés rares, les trêves ont plutôt servi à récupérer les morts et les blessés», prévient-il. C’est pourquoi l’idée même de parler d’une trêve familiale pour Noël le choque. « Cela impliquerait de considérer la famille essentiellement comme un lieu de conflits entre des adversaires dissemblables, aux intérêts divergents et dont le but premier est de se combattre pour imposer sa vision à « l’ennemi » ! »

En général, l’ambiance familiale est loin d’être un face à face conflictuel. Mais même dans ces cas là, les attentes demeures particulièrement fortes et les retrouvailles pas toujours si chaleureuses qu’on le souhaiterait. À dix jours des festivités, comment se préparer pour donner toutes ses chances à ces moments de rencontres avec l’ensemble de la tribu, parfois le seul de l’année ? Conseillers conjugaux et psychologues nous confient des pistes pour cultiver une disposition intérieure afin de goûter pleinement à la joie de Noël.

Un) Se protéger d’une attente trop forte

« Sans en être toujours conscients, nous avons tendance à surinvestir affectivement les fêtes de Noël, d’autant que toutes les conditions sont réunies pour favoriser cet état d’esprit », met en garde Maylis Duffaut, conseillère conjugale et familiale du Cler, à Chatou (78). Pour peu que le réveillon se tienne dans la maison de son enfance, les souvenirs remontent et avec eux d’anciennes rancoeurs et frustrations que l’on croyait avoir laissé derrière soi depuis longtemps. Souvent, nous revenons dans ces demeures nous-mêmes en tant que parents et constatons un écart entre l’éducation que nous avons vécue et celle que nous dispensons. Nous aurions moins reçu de nos parents que ce que nous offrons à nos enfants ! À nouveau, de vieilles contrariétés risquent de resurgir en moins de temps qu’il ne faut pour déboucher une bouteille de champagne. Nous voilà plongés dans une certaine morosité. « Dans ces cas-là, mieux vaut accepter que des souvenirs de relations difficiles apparaissent sans leur donner toute la place, ni essayer de régler immédiatement ces situations » préconise Maylis Duffaut. Si Noël représente la fête de la famille par excellence, elle n’a pas vocation à régler toutes les querelles avec les parents, frères, soeurs, cousins et cousines. Le tout en moins de 24 heures chrono ! Le réveillon réunit souvent au moins trois générations, auquel il faut ajouter les « pièces rapportées » qui ont vécu d’autres ambiances de Noëls et peut-être aussi des amis, avec encore des attentes différentes. Que toutes ces personnes soient présentes sous un même toit constitue déjà un bel exploit. « Si le déroulé des festivités ne se trouve pas en adéquation avec ce que l’on espérait, le temps passé ensemble constitue autant de graines semées qui pourront susciter des relations apaisées par la suite » constate pour sa part la thérapeute de couple, Catherine Serrurier. « A Noël, il ne nous est pas demandé de tout régler, mais plus modestement de faire un pas vers l’autre. »

Mais pour ne pas tomber dans la sinistrose à la moindre contrariété, encore faut-il s’attaquer à une autre idée reçue : la vie familiale rimerait toujours avec harmonie. C’est du moins ce qui semble se passer chez les autres « Dans chaque famille se produit toujours des ajustements, signe que la vie n’est pas figée, poursuit Catherine Serrurier. Si le déroulé du réveillon produit des frottements entre les participants, c’est aussi que chacun a évolué depuis les dernières rencontres. Rêver d’une totale harmonie revient à figer chacun dans un rôle immuable qu’il serait censé jouer chaque année avec application, mais qui a vraiment envie de vivre ce scénario ? »

Deux) Identifier les critères essentiels d’un bon Noël

Finalement qu’est-ce qu’un Noël réussi ? Pour les uns, il faut impérativement que les convives s’offrent les cadeaux le soir, pour d’autres il est impensable de les ouvrir seulement le matin. Pour les chrétiens, la participation à la messe et le fait de parler de la naissance de Jésus comme un ingrédient incontournable, mais ce rituel n’est plus accepté par tous. Effectuez le test autour de vous : chacun s’est constitué « sa liste » pour réussir le réveillon et chacun jure le cœur sur la main qu’il détient la véritable recette d’un Noël authentique. Cette diversité de critères s’avère souvent source de conflits, car elle touche à la fois à la magie de l’enfance et à ce qui est sacré pour chacun d’entre nous. Pour remédier à cette situation, propose le docteur Marie Parent, conseiller conjugal et familial du Cler, à Lyon, il peut être bon de recenser ces fameux critères nécessaires pour passer un bon réveillon. Puis éliminer ceux qui vous semblent secondaires et dont vous pouvez vous passer pour ne garder qu’une liste resserrée. » Ayant clarifié vos attentes, vous allez pouvoir les exprimer à vos proches leur laissant la possibilité d’y répondre, tout en libérant intérieurement de la place pour accueillir leurs besoins. Ainsi, Philippe aimerait bien renouveler le menu du réveillon, mais il doit faire face à l’attachement de ses beaux parents à la présence de la dinde et de la buche. En définissant ces clés de Noël, il a pris conscience que la participation à la messe le soir comptait plus que le renouvellement du menu prévu pour l’occasion. Il a choisi de ne pas chercher à chambouler la liste des plats. Par contre, il a demandé à ce que les festivités ne débutent qu’à 20 heures afin de lui permettre ainsi qu’à ses enfants de se rendre à la célébration de 18h30.

Trois) Décréter la trêve des reproches

A Noël, pourquoi ne pas accomplir un pas supplémentaire vers les autres ? Catherine Serrurier propose de « ne pas se centrer sur les zones d’ombre et les travers connus des proches, mais sur ce qui est beau à observer chez les autres. » À travers le déroulé des festivités (qui ne correspond pas exactement à ce que l’on souhaite), qu’est-ce qui nous touche, qu’est-ce qui renouvelle notre regard sur des personnes que nous croyons pourtant bien connaître ? L’émerveillement de Noël ne concerne pas seulement la naissance de Dieu fait homme, mais aussi certaines attitudes étonnantes (en bien) de nos proches. Cette attitude intérieure s’exerce vis-à-vis de chaque participant pris individuellement, mais aussi à l’égard de la famille tout entière. Chaque tribu cultive son propre style, certaines se montrent plutôt bruyantes, d’autres plus recueillies, toutes ont inventé une façon de festoyer qui leur est spécifique. Pourquoi ne pas savourer simplement cette façon de demeurer ensemble en laissant de côté ce qui divise au moins pour 24 heures ?

Quatre) Surfer sur le climat de paix de Noël

Le père Angelo Romano appartient à la communauté sant Egidio où il intervient comme médiateur dans des conflits à travers le monde. Cette paroisse romaine propose des temps de prière quotidiens, un service aux plus pauvres, mais aussi une aide pour les couples et les familles en difficultés. « A Noël, il y a clairement une atmosphère particulière dont on peut profiter pour favoriser une réconciliation » suggère-t-il. L’ histoire de la naissance de Jésus lui semble particulièrement inspirante. « Finalement, l’assemblée présente à cette occasion se compose à la fois de bergers venus en voisins, des étrangers partis de loin comme les rois mages, et en même temps tous les proches de Joseph et Marie ne sont pas là. Pourtant avec ce groupe aux attentes diverses, il se passe quelque chose de l’ordre d’un partage fraternel, avec du soutien et de l’écoute. » Même si nos assemblées familiales réunissent des convives aux attentes affectives plus ou moins fortes, des degrés d’intimité variables, avec des histoires différentes, il peut se produire des moments de fraternisation.

Dans cette perspective, Angelo Romano insiste sur l’importance d’une bonne attitude d’écoute. « Les échanges familiaux sont de plus en plus marqués par ce que nous voyons à la télévision. Durant les émissions de débats, chaque intervenant semble n’avoir pour objectif que de pilonner les positions de l’adversaire. Avec comme unique stratégie de crier plus fort que les autres, de les interrompre ou de caricaturer ses propos. Ce mode de communication tend à devenir aussi la norme dans les échanges plus personnels. Les fêtes de fin d’année peuvent être l’occasion de revenir à d’autres modes d’échanges où notre interlocuteur peut aller jusqu’au bout de ses phrases, voir même être relancé par une question montrant que l’on s’intéresse à lui ». De même, le pape Francois conseille trois mots pour faciliter les relations de famille : pardon, merci, mais aussi de façon plus inattendue : « est ce que c’est permis ? » À force de se retrouver chaque année au même endroit avec les personnes identiques, chacun s’autorise certaines pratiques sans vérifier qu’elles ne gênent pas les autres. « En demandant à nouveau si cela convient au reste de la famille, nous renouons avec une saine humilité où tout ne nous est pas dû, sans chercher à occuper le terrain à tout prix par une multitude d’initiatives. » constate le père Romano. Cette attitude permet d’expérimenter la gratitude au sens fort : demeurer reconnaissant pour l’abondance que la vie procure à chaque être quand il demeure ouvert, à ses proches, à l’existence. Une présence gratuite, qui donne, sans attendre de retour. Pas de territoire acquis, ni de droits à conserver, mais plus de dons.

15 Décembre 2014, 18:14pm| Publié par Etienne Séguier

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