Cheikh Khaled Bentounès au centre Claverie : «La violence coûte plus de 9 trillion de dollars par an» à l’humanité

KhalebBentounès
Devant une foule nombreuse venue l’écouter au centre Claverie, Cheikh Khaled Bentounès a commencé son intervention en rappelant ses amitiés avec feu Claverie tué par le terrorisme en disant « j’ai un lien particulier avec cette maison. (……) L’ami enterré ici venait souvent à la zaouïa de Mostaganem où on discutait notamment de l’avenir de notre pays».Ce qui l’a amené à avancer que «la tradition musulmane incite à la rencontre de l’autre». Après un long développement, il conclura «c’est la rencontre avec l’autre qui nous permet d’accéder mieux à nous-mêmes». Il ajoutera que «Dieu a mis en chacun de nous un secret: cette capacité de comprendre l’autre». Ce qui pourrait nous faire éviter «ce labyrinthe de classification» consistant à trier les humains en noir et blanc; croyant, non croyant; musulman; non musulman; sunnite, chiite…..Une fois le cadre défini, la place « de la rencontre des autres » dans les religions, Cheikh Khaled Bentounès abordera le sujet de sa conférence portant sur son initiative pour « l’institution d’une journée du vivre-ensemble » par les Nations unies. Il s’interrogera « que faire dans un monde rentré dans les turbulences ? » Et de surprendre son assistance en tonnant « nous vivons une époque magnifique». Il se réfère aux statistiques des Nations unies pour affirmer que « la violence a baissé de l’ordre de 17% par rapport au 18 et 19ème siècle » alors que « la population mondiale s’est multipliée par sept ». Il estimera que « la communication au niveau universel se fait sur la violence et non la paix » ce qui nous donne l’impression de « vivre dans un monde violent ». Abondant dans ce sens, il réfutera que la région du Moyen-Orient, berceau de toutes les religions monothéistes, soit la région la plus violente. « C’est l’Amérique du Sud où sévit la violence », lance-t-il. Pour Cheikh Bentounès « la réalité n’est pas aussi catastrophique ».Sur son projet, présenté à l’ONU il y a quelques mois, suite au Congrès mondial sur « la Femme et la Paix » organisé à Oran, en novembre dernier, il affirme « qu’il a été bien reçu » par les instances internationales. Il ajoutera que « 6000 délégués » représentant les pays membres de l’ONU, l’ont reçu. Ceux avec qui il s’est entretenu lors de son passage à New York lui ont demandé pourquoi juste « une journée pour le vivre-ensemble », indique t-il. Façon de dire que « le vivre-ensemble » supposant l’acceptation de l’autre en dépit de ses différences, doit être l’attitude de tout un chacun l’année durant. Cheikh Bentounès réclame un million de signatures pour pouvoir imposer son projet. Dans ce sens, il dira « une signature, c’est votre empreinte que vous allez apposer à ce merveilleux édifice ». Il donnera juste un chiffre pour expliquer la nécessité et l’urgence de s’inscrire dans une démarche pour la paix. « Le coût de la violence se situe à 9,47 trillions de $ par an ». Or, le 1/10 de cette somme peut permettre à tous les enfants d’Afrique de s’épanouir et de rêver d’un monde meilleur au lieu de se lancer dans des suicides collectifs en voulant rejoindre les rivages du Nord.

par Ziad Salah
Pour en savoir plus : http://www.lequotidien-oran.com/

Géopolitique des lieux saints

Un public de 800 personnes était rassemblé le 29 avril à Marseille à l’occasion d’une table ronde consacrée au rôle croissant que tiennent les lieux saints dans les conflits en Méditerranée. Elle faisait suite à l’inauguration de l’exposition « Lieux saints partagés » au MuCEM.

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Jean-Paul Chagnollaud, Régis Debray, Jacques Huntzinger, Leïla Shahid, Elie Barnavi et Dionigi Albera

À quand une grande conférence mondiale sur les religions et leur rôle dans la politique internationale, à l’instar des rendez-vous sur le climat et l’avenir de notre planète ? L’irruption du religieux dans le discours politique, l’omniprésence du sacré, la question de la souveraineté sur les lieux saints, notamment au Moyen-Orient, sont un défi pour la géopolitique. En marge de l’exposition sur les lieux saints partagés présentée au MuCEM (1) de Marseille, avait lieu, le 29 avril dernier, une table ronde sur la géopolitique des lieux saints co-organisée avec la Villa Méditerranée (2). Animée par Jacques Huntzinger, ancien ambassadeur de France, elle réunissait notamment Leïla Shahid, ancienne ambassadrice de la Palestine auprès de l’Union européenne, Elie Barnavi, ancien ambassadeur d’Israël en France, et Régis Debray, philosophe et écrivain.

« Les textes sacrés sont des auberges espagnoles »

Il existe une quarantaine de lieux saints pour les trois religions monothéistes dans le monde méditerranéen. Retenons Hébron et Bethléem pour le judaïsme, Bethléem, Nazareth, Rome ou le mont Athos pour le christianisme, La Mecque, Médine, Bagdad ou Tombouctou pour l’islam. Et, bien sûr, Jérusalem pour les trois religions. La plupart restent des lieux de partage apaisés : la synagogue de la Ghriba à Djerba (Tunisie), la basilique Notre-Dame d’Afrique à Alger… D’autres sont l’objet de divisions, à l’image du caveau des Patriarches à Hébron ou du tombeau de Rachel à Bethléem, tous deux en Palestine.

« Politique et lieux saints, c’est un cercle carré, défie d’emblée le philosophe Régis Debray. La politique, c’est le compromis ; le sacré est non marchandable, non négociable. Il est criminogène. » Un avis que partage Elie Barnavi. « Les religions monothéistes détiennent chacune une vérité, consignée dans un Livre. Tout compromis est impossible, car on n’altère pas la parole de Dieu. » Prenant l’exemple du conflit israélo-palestinien, le diplomate précise : « Pour les Juifs, on ne peut céder une parcelle du territoire d’Israël, parce qu’il appartient à Israël. La preuve, c’est écrit dans la Bible. Pour le Waqf (l’autorité qui gère les lieux saints musulmans), l’ensemble de la terre de Palestine n’appartient à personne, elle appartient à Dieu. Dès lors, personne n’a de droit sur elle. Les textes sacrés ne sont pour moi que des auberges espagnoles. »

« Il n’y a plus de partage à Jérusalem »

Alors qu’il est finalement peu question de Jérusalem dans l’exposition du MuCEM – qui propose une vision plus anthropologique que politique -, la Ville Sainte et le conflit israélo-palestinien occuperont de fait la majeure partie du débat. Une situation tragiquement symbolique et qui, depuis 48 ans, souffre de l’absence de réactions franches de la communauté internationale, déplore Leïla Shahid. L’ex-déléguée de l’Autorité palestinienne en France dénonce une instrumentalisation de la dimension religieuse. « Il ne s’agit pas d’un conflit sur les lieux saints ou sur la religion, explique Leïla Shahid. Nous sommes face à un conflit militaire, hérité d’un passé colonial. Aujourd’hui, il n’y a plus de lieux saints partagés à Jérusalem. Comment parler de partage sous occupation militaire ? La loi militaire, celle de l’occupant, prime sur tout le reste. »Officiellement, la gestion des lieux saints à Jérusalem est assurée par les autorités religieuses. Mais de fait, c’est l’armée israélienne qui intervient en cas d’incidents.

« Jérusalem est la rencontre dramatique d’une très vieille aspiration religieuse et de la notion contemporaine de souveraineté nationale », ajoute Elie Barnavi – qui corrige« occupation » par « annexion ». L’ancien ambassadeur d’Israël en France ne croit pas au« kidnapping » de la religion à des fins politiques. « Dans la plupart des cas, les fanatiques sont sincères et cette sincérité les rend dangereux. Ils se justifient par les textes sacrés. » « La montée des extrémismes religieux est la sanction de l’échec de la diplomatie dans la région, note Régis Debray. Quand les politiques ne font pas leur boulot, on se retourne vers les imams, les rabbins, les prêtres… »

Un rôle pour la France

Alors, une solution politique du partage des lieux saints est-elle envisageable ? Régis Debray imagine malicieusement l’installation du siège de l’Organisation des Nations Unies à Jérusalem. La construction de logements apporterait une solution au chômage en Palestine et la sécurité de la Ville Sainte serait logiquement assurée…

Plus réaliste, peut-être, le philosophe appelle de ses vœux un statut international des lieux saints, que pourrait présenter la France, nation des Lumières, fille aînée de l’Église. Mais de l’avis de tous les participants, seul le droit peut rassembler les opposés, la restauration d’un même droit pour tous, permettant à chacun de vivre sa foi en toute sécurité et dans le respect de l’autre.« L’exposition du MuCEM m’a réconciliée avec les fidèles, ceux qui pratiquent, confie Leïla Shahid. Elle montre que la religiosité est plus importante que la religion. Jérusalem n’est pas vouée à devenir la prochaine bombe. Mais l’enjeu n’est évidemment pas uniquement israélo-palestinien, il concerne toute la Méditerranée. Ce qui nous lie, ce sont les règles du vivre-ensemble. C’est la vocation du MuCEM et de la Villa Méditerranée. La seule solution est une séparation des Églises et de l’État. » « Il faut stériliser les religions, renchérit Elie Barnavi. C’est ce qu’on appelle la laïcité. »

Laurent Menu – publié le 20/05/2015

Pour en savoir plus : http://www.lemondedesreligions.fr/

(1) Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée

(2) http://www.villa-mediterranee.org/

Festival des Musiques Sacrées du Monde : Fès, miroir de l’Afrique

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Fès l’Africaine est le thème de la 21e édition du Festival des Musiques Sacrées du Monde. La cité marocaine accueille, du 22 au 30 mai, une pléiade d’expressions musicales et artistiques sous le signe du dialogue des peuples et des spiritualités.

Vive et accueillante, la ville de Fès, au Maroc, ne révèle pas pour autant ses secrets aisément. Depuis le sommet de ses collines où semblent dormir les tombeaux de la nécropole mérinide (XIIIe-XIVe siècles) s’étend une mer étincelante de toits cuivrés posés sur des murs éclaboussés de lumière, renfermant derrière leur anonymat un patrimoine qui ne demande que du temps pour se révéler aux voyageurs. Fès, qui fut pendant plusieurs siècles une capitale politique et intellectuelle du Maroc, est devenue un centre de rencontres et d’échanges. On raconte que Sylvestre II (Gerbert d’Aurillac), pape de 999 à 1003, y séjourna dans sa jeunesse pour y faire des études, à la suite desquelles il introduisit les chiffres arabes en Europe.

Le Festival de Fès des Musiques Sacrées du Monde, créé en 1994, s’inscrit dans la tradition savante, artistique et spirituelle de la ville. L’ambition du Festival de Fès est de faire dialoguer les spiritualités à travers la musique, et d’aider à faire émerger une culture de paix favorisée par une mondialisation plurielle, respectueuse de valeurs éthiques et spirituelles. Le Festival de Fès a été désigné par l’Onu, en 2001, comme l’un des événements ayant contribué, d’une façon remarquable, au dialogue des civilisations.

Des nuits ouvertes à tous

Cette année le festival, dont Le Monde des Religions est partenaire, s’axera autour de la dimension culturelle africaine de la ville. Durant sept jours, le public pourra jouir d’un florilège d’expressions musicales et d’expositions artistiques où se mêleront sensations auditives et visuelles, ainsi que différentes expériences spirituelles. Au fil des concerts, expositions, activités pédagogiques, programmes dédiés aux plus jeunes ou encore projections de films.

Le festival propose ainsi une évocation à l’Afrique, avec la chanteuse Oumou Sangaré, symbole de la femme africaine libre et porteuse d’émotions, ou le reggae émancipateur de Tiken Jah Fakoly, qui défend toujours les valeurs fondamentales de ce continent. Au programme, des maîtres avérés dans la pratique de leur art avec, entre autres, le grand chanteur romantique Saber Rebaï et sa voix charmeuse et aiguisée, Eduardo Ramos, grand interprète de la musique ibérique médiévale, alliant musique traditionnelle sépharade du Portugal et notes andalouses de pièces musicales arabes, Diego El Cigala, voix majeure du flamenco, issu d’une famille d’artistes gitans ou encore Hussain Al Jassmi, l’une des plus belles voix de la péninsule arabique.

Enfin, tous les soirs auront lieu les Nuits Soufies, afin de clore chaque journée dans une ambiance spirituelle et conviviale. Ces concerts, gratuits et ouverts à tous, donnent un aperçu de la culture islamique à travers la richesse et la créativité de ses dimensions artistiques et spirituelles. Les spectateurs partageront ce moment riche et intense en plein cœur de la médina de Fès.

Sophie Eychenne

publié le 12/05/2015

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