La laïcité est-elle menacée ?

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Présentée par Thierry Bezer, l’émission La Voix est Libre de ce samedi 1er novembre a évoqué le poids du religieux dans notre société. Les invités ont débattu à travers des exemples récents, tels que l’affaire du voile à Sciences-Po Aix ou les manifestations contre le mariage pour tous.

Les invités :

  • Raphaël Liogier, professeur des universités à Sciences-Po Aix, où il dirige l’Observatoire du religieux.
  • Père Charles Mallard, curé au Mourillon, professeur de théologie et de philosophie au séminaire de Toulon.
  • Mohsen N’GAZOU, imam de la mosquée du boulevard Viala à Marseille.

Pour voir la vidéo :

http://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes/emissions/la-voix-est-libre-provence-alpes

Dieu protège la pub !

Simon Castéran | le 12.09.2014 à 19:06

 

Dieu dans la pub

L’affiche de l’exposition Dieu dans la pub

Dieu aime-t-il la pub ? On ne le saura probablement jamais. En revanche, une chose est sûre : la pub, elle, adore Dieu. Ainsi que Jésus, les anges, les saints, les prêtres, jusqu’aux démons ; autant d’invités de marque que les publicitaires convoquent, depuis des décennies déjà, pour promouvoir fromage, bières ou steak de boeuf. D’où l’idée du père Gautier Mornas, prêtre du diocèse de Périgueux et Sarlat, dans le Périgord, de créer l’exposition Dieu dans la pub ! Hébergée à la Fabrique 222, au sein du couvent de l’Annonciation des Dominicains à Paris, cette rétrospective propose de manière ludique un regard croisé sur les relations qu’entretient la publicité avec la religion catholique.

« L’idée m’est venue quand j’étais séminariste à l’Institut supérieur de théologie des arts (Ista), au sein de l’Institut catholique de Paris », explique le père Gautier Mornas.  « Mon professeur Jérôme Cottin, qui enseigne l’iconographie religieuse, m’avait proposé pour mon mémoire de travailler sur l’image de Dieu dans la publicité. Lui avait déjà publié un livre sur les relations entre religion et publicité [co-écrit avec Rémi Walbaum, Dieu et la pub, Paris-Genève, éditions Le Cerf-PBU, 1997], mais moi, j’ai plutôt eu envie de faire une exposition ». Bien lui en a pris : pour sa première édition, l’été dernier dans la cathédrale Saint-Front de Périgueux, Dieu dans la pub a attiré plus de 11.000 visiteurs en seulement deux mois et demi.

Le père Gautier Mornas

Tout commence en 2013, lorsque ce jeune prêtre de 38 ans décide de monter son exposition avec l’aide d’une mère de famille, Karin de Segonzac, et de Damien Tardy, qui officie comme directeur du marketing dans le groupe agro-alimentaire Bongrain. Le trio se met au travail, et recense bientôt grâce à Internet « entre 300 et 400 publicités » jouant de l’imagerie religieuse. Quatre grandes thématiques se distinguent peu à peu, qui formeront la structure de l’exposition : « Et Dieu créa… » consacré à la reprise du thème de la Genèse, « Autour de Jésus » sur le Christ et les moments importants de sa vie, « Au plus haut des cieux » qui se penche sur l’image des saints, des anges et des démons, et enfin « Des hommes de Dieu », dédié au pape, aux moines et aux prêtres.

Une quarantaine de publicités du monde entier

Pour chaque catégorie, les organisateurs de l’exposition choisissent alors de ne retenir qu’une dizaine de publicités, « les plus pertinentes, en excluant les plus provocatrices comme celle de Benetton, car nous voulions que ces images soient drôles, qu’elles provoquent la réflexion et qu’elles possèdent une véritable recherche esthétique », explique le père Gautier Mornas. Le choix est fait aussi de ne pas se limiter aux publicités françaises, et d’aller voir ce qui se fait en Israël, en Allemagne, aux États-Unis, en Australie… « Ce qui m’intéresse, c’est de voir ce que l’on peut se permettre selon qu’on soit dans un pays de vieille tradition catholique, de tradition protestante ou sans tradition chrétienne du tout ! Par exemple, on observe qu’en France, la pub joue plus avec la messe ou le personnel ecclésiastique, comme les moines et les prêtres, alors qu’en Allemagne, elle porte plus sur la figure de Jésus ».

Le pape, bonne poire exotiqueDe l’avis de Gautier Mornas, la publicité en France n’est, d’ailleurs, pas particulièrement provocatrice. « Bien sûr, la transgression, la provocation ont toujours un impact plus fort, mais je pense que les publicitaires jouent plus à être provocateurs qu’ils ne le sont fondamentalement ». Mieux, le fait de prendre ainsi des libertés avec la religion est, pour le prêtre, la preuve que « quoi qu’on en dise, si notre société est clairement déchristianisée dans sa pratique, les racines chrétiennes sont toujours là ! C’est d’ailleurs le but premier de cette exposition : montrer que, si les publicitaires utilisent autant la religion catholique, c’est parce que notre pays reste fondamentalement chrétien ». Pour autant, cette exposition vise surtout « à fournir une information culturelle sur un mode ludique à des publics très diversifiés, aux jeunes comme aux touristes. D’où qu’il viennent, les gens sont en manque de clés pour analyser ces publicités, pour les contextualiser, et ce même s’ils sont catholiques, comme j’ai pu m’en rendre compte avec les jeunes avec qui je travaille en aumônerie ».

Vaine polémique

Le pape François, une bonne poire. (Photo : D.R.)

Tout comme cette exposition pourrait être des plus profitables à ces quelques chrétiens  ? ils sont moins d’une trentaine ? qui se sont fendus d’une pétition pour exiger des Dominicains… l’annulation de l’événement. Selon eux, l’exposition participerait du « blasphème » en « resservant au public les publicités qui tournent en dérision le Christ et la religion catholique ». Une accusation que Gautier Mornas balaye sans peine : « je suis prêtre », rappelle-t-il, « alors je me vois mal me moquer de celui à qui j’ai consacré ma vie ! ». Pire, à en croire ces mêmes fidèles, le logo multicolore d’Apple qui décore le titre de Dieu dans la pub serait « aux couleurs de la [communauté] LGBT », la pomme croquée signifiant ici « le péché dont se prévalent, par provocation, les homosexuels ». Et peu importe que ce logo ait été créé et utilisé bien avant que l’arc-en-ciel ne devienne le symbole des revendications homosexuelles !  Pour le père Mornas, ces réactions témoignent surtout d’une misère culturelle qu’il a d’ailleurs proposé de combler en invitant les pétitionnaires à une visite guidée de l’exposition. En vain.

Nul doute cependant qu’après Périgueux, Nancy et Metz, l’exposition Dieu dans la pub connaîtra également un beau succès à Paris. Petite nouveauté, celle-ci accueille désormais, outre une installation audiovisuelle,  plusieurs goodies, ces petits accessoires offerts pour promouvoir l’image des marques : bouteilles de bière d’abbaye, sous-bocks, ou encore une collection de flacons de parfum et de vernis en forme de pomme croquée…

Exposition Dieu dans la pub, du 17 septembre au 19 octobre 2014 à la Fabrique du 222, rue du Faubourg-Saint-Honoré (Paris 8e).

Entrée libre tous les jours, du lundi au dimanche, de 9 h à 20 h.

http://www.fait-religieux.com

 

La laïcité, un cadre pour l’espace public

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A force d’écouter les discours politiques et de lire moult  articles de presse, on a facilement le sentiment que la question de la laïcité   ne fait que provoquer, sans fin,  soubresauts verbaux et effets de manche. A lire le petit livre d’entretiens avec Emile Poulat, co- fondateur du Groupe de sociologie des religions que nous propose Olivier Bobineau et Bernadette Sauvaget, on retrouve un peu de calme et de sérénité. Plutôt que de voir dans la laïcité un courant idéologique anti-religieux, Emile Poulat  tient à rappeler que ce concept est  né au lendemain des violences religieuses du XVIè siècle parmi  quelques intellectuels et responsable politiques, avec,  en ligne de mire, la construction d’une société pacifiée et  une forte conscience  que « la paix civile est une affaire trop sérieuse pour être abandonnée aux religions et à leurs ministres ». Un désir que la Révolution française de 1789, malgré la place prise par la violence politique,  n’a pas renié.
Si les débats autour de la loi de 1905 ont pu donner l’image d’une lutte de l’athéisme contre le catholicisme; pour Emile Poulat, cette loi, toujours en vigueur, est pacificatrice mais  fragile par le seul fait d’inclure même ceux qui l’exclut, qui la refuse, et rêve, peut-être, de revenir à la religion exclusive. Reste qu’elle a permis la construction d’un espace social ouvert et tolérant qui fait de la religion une affaire privée et de la liberté de conscience une affaire d’Etat. A lui  d’assurer notre liberté individuelle.

Notre laïcité ou les religions dans l’espace public
Emile Poulat
Entretiens avec Olivier Bobineau et Bernadette Sauvaget
Editions Desclée de Brouwer
95 pages ; 9,90 euros

Pour en savoir plus : http://www.fait-religieux.com

Discrimination religieuse au travail : le Rapporteur spécial pour des aménagements raisonnables

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Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté des cultes, Heiner Bielefeldt a présenté vendredi 24 octobre un rapport sur les pratiques religieuses au travail, proposant de développer le concept d’aménagements raisonnables sur le lieu de travail.

Lors d’une conférence de presse à New York, il a expliqué que ce qui l’avait poussé à porter son attention sur ce sujet était le cas d’un professeur de piano, juif orthodoxe, qui avait refusé de surveiller des examens le samedi, jour de shabbat, et avait été renvoyée de son emploi pour cette raison.

Le Rapporteur spécial a dit que la discrimination religieuse au travail est une question souvent négligée, alors que la plupart des gens passaient la majorité de leur temps au travail.

De nombreuses formes de discrimination religieuse existent sur le lieu de travail, a-t-il ajouté,  de manière directe ou indirecte,  comme par exemple les règles concernant la tenue vestimentaire ou les jours de congés.

Le Rapporteur spécial propose donc de mettre en place des aménagements raisonnables sur le lieu de travail, pour permettre aux personnes de pratiquer leur religion, mais avec des limites, afin que cela ne porte atteinte ni à la viabilité économique de l’entreprise, ni à la liberté des autres employés.  Il a insisté sur le fait que le respect des droits de l’homme était un préalable essentiel et que les requêtes au nom de la liberté de culte, devaient parfois être rejetées car contraires au respect des droits de l’homme.

Cependant, d’après Heiner Bielefeldt, le concept d’aménagements raisonnables est un moyen d’assurer l’équité, dans le respect de la diversité culturelle et de garantir la liberté de culte. Il a expliqué que ce concept était déjà une obligation légale dans le cas des personnes vivant avec un handicap.

Pour en savoir plus : http://www.unmultimedia.org

La laïcité au risque de l’Autre

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La charte de la laïcité introduite solennellement en 2013 par le ministre de l’Éducation nationale d’alors, Vincent Peillon et affichée depuis lors dans tous les établissements scolaires français proclame dans son article 12 « Les enseignements sont laïques. Afin de garantir aux élèves l’ouverture la plus objective possible à la diversité des visions du monde ainsi qu’à l’étendue et à la précision des savoirs, aucun sujet n’est a priori exclu du questionnement scientifique et pédagogique. Aucun élève ne peut invoquer une conviction religieuse ou politique pour contester à un enseignant le droit de traiter une question au programme. »

L’ouvrage « la laïcité au risque de l’autre » qui vient de paraître aux éditions de l’Aube se propose de prendre au mot cet article en questionnant… La laïcité telle qu’elle s’est mise en place en France. L’article 7 de la charte proclame par ailleurs que « la laïcité assure aux élèves l’accès à une culture commune et partagée ».

C’est principalement sur ce point que les auteurs une anthropologue et une sociologue se proposent de déconstruire nos représentations collectives, qui n’ont d’universel que ce que l’arrogance de la nation française, « patrie des droits de l’homme », s’arroge le pourvoir de définir comme universel.

La thèse soutenue est la suivante: alors que les conditions de la mise en place du projet émancipateur républicain ont radicalement changé depuis la république des Jules, alors que l’éducation civique ou morale de J. Ferry se déclare au service d’un très actif projet de société, un projet politique, aujourd’hui elle apparaît plutôt comme un remède ou une réponse, à des « problèmes » d’insécurité, d’autorité, de communautarisme.

Posée depuis les origines républicaines comme une forme supérieure de lien social, au service de l’émancipation, de la formation d’un esprit critique et de la promotion de valeurs universelles, la laïcité se manifeste aujourd’hui comme une forme identitaire majoritaire aux tendances islamophobes. Et le diagnostic collectif contemporain porté sur l’école de la République présente une forte tendance réactionnaire, au sens propre du terme: face aux dysfonctionnements de l’Ecole ce discours propose d’en revenir à une époque antérieure et cette nostalgie collective d’une société autour d’une école qui n’a jamais existé en dit long sur le processus d’amnésie collective, d’oublis sélectifs et de fantasmes qui produit les sociétés et le lien social.

La laïcité est le produit d’une histoire culturelle de la Raison et d’une tradition pratique et particulière de la rationalité, comme toutes les sociétés en connaissent. S’y référer sans cesse, à droite comme à gauche, au nom de la neutralité et de l’universel pour statuer sur les problèmes de la pluralité, ne peut que générer des sentiments d’injustice, car c’est conférer une dimension hégémonique à une conception toute particulière et majoritaire du bien, conception en crise en termes de projet socialisateur émancipateur et d’égalité d’accès aux biens premiers. Dès lors, la question se pose d’un avenir politique de la « laïcité à la française » dont l’école a été l’acteur cardinal.

Or l’école amplifie les inégalités sociales qui lui préexistent à l’aide de mécanismes de connivence entre curricula, techniques scolaires et valeurs culturelles des classes cultivées. Le plus frappant est que ce constat alarmant sur les écarts de réussite scolaire selon les origines sociales ne relève pas seulement d’une pensée de sociologie critique, mais est devenu en quelques décennies presque une vulgate autant qu’ une véritable affaire d’État, au centre d’une politique, dite d’égalité des chances, pilotant et gouvernant par objectifs et indicateurs.

Dés lors, la laïcité est alors un discours de double jeu, puisque le « discours de l’Ecole de la réussite de type méritocratique », fonctionne non seulement comme espace narratif de l’égalisation des chances (que l’analyse sociologique récuse), mais aussi comme légitimation de l’existence même d’une périphérie. Si la méritocratie est pensée en tant que vecteur d’une réussite personnelle possible, quelles que soient ses origines, c’est-à-dire à l’aune de ses compétences; la laïcité admet le périphérique comme nécessaire à sa propre pérennisation. Le double jeu consiste alors à ce que cette apparente neutralité sociale et politique justifie les parcours scolaires socialement et donc scolairement différentiels, niés dans leurs pratiques par le discours même qui les masque mais producteur d’une rhétorique enseignante de déploration et d’accusation.

L’école a fourni jusqu’au milieu du XXe siècle environ, l’accès vers un imaginaire et une identité organisés autour de l’idée de nation. Elle a instauré un nouveau type de légitimité politique, dont la citoyenneté a constitué le noyau de rassemblement supérieur à toute autre appartenance ou croyance. Elle a été le viatique vers l’Universel et la Raison, pour lesquels élèves et familles devaient faire passer au second plan leurs particularismes culturels, leurs langues régionales, leurs identités, leurs attaches.

Mais le « roman national » élaborant collectivement et de manière imaginaire un passé mythique et partiellement amnésique, grâce aux discours, aux pratiques et aux institutions, est devenu un des ressorts au nom de quoi l’exclusion de « l’étranger sociologique » se légitime, voire même son « intégration » au sens de disparation de ce qui fait altérité, fut-elle portée par de « petites différences ». Dans la république française moniste, « l’Autre doit devenir le Même » selon l’expression de Bruno Etienne et n’a pas droit à la différence: « cujus regio ejus religion ».

En effet, l’idéologie latente de cette unité moniste de la République laïque, largement portée par l’Ecole était évolutionniste: tous les peuples allait petit à petit (et surtout grâce à la France éternelle, à la Raison universelle et à l’Ecole) après avoir parcouru toutes les étapes, accéder à la Civilisation d’Auguste Comte et aux droits de l’Homme universel….sauf aujourd’hui les musulmans, voire même dans une figure essentialisée, le musulman, archétype de « l’étranger sociologique »; En particulier, le débat en France renforce sans cesse la représentation d’un clivage profond entre une identité musulmane réifiée et objectivée en culture, et une laïcité tout en principes et en proclamation Les professionnels du monde éducatif et scolaire sont alors invités d’un côté à déployer des efforts pour aller vers des parents que tout éloignerait de l’école (scolarité, capital culturel, quartier) et de l’autre à être les gardiens d’une neutralité que menacerait le « communautarisme » musulman.

Au fond, parents et professionnels savent que les institutions, au premier chef l’école, n’appliquent pas les idéaux proclamés de laïcité, de neutralité et d’égalité: « Refonder l’école de la République pour refonder la république par l’école »? Cette déclaration solennelle résonne étrangement. Que peut aujourd’hui offrir l’école en échange de l’ancienne remise d’un soi – différent, attaché – exigée au nom du respect des valeurs de la République? En tout cas, elle ne peut offrir ni de l’intégration, ni de la socialisation, ni de la mobilité sociale.

Coincés entre des injonctions contradictoires à s’intégrer à l’invisible d’un côté et à respecter leurs racines de l’autre, les jeunes descendants de migrants musulmans ont bien du mal à trouver le moindre sens à des leçons de morale laïque, alors qu’un débat binaire et stérile s’installe entre islam et laïcité. Alors qu’elle était, dans sa genèse, un outil politique au service d’un projet – même dominateur -, il faut bien admettre que la laïcité se transforme en instrument d’agression des minorités, principalement aujourd’hui vis-à-vis de la minorité musulmane qui concentre à elle seule l’idée d’une crise du modèle d’intégration français.

Ce modèle citoyen français, scotomisant les appartenances met à mal la construction des subjectivités, dans une radicalisation de la laïcité que questionne ce mythe contemporain de l’islamisation. Il n’est que voir la représentation des musulmans dans les manuels scolaires.

La thèse de l’ouvrage est que ce n’est pas tant un dévoiement de la laïcité qu’un aboutissement logique du déni systématique des identités culturelles, qui constituent une sorte de passager clandestin de la laïcité. Or, le propre même de notre seconde modernité est caractérisé par les potentialités d’un cosmopolitisme ouvrant pour un même individu à une pluralité d’identifications et encourageant la construction d’identités culturelles combinant individualisme et multi-appartenances.

L’idéal de la laïcité fondateur de la république française est aujourd’hui devenu prétexte à oblitérer toute prise en compte de l’altérité et ses figures, qui sont pensés comme menaces. Car la laïcité, œuvre de compromis de la IIIe république, n’est pas tant une articulation des activités privées et publiques à l’Ecole, une éviction des religions de l’école, une neutralité religieuse ou d’opinion revendiquée qu’un véritable modèle politique d’imposition et de légitimation d’un ordre social supposé pacifié et conçue comme emblème de la conception républicaine de l’espace public.

La laïcité française est aujourd’hui prise entre une droite développant de façon « décomplexée » les idées de hiérarchisation des cultures, et une gauche piégée par la référence à un universel émancipateur nécessairement fondé sur une supériorité de valeurs. Car la laïcité se situe intrinsèquement dans l’espace d’un universel substantiel et de surplomb (une manière de s’habiller, ou de manger, plutôt qu’une autre) et pas seulement procédural (une manière de trouver des solutions avec la discussion.)

L’ouvrage propose deux pistes qui s’offrent à l’action publique si la laïcité à la française peut être questionnée dans ces effets comme le propose la …charte de la laïcité. Aucun grand média et très peu de travaux scientifiques n’osent ouvrir cette question.

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Pour en savoir plus : www.huffingtonpost.f

Pourquoi la gauche a un problème avec la religion

La religion est-elle « de droite » ? Depuis longtemps, l’idée selon laquelle les « gens de gauche » sont forcément athées semble être acceptée… A tort. Dans « Les religions sont-elles réactionnaires ? » (Textuel), le pasteur Stéphane Lavignotte s’attaque au drôle de « tabou » qui, à gauche, entoure le fait religieux… alors que celui-ci demeure une préoccupation pour ceux qui sont censés constituer sa base : les milieux populaires.

Barbara Lambert : 57 % des électeurs du PS et 35 % des électeurs du Front de gauche sont catholiques, dites-vous… des chiffres dont on n’a pas conscience tant on a tendance à penser que la gauche est athée…

Stéphane Lavignotte : Quand j’ai commencé à travailler et que je suis tombé sur ces chiffres, j’ai moi-même été un peu étonné.D’autant que si on regarde l’évolution dans le temps, 56 % des Français continuent à se déclarer croyants alors qu’en 1947, ils étaient 66 %. Alors qu’on pourrait penser qu’il y a eu une sécularisation massive, on s’aperçoit en fait que la baisse de la croyance n’est pas si importante que cela. Les gens qui sont croyants et qui votent et/ou militent à gauche sont bien plus nombreux qu’on ne le croie. La question – c’est un des points de départ de mon livre – est de savoir si on peut faire de la politique en ignorant complètement cette réalité-là, qui est une réalité importante pour les personnes concernées. Ce n’est pas anodin, aujourd’hui, de dire qu’on est croyant. Si les gens le disent peu, c’est à la fois parce qu’ils ont peur des réactions et parce qu’ils ont intégré cette idée reçue selon laquelle il n’y aurait pas de croyants à gauche. Il y a un effet d’autocensure très important chez les personnes concernées.

 BL : Et c’est cet effet d’autocensure qui explique que la gauche ne pense pas le religieux ?
SL : Il y a à la fois censure et autocensure. Je suis pasteur et je milite à gauche et ce qui est drôle, c’est que dès que les gens savent que je suis pasteur, très rapidement, dans les couloirs, après les réunions, un grand nombre d’entre eux vient me dire : « Tu sais, moi aussi, je suis croyant ». Ce sont des réalités qu’on occulte complètement.

BL : La gauche s’est-elle sciemment désinvestie de la question religieuse ? Pourquoi ? Par calcul ? Par incapacité à assumer ?

SL : Faisons un peu d’Histoire… De 1945 aux années 1960-70, la gauche a l’impression que les croyants sont à l’extérieur des organisations politiques. Pour gagner de l’influence politique dans le pays, elle se dit qu’elle doit aussi s’adresser aux croyants, et aux catholiques. On voit alors le PC, puis le PS, développer des choses que l’on trouverait incroyables aujourd’hui pour toucher ce public-là…

BL : Vous citez Georges Marchais, déclarant : « L’anticléricalisme est un infantilisme »… Une phrase étonnante !

SL : Oui, cette phrase date de 1976. De la même façon, en 1964, le Parti communiste organise très officiellement une soirée scientifique dans la grande salle de la Mutualité à l’occasion des 500 ans de la mort de Calvin. Un événement qui paraît impensable aujourd’hui… A ce moment-là, ces organisations sont capables de mobiliser, dans leur histoire, dans leur réflexion, de quoi penser intelligemment les religions. Mais une fois les chrétiens entrés dans le militantisme politique au sein du PS et du PC, c’est comme si ces derniers n’y trouvaient pas vraiment leur place…

BL : Vous soulignez que les chrétiens s’inscrivent au PC comme au PS, mais qu’au sein du PS, ils s’engagent à la gauche du parti parce qu’ils « ressentent un décalage social »…

SL : Quand on pense « chrétiens de gauche », on pense Rocard, Delors, pas aux courants les plus à gauche. Mais ils étaient nombreux aussi à rejoindre le PC, le PSU (né d’une alliance qui comprenait des partis politiques chrétiens) ou toute l’extrême gauche. Dans ceux qui rentrent au PS, beaucoup rejoignent le Cérés néo-marxiste de Jean-Pierre Chevènement, qui n’était pas alors si « nationaliste-républicain ». Il y a un décalage social parce qu’un grand nombre de chrétiens qui s’engagent à gauche sont des militants de terrain, impliqués dans la vie associative, le syndicalisme, etc. et qu’au PS, ils se retrouvent face à des personnes issues de milieux sociaux beaucoup plus élevés. Par ailleurs, ces chrétiens de gauche entrent dans des organisations où ils découvrent que la lutte pour le pouvoir est très forte. Là, il y a un décalage au niveau de l’engagement. Ils se sont engagés pour être « au service de » alors que la lutte politique commande de « se servir, soi », pour gravir les échelons… Il y a deux décalages : un décalage social et un décalage sur le sens et les méthodes de l’engagement. Pour beaucoup de ces Chrétiens de gauche, le fait d’être Chrétien doit se vivre dans leur vie au quotidien – dans leurs relations avec les autres, mais aussi dans leur recherche de justice au sein même de leur organisation syndicale, de leur organisation politique… Or, la lutte pour le pouvoir, c’est tout sauf tendre la joue gauche. Ce décalage est toujours actuel et cela montre la difficulté de la gauche à intégrer non seulement les croyants mais, de manière générale, les milieux populaires, les militants associatifs, syndicaux, du mouvement social…

BL : Le décalage social dont vous parlez peut-il être rattaché au fait que le PS aurait, selon certains, y compris à gauche, décroché des classes populaires ?

SL : Ce décalage s’inscrit à mon avis au croisement de deux choses. D’un côté, une désintellectualisation de la gauche : il n’y a plus d’idée, de vraie matrice de pensée. Au XIXe siècle et jusqu’à la fin des années 1970, à gauche, il y avait énormément de ressources, de débats, visant à permettre de penser la question religieuse. Aujourd’hui, la gauche n’a plus le logiciel de pensée. De l’autre, il y a sans doute, effectivement, une distance vis-à-vis des milieux populaires. C’est rare d’entendre des responsables de haut niveau du PS revendiquer leurs origines populaires comme le fit Jean-Pierre Bel dans son discours lors de son élection à la présidence du Sénat. La conséquence étant que les catholiques d’origine populaire vont à la fois cacher qu’ils sont catholiques, et qu’ils sont issus des milieux populaires. Le milieu populaire est un milieu croyant. Il est resté croyant du côté chrétien et « blanc », mais il est à nouveau croyant du côté arabe, antillais ou africain. Or la gauche est complètement déconnectée de ces milieux populaires-là. Il y a une vision assez méprisante de ces personnes et le fait qu’elles soient croyantes est perçu comme un indice du fait qu’elles ne seraient pas encore assez « intégrées » ou « éduquées ».

BL : Vous soulignez que la gauche ne parle jamais de la foi musulmane, qu’elle met en revanche toujours en avant son athéisme…

SL : Elle arrive encore moins à penser la foi musulmane. Il y a eu une espèce de blackout, en gros, du début des années 80 à maintenant, sur la question religieuse. Quand le fait religieux a repris de l’importance dans le débat social, en 1989, par exemple, au moment de la première affaire du voile à Creil, ou en 2004, la gauche a complètement paniqué. On se souvient que dans les milieux militants, les gens n’avaient aucun outil politique pour penser le retour du religieux. La gauche s’est retrouvée complètement perdue quand le phénomène est réapparu.Elle a du coup réagi plus avec un esprit « Café du commerce » qu’avec la volonté de penser le problème, y compris de manière laïque. Je ne dis pas du tout cela pour remettre en cause le principe de la laïcité mais parce qu’il faudrait être capable de penser le religieux comme un phénomène historique, politique, social – un objet sociologique comme un autre…

BL : C’est un objet qu’on pense plus volontiers « de droite », ou conservateur…

SL : Il est vrai que les institutions religieuses dominantes en France et en Europe sont plutôt conservatrices, en tout cas sur les questions de morale. Mais sur la défense des immigrés ou la régulation en économie, par exemple, les positions du Vatican sont plus proches de celles de la gauche que de celles de la droite. On a tendance à penser le fait religieux, soit comme une essence éternelle, soit de manière un peu folklorique. On dit, par exemple, que le bouddhisme est une religion d’amour. Or, on s’aperçoit qu’au Sri Lanka, le bouddhisme est très nationaliste, qu’il a joué un rôle dans la répression des Tamouls. Le fait religieux n’est pas une essence. Il s’inscrit dans une société, des rapports de classe, une histoire donnés…

BL : Vous donnez des exemples de périodes dans l’Histoire où la religion a accompagné le progrès…

SL : On cite toujours la phrase de Marx sur la religion, « opium du peuple ». Pourtant, dans le même paragraphe, il décrit aussi la religion comme une « protestation contre la détresse réelle », l’« âme d’un monde sans cœur ». Dans certaines situations du passé et encore aujourd’hui, le fait religieux est l’inspiration, le moteur, la ressource de milieux populaires, dominés, de la paysannerie, pour pouvoir faire avancer des revendications extrêmement radicales. L’un des premiers terreaux de la construction de la gauche, qui est à l’origine de la naissance des mutuelles, des coopératives, de tout ce qui fait aujourd’hui l’Etat social, réside dans un socialisme utopique qui est très majoritairement un socialisme chrétien, ou, pour reprendre l’expression de Saint-Simon ou de Fourier, un « nouveau christianisme », fondé dans un souci de progrès social.

BL : Pourquoi la gauche doit-elle absolument penser le religieux, comme vous l’invitez à le faire ? Quel est le danger si elle ne le fait pas ?

SL : Le danger est qu’actuellement, la gauche se coupe complètement de sa base sociale qui, historiquement, est la base populaire. Elle s’en coupe pour bien d’autres raisons – on a une politique économique qui est tout sauf dans l’intérêt de sa base sociale. Mais cela se surajoute en ne prenant pas en compte les choses qui sont importantes pour sa base sociale en faisant comme si ça n’existait pas. Elle crée aussi une schizophrénie parmi ses militants. Il y a un nombre incroyable de militants « au placard » avec leur foi. Cela ne peut rien produire de positif en termes d’engagement. Pour le coup, la gauche laisse la droite utiliser cette thématique-là, ce dont elle ne se prive pas, quitte à donner dans la contradiction. La droite peut dire « L’islam menace la laïcité, donc il faut défendre la laïcité » et, dans le même temps, « Il faut défendre l’identité chrétienne de la France contre l’islam ». Cela en rajoute dans la relégation de franges de plus en plus importantes de la population, qu’il s’agisse des personnes issues de l’immigration arabe, africaine, antillaise. Et cela explique en partie aussi la montée de l’abstention, puisque les gens ne peuvent plus se reconnaître dans les partis qui sont censés défendre leurs intérêts.

BL : Quels moyens concrets la gauche a-t-elle pour « repenser le religieux » ?

SL : Il y a, je crois, tout un travail de formation à faire en interne pour que les partis politiques se réapproprient leur propre réflexion et leur propre logiciel intellectuel sur le sujet. Quand elle a voulu s’adresser aux catholiques et aux protestants dans les années 1960-70, la gauche a fait un certain nombre de gestes, elle a initié un certain nombre de dialogues. Par exemple, de 1960 à 1964, date à laquelle a eu lieu ce fameux colloque pour les 500 ans de la mort de Calvin, le PC a, par exemple, organisé de vrais échanges entre ses intellectuels et certains des intellectuels les plus importants de la communauté protestante, l’idée étant de voir jusqu’où on pouvait trouver des plages d’accord, y compris sur la morale ou la question de la transcendance !

Il faudrait des gestes significatifs et des messages clairs. Il faudrait clairement dire par exemple que défendre la laïcité, ce n’est pas faire la guerre aux croyances, qu’au contraire, une laïcité vraiment riche pour la société est une laïcité qui nourrit l’échange, le dialogue, l’enrichissement et la confrontation entre les différentes cultures religieuses pour qu’elles puissent à leur tour nourrir leur propre réflexion sur les valeurs. Il faudrait le dire et que les actes suivent, or toutes les décisions sur le voile prises depuis 10 ans disent le contraire. Il faudrait déjà, que la gauche ait moins peur de cette question-là. Après tout, elle a su « faire avec » depuis le XIXe siècle, à une époque où le catholicisme avait quand même un pouvoir dans la société très supérieur à celui qu’a l’islam aujourd’hui. Le catholicisme était ultra-majoritaire dans la société française : toutes les élites industrielle, militaire, scientifique étaient catholiques et la gauche d’alors n’a pas eu peur de prendre le sujet à bras-le-corps. Avec une population musulmane qui représente au maximum aujourd’hui 8 % de la population et qui n’a pas les mêmes leviers de pouvoir dans la société, la gauche devrait pouvoir y arriver. Elle devrait pouvoir reprendre ce travail-là.

Pour plus d’information : http://www.atlantico.fr

Les Français pour l’interdiction des signes religieux ostensibles au travail

La rédaction | le 21.10.2014 à 14:16

Selon une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc), « aujourd’hui 81 % des Français adhèrent à l’interdiction du port visible de tout signe d’appartenance religieuse comme par exemple le voile, la kippa, la croix dans les entreprises ». Cette opinion a fortement évolué ces dernières années : en 2005, moins d’un Français sur deux (49 %) soutenait cette idée. Le rapport explique cette évolution par « des crispations à l’égard de la place de l’islam » et les débats autour du procès lié au licenciement d’une employée de crèche qui avait refusé de retirer son foulard sur son lieu de travail (affaire Baby-Loup).

De la même manière, d’après cette étude réalisée à la demande de la Direction générale de la cohésion sociale et intitulée « Le modèle social à l’épreuve de la crise », une proportion grandissante des sondés est attachée à ce que la religion soit cantonnée à la sphère privée. 67 % d’entre eux demandent par exemple que les pouvoirs publics veillent « avant tout, à ce que les croyances et les pratiques religieuses des individus ne soient pas visibles dans les espaces publics plutôt qu’à protéger la liberté des croyances et des pratiques religieuses (32 %) ».

Au total, 93 % des Français sont d’accord avec l’idée que « les religions peuvent créer des tensions au sein de la société ». Une idée qui traverse l’ensemble du corps social, y compris les personnes ayant la foi. L’apport positif des religions via la transmission de valeurs et de repères est moins net dans l’esprit des Français (69 %).

Plus globalement, la perception de la diversité ne fait pas consensus : selon l’étude, pour 55 % des Français « la diversité des cultures et des origines est une richesse pour notre pays », alors que pour 44 %, celle-ci « rend difficile la vie en commun ».

Une ligne de partage divise, d’un côté, « des publics plutôt jeunes, urbains, diplômés qui voient la diversité plutôt comme une richesse » et, de l’autre, « des personnes peu diplômées, séniors, habitants de zone rurale qui l’appréhendent comme une difficulté ». La perception « tient davantage aux attitudes en matière de tolérance en général (racisme déclaré, souhait d’intégration des immigrés) qu’à la proximité de vie avec les quartiers dits « sensibles » », souligne l’étude, basée sur l’enquête « Conditions de vie et Aspirations des Français », réalisée deux fois par an depuis 1978 et qui porte, à chaque vague, sur un échantillon de 2000 personnes de 18 ans et plus, enquêtées en face à face.

L’étude intégrale du Credoc

Pour en savoir plus : http://fait-religieux.com

Diversité : une étude pointe un climat plus « détendu » dans les entreprises

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LA RÉDACTION | LE 13.10.2014 À 12:21

Et si les choses allaient mieux sur le terrain de la diversité en entreprise ? Dans le flot des études pointant, année après année, les dérives discriminatoires dans les sociétés françaises, une étude TNS Sofres pour le Medef se veut porteuse de bonnes nouvelles en la matière. Le baromètre 2014 de la perception de l’égalité des chances en entreprise laisse ainsi entrevoir un climat plus « détendu », et ce « malgré le contexte économique qui reste difficile. »

Deux données principales sont là pour le démontrer. En 2013, les salariés interrogés étaient 39 % à penser pouvoir être victimes, un jour, de discrimination. Si les chiffres restent élevés cette année, ils sont toutefois orientés à la baisse puisque ces mêmes salariés ne sont plus que 35 %. Deuxième élément : 71 % des sondés se disent confiants en leur avenir dans leur entreprise (contre 63 % en 2013).

Autre élément porteur d’espoir : la place croissante qui semble être accordée aux questions de la diversité et de l’égalité des chances dans les murs de l’entreprise. Elles seraient, pour 62 % des salariés, des sujets « importants » ou « prioritaires » pour leur entreprise (59 % en 2013). Le taux atteint même les 76 % si l’on s’en tient aux sociétés du secteur des services aux particuliers. Il est également particulièrement élevé dans les grandes entreprises (75 % pour les organisations de plus de 1000 salariés).

Fait religieux : encore d’importantes marges de progression

La « détente » observée de façon générale semble être également manifeste si l’on se penche sur la question confessionnelle. Une personne affichant son appartenance religieuse peut-elle être recrutée dans mon entreprise ? « Oui », répondent les sondés, à 65 % (contre 59 % en 2013). Peut-elle occuper un poste en contact direct avec la clientèle ? Ils sont alors 54 % à répondre par l’affirmative (48 % en 2013). Peut-elle occuper un poste à haute responsabilité ? 52 % des salariés interrogés le pensent (47 % en 2013).

L’étude montre donc que, depuis l’an dernier, le fait religieux est moins considéré comme un objet de discrimination par les salariés. Il n’en reste pas moins d’importantes marges de progression : l’affichage de l’appartenance religieuse pointe en tête des éléments les plus sujets à discrimination devant le handicap et le déficit de diplômes.

http://fait-religieux.com

Eloge du Maroc de la diversité

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Mardi 14 octobre 2014 – 10H35

L’Occident regarderait-elle trop du côté du Moyen-Orient lorsqu’elle se penche sur l’Islam alors que, si près de nous, l’Occident musulman offre un autre modèle, vivant, rayonnant… et majoritaire pour nous en France ? C’est l’un des enseignements majeurs de ces deux expositions qui ouvrent leurs portes (d’art marocain évidemment) à Paris : le Maroc médiéval au Louvre, le Maroc contemporain à l’Institut du Monde arabe.

Deux événements pour un seul message de modernité, de dialogue et d’ouverture au monde. Une expérience unique qui rompt avec cet air ambiant qui voudrait opposer des identités et raviver une guerre de civilisation dépassée.

Ce qui fascine, c’est la résonance de ces deux expositions : un millénaire les sépare pourtant. Le Moyen-Age rive droite, l’époque contemporaine rive gauche. Et pourtant, toutes deux dévoilent une étrange continuité, un goût du Maroc pour la diversité des influences artistiques et culturelles, une interaction fusionnelle du Maroc et du monde : Afrique et Europe ont façonné le Maroc comme le Maroc a irrigué et irrigue encore ces deux continents de ses valeurs et de ses créations.

Le Maroc, les deux expositions le montrent, repose sur un islam du juste milieu – que nous avions analysé en son temps, dont le rite malekite, la doctrine ash’arite et le soufisme sont les piliers. Le Maroc a su construire un équilibre séculaire réfléchi entre temporel et intemporel, permettant au Moyen-Age le dialogue de l’Islam avec d’autres spiritualités, et, à l’époque actuelle – et l’exposition de l’IMA en témoigne – les expressions sécularisées d’artistes libérés des carcans religieux. Le Maroc est resté traditionnel mais il est rentré de plain pied dans la modernité. Un Islam du contexte plus que des dogmes.

Organisées par le Louvre, l’Institut du Monde arabe présidé par Jack Lang, et la Fondation nationale des musées marocains présidée par Mehdi Qotbi, cette alliance bienvenue a accouché de deux expositions monde à Paris.

Le moment Louvre

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Madrasa El Attarine, Fès, Maroc. © Fondation nationale des musées marocains.

Commençons au Moyen-Age… L’histoire n’en a retenu que les croisades alors qu’un véritable siècle des Lumières, fait de dialogue et de tolérance, irradiait au même moment le sud de l’Europe et le nord de la Méditerranée occidentale. Le Louvre restitue cette histoire presque oubliée à travers les œuvres exposées : que ce soit le lustre de la mosquée al-Qarawiyyin de Fès ou les commentaires de la Michna par Maïmonide, la redécouverte d’Arisote pat Averroès (non exposé ici mais pourtant pleinement présent), le Louvre fait revivre cet âge d’or où les musulmans, les chrétiens et les juifs cohabitaient et imaginaient le monde de demain.

La visite de cette exposition est d’autant plus nécessaire à qui veut découvrir le Maroc que ce dernier est peu présent dans les collections du nouveau département d’art islamique du Louvre (pourtant le plus fourni au monde). Car le Maroc a su conserver ses trésors en créant ses propres musées lorsque l’Europe vit éclore au XIXème siècle des centaines de musées à la faveur de ses conquêtes coloniales. Des œuvres conservées dans les musées, bibliothèques et mosquées du Maroc sortent donc pour la première fois pour le Louvre et ses visiteurs.

Le Maroc de l’époque médiévale, c’était un Maroc africain avec des œuvres venues du Mali et de la Mauritanie d’aujourd’hui. C’était aussi un Maroc européen avec de nombreuses œuvres espagnoles et même françaises (comme le suaire de Saint Exupère provenant probablement d’Almeria en Espagne et conservé à la Basilique Saint-Sernin de Toulouse). La position pivot du Maroc, entre Afrique et Europe, s’illustra donc dès le Moyen-Age.

Bahija Simou, directrice des Archives royales du Maroc, et commissaire générale de l’exposition avec son homologue française Yannick Lintz, explique les valeurs de cet empire qui rayonna de l’Afrique à l’Espagne :« Le Maroc devient ainsi une terre de rencontres et de civilisations et un espace d’échanges où se mêlaient et interagissaient plusieurs influences, celles de l’Afrique sub-saharienne, des Etats italiens, des royaumes espagnols ou encore de l’Egypte des Mamelouks. L’acmé atteint en cette période par l’Occident musulman a permis l’intégration des apports culturels arabes, amazighs, juifs, andalous et africains, contribuant à l’épanouissement d’une civilisation alimentée par de multiples affluents, et, comme telle, génératrice de créativité et d’innovations. »

L’exposition témoigne de ce foyer de civilisation exceptionnel, de ce carrefour des influences qui irradia les deux rives de la Méditerranée, entre le Maroc et l’Espagne d’aujourd’hui, sous le règne de grandes dynasties berbéro-andalouses ou amazighes qui surent unifier l’Occident islamique : les Idrissides autour du Xème siècle, les Almoravides (du milieu du XIème au milieu du XIIème) les Almohades (jusq’au milieu XIIIème, les Mérinides (jusqu’au début du XVème).

Le Maroc Contemporain à Paris

Retour dans le présent. Direction l’Institut du Monde Arabe.

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Passage protégé 1, Nour Eddine Tilsaghani, 2014, © Nour Eddine Tilsaghani

Aujourd’hui, tous les regards sont tournés vers le Golfe persique alors qu’un Islam du juste milieu, solide, habite l’esprit d’une majorité trop silencieuse. Pendant que la fureur et la cruauté des « jihadistes » de l’Etat du Levant hante l’espace médiatique, les Marocains forment en silence des milliers d’imams africains à cet Islam du juste milieu, de la responsabilité et du respect. Trop en silence ? Pendant que des fous brûlent les œuvres d’art (rappelons nous les talibans détruisant les Bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan), le Maroc contemporain construit une scène artistique libre et libérée.

L’exposition de l’IMA dessine un Maroc de la modernité, de la diversité, des couleurs, de l’art de vivre et du vivre-ensemble. Les oeuvres de plus de quatre-vingt artistes vivants, y compris des plasticiens, vidéastes, designers, architectes et même des créateurs de mode s’entrelacent pour esquisser une polyphonie, une unité de l’art marocain. Cette exposition est un des plus grands évènements jamais consacrés en France à la scène artistique contemporaine d’un pays étranger.

Sur le parvis de l’IMA, c’est un des articles du préambule de la nouvelle Constitution Marocaine de 2011 qui vous accueille : « son unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s’est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen. » Le ton est donné. Le voyage va être pluriel dans la diversité culturelle, linguistique et religieuse du royaume chérifien.

L’Islam est loin d’occuper l’essentiel des œuvres marocaines exposées. Et l’exposition n’ignore pas les troubles et les soubresauts de la société marocaine. Les artistes ont traduit dans leurs œuvres ici exposées les aspirations du printemps arabe. Le corps sous toutes ses formes a fait irruption dans l’art contemporain marocain.

Comme le dit Jean-Hubert Martin, commissaire général de l’exposition avec Moulim El Aroussi et Mohamed Metalsi, « l’effervescence » caractérise la scène artistique contemporaine du Maroc. L’écrivain franco-marocain Tahar Ben Jelloun ajoute : « l’ensemble est hétérogène, riche, fulgurant de découvertes, échappant à l’ordre attendu, prenant des chemins de traverse, escaladant des montagnes où le réel est abandonné à son sort et la vie prend toute sa verve, ses sources, ses folies et ses passions. »

Une des fulgurances de cette exposition est de donner à voir dans le même espace une table à déjeuner richement décorée, bref l’art de la table, avec des peintures sublimes (comme les Anamorphoses d’André Elbaz qui nous ont subjugué) : il n’y a plus de frontière dans l’art entre la peinture, l’art de vivre, le design, les métiers d’art, l’artisanat et les arts de la table. L’art est partout, dans les ateliers autant que dans le quotidien des Marocains. Un art aussi élitiste que populaire. Bravo !

Un Maroc universaliste comme la France, à sa manière… 

Redonnons la parole à Bahija Simou : « Toute l’histoire du Maroc est empreinte d’une espérance. Elle est animée par un principe de sagesse millénaire, celui de la symbiose entre deux volontés solidaires, celle de l’unité et celle de la diversité. La première garantit l’intégrité identitaire de notre pays en préservant et revivifiant la mémoire de nos pères. La seconde lui assure l’exigence d’une ouverture qu’impose la marche de l’histoire.

« Ces deux volontés n’ont cessé de participer à la construction d’une humanité universelle, inclusive et non-exclusive, ouverte à l’autre et non repliée sur elle-même. C’est cette dynamique, qui traverse l’histoire du Maroc par-delà les vicissitudes […]. »

On croirait entendre parler de la France qu’on aime. Car, telle est notre conviction : Maroc, France et Europe partagent une même vision universaliste : l’union dans la diversité.

L’Islam des Lumières a existé au Moyen-Age. Le Maroc des Lumières vit toujours. Il est en train de revivre ! Sachons lui donner des ailes comme le Louvre et l’Institut du Monde Arabe osent le faire aujourd’hui.

Michel Taube
avec Ramin Namvari et Cécile Michiardi

http://www.opinion-internationale.com

La tolérance religieuse : un fondement pour la démocratie ?

 Par Fleur Pellerin, Ministre de la Culture et de la Communication

Pour la troisième année consécutive, le festival Mode d’Emploi, conçu par la Villa Gillet, fait de la région Rhône-Alpes un lieu d’échanges, de débats et d’idées au croisement des arts, de la littérature et des sciences humaines.

Du 17 au 30 novembre, penseurs, chercheurs, décideurs, entrepreneurs, acteurs de la vie publique et artistes iront à la rencontre du public, à Lyon, Saint-Etienne, Chambéry ou Grenoble, pour nous inviter à interroger le monde d’aujourd’hui en replaçant les sciences humaines au cœur du débat citoyen.

Donner à chacun les outils pour comprendre le monde et penser le futur est un enjeu démocratique majeur, je me réjouis donc de la place accordée à la jeunesse, aux chercheurs et intellectuels de demain. En investissant les universités, grandes écoles et laboratoires de recherche lyonnais, le festival Mode d’Emploi permet le renouveau démocratique et l’émergence de nouveaux talents.

KarenBarkey

25/11/2014 >  14:00 15:30

Médiathèque Roger Martin du Gard
Place Roger Salengro / 04 78 70 96 98
Saint-Fons

La Médiathèque Roger Martin du Gard de Saint-Fons invite l’historienne Karen Barkey (USA) et la politologue Nadia Urbinati (IT/USA).

Rencontre conçue avec une classe du Lycée Les Chassagnes (Oullins).

Entrée libre dans la limite des places disponibles.

En savoir plus sur les invitées : Nadia  Urbinati et Karen  Barkey

http://www.villagillet.net/portail/mode-demploi/details/article/la-tolerence-religieuse-un-fondement-de-la-democratie/