«Les dieux sont morts. Oui, ils sont morts de rire en entendant l’un d’eux dire qu’il était le seul. » Cette boutade aux allures de blague juive n’est pas due à la plume de quelque humoriste inspiré, mais à celle du cinglant Nietzsche (Ainsi parlait Zarathoustra, 3). Preuve que la philosophie la plus rigoureuse sait utiliser les ressorts du comique pour appuyer sa pensée. Il en est de même pour les religions. Alors qu’on les imagine volontiers austères, rigides, pince-sans-rire, les traditions religieuses ont toutes, chacune à leur manière, exploré les voies de l’humour. De plus ou moins bonne grâce, il est vrai. Au Monde des Religions, nous en faisons l’expérience quotidienne. On rit finalement beaucoup en préparant nos sujets. Du reste, par une amusante coïncidence, le sigle du Monde des Religions n’est-il pas MDR, comme « mort de rire », en langage SMS ?
Plaisanterie mise à part, il faut reconnaître que cette franche rigolade est sans doute proportionnelle à la profondeur, voire à la gravité des thématiques que nous sommes amenés à traiter. L’humour est cette soupape de sécurité qui se déclenche pour réintroduire un peu de légèreté, de souffle, despiritualité dans ce que les religions peuvent avoir d’étouffant. D’ailleurs, « être spirituel », en français, signifie autant être porté sur le travail de l’âme que manifester un goût prononcé pour les phrases piquantes… Car derrière ce sujet au demeurant badin – idéal pour un numéro d’été – se cachent, vous l’avez compris, des questions diablement sérieuses. Ce n’est pas sans raison que le christianisme se méfie du rire, qui est l’attribut de Satan.
De fait, toutes les religions n’ont pas, loin s’en faut, le même sens de l’humour. Sous l’humour, le blasphème guette… Et l’actualité nous montre bien à quel point des croyants ne rient pas du tout – ou rient jaune – lorsque d’autres se gaussent d’eux. Faut-il, dès lors, instaurer une « charte de bonne conduite » du rire ? La question a été débattue mille fois. Pour ma part, je pense que s’il fallait instaurer une limite à l’humour, ce serait celle de la Règle d’or, cette maxime de sagesse connue depuis la nuit des temps dans toutes les traditions spirituelles : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse. » Pour le reste, je trouve quand même que le manque d’humour nuit gravement à la santé – à la sienne propre comme à celle des autres. Dans la vie, mieux vaut éviter d’être trop sérieux. Sans quoi on a vite fait de se prendre au sérieux. « Dieu m’a fait une blague », dit Sarah, l’épouse d’Abraham, après que Dieu lui a donné la grâce d’avoir un enfant – Isaac (« il rit », en hébreu). Elle était alors âgée de 90 ans (Genèse 21,6). Une sacrée blague.
Devant une foule nombreuse venue l’écouter au centre Claverie, Cheikh Khaled Bentounès a commencé son intervention en rappelant ses amitiés avec feu Claverie tué par le terrorisme en disant « j’ai un lien particulier avec cette maison. ( …) L’ami enterré ici venait souvent à la zaouïa de Mostaganem où on discutait notamment de l’avenir de notre pays».Ce qui l’a amené à avancer que «la tradition musulmane incite à la rencontre de l’autre». Après un long développement, il conclura «c’est la rencontre avec l’autre qui nous permet d’accéder mieux à nous-mêmes». Il ajoutera que «Dieu a mis en chacun de nous un secret: cette capacité de comprendre l’autre». Ce qui pourrait nous faire éviter «ce labyrinthe de classification» consistant à trier les humains en noir et blanc; croyant, non croyant; musulman; non musulman; sunnite, chiite ..Une fois le cadre défini, la place « de la rencontre des autres » dans les religions, Cheikh Khaled Bentounès abordera le sujet de sa conférence portant sur son initiative pour « l’institution d’une journée du vivre-ensemble » par les Nations unies. Il s’interrogera « que faire dans un monde rentré dans les turbulences ? » Et de surprendre son assistance en tonnant « nous vivons une époque magnifique». Il se réfère aux statistiques des Nations unies pour affirmer que « la violence a baissé de l’ordre de 17% par rapport au 18 et 19ème siècle » alors que « la population mondiale s’est multipliée par sept ». Il estimera que « la communication au niveau universel se fait sur la violence et non la paix » ce qui nous donne l’impression de « vivre dans un monde violent ». Abondant dans ce sens, il réfutera que la région du Moyen-Orient, berceau de toutes les religions monothéistes, soit la région la plus violente. « C’est l’Amérique du Sud où sévit la violence », lance-t-il. Pour Cheikh Bentounès « la réalité n’est pas aussi catastrophique ».Sur son projet, présenté à l’ONU il y a quelques mois, suite au Congrès mondial sur « la Femme et la Paix » organisé à Oran, en novembre dernier, il affirme « qu’il a été bien reçu » par les instances internationales. Il ajoutera que « 6000 délégués » représentant les pays membres de l’ONU, l’ont reçu. Ceux avec qui il s’est entretenu lors de son passage à New York lui ont demandé pourquoi juste « une journée pour le vivre-ensemble », indique t-il. Façon de dire que « le vivre-ensemble » supposant l’acceptation de l’autre en dépit de ses différences, doit être l’attitude de tout un chacun l’année durant. Cheikh Bentounès réclame un million de signatures pour pouvoir imposer son projet. Dans ce sens, il dira « une signature, c’est votre empreinte que vous allez apposer à ce merveilleux édifice ». Il donnera juste un chiffre pour expliquer la nécessité et l’urgence de s’inscrire dans une démarche pour la paix. « Le coût de la violence se situe à 9,47 trillions de $ par an ». Or, le 1/10 de cette somme peut permettre à tous les enfants d’Afrique de s’épanouir et de rêver d’un monde meilleur au lieu de se lancer dans des suicides collectifs en voulant rejoindre les rivages du Nord.
Lorsqu’il s’agit de dompter des pulsions destructrices, parier sur Dieu est peut-être la meilleure chose à faire. Demandez simplement à ceux qui se sont tournés vers les Alcooliques Anonymes. Les fameuses 12 étapes des AA sont indéniablement spirituelles et encouragent les membres à abandonner leur sort à une puissance supérieure, en échange de la force de pouvoir surmonter leurs démons. Les AA restent le programme le plus utilisé au monde pour guérir d’une addiction.
L’approche fondée sur la foi n’est pas une coïncidence. Des études ont démontré qu’intensifier une pratique spirituelle pouvait mener à la diminution de la consommation d’alcool et que les adolescents qui pratiquent une religion régulièrement ont plus de chance d’éviter les comportements à risque comme la cigarette, les rapports sexuels non-protégés, les drogues et l’alcool.
Mais ce ne sont pas les seuls risques que les gens peuvent prendre.
Dans une nouvelle étude publiée dans Psychological Science, des chercheurs de l’université de Stanford ont découvert que le fait de croire en Dieu pouvait en réalité avoir l’effet opposé: la foi en une puissance supérieure peut encourager les gens à prendre des risques plus grands.
La distinction clé est la nature du risque. En examinant les études précédentes, les chercheurs ont réalisé que la plupart des comportements à risque observés (boire, parier, fumer) ont tendance à avoir une dimension morale.
«Penser à Dieu pousse les individus à se détourner des choses immorales de manière plus générale», m’a expliqué Daniella Kupor, diplômée de l’école de commerce de l’université de Stanford et auteure principale de l’étude.
«Nous nous sommes demandés si, lorsqu’il s’agissait de risques sans connotations morales, penser à Dieu pouvait amener les gens à se sentir protégés et en sécurité, et donc rendre ces personnes plus disposées à prendre des risques.»
Et c’est vraisemblablement le cas. Dans le cadre de cette étude, Daniella Kupor et ses co-auteurs ont interrogé près de 900 participants et ont trouvé qu’ils étaient plus susceptibles d’envisager des activités risquées (comme sauter en parachute, faire du vélo sans casque, ou faire des avances romantiques audacieuses) après avoir lu des mots ou des extraits de textes relatifs au Divin. Après avoir lu une liste de textes religieux ou de mots comme «Dieu» ou «divin», les participants qui ont dû choisir entre un comportement sans risque et un comportement risqué avaient plus de chances d’opter pour le second.
Les chercheurs ont attribué cette découverte à la façon dont les participants voient Dieu. Pour ces personnes, il n’est pas un Dieu en colère, de feu et de souffre, ni le membre d’un panthéon polythéiste, mais plutôt une source de protection divine. Ce n’est pas très surprenant: la plupart des participants de l’étude ont signalé appartenir à une foi judéo-chrétienne, ce qui signifie qu’ils ont une vision similaire du tout-puissant. Comme un gilet pare-balles, ou la plume magique qui permet à Dumbo de voler, ils font confiance à ce talisman protecteur pour les accompagner au travers du danger.
Dans l’un des questionnaires, il a été demandé aux participants s’ils acceptaient de regarder une «couleur extrêmement vive» qui pouvait potentiellement abîmer leurs yeux en échange d’une petite prime. Plus de 95% des personnes qui avaient lu des références bibliques ont choisi de regarder cette couleur contre 84% pour les autres. Une autre étude démontre que ceux qui ont reçu des «rappels» de Dieu étaient plus enclins à considérer la pratique de sports extrêmes, comme le saut en parachute. Après tout, pourquoi ne pas sauter d’un avion quand vous savez que Dieu est là pour vous protéger, ou au moins vous envoyer au paradis si vous ne réussissez pas?
Les chercheurs ont pu avoir un plus grand aperçu de la relation à Dieu des participants quand ils ont testé ce qu’il se passait lorsqu’une prise de risque finissait mal. Dans l’une des expériences, les participants ont pris part à un exercice qui était truqué de telle sorte à ce qu’ils perdent constamment de l’argent. Dans un sondage réalisé a postériori, ils ont affirmé se sentir plutôt mal face à leur supposé protecteur divin. Comme si vous faisiez un exercice de confiance où l’on ferme les yeux et se laisse tomber en arrière en espérant que quelqu’un vous rattrape et que cette personne vous laisse tomber. Et il était censé être quelqu’un de si sympathique.
Pour George Stavros, directeur exécutif de l’Institut Danielsen sur la religion et la psychologie de l’Université de Boston, l’étude permet de rappeler que prendre des risques ne revient pas toujours à mal se comporter. «La question est: Qu’est-ce que l’intentionnalité ?», explique George Stavros, qui ne fait pas partie de l’équipe de chercheurs ayant réalisé l’étude.
«Dans certains cas, la prise de risque mûrement réfléchie peut permettre aux gens de se sentir vivants.»
Comprendre comment l’idée de Dieu peut impacter les individus de manière différente selon le type de risque à portée de main pourrait également avoir des implications dans le développement des programmes de guérison. Lorsqu’il s’agit d’actions clairement immorales, par exemple, une dose de bonne vieille culpabilité catholique/juive/musulmane/placez ici le nom d’une autre religion peut encore être la solution. Mais si vous essayez de diminuer votre addiction au saut en parachute, ne regardez pas vers Dieu: il est à côté, en train de vous encourager.
Un numéro historique de Charlie Hebdo continue de s’arracher dans tous les kiosques de France. Historique est ici à prendre au sens littéral, dans lequel l’histoire est ce mouvement qui transforme les hommes, les ensembles, les puissances. Cette histoire est-elle «pleine de bruit et de fureur, racontée par un idiot, et qui ne signifie rien», pour reprendre la tirade fameuse de Hamlet ? En tout cas, elle nous emmène tous quelque part où nous n’étions pas auparavant.
Ce vendredi 16 janvier, jour de prière pour les musulmans, des prêcheurs échauffés ont expliqué aux fidèles, de par le monde, que Charlie Hebdo, une fois encore, insultait le prophète sur sa Une. Les douze personnes massacrées le 7 janvier à l’hebdomadaire satirique pèsent peu, pour certains, face à une telle accusation. Et «la rue musulmane» a une fois de plus résonné de cris de colère contre l’Occident : des drapeaux français ont été brûlés, des instituts français incendiés, il y a eu au moins quatre morts au Niger, un photographe de l’AFP a été grièvement blessé au Pakistan.
Les intégristes ont une excuse : ils n’ont certainement pas regardé cette Une de peur d’y voir un sacrilège. S’ils osaient lever les yeux avant de lever le poing, que verraient-ils ? Un personnage en turban blanc, sur fond vert islam, la larme à l’œil et tenant une pancarte «Tout es pardonné». Où est Mahomet sur cette Une ? Rien ne dit que c’est lui. D’ailleurs on serait bien en peine de le reconnaître puisqu’il n’est jamais représenté, en tout cas dans la tradition musulmane sunnite –les Persans chiites, eux, l’ont longtemps fait figurer sur leurs exquises miniatures.
Nous sommes bien là devant un problème de représentations, sans mauvais jeu de mot. Les commentateurs de l’islam le plus rigoriste – par exemple le courant wahhabite – poussent l’interdit de la représentation de Dieu jusqu’à l’extrême : Dieu, inconnaissable, ne peut être représenté ; par transitivité, le Prophète Muhammad (Mahomet) non plus ; par extension la figure humaine non plus ; et jusqu’aux animaux, créatures de Dieu. Dans cette logique, la photographie et les vidéos, si prisées de ceux qui se proclament djihadistes, ne semblent pas très halal. Mais le dessin est une technique très ancienne, qui existait déjà au VIIe siècle, époque à laquelle disent se référer certains «docteurs de la loi» (oulémas) pour faire valoir au XXIe siècle un iconoclasme inflexible (l’iconoclasme est la destruction des images assimilées aux idoles adorées par les païens).
Les représentations, l’Occident chrétien en a aussi. Et elles méritent tout autant d’être prises en considération, décryptées et même respectées que celles de l’Islam (avec une majuscule, pour parler de l’aire culturelle musulmane). Voilà ce qu’un œil français voir sur cette Une de Charlie Hebdo, réalisée avec un courage impressionnant par des gens épouvantés, endeuillés, parfois blessés quelques jours auparavant. Il y voit un message foncièrement fraternel. L’homme au turban blanc, un musulman standard selon les codes simplifiés du dessin de presse, loin de faire peur ou d’éloigner, rapproche par sa compassion : il pleure, et il pardonne.
Ce «Tout est pardonné» est une parole chrétienne. Il est impossible de l’ignorer, même si la miséricorde n’est pas une exclusivité chrétienne. Surgi sous le crayon de Luz dans le pire moment de souffrance, ce pardon montre que les caricaturistes, y compris les athées et les anticléricaux de Charlie Hebdo, appartiennent à cette culture chrétienne où l’injonction « pardonne à tes ennemis » est profondément inscrite dans les consciences – ou les inconscients. Là où beaucoup de musulmans, y compris en France, voient une provocation, la plupart des Français, et parmi eux des musulmans, voient un geste de réconciliation, une main tendue. Pardonner malgré notre propre colère, c’est ce qui nous est présenté comme la bonne chose à faire – tant dans l’éducation laïque que dans l’éducation religieuse.
Comme disait Catherine Nay sur Europe 1 ce samedi matin, les pays musulmans ne comprennent pas que nous ne comprenions pas ce qu’ils ressentent. De notre côté, nous ne comprenons pas qu’ils ne comprennent pas ce que nous ressentons. L’histoire est faite de ces moments. Dans notre intérêt à tous, il ne faut pas en sous-estimer le danger. En ce sens, la présence de hauts représentants musulmans ou de pays musulmans à Paris dans la marche des «Je suis Charlie», ne doit pas être ridiculisée ou minimisée. Le roi et la reine de Jordanie, les imams français ou le ministre des affaires étrangères turc, en défilant à Paris contre le terrorisme paré du nom d’Allah, ont pris, eux aussi, des risques.
« Islam is love » : 8 reportages pour comprendre l’islam
8 vidéos pour montrer la complexité du monde musulman et de mettre en avant les aspects peu médiatisés (et pacifiques !) de l’islam.
[Replay 28′] La Tribune publie chaque jour des extraits issus de l’émission « 28 minutes », diffusée sur Arte. Aujourd’hui, « islam is love » !
Novembre 2014. Nous sommes à la rédaction de 28′, en pleine préparation d’une nouvelle émission consacrée à l’État islamique et au chaos qu’il fait régner en Irak et en Syrie. Dans notre recherche d’images pour illustrer l’émission du soir, une vidéo de propagande de Daesh fait tilt. On y voit des pelleteuses, puis des barbus détruire une mosquée. L’image des engins qui s’acharnent sur un dôme ne nous fait pas grand chose. En revanche, en voyant ces hommes pénétrer un lieu sacré et défoncer un autel à coup de pied, de bottes, les bras nous en tombent…
Attendez un peu ! Ces hommes qui prétendent vouloir instaurer un califat musulman, qui donc agissent au nom d’une religion, l’islam, sont en train de détruire une mosquée ?
Mais alors… De quoi parlent-ils ? Quel croyant détruit son lieu de culte ? On a tous déjà entendus parler des iconoclastes qui détruisaient les icônes chrétiennes au Moyen-Âge byzantin, mais l’État islamique, à nos yeux, va plus loin. Il anéantit ce qu’il défend. Et nous, médias, parlons de ces intégristes comme des représentants de l’islam. Il n’en est rien. Ctte question donc : c’est quoi l’islam ? Le vrai islam ?
Nous sommes partis rencontrer des religieux, des artistes, des chercheurs, des journalistes pour qu’ils nous parlent de leur religion (ou pas). Ils nous ont emmenés à Cordoue, en Indonésie, en Algérie, en Iran, à Médine. Ils nous ont parlés de tolérance, de paix, de spiritualité, de poésie, de sexe. Nous voulions qu’ils nous montrent le revers caché de la médaille… Et devinez ! Sur cette face, une inscription : islam is love !
Il était une fois Cordoue…
24 septembre 2014. L’assassinat d’Hervé Gourdel par des djihadistes dans les montagnes kabyles réveille chez les Algériens les vieux démons de la « décennie noire ».
17 septembre 2014. Une semaine avant ce meurtre, le ministre des Affaires religieuses algérien, Mohammed Aïssa, avait appelé, dans un grand entretien à « El Watan », à « retrouver une pratique modérée de l’islam ». Nommé le 5 mai 2014, il veut « dépoussiérer [leur] islam ancestral ». Car « chaque fois qu’il y a eu égarement, cela a donné lieu à l’extrémisme », constate-il.
Cet entretien devient dès lors un appel inédit qui résonne dans la société algérienne. Pourtant, Mohammed Aïssa se défend d’avoir un discours nouveau ou de rupture. Au contraire, il en appelle à un islam historique : il veut « réconcilier les Algériens avec l’islam authentique ».
« Nous avons oublié que nous appartenons à une civilisation qui a jailli de Cordoue (…). L’Algérie avait accueilli ceux qui ont été harcelés par l’inquisition en Espagne et qui sont venus avec leurs arts, leur savoir-faire, leur réflexion et leur philosophie. C’est ça l’Algérie qui a été contrainte à oublier ses jalons et ses repères. Comment faire en sorte de renouer avec l’islam de Cordoue ? » continue-t-il.
« L’islam de Cordoue ». L’expression a retenu notre attention.
La civilisation dont il parle est celle qui a émané du califat de Cordoue, en Andalousie. Fondé en 929, le califat connaît son apogée vers les années 960 avant de s’effondrer en 1031. Quelques décennies qui restent une période historique à part. Une période où, dans le sud de l’Espagne actuelle, cohabitent pacifiquement musulmans, chrétiens et juifs dans un saisissant foisonnement intellectuel, culturel et artistique. C’est l’époque du philosophe musulman Averroès et du philosophe juif Maïmonide… Cette civilisation, c’est au sein d’un califat qu’elle s’est épanouie.
C’est donc à l’islam de cette époque que Mohammed Aïssa veut que l’Algérie revienne…
Mais qu’est-ce que c’est que cet islam ? Un islam modéré et tolérant ? Une parenthèse close dans l’histoire des musulmans ? Un mythe ? Un idéal ? Une réalité ?
Pour en savoir plus, nous avons posé la question au journaliste et écrivain algérien Kamel Daoud, au calligraphe Hafid El Mehdaoui, au cheikh Bentounès et à l’artiste plasticien Rachid Koraïchi.
Femmes : deuxième sexe, premier islam
Il y a quelques semaines, nous avons reçu sur le plateau Mehran Tamadon, réalisateur téméraire qui s’est entretenu tout un week-end avec des mollahs iraniens. Sur la question du rapport homme-femme, leur point de vue est flippant : « l’homme est faible et la femme un virus. » Merci messieurs. Cette fois encore, nous nous sommes demandés si le revers de la médaille islamique ne pourrait pas nous apporter quelques surprises, du moins un peu de mesure… Pourquoi le monde masculin musulman a-t-il peur du deuxième sexe ?
Éléments de réponse avec Amira Yahyaoui, blogueuse tunisienne, Chahla Chafiq, sociologue iranienne, Elisabeth Inandiak, journaliste installée en Indonésie et le Cheikh Bentounès.
Le calligraphe
Hafid El Mehdaoui a quitté l’Algérie avec sa famille en 1994 alors que la « décennie noire » faisait rage. Jeune adolescent, il rejette l’islam qu’il avait connu alors : un islam violent et radical.
Parallèlement, Hafid maintient en vie les liens avec sa culture d’origine par la calligraphie. Enfant, elle ornait les murs de sa maison. Peu à peu, il s’y est intéressé, s’y est essayé. Et il y a découvert la spiritualité musulmane : un message pacifique et prônant l’amour.
Son parcours et son art nous ont intéressé.
L’Indonésie diverse mais unie
« Moi Jokowi, appartient à l’islam rahmatan lil alamin, l’islam porteur de paix et non de haine. »
Saviez-vous que Barack Obama avait un frère caché en Indonésie ? Air de ressemblance et air de changement qui flotte sur l’Indonésie depuis l’élection de Joko Widodo, le 22 juillet 2014.
« Je n’appartiens pas à cet islam arrogant qui dégaine son épée de ses mains et de sa bouche ».
Qu’on se le dise : l’islam n’est pas incompatible avec la démocratie ! Et c’est le plus grand pays musulman du monde qui nous le montre. Elisabeth D. Inandiak et Le cheikh Bentounès nous y emmènent.
Le monde des soufis
Une fois nos recherches lancées, un mot a vite émergé : « Soufisme ». Difficile de mêler amour et islam sans parler de soufisme.
Pas facile non plus de définir ce qu’est le soufisme. Ce serait à la fois « le coeur de l’islam », son essence, une « pratique spirituelle intérieure » et en même temps une philosophie bien plus ancienne, une lumière qui nous viendrait de la nuit des temps…
Pour résumer, un islam transmis de génération en génération depuis Mahomet jusqu’à nous, grâce à des confréries et à leurs guides, les cheikhs. Ou des cheikha d’ailleurs ! Une des plus importantes confréries soufies de Turquie (où la culture soufie est très présente) est dirigée depuis des années par une femme, la cheikha Nur.
Le soufi centre sa vie autour d’une pratique intérieure de l’islam et de la recherche de la vérité. Une vérité propre à chacun et universelle en même temps… Bref, le soufi respire.
L’islam en vers
Nous vous proposons une interlude poétique avant de retourner dans le vif du sujet.
Laissez-vous porter par la voix d’Abd Al Malik qui rappe l’amour, puis découvrez quelques vers du grand poète soufi Rumi, lu par Rachid Koraïchi. Poète d’aujourd’hui et poète historique pour des paroles intemporelles.
C’est quoi le djihad ?
Abd Al Malik et le cheikh Bentounès nous proposent leur définition du djihad… Et pas besoin d’aller en Syrie.
Let’s talk about sex !
Et le sexe dans tout ça ? Alors que le prêtre doit montrer son amour pour Dieu par sa chasteté, l’imam peut, quant à lui, profiter pleinement de sa vie sexuelle.
Malek Chebel, anthropologue des religions, a beaucoup travaillé sur l’érotisme dans l’islam et dans le monde arabe. « L’islam est la religion de toutes les gourmandises », nous a-t-il dit. Première nouvelle ! Forcément, on a voulu en savoir plus….