Le parcours professionnel et les compétences relationnelles devraient être des éléments déterminants dans le recrutement.
Je déjeunais récemment avec un ami qui travaille dans un grand groupe industriel français. Il m’a raconté l’anecdote suivante.
Alors qu’il était à une réunion, un responsable de la DRH dit : « Pour ce poste, je vois bien un polytechnicien de 40 ans ».
Il répond : « Tu viens de donner trois paramètres qui ne servent à rien : le sexe, le diplôme et l’âge, alors que ce qui compte c’est seulement que la personne dispose des compétences nécessaires pour ce poste ».
Cet exemple illustre la particularité française qui conduit à évaluer les gens sur leur formation initiale, comme si l’école suivie constituait un statut que l’on avait à vie et qui épargnait toute évaluation ultérieure, comme si ce que vous aviez fait à 20 ans était ce qui comptait le plus, même à 50.
Un regard à changer sur le recrutement
Pour sortir de ce travers français, il faut faire évoluer le mode de recrutement, en finir avec le clonage, la recherche d’une expertise en silo. Aujourd’hui, il importe de promouvoir la diversité, entendue comme la représentation de la France dans toutes ses composantes, avec des hommes et des femmes, des personnes de tous âges, de toute origine. C’est l’agrégation des talents dans leur altérité qui permet à une entreprise d’appréhender la vie économique dans sa complexité. Ce n’est pas la consanguinité ou l’endogamie.
À cet égard, le clonage, s’il est recherché au détriment des compétences relationnelles ou culturelles, présente un risque élevé de stérilité. Le clonage permet de faire face aux problématiques au fil de l’eau, mais pas de penser le changement. Or aujourd’hui, le changement, qu’il soit technologique, culturel ou générationnel, caractérise la plupart des contextes des entreprises.
Les compétences transverses, soit la capacité à faire travailler ensemble des personnes aux aptitudes différentes, paraît source de richesse pour l’entreprise. Ce que les Américains nomment intelligence émotionnelle, à savoir l’aptitude à engager des rapports fructueux avec les autres, et qui n’est pas une matière scolaire, devient une compétence clef.
La posture idéale d’un candidat, innovante, mais encore peu répandue
Un candidat qui veut répondre à ces nouvelles exigences de recrutement modifie sa manière de se présenter. Lorsqu’il se présente, il doit d’abord privilégier son parcours professionnel sur sa formation initiale. Ce qu’il a fait dans sa vie compte infiniment plus que l’école qu’il a suivi avant de travailler. Et si l’école l’a bien préparé à la vie active, c’est surtout sur sa capacité à faire fructifier ses expériences professionnelles.
Il doit aussi, lorsqu’il candidate à un poste de management, faire prévaloir son attitude sur ses aptitudes. C’est sa capacité à fédérer les équipes en combinant des savoir-faire différents, à entraîner les salariés en étant exemplaire, à valoriser l’entreprise et son cheminement stratégique en clarifiant les enjeux qui sont les clefs de la réussite dans son poste.
Il doit enfin s’intéresser aux faits avant de promouvoir des idées. C’est l’inverse du vieux slogan : « En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées », auquel il faut casser le cou. Il est certes important d’avoir des idées, mais elles ne doivent pas être a priori. Les idées doivent naître d’une analyse de l’existant et d’une approche pragmatique. L’audace, ce n’est pas tant l’idée que sa capacité à la mettre en œuvre.
S’il adopte ces principes pour présenter son offre professionnelle, le candidat ne sera pas toujours dans le ton et ne sera pas forcément choisi. Mais il apprendra qu’être embauché résulte d’un double choix : celui d’être sélectionné certes, mais aussi celui de choisir son poste, car les deux parties prenantes à un recrutement sont également demandeuses.
Pierre Birnbaum est historien et sociologue. Professeur émérite à l’université Paris I-Panthéon-Sorbonne, il a publié La République et le cochon (Seuil, 2013). Dans cet ouvrage, il montre combien la question des particularismes alimentaires a suscité des débats passionnés dès avant la naissance de la République française, et analyse de quelle manière l’État, si attaché au principe de laïcité, a envisagé l’exception alimentaire, de la Révolution à nos jours. Une analyse bienvenue, à l’heure où cette question suscite des débats enflammés au niveau politique.
Depuis plusieurs mois, on note dans la vie politique française une crispation sur la question du casher, et surtout du halal. Ce débat est-il spécifique à notre époque ?
Non. Dans mon livre, j’étudie le rapport entre l’universalisme des Lumières au XVIIIe siècle et la spécificité des comportements alimentaires. Ce thème surgit chez celui qui symbolise le plus l’esprit des Lumières : Voltaire. Il se montre hostile à toute forme de séparation interne à la nation – sans qu’il y ait nécessairement une dimension antisémite dans ses propos. La même question rejaillit aujourd’hui : jusqu’où peut-on tolérer l’exceptionnalisme dans notre société ? Avec une crainte sous-jacente : que cela porte atteinte au socle républicain.
Ces polémiques ont-elles affecté les autres pays européens ?
Alors que les philosophes français et les Jacobins ont développé l’idée d’un corps unifié de la nation – homogénéisé par la raison –, les Lumières à l’anglaise se sont ouvertes au pluralisme et au libéralisme. Un événement illustre à merveille cette ouverture des pays anglo-saxons. Le 4 juillet 1788 – jour de la fête de l’Indépendance des États-Unis –, une grande parade a lieu à Philadelphie. La fête s’achève par un immense banquet réunissant des milliers de citoyens. Parmi eux, des rabbins mangent de la nourriture casher, sans que personne ne s’en offusque. Ce qui compte, c’est de participer non à la nation, mais à une « Nation of nations », comme le dit George Washington. Au même moment, en France, les révolutionnaires vont détruire toute forme d’identités collectives : patois, corporations, etc., et rêver d’une table commune à tous les citoyens.
La période de la Révolution affectionne les banquets, propices à l’épanouissement d’un esprit citoyen. Pourquoi ?
Le restaurant est une invention française qui date du XVIIIe siècle. Le député Charles de Villette, proche de Voltaire, se plaît à imaginer un banquet utopique où l’on verrait « un million de personnes assises à la même table (…) ; et ce jour, la nation tiendrait son grand couvert. » C’est le rêve républicain de la réconciliation des différences. Tous ceux qui ne viennent pas manger au banquet de la nation en raison de leurs croyances – même s’ils sont patriotes – posent problème. Dans les pays anglo-saxons, au contraire, la nourriture est une affaire privée. Le repas n’a pas cette dimension collective. S’il est très difficile de savoir avec précision ce qu’on mangeait lors des banquets républicains, le cochon y était partie prenante. De même en ce qui concerne les menus publics des présidents français ou des préfets : aujourd’hui encore, il s’agit bien souvent de mets que des juifs religieux ne peuvent manger.
Des voix se sont-elles élevées contre cette volonté d’uniformisation alimentaire ?
Il faut savoir que les catholiques, bien plus que les juifs, ont souffert de cette intransigeance jacobine. Ceux qui mangeaient du poisson le vendredi risquaient la prison ! Certains catholiques ont donc pris position contre l’universalisme jacobin, en particulier le comte de Clermont-Tonnerre, qui déclara : « Y a-t-il une loi qui m’oblige à manger du lièvre et à en manger avec vous ? » Il milita en faveur de l’émancipation des Juifs, processus qui leur a permis de devenir des citoyens à part entière de la nation française, bénéficiant des mêmes droits que leurs compatriotes. Clermont-Tonnerre s’est opposé à ceux qui considéraient – et ils étaient nombreux – que les Juifs ne pouvaient être émancipés parce qu’ils « ne pourront ni boire ni manger, ni se marier avec des Français ! », comme le clamait le Jacobin Reubell en 1790. L’abbé Grégoire, lui aussi, a défendu l’idée que la fraternité n’était pas incompatible avec le maintien de nourritures distinctes.
En 2012, le Premier ministre François Fillon a qualifié les régimes halal et casher d’« anachroniques ». Or, ils semblent connaître un regain d’intérêt à l’heure actuelle. Comment l’expliquer ?
C’est toute la question de la légitimité du religieux qui se pose ici. Toute forme de croyance peut être jugée anachronique au siècle où la technologie est reine. Le possible retour de ces pratiques alimentaires témoigne d’un besoin de réenchantement du monde qui ne remet pas nécessairement en cause les valeurs universalistes et la citoyenneté. Cela dit, un tel retour reste difficile à évaluer, car on ne sait pas grand-chose de la réalité de ces pratiques, du moins pour la cacherout, aux siècles antérieurs.
Candidat à la présidentielle, François Hollande déclarait que, lui élu, le halal ne serait jamais toléré dans les cantines. Les spécificités alimentaires sont-elles incompatibles avec une société laïque ?
Je ne le crois pas. Il y a eu une forme de translation du modèle catholique au modèle républicain. La table républicaine, c’est la Cène métamorphosée, la communion républicaine. S’il est nécessaire d’éviter toute forme de communautarisation dans l’espace public, il faudrait que chacun puisse consommer, à la table de la République, une nourriture conforme à ses valeurs. Sous la IIIe et la IVe République, l’école avait su se montrer tolérante et ouverte au pluralisme. Le temps des accomodements raisonnables semble aujourd’hui problématique.
Le cochon apparaît comme l’objet du clivage, comme le montrent les manifestations « saucisson et pinard » organisées depuis quelques années. On a l’impression qu’aux yeux de ceux qui s’élèvent contre la cacherout ou le halal, être français, c’est manger du cochon ?
Ce type de manifestation n’est pas anodin car il reflète le rêve qu’ont certains d’homogénéiser de manière identitaire l’espace public et la citoyenneté. Il y a deux ans, une quarantaine de députés ont commémoré la fête nationale autour d’un apéritif « saucisson-pinard » au sein même de l’Assemblée nationale. Les banquets révolutionnaires s’en prenaient certes aux particularismes, mais c’était au nom de l’universalisme, dans une volonté d’intégration. Ici, on se trouve face à des repas organisés pour exclure l’autre qui n’en est pas moins citoyen.
Propos recueillis par Virginie Larousse – publié le 25/03/2015
Toujours dans le cadre de son cycle d’activités sur la thématique de « l’interculturalité et Vivre Ensemble » et surtout suite au succès retentissant de la première étape de ce cycle que fut la venue d’Antoine Sfeir, l’association AMAL, le Cercle Bernard Lazre et l’ATI-CDR vous invitent une nouvelle fois à venir partager un moment passionnant et enrichissant.
Le 26 mars 2015 à 18h ces associations vous proposent une Projection-Débat autour du film « Premiers jours en France » de Farid Haroud.
Film documentaire composé d’une série de témoignages de 4 minutes sur le premier jour vécu en France.
Cette série de clips fait connaître la complexité des parcours des personnes immigrées ou d’origines diverses, la diversité des motifs de leur arrivée en France durant ces trente-cinq dernières années, leur capacité à dépasser les difficultés et les traumatismes liés à l’exil et au déracinement.
Suivra un débat animé par M. Hanus Philippe, Coordinateur scientifique du pôle ‘histoire-mémoires » au CPIE-Vercors/réseau Memorha et M. Abdellatif Chaouite, Formateur à l’association ADATE et rédacteur en chef de la revue « Ecart d’identité ».
Difficultés à trouver un emploi, stigmatisation liée à leur religion? : de plus en plus de jeunes Français, souvent bac + 5, songent à s’installer à Dubai.
Elle donne rendez-vous au pied des tours de la Défense. Dans ses yeux miroitent celles de Dubai. Chayma Haddou, 31 ans, titulaire d’un master en langues et d’un autre en business et stratégie, a achevé il y a peu un contrat de deux ans dans une grande banque. Elle est partie dans la foulée en repérage dans le Golfe, son « rêve américain ». C’était en janvier, la semaine des attentats. « Quand j’ai vu ça, je me suis dit que ça allait être dur pour nous, les musulmans… Ça m’a donné le cafard. » Dubai est, plus que jamais, une manière de se « fondre dans la masse », mais aussi « d’accélérer sa carrière ». « Ici, on n’a pas le droit d’oser, on n’est pas valorisé. En France, on est issu de l’immigration, alors que là-bas, on a la French touch! On a une double culture avec l’école de la République et pour moi le Maroc à la maison, sur les chaînes de télévision. On est né pour s’adapter. Là-bas, on a le profil idéal.
Pour boucler son projet, Chayma s’est rendue samedi dernier à une journée d’information organisée par l’association Hégire – pour « hijra » ou « exil » en arabe – destinée aux francophones musulmans installés dans le Golfe, 1.300 membres. Le restaurant de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) a fait salle comble : plus de 50 participants. « Depuis quelques mois, de plus en plus de jeunes nous contactent, confirme Khaled Boudemagh, responsable de la structure. On sent un ras-le-bol sur la discrimination, la stigmatisation. A Dubai, il y a moins de pression. On ne vit pas caché, et on pratique beaucoup plus librement notre religion. »
«Ce désir d’ailleurs diffère de l’alya des Juifs qui mettent le cap vers Israël. Il illustre surtout les doutes d’une génération balançant entre deux rives»
Fuir une conjoncture économique difficile et un climat tendu, briser le plafond de verre… Ce désir d’ailleurs diffère de l’alya des Juifs qui mettent le cap vers Israël. Il illustre surtout les doutes d’une génération balançant entre deux rives. En bons enfants de la mondialisation, ces bac +5, diplômés d’écoles de commerce ou d’ingénieurs, rêvent d’en faire un pont. Les pays anglo-saxons ne les intéressent guère ; leurs regards se tournent naturellement vers les Émirats arabes unis et notamment Dubai, qui accueille 15.000 Français, ou vers le Qatar, en plein essor économique.
« Avoir deux cultures peut être un levier »
Calepin en main, Chayma ne perd pas une miette de la discussion. Sa feuille de route est millimétrée : quitter Sevran (Seine-Saint-Denis), se faire embaucher sur place par une société idéalement française, mettre de l’argent de côté et revenir pour créer son entreprise, afin de « remercier ». « La France m’a éduquée. Je veux apporter ma pierre à l’édifice, prouver que la République a fait quelque chose de ses enfants issus de l’immigration. Les petits sont très négatifs. Il faut leur donner envie de rêver, leur montrer qu’on peut être maghrébin et réussir! »
A la table d’à côté, Mohammed, 24 ans, originaire de Roubaix (Nord), fraîchement diplômé d’une école d’ingénieurs, conte les remarques entendues pendant ses stages. « Tu jeûnes? T’es un extrémiste! », « Salut couscous »… Passé l’humiliation, son envie de réussir ne s’est pas estompée. Au contraire. « Petit, je n’ai pas toujours mangé à ma faim… Dubai, c’est mon objectif. Les salaires sont doubles ou triples! » Diplômé d’une école de commerce grenobloise, embauché dans un grand cabinet de conseil, Abdelkarim confirme : « La gueule de l’emploi, ça existe. Il y a de la méfiance vis-à-vis des communautés, la vie est lourde. Je veux partir pour changer d’air. » Prochaine étape, des vacances en immersion, puis démarcher sur des salons professionnels. « J’ai une culture française et une seconde culture maghrébine, tunisienne, confie le jeune homme de 25 ans. Je pense que ça peut être un levier. »
«Comptez au moins 700 euros par mois pour une chambre en colocation et n’acceptez pas de salaires trop bas»
Chayma, Mohammed et Abdelkarim mettront néanmoins les voiles en connaissance de cause : Khaled Boudemagh ne laisse fermenter aucune illusion sur la vie chère, l’absence de sécurité de l’emploi, la concurrence internationale, le fantasme de l’eldorado. « Comptez au moins 700 euros par mois pour une chambre en colocation et n’acceptez pas de salaires trop bas », en dessous de 2.000 euros net. En creux apparaissent aussi des interrogations sur la prière, le port du voile ou la barbe en entreprise. « Vous serez déçus si vous cherchez une pratique très rigoureuse, prévient Samy, trentenaire expatrié à Dubai. Même s’il y a des mosquées partout et qu’on ne travaille pas le jour de l’Aïd. De plus, les entreprises françaises sur place adoptent la même politique que dans l’Hexagone. » Mohammed l’a compris : Dubai n’est pas un « paradis islamique ». Qu’importe, il compte n’y faire qu’un passage. « Je suis parti en Turquie sept mois. Au bout d’un moment, j’ai eu envie de rentrer chez moi, la France. C’est important, le rapport au sol. »
A chacun sa morale, mais quand la cause est juste, l’action est nécessaire.
La marche de Selma s’attarde sur un tournant de l’histoire du mouvement non-violent de Martin Luther King.
Oui, il y a Montgomery avec les places assises de bus et Rosa Parks, mais il y a aussi Selma et le droit de vote. Et c’est un choix historique motivé que prend la réalisatrice Ana DuVernay.
1964. Selma, Bourgade d’Alabama. Alors que la ségrégation est bannie par le Civil Rights Act, les Etats du sud des Etats-Unis ne respectent pas tout à fait les lois. La ville est sous le joug d’un shérif violent et arriéré, le gouverneur est un pur conservateur. Le prochain objectif du mouvement de la Conférence des dirigeants chrétiens du Sud est l’obtention du droit de vote pour tous les Afro-Américains dans tout le pays. David Oyelowo (MI-5) y incarne superbement un King calculateur, dont la bonne foi est évidente dans les sermons qu’ils donnent qui ont tendance à se rapprocher à des harangues pour préparer ses hommes au combat. Le héros de toute une communautés d’hommes, incarnant les rêves et les espoirs d’un peuple trop souvent opprimé, fait face à l’adversité avec ses propres faiblesses personnelles. Sa cause semble juste, la bataille politique atteint le sommet puisqu’elle est entre le chef de file du mouvement et le numéro 1 de l’Etat, le Président Lyndon Johnson lui-même (Tom Wilkinson). Johnson est dépeint comme un opportuniste, et fait pâle figure face à l’omniprésence du Dr King. En grand méchant, on retrouve Tim Roth (oui, trois Anglais dans des rôles iconiques) qui est purement détestable.
Cette année, dans les candidats à l’Oscar du meilleur film, il y a quatre biopics. Mais Selma propose un biopic qui sort de l’ordinaire. Loin de prendre la totalité de la vie de Martin Luther King, ici, on s’attache à la période post « I have a dream » et prix Nobel pour se concentrer sur la petite révolution qui s’est déroulée à Selma. Là, où j’aurais reproché à Imitation Game, ou même à The Theory of Everything d’avoir trop romancé l’histoire, une histoire de droits civils (et civiques) mérite bien d’être un peu mieux emballée, mais pas pour autant édulcorée. Bien sûr, il faut garder les pincettes quant à la véritable personnalité du personnage principal, chaque version de l’histoire est différente, la vérité n’est jamais là où l’attend. Certes, sa reconnaissance comme défenseur des droits civils n’est plus à prouvée, mais le personnage est un peu trop parfait. C’est l’appel aux larmes auquel on a le droit durant les scènes de violence. Et malgré peut-être quelques plans hésitants, et une caméra un peu inexpérimentée, c’est un très beau film, digne et humain, qu’on a le plaisir de voir. Eh oui, Glory est une très belle ode au monsieur, à ses actions, et John Legend était le parfait interprète. Oprah Winfrey est l’un des producteurs du film, et l’une personnes à remercier pour l’avoir fait naître (et qui a voulu répéter son coup du Majordome).
On ne peut pas non plus s’empêcher de noter l’ironie qu’aucune des paroles prononcées par Oyelowo n’est à proprement parler tirée des discours de King. En effet, ses ayants-droits n’ont pas du tout endossé ce film. Ce qui est un peu dommage puisqu’il y a des images d’archives à foison, mais qui n’ont pas pu être insérées nulle part. Ce qui est indéniable, ce sont les résultats dans l’avancée des droits de l’Homme qu’il a réussi à entreprendre. Et c’est rempli d’espoir pour l’avenir qu’on ressort de ce film. Mais pas seulement, de fierté aussi de ce qui a pu être accompli dans le passé grâce à la solidarité des gens qui ont cru à l’égalité. Evidemment, c’est lorsque l’Homme est au plus bas que notre fibre solidaire se réveille, et cette marche sonne un distant écho aux marches de soutien pour la liberté d’expression et les journalistes de Charlie Hebdo. On a besoin d’une leçon de vie de temps en temps, surtout quand elle est aussi réussie que celle-ci.
(P.S. : Je sais que c’est naïf de croire que tout est résolu de nos jours, non, les combats sont toujours d’actualité, on l’a vu avec Fergusson… Mais je me dis que le monde d’aujourd’hui est bien en manque de grands hommes…)
« La question de la laïcité ne veut pas dire que tout le monde doit manger la même chose, mais qu’il faut respecter les orientations des uns et des autres. » C’est ainsi que Roland Ries, maire de Strasbourg, conçoit ce qui est propre à la laïcité sur la question des pratiques alimentaires. Après les événements tragiques du 7 au 9 janvier et les polémiques surmédiatisées sur l’islam, il est essentiel de faire un point sur cette prescription religieuse devenue un vrai phénomène de société et passée, en quelques années, de simple niche marketing à la caverne d’Ali Baba: le halal.
Le principe de la laïcité, avant de devenir cet outil politique alimentant de nombreuses polémiques, est un concept et une base juridique fondamentale dans notre République, qui implique l’impartialité et la neutralité de l’État à l’égard des confessions religieuses. Je persiste à dire que le halal, comme le casher, est compatible avec la laïcité. C’est une réalité que je m’attache à défendre en tant que républicain convaincu. L’idée est simple: il est possible de pratiquer sa religion sans nier ou biaiser son identité française et -plus important, même si cela m’attriste de constater que nous avons besoin de le mentionner- sans être en infraction avec les lois de notre pays.
Le halal, avant d’être « problématisé », voire même compris dans la perspective d’un enjeu sociétal, est sur le banc des accusés. Le sujet n’est pas maîtrisé. Preuve en est lors d’auditions sur le sujet au Sénat, où les élus confondent halal et casher et posent des questions qui attestent de leur méconnaissance totale du sujet. Mais peu importe, il demeure un instrument politique parfait. Connoté, sorti de son contexte, il suffit de l’agiter pour faire remonter les plus bas instincts et ainsi en jouer et faire valoir des intérêts qui dépassent ceux du simple citoyen.
Et pourtant, légitimer le halal, c’est en faire un allié de la laïcité. Sauf pour celles et ceux qui tentent d’emmener notre pays vers « une laïcité négative » au lieu de tendre vers « une laïcité d’intelligence » que Régis Debray appelle de ses vœux. Jean Baubérot, spécialiste de la sociologie des religions et fondateur de la sociologie de la laïcité, affirme qu’avec sa loi sur le port du voile, la France est « à la limite de ce qui est possible dans une société démocratique ». Légiférer sur le droit de manger ou non halal serait un dépassement de cette limite. « La laïcité, c’est, certes, la neutralité, mais c’est aussi la liberté », ajoute Thierry Rambaud, professeur agrégé de droit public à l’Université de Strasbourg et à Sciences Po Paris.
Accepter et légitimer le halal, aussi bien dans le discours que dans les actes, permettrait de sortir l’islam « des caves » pour qu’il se nourrisse et se pratique au grand jour, c’est-à-dire de manière transparente et sous un contrôle direct de la société civile (et non de celui du ministère de l’Intérieur, alimentant des craintes et remettant en question le pacte de confiance entre les Français de toute origine). Bâtir des lieux de culte appropriés, c’est donner un espace identifiable et identifié comme celui qui éduque les fidèles au grand jour. Contre l’islamisme radical, il faut une société qui puisse observer, juger, même s’indigner, mais dans le respect des règles démocratiques. Une mosquée financée avec les deniers du secteur d’activité lié au halal, c’est une mosquée dont le financement est tracé par l’Etat, et dont toutes les activités se pratiqueraient sans fantasmes quant à son opacité présumée.
Le halal doit devenir, au même titre que le casher, un des symboles de ce droit à l’indifférence que revendiquent nos compatriotes musulmans dans leur vie quotidienne comme dans l’exercice de leur culte. À ce titre, la normalisation du halal dans la société française témoignera d’une République apaisée, confiante en son avenir, en ses valeurs qui unissent tous nos compatriotes, et leur permettra de cultiver cet art français si singulier du vivre-ensemble. Et si, faute de halal, l’islam devait rester à la merci des discours islamophobes, comment pourrions-nous construire cette communauté de destins contre ce communautarisme qui bat son plein, de Neuilly-sur-Seine jusque dans le VIIe arrondissement? Oui, car c’est de là que part le communautarisme et non pas, comme on voudrait le faire croire, de ces « fameuses banlieues ».
Aussi, nous voyons beaucoup d’interrogations de la part de personnalités publiques comme de simples citoyens sur cette question: le halal financerait-il les djihadistes? Comme je l’écris dans mon dernier livre, La Bible du Halal (Editions du moment): « en réalité, les plus gros bénéficiaires de l’abattage rituel sont les industriels. (…) Des multinationales, de grandes sociétés ou simplement des PME, dont les profits sont traçables, généralement destinés à des actionnaires qui n’ont pas vraiment des têtes de djihadistes. Mieux, les sociétés, qui font leur beurre sur le halal, ont bien souvent pignon sur rue dans les marchés de l’agroalimentaire (Nestlé, Doux ou Labeyrie) et de la cosmétique (L’Oréal). Si l’argent du halal était destiné à la guerre sainte, les djihadistes d’aujourd’hui s’appelleraient Paul Bulcke, Liliane Bettencourt, Xavier Govare ou Charles Doux. »
Le secteur économique lié au halal est évalué au niveau mondial à 687 milliards de dollars, il connaît une croissance annuelle à deux chiffres et atteindra, selon les estimations, un montant de 2 000 milliards en 2023. La France, cinquième puissance économique mondiale, mais qui risque de se voir détrôner, empêtrée dans un chômage de masse et une croissance faible, devrait se saisir de ce secteur et y déployer toute son énergie, son ambition et ses compétences. Notre pays a une place à prendre et tout à gagner. Et le temps presse.
Le halal est une opportunité pour la France: générateur d’emplois et de clients à l’export. Un halal « made in France » implique des secteurs économiques déjà maîtrisés par les industriels de notre pays: agroalimentaire, cosmétique, tourisme et pharmaceutique pour ne citer que les principaux. Pour que notre pays puisse profiter davantage de cette opportunité, il ne faut pas l’opposer à la laïcité. On ne doit pas, comme le craignait déjà Jules Ferry, faire de cette dernière « une religion laïque ».
Publié par Lotfi Bel Hadj, essayiste, économiste de formation et entrepreneur
« Foutez le camp! » La vive réaction d’Ahmed Aboutaleb, maire de Rotterdam, à l’encontre des djihadistes, le jour de l’attentat contre Charlie Hebdo, lui a valu la notoriété au-delà des frontières de sa ville. Il a réservé ses explications à L’Express.
« Foutez le camp! » La vive réaction d’Ahmed Aboutaleb, maire de Rotterdam, à l’encontre des djihadistes, le jour de l’attentat perpétré contre l’hebdomadaire Charlie Hebdo, lui a valu immédiatement la notoriété au-delà des frontières de sa ville. Les demandes d’interviews ont afflué du monde entier. Mais c’est à un magazine français que le maire de Rotterdam, Ahmed Aboutaleb, a voulu réserver ses explications.
Premier maire musulman d’une métropole européenne, cet élu social-démocrate est à la tête de la deuxième ville des Pays-Bas depuis 2009. Ses succès contre la délinquance et sa popularité personnelle ont permis sa réélection, alors même que la droite s’est renforcée au conseil municipal. Alarmé de longue date par le péril djihadiste, ce Marocain d’origine, pratiquant, appelle les musulmans à se mobiliser contre la violence, à Paris comme à Copenhague.
Quelques heures après l’attentat contre Charlie Hebdo, vous avez invité les candidats au djihad « qui n’aiment pas la liberté » à « foutre le camp ». Ces propos directs ont eu un large écho au-delà des Pays-Bas. Qu’avez-vous voulu dire?
J’étais en colère, et ce n’était pas du théâtre, croyez-moi! Ces mots, je les ai prononcés pour être sûr d’être compris, comme maire de Rotterdam mais aussi comme un musulman en colère. A Rotterdam, une cité où cohabitent 174 nationalités, nous devrions, chaque jour, célébrer la liber té. La liberté, c’est bien sûr le droit deprovoquer par des caricatures, mais c’est aussi la protection accordée à l’individu contre l’intervention de l’Etat, c’est aussi la liberté de croire et de fonder des institutions religieuses.
Je peux comprendre que certains de mes coreligionnaires aient pu se sentir offensés par Charlie Hebdo mais, dans ce cas, il existe des protocoles tels que le recours aux tribunaux. J’ai voulu dire que si l’on revendique le vivre ensemble, il faut accepter le compromis; ceux qui s’y refusent n’ont qu’à faire leur examen de conscience et avoir l’honnêteté de reconnaître qu’il n’y a pas de place pour eux ici. Le drame de Paris a été douloureusement ressenti par de nombreux musulmans, car il faut désormais renouer le dialogue avec les autres communautés et les autres religions. L’attentat contre Charlie Hebdo force l’islam à se remettre en question.
Vraiment?
Oui. Il est très important que les musulmans répondent aux questions qui leur sont adressées : pourquoi ces criminels ont-ils pu interpréter le Coran et l’islam dans un sens qui les a conduits à justifier leurs agissements? Récemment, j’ai entendu ici un imam expliquer que les musulmans avaient le droit de répondre à l’injustice par leur coeur, leur tête ou leurs mains. Un de ses fidèles a rétorqué que c’était ce que les criminels avaient fait à Paris, en prenant des kalachnikovs au nom des injustices qu’ils dénonçaient. On est là au coeur du débat. Ces criminels ont construit leur démonstration à partir de l’islam. Dire que l’islam n’a rien à voir avec leurs actions, c’est vraiment absurde.
Les autorités religieuses musulmanes ont-elles été à la hauteur des attentats commis à Paris ?
Non, et c’est bien le problème. La révolution au sein de l’islam ne commencera pas dans cet hôtel de ville, mais on peut d’ici lancer l’étincelle qui allumera la mèche. Les musulmans européens doivent faire pression sur leurs leaders religieux pour qu’ils se saisissent de ce débat. Si, aujourd’hui, je suis à la recherche sur Google d’un cheikh, d’un guide spirituel, je tomberai seulement sur des vidéos de radicaux. Pourquoi les leaders religieux modérés sont-ils absents d’Internet ? Pourquoi n’y apparaissent-ils pas pour donner leur propre version du Coran ?
Cette mobilisation de l’islam modéré doit-elle se faire d’abord en Europe ?
Nous avons la chance de bénéficier, en Occident, d’une liberté d’expression qui nous autorise à poser des questions dans l’espace public sans encourir de châtiment. N’ayons pas peur d’utiliser cette liberté.
Comment réagissent les imams que vous rencontrez quand vous les pressez de la sorte ?
Chacun a tendance à comprendre ce qui l’arrange. J’entends trop souvent : « Je condamne ce qui s’est passé à Paris, mais… ». Il n’y a pas de « mais » possible. Une condamnation collective et visible par les représentants de l’islam servirait à la stabilité sociale et à une meilleure compréhension des musulmans néerlandais. Cela agirait comme un remède social. Malheureusement, j’ai échoué à organiser un tel mouvement de condamnation, alors qu’il s’est manifesté en Allemagne grâce à la communauté turque, dotée d’une plus forte conscience politique que celles des Marocains et des Algériens des Pays-Bas et de France. Le taux d’illettrisme des Marocains vivant aux Pays-Bas est, il est vrai, élevé, et beaucoup dans cette communauté n’ont accès à l’islam qu’en écoutant les imams, pas en lisant le Livre saint.
Dressez-vous un parallèle entre l’attentat de Paris, en janvier dernier, les fusillades de Copenhague du 14 février et le meurtre du cinéaste Théo Van Gogh, en 2004, à Amsterdam ?
Oui, bien sûr. Van Gogh était un simple particulier avec une grande gueule. Il ne menaçait personne. Lorsqu’il a été assassiné par Mohammed Bouyeri, je m’étais adressé à ceux qui se réjouissaient de ce crime : « Partez !, leur avaisje dit. Vous serez plus heureux en Afghanistan ou au Soudan! Après tout, il y a des avions qui décollent d’Amsterdam toutes les cinq minutes… » Je n’ai pas changé de position.
Mais comment faire face à ceux qui veulent porter leur combat ici ?
Il faut distinguer plusieurs cercles. Ceux qui sont à la marge peuvent être ramenés dans le giron de la cité par un travail d’éducation, d’intégration et de lutte contre les discriminations et pour l’égalité des chances. A ceux qui veulent vivre à Raqqa [en Syrie], siège du groupe Etat islamique, je dis : si telle est votre volonté, soyez conséquent et rendez-moi votre passeport. Car le passeport néerlandais, c’est plus qu’un document de voyage : c’est une partie de votre identité et un engagement de défendre la société ouverte fondée sur le compromis qui est celle des Pays- Bas.
Si vous ne vous reconnaissez pas dans ces valeurs, partez et allez demander à M.Baghdadi [chef de l’organisation Etat islamique] de nouveaux papiers d’identité ! Ce disant, j’assume mon désaccord avec la politique actuelle du gouvernement, qui confisque les passeports des candidats au djihad afin de les empêcher de partir.
Et que faire des mineurs tentés par la violence ?
Ceux-là ne sont pas conscients de ce qu’ils font et nous devons les ramener dans le droit chemin, en leur prenant leur passeport et en leur fournissant toute l’aide psychologique nécessaire. Il faut les protéger. Et si nous considérons qu’ils sont en danger, il est possible de les soustraire à leurs parents. Le problème est de déterminer à partir de quel moment, lorsqu’on s’oppose à la société, on se met en danger.
Et pour ceux qui passent à l’action violente ?
Arrêtons de les appeler « radicaux ». Etre radical, c’est un droit dans une société démocratique. Mais ceux qui recourent aux armes, comme en France, sont des criminels qui relèvent de la police et des services de sécurité. Il faut les mettre hors d’état de nuire.
Comment devient-on un extrémiste ?
J’en ai débattu avec le conseil municipal. Certains élus mettent en avant les conditions sociales défavorables, les discriminations, l’échec scolaire, le racisme… Franchement, je ne vois aucune preuve à l’appui de cette thèse. Pourquoi des millionnaires saoudiens partent-ils pour Raqqa? Acause de la misère, du racisme? En réalité, ces gens-là se construisent leurs propres vérités, qu’ils souhaitent imposer à d’autres à coups de kalachnikov. A la différence des terroristes d’extrême gauche de la Fraction armée rouge, dans les années 1970, qui étaient politiquement motivés, c’est leur interprétation de la religion qui les pousse à agir.
A quel niveau est-on le plus efficace pour combattre la tentation djihadiste, celui de l’Etat ou celui de la ville ?
Au niveau local, assurément. L’Etat définit les règles et est responsable des forces de sécurité. Mais ce sont les élus locaux qui sont directement en butte aux extrémistes. Je sens chaque jour sur ma nuque le souffle de ces gars. C’est pour cela que j’ai organisé, dans les quartiers de Rotterdam, huit rencontres avec le public consacrées aux attentats de Paris, afin que les opinions divergentes puissent se confronter. Comprenez- moi bien : c’est aux familles, aux imams, aux enseignants, aux travailleurs sociaux et aux élus de sonner l’alarme lorsque point la menace de la violence.
Quand j’entends à Amsterdam un gosse de 6 ans crier dans la rue « Mort aux juifs ! », je me doute bien que de tels mots de haine ne lui sont pas venus spontanément à la bouche. C’est pour cela que, lors des cérémonies de citoyenneté à l’hôtel de ville, au moment de remettre aux immigrants leurs nouveaux passeports néerlandais, j’insiste pour leur dire qu’en recevant une nouvelle identité ils obtiennent les droits conférés par la Constitution, mais aussi le devoir de protéger nos libertés fondamentales intangibles. Ici, rien ne vous empêche de brandir un Coran dans la rue ; en Arabie saoudite, si vous brandissez une Bible, vous pouvez être tué.
Estimez-vous que la France et les Pays-Bas sont dans une situation comparable ?
D’un point de vue social, les musulmans de France sont mieux outillés que ceux des Pays-Bas. Vous avez de nombreux intellectuels musulmans, nous n’en avons pas autant, car notre immigration est plus récente. Mais en France, en Belgique, comme aux Pays-Bas, les foyers musulmans doivent s’interroger : comment est-il possible que des criminels soient capables de détourner leurs croyances et de passer à la violence en leur nom ? Et ce, alors que le plus grand nombre de ces victimes du terrorisme sont des musulmans! Je voudrais ajouter autre chose.
Au moment où nous parlons, une flopée de bateaux, petits et grands, traverse la Méditerranée, pour la plupart en provenance du monde musulman, chargés d’hommes et de femmes en quête de liberté et de sécurité en Occident. Je les comprends. Il y a quarante ans, ma famille a suivi la même route pour les mêmes motifs. En général, ces réfugiés sont bien traités en Europe. Mais faut-il continuer à les accueillir alors même que certains parmi ces migrants ou, à plus long terme, leurs enfants vont nous menacer ? Est-ce la meilleure manière de remercier ceux qui les ont accueillis ? C’est une question légitime et je comprends que de nombreux Européens se la posent. La négliger serait irresponsable et il appartient aux musulmans issus de l’immigration d’y répondre. Ces propos sont durs, mais je les assume. Au moins on ne pourra pas taxer un Aboutaleb de racisme.
Craignez-vous pour votre sécurité ?
De nos jours, si vous remplissez une charge publique, vous courez toujours un danger.
Votre vision du multiculturalisme néerlandais a-t-elle évolué ?
La question est de savoir quelle est la place à donner à l’islam en Europe. Ce que je dis aux musulmans, c’est que plus ils embrasseront sincèrement notre Constitution et l’Etat de droit, plus leur place sera assurée. Inversement, s’ils pensent que l’islam prévaut sur la Constitution, cette place se réduira.
Vous êtes bien plus populaire que le Parti du Travail (social-démocrate), auquel vous appartenez. Les Pays-Bas pourraient-ils être, avec vous à sa tête, le premier pays européen à se doter d’un chef de gouvernement musulman?
Je n’ai jamais planifié ma vie, car on ne sait pas comment les choses évoluent. J’ai promis de rester maire de Rotterdam jusqu’en 2021. Pour être honnête, je ne crois pas qu’il soit réaliste d’envisager un Premier ministre musulman dans ce pays dans les cinquante ans qui viennent. Mais on ne sait jamais.
Ahmed Aboutaleb en 6 dates
1961 Naissance à Beni Sidel, au Maroc.
1976 Emigre avec ses parents aux Pays-Bas.
1987 Diplômé d’un institut de technologie.
1991 Chargé de la presse au ministère de la Santé.
2007 Secrétaire d’Etat aux Affaires sociales et à l’Emploi dans le gouvernement Balkenende.
La France est confrontée à ce que les sociologues appellent la transition identitaire.
Youssef Chiheb est professeur à l’Université Paris Nord XIII,
directeur du master ingénierie de développement et expert en développement
territorial auprès du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Il a publié « Le Manifeste de l’indépendance du Maroc : Hommes, destin, mémoire».
Il est aussi l’auteur de «L’Atlas géopolitique du Maroc» et de «Islam, judaïsme et l’érosion du temps».
Dans son dernier livre, Youssef Chiheb raconte son parcours.
Entretien.
Libé : Pourquoi ce livre en ce moment ?
Youssef Chiheb : Comme vous le savez, j’ai écrit plusieurs articles dans la presse traitant de la question de l’identité. Un sujet qui s’impose dans le débat, tant au Maroc qu’en France. Depuis quelques années, la société d’accueil est confrontée à un grand défi sociétal à travers des questions cruciales : quelle place pour les Français issus de l’immigration ? Quelle place pour la diversité culturelle ? Quelle équation pour l’islam et la laïcité ? Quelle relation au pays d’origine ? En toile de fond, quel pacte politique et social pour vivre ensemble ici ou là-bas ?
La mondialisation, le désastre du Printemps arabe, la montée du jihadisme radical au cœur de l’Europe, la banalisation de l’islamophobie… autant de bombes à retardement qui couvent sous les pieds des démocraties, sans oublier les attentats barbares perpétrés à Paris au nom d’une idéologie fasciste véhiculée par l’islam radical, le jihad et le fanatisme dont l’épicentre se trouve en Syrie, en Irak et au Yémen. Une idéologie qui s’est transplantée au cœur des quartiers difficiles où un apartheid social, ethnique et territorial est profondément ancré. Dixit le Premier ministre Emmanuel Valls.
Pourquoi es-tu venu en France, papa ? Avez-vous trouvé une réponse convaincante pour votre fille ?
Nous sommes tous les deux, ma fille et moi, citoyens français, mais chacun s’inscrit dans un contexte particulier et est le fruit d’une trajectoire singulière. Dans mon précédent livre « Manifeste de l’indépendance du Maroc », j’ai rappelé, au sens biographique du terme, cette relation tragique que ma famille n’a cessé d’entretenir avec la France… Mes trois oncles, le premier mort en 1943 sur le champ de bataille pour libérer la France de l’Allemagne nazie, le deuxième grièvement blessé en Indochine en 1956, et le troisième abattu par la police française, en 1953 à Casablanca au Maroc, pour avoir brandi le portrait de Sidi Mohamed Ben Youssef, suite à sa déposition et à sa déportation.
Une deuxième génération, dont je fais partie, est venue en France pour poursuivre des études universitaires et décrocher les diplômes les plus prestigieux (agrégation, doctorat d’Etat, doctorat d’Université), aujourd’hui soluble dans l’élite française et insérée socialement et visible culturellement en France. Cependant, elle a fait le choix douloureux d’y rester, car trop marquée par les années de plomb, par les brûlures de l’Histoire et par la déchirure identitaire.
Une troisième génération que représente ma fille, née française, de parents français et n’ayant que très peu de liens avec le pays de ses ancêtres. Elle est le fruit de ce long parcours dramatique qu’est l’immigration et son corolaire l’assimilation.
J’ai essayé de lui transmettre, autant que possible, un héritage, une mémoire, un patrimoine dont j’ai du mal à garder intacts et à les préserver de l’oubli et de l’extinction. C’est là tout le défi auquel sont et seront confrontés les Marocains du monde et leurs descendances. Comment résister au rouleau compresseur de la rupture et au spectre de la pensée diasporique ? Ma fille n’aura d’armes que mes écrits et mes livres pour se protéger de la pensée unique et de la négation de l’Histoire, la sienne en l’occurrence.
Après le dernier attentat en France, est-ce que l’avenir des enfants franco-musulmans est compromis ?
Au-delà de l’indignation, du traumatisme et de la réaction, c’est le temps de la réflexion et la nécessité de répondre aux questions de fond. Pourquoi est-on arrivé à ces extrémités ? Les enfants auxquels vous faites allusion sont des Français certes… mais sont-ils des Français à part entière ou des Français entièrement à part ? Quelle responsabilité de l’Etat, des élus de la République, des intellectuels dans ce repli identitaire, dans cette fracture sociale et dans cette islamophobie larvée qui se banalise dans le discours politique ? Quelle responsabilité des Etats du Maghreb et du Golfe dans l’instrumentalisation politique de la communauté musulmane de France ? Quelle responsabilité des parents dans la dérive de cette jeunesse victime d’un islam radical venu d’ailleurs ? Quelle est la part de responsabilité de la communauté musulmane qui se laisse instrumentaliser par les organisations associatives salafistes, par les imams autoproclamés ou/et par un salafisme sociétal du Moyen Age?… Autant de questions dont les réponses seront déterminantes pour l’avenir de ces enfants auxquels vous faites allusion.
Est-ce que la situation ne sera plus comme avant ?
C’est très difficile de répondre à cette question. Il est possible que l’onde de choc de cet attentat ait pu fissurer les grandes fondations de la devise républicaine «Liberté, Egalité, Fraternité».
Est-ce la liberté est d’offenser ce qui est de plus sacré ?
Est-ce la liberté est de stigmatiser la pensée de l’autre et de lui imposer la pensée unique ? Est-ce que la liberté est d’être Charlie ?
Est-ce l’égalité est de rappeler systématiquement aux Français, issus de l’immigration, qu’ils sont Français d’origine ?
Est-ce l’égalité est de confiner les déshérités, par des politiques de peuplement, dans des ghettos vétustes et peuplés entièrement par une mosaïque multiethnique ?
Est-ce l’égalité est de confiner les citoyens et les enfants de la République dans des périmètres institutionnalisés, portant officiellement des noms anxiogènes de zones et non de territoires de la République : ZUS, ZEP, ZSP ?
Est-ce l’égalité est l’absence d’ascenseur social, frein à la mixité sociale et maintien de l’entre soi ? Est-ce l’égalité est l’indifférence face aux formes les plus dangereuses du communautarisme ? Est-ce l’égalité est de laisser le Front national faire des étrangers le bouc émissaire d’une France en déclin économique et sociétal depuis plus d’un quart de siècle ?
Mon livre ne prétend pas apporter la réponse à toutes ces interrogations. Il tente seulement, à travers ma trajectoire, mon enfance, ma jeunesse et ma réussite sociale, de donner à ma fille, et à d’autres, les éléments de réflexion et d’analyse sur ce que le choc des cultures et l’affrontement des idéologies peuvent provoquer comme dégâts et de déconstruction de la civilisation humaine. En définitive, chacun de nous doit sortir de la posture de victime et croire que l’Homme est capable d’orienter son destin aussi bien vers le bien que vers le pire.
Mon Livre « Pourquoi es-tu venu en France, papa ? Tu veux dire pourquoi j’ai quitté le Maroc » résume ce destin tragique de l’immigration. «Venir en France, c’est aller vers le futur, quitter le pays d’origine, c’est tourner le dos à un passé qui nous hante ». La tragédie se trouve entre ces deux verbes : Quitter quoi et venir vers qui ? Telle est la déchirure vécue par ceux qui viennent d’ailleurs pour s’installer ici. De ceux qu’ils croient à des valeurs et ceux qui les refusent obstinément.
Le Prophète n’a pas besoin de vengeurs. Son étendard est entaché de sang, d’abord par ceux qui prétendent le défendre. Qu’il repose en paix car il doit être triste, là où il est, de voir son œuvre de paix pervertie par les fanatiques des temps modernes de tous bords.
Si les musulmans de France et d’Europe ne se prennent pas en charge pour éradiquer ce fléau, leur avenir en Europe serait plus que sombre, et peuvent les conduire à la persécution, à la déportation, (dixit Eric Zemmour), voire à la solution finale comme ce fut le cas en Bosnie (épuration ethnique) ou comme il y a soixante dix ans aux camps d’extermination nazis.
Les principales victimes de l’islamisme radical sont en majorité des musulmans tués par d’autres musulmans. Depuis le déclenchement du maudit Printemps arabe et la multiplication des guerres confessionnelles en Afrique que mène Boko Haram, on déplore plus de 400.000 victimes et plus de quatre millions de déplacés. Qu’Allah, dans sa Miséricorde, nous vienne en aide !
Mon livre est un cri d’alarme, un testament pour les générations futures et une thérapie pour les milliers de déracinés, venus trouver refuge, fortune ou paix et lover leurs souffrances, faute d’avoir trouvé leur vocation et bonheur, là où ils sont nés.
La question de l’identité est posée ainsi que la relation à la culture du pays d’origine pour ces nouvelles générations : Est-ce que le système français, basé sur l’assimilation, tient compte de la société multiculturelle comme d’autre pays dans le monde ?
La France est confrontée à ce que les sociologues appellent la transition identitaire. Depuis le début de l’immigration durant le 19ème siècle, les migrants venaient de l’espace européen. Un espace culturellement et ethniquement « homogène ». L’inclusion des immigrés s’est, alors, effectuée en deux temps : d’abord une intégration économique, dans une France économiquement forte et en reconstruction. Est venue dans un deuxième temps une assimilation anthropologique, allant jusqu’à la négation de l’identité d’origine.
Pour l’immigration en provenance du Sud, elle a gardé, depuis son origine, les séquelles du contentieux colonial, du clivage culturel, qui sous-tend la différence spirituelle. La France avait et aura du mal à accepter cette diversité culturelle au nom du refus du communautarisme et de l’égalité républicaine. Cela, par opposition au modèle anglo-saxon qui prévaut aux Etats-Unis et en Angleterre.
Mais en réalité, la France développe un discours ambigu vis-à-vis de la diversité culturelle. Quand la France a gagné la Coupe du monde, le « blanc, black, beur » était affiché, adulé et assumé… En revanche, quand l’islam et la culture arabo-africaine veulent exister et être visibles, la France s’enferme sur elle-même et dénonce l’intrusion des cultures et /ou religions étrangères à sa tradition judéo- chrétienne, européenne et gaullienne. Tel est le fond du problème et telle est la ligne de fracture du logiciel républicain.
Philippe Gaudin, directeur adjoint à l’Institut européen en sciences des religions, a été désigné avec d’autres pour concevoir les contenus, méthodes et priorités de la formation à la laïcité.
Le 21 janvier dernier, François Hollande donnait le coup d’envoi d’une mobilisation générale de la communauté éducative autour des valeurs de la République. Au premier rang desquelles la laïcité. Le lendemain, c’était au tour de la ministre de l’Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem d’annoncer une série de mesures, pas tout à fait neuves pour la plupart.
On retiendra toutefois la volonté de généraliser l’enseignement de la laïcité. Ce qui existe déjà mais dans une toute petite proportion. L’idée, cette fois, est de créer un effet domino de grande ampleur : former des formateurs qui formeront les professeurs qui formeront les élèves. Pas simple à mettre en oeuvre. Et pour l’heure, rien n’a été tranché sur le fond.
Tout au plus sait-on que les programmes des cours d' »Enseignement moral et civique », mis sur les rails par l’ancien ministre Vincent Peillon, qui entreront en vigueur à la rentrée 2015, vont être réécrits. Mais après ? Philippe Gaudin, responsable des formations recherche à l’Institut européen en sciences des religions (IESR) et ancien professeur de philosophie (1), a été choisi avec d’autres pour mettre en œuvre ce projet. Il définit pour « l’Obs », les contenus, méthodes et priorités de ce nouvel enseignement.
Enseigner les faits religieux
« A l’IESR, nous ne dissocions pas la nécessité d’une formation sur la laïcité d’une formation sur les faits religieux, qui ont tendance à disparaître des programmes d’Histoire ou de Français. Exemple : l’étude de la religion aux Etats-Unis au XXe siècle par exemple a disparu, alors qu’on ne peut comprendre Martin Luther King sans connaître son contexte religieux. L’effort n’a pas été soutenu depuis 1995, car c’est un enseignement transversal. Difficile d’entretenir la flamme !
Qu’on se comprenne bien. Enseigner le fait religieux, comme l’a recommandé le rapport de l’historien Philippe Joutard dès 1989, n’est pas faire entorse à la laïcité. Il s’agit plutôt d’une maturation, d’une extension de la laïcité, dans un monde qui ne ressemble plus à la France de 1905. Nous vivons dans une société à la fois très sécularisée, et dans laquelle les identités religieuses peuvent se manifester, pour le meilleur et pour le pire. Face à cela, l’école ne peut rester muette.
Je vois deux grandes justifications à l’enseignement des faits religieux :
– Intellectuelle : on ne peut pas bien comprendre le passé, ni le présent, si on n’a pas une bonne connaissance des faits religieux ; et on ne peut pas non plus comprendre le patrimoine artistique.
– Politique : pour faire société dans un monde marqué par une nouvelle pluralité religieuse, il faut une culture commune. D’où l’expression de Régis Debray, d’une « laïcité d’intelligence ».
La laïcité ainsi entendue n’est pas ouverte à tous les vents, ni une sorte de libre-service où toutes les religions s’exprimeraient n’importe comment. Elle reste fidèle à l’esprit de l’école, celui de la connaissance et du savoir.
Apprendre à penser
« Pour la rentrée 2015, il n’est pas prévu de faire un cours de laïcité spécifique. Cette notion sera intégrée à l’enseignement moral et civique, prodigué de l’école maternelle à la terminale, environ une heure par semaine, mais sous la forme d’ateliers par exemple, à l’image des TPE. Toute la communauté éducative sera concernée.
On pourrait y discuter des questions autour de la cantine, par exemple. L’idée est de proposer un enseignement laïc de la morale et non d’enseigner « la morale laïque », qui était l’expression initiale de Vincent Peillon quand il a lancé le projet. Autrement, il ne s’agit pas d’enseigner une morale toute faite – à part les règles de droit fondamental – mais d’apprendre le questionnement éthique et de le traduire dans son comportement. C’est peut-être une façon d’apprendre à agir avec sagesse avant la classe de philosophie !
Ce qui n’exclut pas pour autant que les questions de laïcité soient présentes dans tous les autres enseignements. A l’issue de la formation, il y aura une forme d’évaluation, mais certainement pas telle qu’elle est pratiquée habituellement, avec copies et notes. Elle reste à définir. »
Démultiplier les référents laïcités
« Notre institut participera à la formation des formateurs. Sur les 1.000 formateurs annoncés, nous allons d’ores et déjà nous appuyer sur les « référents laïcité » des académies créés en 2014, en général composés d’inspecteurs ou de professeurs d’Espé (Écoles supérieures du professorat et de l’éducation). Eux-mêmes, devront trouver d’autres formateurs et toucher ainsi le plus grand nombre de professeurs possible. Ce processus commence à peine, la tâche sera rude.
Former les futurs professeurs d’abord
La priorité, c’est la formation initiale des jeunes générations d’enseignants, de façon à toucher tous les futurs professeurs à partir de maintenant. Il doivent recevoir une formation dans trois domaines : la laïcité, les faits religieux et une préparation à enseigner cette nouvelle discipline qui sera dans les programmes dès la rentrée 2015.
En revanche, impossible de former tous les professeurs en poste à court et moyen terme. Si les modules de formations ne peuvent s’adresser à 50 personnes à la fois et s’il y a 100.000 professeurs (sur environ 800.000) à former, cela fait un très grand nombre de modules de formation ! »
Cibler les établissements en difficulté
« Est-ce qu’il ne faudrait pas une étude sérieuse sur ce qui se passe dans les établissements de l’ensemble du territoire du point de vue de la laïcité ? Avec une équipe de chercheurs indépendants, une méthodologie scientifique, une déontologie transparente et, pourquoi pas, un conseil de surveillance scientifique et politique.
Y-a-t-il des difficultés ? Y-a-t-il des élèves qui refusent d’écouter leurs professeurs sur telle partie du programme ? Sans doute observerait-on que la situation est bonne dans de nombreux établissements. Cela contribuerait à rasséréner le climat moral, social et politique en France. Il apparaîtrait – dans quelle proportion je ne sais pas – qu’une minorité d’établissements posent problème. Il faudrait alors clairement les identifier et connaître précisément leurs difficultés.
A partir de là, on peut avoir une vraie politique volontariste avec de gros moyens -pas seulement au sens financier mais aussi ‘moral’ justement !-pour y apporter un remède. L’école porte toutes les misères du monde et elle n’a pas le pouvoir de les supprimer. Mais on y verrait plus clair. L’école est l’âme de la République et sur le plan de notre pacte politique, la République est l’âme de la France. Si notre école va mal, c’est l’ensemble de la communauté nationale qui va mal. Ce ne serait donc pas une dépense mal placée. »
Propos recueillis par Sarah Diffalah
(1) « Vers une laïcité d’intelligence en France ? L’enseignement des faits religieux en France comme politique publique d’éducation depuis les années 1980 », Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 2014.
« Double défi pour l’école laïque : enseigner la morale et les faits religieux », Riveneuve éditions, 2014.
L’Institut européen en sciences des religions est une composante de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes. Il a été créé après le rapport de Régis Debray en 2002 qui préconisait un pont entre le monde de la recherche universitaire et tous ceux qui ont besoin de formation sur le fait religieux, notamment dans l’administration publique. Ses fonctionnaires travaillent pour l’Education nationale, et sont donc en concertation avec le ministère, ainsi qu’avec la Direction générale de l’Enseignement scolaire, mais apportent la plus-value et l’indépendance universitaire et scientifique. L’Institut a été nommé par la ministre de l’Education pour participer à la formation des formateurs à la laïcité.