Arabie saoudite vs Iran: pourquoi c’est le nouveau choc des religions

En intervenant au Yémen contre les rebelles chiites soutenus par l’Iran, l’Arabie saoudite, championne du sunnisme expose la région à un embrasement général.
SAUDI-YEMEN-CONFLICT-FILES
Des avions de l’armée aérienne de l’Arabie Saoudite, photographiés le 1 janvier 2013. (FAYEZ NURELDINE / AFP)

Remarque d’un haut gradé du Pentagone, dans le Wall Street Journal: « Je regarde la carte du Moyen-Orient ; je regarde tous ces affiliés de l’Etat Islamique ; je regarde toutes ces zones de combat. Et je me demande qui sera l’archiduc dont l’assassinat déclenchera un embrasement général ».

Une guerre totale, dans tout le Proche et le Moyen-Orient, provoquée, comme en juin 1914, par le meurtre de l’héritier – ou d’un haut dirigeant – d’un territoire non pas austro-hongrois mais sunnite ou chiite? L’hypothèse est glaçante mais désormais plausible avec l’intervention directe de l’Arabie saoudite au Yémen.

En s’attaquant à la rébellion houthiste, soutenue et armée par l’Iran, le champion de la branche majoritaire du sunnisme est entré en conflit direct avec Téhéran, chef de l’axe chiite. En bombardant les troupes houthistes, sur le point de chasser le président yéménite, leur allié, en combattant au sol ces chiites désormais aux portes d’Aden, la deuxième ville du pays après avoir conquis Sanaa, sa capitale, le royaume wahhabite saoudien a pris le risque d’affronter, par milices interposées, la République islamique iranienne, sa grande rivale dans la région.

A la tête d’une coalition de 8 pays

Certes, en laissant faire, l’Arabie saoudite aurait perdu toute crédibilité dans sa zone d’influence. Mais en prenant la tête d’une coalition de huit pays arabes (Emirats arabes unis, Qatar, Bahreïn, Koweït, Égypte, Jordanie, Maroc, Soudan) plus le Pakistan, contre l’Iran, héritier de la « vraie légitimité » (celle de la descendance de Mahomet), le royaume qui abrite les lieux saints de l’Islam (La Mecque et Médine) court le pire des dangers. Un enlisement, une guerre longue, fratricide déstabilisant toute la région.

Arrêt sur image.

Depuis décembre 2010, début du « printemps arabe » en Tunisie, jamais cette région n’a été aussi divisée, fragmentée entre allégeances, tribus, confessions et ambitions. Après la chute de Moubarak en Egypte, celle de Kadhafi en Libye, puis l’éclatement de la guerre civile en Syrie (en quatre ans plus de 200.000 morts et deux millions de réfugiés), l’irruption de la machine Daech en Irak et en Syrie, avec des « affiliés » du Yémen à la Tunisie, a provoqué une recrudescence des affrontements religieux et une pulvérisation des frontières rendant illisible la carte de la région. Que cache, par exemple, l’opposition à Bachar al Assad, le dictateur syrien ? Des réformistes (le Conseil national syrien, dominé par les sunnites) ? Des groupes armés partiellement convertis au charme vénéneux du califat d’Abou Bakr al-Bagdadi ? La « Résistance islamique », branche armée du Hezbollah, mouvement chiite libanais renforcé par des combattants iraniens de même obédience ? Même casse-tête en Irak. À Tikrit, engagées aux côtés des forces menées par les États-Unis (combattants kurdes, armée régulière irakienne) contre les djihadistes, certaines milices chiites sous les ordres du général iranien Ghassem Soleiman, menacent de « cibler » des conseillers militaires américains. Qui chercheraient à leur « voler la victoire ». « Bataille dans la bataille », qu’on retrouve au Yémen. Les « conseillers » américains s’étant retirés (tout en continuant à assister l’aviation saoudienne), les rebelles houthistes bénéficient du soutien de l’Iran, mais le pays a été longtemps – et semble rester – l’un des terrains d’action d’Al Qaida.

Un maître d’oeuvre local

S’il est souvent difficile de repérer la main de Téhéran, celle de Riyad ou de l’Etat islamique qui n’utilisent pas toujours leurs propres forces mais choisissent un « maître d’œuvre » local pour appliquer leur stratégie, impossible, en revanche, d’ignorer une évidence : cette région du monde hyper inflammable peut s’embraser totalement à tout moment. Au petit jeu de la responsabilité, chacun peut se renvoyer la balle. Les pays arabes ? Ils ont beau jeu d’accuser la colonisation et les accords Sykes-Picot de 1916, « organisant » le démantèlement de l’empire Ottoman et le découpage du monde arabe selon des frontières totalement artificielles. Les occidentaux ? Ils soulignent l’incapacité des nations arabes à bâtir de vraies démocraties capables d’endiguer le terrorisme islamiste. Le vrai problème : comment sortir du tsunami qui bouleverse la géostratégie de la région?

Après les deux guerres d’Irak et l’échec des néoconservateurs américains à imposer par la force un nouvel ordre international, Obama voulait (discours du Caire en 2009) en finir avec le mythe du « choc des civilisations », dissiper la méfiance des musulmans vis à vis de l’Amérique et, la paix rétablie, concentrer son attention sur l’Asie (doctrine du « pivotal shift » vers le Pacifique).

Mais voilà, le gendarme de la région n’a tenu aucun de ses engagements. Ni vis à vis de l’Arabie saoudite (lâchée par les USA lors de la répression de la révolte populaire de Bahreïn), ni vis à vis de l’Égypte (abandon de Hosni Moubarak en 2011, soutien mitigé au président Al-Sissi), ni vis à vis de ses alliés européens (refus de bombardements ciblés en Syrie en septembre 2013, malgré l’utilisation d’armes chimiques contre sa population par Bachar Al-Assad). Alors, se poser aujourd’hui en médiateur, éviter une confrontation entre l’Arabie saoudite -sunnite – qu’elle n’a cessé de trahir et l’Iran -chiite – avec qui elle négocie une limitation cruciale de son programme nucléaire : mission impossible.

Sans alliés sur le terrain, sans ligne directrice claire, l’Amérique jongle avec trop d’enjeux : détruire l’Etat islamique, normaliser ses rapports avec l’Iran, ménager les théocraties du Golfe, mais également Israël, farouchement opposé comme Ryad à la rentrée de l’Iran sur la scène internationale. « Leading from behind », « diriger les choses de derrière » : c’est la nouvelle « real politik » des États-Unis. Dans l’affrontement chiites-sunnites, cette recette paraît simpliste pour l’Orient compliqué.

Jean-Gabriel Fredet

Par Jean-Gabriel Fredet

Pour en savoir plus : http://www.challenges.fr

Panorama de l’islam en France

 

canstockphotoBabBouJeloudFez

L’intellectuel franco-algérien Fouad Alloui (1) dresse un panorma de l’islam de France au niveau social et cultuel en 2014. Retraçant l’historique de la communauté musulmane de France, il insiste sur la diversité qui la caractérise. Ci-dessous la première partie d’un étude qui donnera lieu à des publications ultérieures.

L’islam en France : contexte général (historique, géopolitique et social)

L’islam est devenu la deuxième religion de France après le catholicisme. Près de cinq millions de musulmans y vivent. Néanmoins ce chiffre doit être tempéré, car il n’existe pas de statistiques ethno-religieuses officielles (la loi française interdit depuis 1872 de distinguer, lors des recensements, les personnes sur la base de leur appartenance confessionnelle ou de leur origine ethnique), mais surtout parce qu’il ne s’agit pas d’un groupe homogène dont les membres auraient tous un rapport identique au fait religieux. La majorité des musulmans de France ont plutôt une approche culturelle de la religion et non pas cultuelle. Les quelques statisticiens et sociologues qui ont voulu chiffrer la présence musulmane en France se sont notamment basés sur les patronymes, les pays d’origine et des rapports gouvernementaux.

Il est donc impératif, avant toute chose, de reconnaître la diversité qui existe au sein de cette communauté : les pratiquants et les non-pratiquants, mais aussi les personnes portant une identité à consonance musulmane, mais qui se déclarent, pour autant, agnostiques, laïques ou athées. Cette diversité est visible également chez les musulmans qui se déclarent « pratiquants ». Aussi, constate-t-on que 88% d’entre eux disent faire le ramadan, 43% feraient les cinq prières quotidiennes, 17% iraient à la mosquée au moins une fois par semaine et 4% se sont déjà rendus à la Mecque . Ces nuances sont importantes à relever tant il est évident que plusieurs interprétations pourraient découler d’une « donnée statistique » non décryptée.

Le chiffre de « 5 millions de musulmans en France » est souvent instrumentalisé pour des considérations politiques ou idéologiques tantôt comme étendard tantôt comme épouvantail. Il est tout aussi important afin de ne pas confondre les choses de préciser que dans les chiffres proposés, notamment par les médias, il y a des Français de confession ou de culture musulmane, des immigrés légaux et des « sans-papiers », des citoyens de descendance française convertis à l’islam et enfin des citoyens nés de parents immigrés, eux-mêmes issus de pays à majorité musulmane. Cette seule appartenance incite parfois certains observateurs à considérer qu’il s’agirait de fait de « musulmans ». Toujours est-il, il apparaît que 70% des « musulmans de France » possèdent la citoyenneté française.

Si l’islam est devenu la deuxième affiliation en France, c’est en raison d’une longue histoire coloniale d’abord et de migration ensuite. Une immigration maghrébine suivie d’autres, africaine et turque, sont autant de faits historiques qui ont permis l’installation de l’islam dans l’Hexagone. Ainsi, comme pour les autres religions, l’islam ne peut être appréhendé dans sa seule dimension spirituelle, mais doit être également étudié à travers les plans social et culturel.

De ce point de vue, il serait opportun d’esquisser une définition du « musulman » afin de mieux cerner l’objet de notre étude et d’éviter ainsi l’approche approximative. Un musulman est-il simplement une personne née dans un environnement familial ou dans une société composée majoritairement de musulmans ? L’espace français qui accorde une large place à la liberté de conscience ne saurait s’accommoder d’une telle classification. D’ailleurs, même si leur nombre est difficile à évaluer, il existe des personnes nées et/ou issues d’un environnement islamique et qui se déclarent « non-croyantes » ou d’autres encore qui se sont converties au catholicisme et au protestantisme. Il va sans dire que le musulman est, avant tout, celui qui se définit lui-même comme tel. Mais là aussi, il est important d’établir un distinguo entre celui qui se déclare culturellement musulman (né dans une famille et/ou environnement musulman, mais qui n’est pas forcément « pratiquant » du culte) et celui qui entretient un lien cultuel avec l’islam (qui accomplit la prière quotidienne, le ramadan, le Pèlerinage et tous les « piliers » et principes islamiques ).

Pour toutes ces raisons, nous allons manier les chiffres proposés par les médias et une partie de la doxa avec beaucoup de précaution. Lorsqu’on avance le chiffre de « 5 millions de musulmans en France », il n’est pas précisé si, par « musulman », il est question de la croyance religieuse ou du référent culturel. Or, ce qui nous intéresse, en premier lieu, c’est de pouvoir comprendre les musulmans de France à travers les associations et organisations cultuelles censés les représenter. En d’autres termes, l’objet de cette étude concerne la composante religieuse de la « communauté musulmane ».

Pour mieux cerner le propos qui va suivre et dans un souci pédagogique, il convient de rappeler, pour les moins initiés, que l’islam se compose de deux principaux courants (le sunnisme et le chiisme) et qu’il est également traversé par différentes influences idéologiques, dogmatiques, nationales, etc.

En France, la majorité des musulmans se reconnaissent dans l’islam sunnite , lui-même composé de quatre grandes écoles juridiques :

– L’école hanafite : Elle tire sa dénomination de son fondateur, l’imam Abou Hanifa. Créé à Bagdad, au VIIIe siècle, sous la dynastie abbasside, cette école s’appuie sur le Coran et la sunna (la tradition du Prophète Mahomet) et, au niveau de la jurisprudence islamique (appelée fikh) sur le raisonnement par analogie (appelé qiyas) et sur la réflexion personnelle (appelée raïe ou ray). Cette école est présente notamment en Égypte, en Syrie, au Liban, en Inde et en Turquie ou elle fut la doctrine officielle sous l’empire ottoman.

– L’école malékite : Elle tire sa dénomination de son fondateur, l’imam Malek Ibn Anès. Cette école s’appuie sur le Coran et la sunna (la tradition du Prophète Mahomet), mais aussi, pour les questions relatives à la jurisprudence, au raisonnement par analogie (qiyas), mais surtout elle privilégie le consensus (appelé ijmaa) des docteurs en théologie de toutes les époques en accordant, par ailleurs, une place importante à la coutume locale (eurf) et au jugement personnel (appelé raïe ou ray). Cette école est majoritaire dans les pays du Maghreb et dans plusieurs pays africains et se retrouve, par conséquent, majoritaire dans l’islam de France.

– L’école shafiite : Elle tire sa dénomination de son fondateur l’imam Mohamed Idris Al-Shafii. Disciple de l’imam Malek, il devient, après la mort de celui-ci, le fondateur de cette école qui portera son nom. Il s’appuie sur le Coran et la sunna (la tradition du Prophète Mahomet), rejette le jugement personnel (raïe ou ray), lui préférant le raisonnement par analogie (qiyas). Cette école est influente en Asie du sud-est (Malaisie et Indonésie) et dans quelques pays arabes.

– L’école hanbalite : Elle tire sa dénomination de l’imam Ahmed Ibn Hanbal. Fondée à Bagdad, durant la seconde partie du IXe siècle, elle exige une application rigoriste, littérale de l’islam des origines appelant à s’en tenir aux seuls enseignements des textes scripturaires et refuse toute innovation (appelée bidaa). C’est cette école qui donnera plus tard, au 18e siècle, naissance au wahhabisme, doctrine officielle en Arabie-Saoudite.

Par ailleurs, plusieurs courants sont aujourd’hui présents en France. Si majoritairement, ils se reconnaissent dans l’islam sunnite, certains musulmans de France sont chiites, en référence au chiisme et d’autres enfin appartiennent au soufisme.

L’implantation de l’islam en France a été le résultat de plusieurs vagues d’immigration successives, encouragées en un premier temps, dès le début du 20e siècle, par les politiques publiques. Au début du siècle dernier, près de 5000 musulmans vivaient dans l’Hexagone, la plupart des Algériens. À l’époque, en effet, l’Algérie, colonie française depuis 1830, représentait trois départements français. Par conséquent, même si les Algériens, appelés « Indigènes » (tout comme les Marocains et les Tunisiens), étaient considérés comme des citoyens de seconde zone, il n’en demeure pas moins qu’ils faisaient partie, sociologiquement parlant, du panorama français.

C’est à partir de la première Guerre mondiale (1914 – 1918) que l’on notera des arrivées massives de populations musulmanes, notamment des hommes, sur le sol métropolitain. Lorsque débute le conflit en 1914, la conscription des « indigènes » venait d’être mise en place en Algérie, à la faveur d’une loi promulguée en 1911. Aussi, plus de 260.000 habitants du Maroc, de la Tunisie, mais surtout de l’Algérie (34.000 Marocains, 50.000 Tunisiens et 136.000 Algériens) furent mobilisés par l’armée française. Outre les personnes originaires d’Afrique du Nord, il y eut également 215.000 personnes issues des colonies, notamment près de 140.000 Sénégalais qui furent également mobilisés. D’un autre côté plus de 130.000 musulmans sont recrutés durant la Première guerre mondiale pour travailler dans les usines et les mines et remplacer ainsi la nombreuse main d’œuvre française, partie au front.

Plus de 80.000 soldats originaires d’Afrique du Nord furent tués ou recensés disparus à l’issue de la « Grande guerre ». Cette contribution suscitera, après la guerre, des gestes symboliques de la part des autorités françaises. Ainsi, la construction de la Grande Mosquée de Paris sera lancée dès le lendemain du conflit mondial. Elle fut inaugurée en 1924. Il y eut également la création de cimetières musulmans et l’ouverture de l’hôpital Avicenne à Bobigny.

Au lendemain de la guerre, le mouvement d’immigration de main d’œuvre issue des colonies devait s’accroitre. Mais cette politique est stoppée dès 1924. En 1939, plus de 200.000 Algériens sont recensés en métropole.

Durant et après la seconde Guerre mondiale des phénomènes sociologiques identiques devaient relancer les vagues migratoires (mobilisation de soldats musulmans au sein de l’Armée d’Afrique et recrutement d’une main d’œuvre issue des colonies).

Dévastée par près de cinq ans de guerre, la reconstruction de la France a imposé de faire appel à cette main d’œuvre, bon marché et corvéable. L’ordonnance du 2 novembre 1945 allait faire annuler les décisions de 1924 et permettre le retour à la liberté de circulation pour les Algériens. De fait, l’immigration algérienne devient la plus prépondérante et ce, jusqu’en 1962, année de l’indépendance de ce pays.

D’un autre côté, il faut préciser qu’au lendemain de la guerre d’Algérie, plus de 80.000 harkis (les supplétifs de l’armée française en Algérie) sont rapatriés en Métropole. Pour les Français, l’islam devient un « marqueur identitaire » qui permet de désigner ces populations venues des anciennes colonies.

Au courant des années 1970, notamment sous les gouvernements de Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing, les autorités françaises soutiennent la création de lieux de culte musulmans, en réalité des « salles de prières » dans les foyers d’accueil des travailleurs immigrés et à l’intérieur d’immeubles HLM. Aussi, le plus souvent, des garages ou des caves sont-ils transformés en « lieu de culte ». Cette politique répond en réalité à un objectif de paix sociale.

Les enfants issus de cette immigration postcoloniale seront des citoyens français. Ayant reçu l’islam en héritage éducatif, cette « deuxième génération » va progressivement, à travers sa propre implantation, faire émerger ce qui sera appeler plus tard « l’islam de France ». Une religion qui ne sera plus vécue comme un « culte étranger », mais progressivement comme la deuxième religion de France.

Ces « enfants de la deuxième génération » vont être, très souvent, confrontés à quelques « chocs » sociologiques, idéologiques et politiques. Ils sont Français, car nés en France et, dans la plupart des cas, ils ne connaissent pas un autre pays que la France. Le pays d’origine des parents est souvent fantasmé, idéalisé et mis en opposition aux difficultés qu’ils sont nombreux à rencontrer dans leur pays de naissance. Les problèmes ayant trait à leur intégration sur le marché du travail ou ceux inhérents à leur intégration dans la société sont devenus la raison essentielle d’un repli sur soi communautaire opéré, au fil des années, selon une logique religieuse. En effet, ce sentiment de rejet, réel ou ressenti, de la part de la société française a créé chez les enfants d’immigrés une vraie inquiétude sur leur origine et leur identité, mais aussi sur cette double appartenance au pays d’origine et au pays d’accueil.

Sans faire l’apologie d’un quelconque discours victimaire, il convient de souligner la double pression sociale subie par cette catégorie de la société soumise, d’un côté, aux exigences familiales quant au respect de la culture et de la religion des « ancêtres » et, d’un autre, à la nécessaire intégration républicaine qui exige un strict respect de la laïcité. Ces réalités ont créé des situations de mal-être évident chez plusieurs « enfants de la deuxième génération » qui se considèrent « ni véritablement d’ailleurs, ni tout à fait d’ici », pour reprendre l’expression du philosophe Yves Charles Zarka.

L’islam, ou plus précisément une certaine vision de l’islam, revendicatif, militant et, parfois belliciste, a été alors érigé comme une sorte d’identité de substitution. C’est ainsi que l’islam de France s’est progressivement transformé, dans certaines sphères, comme outil identitaire quand il n’est pas utilisé comme idéologie politique, notamment par les adeptes de l’islam politique, plus communément désigné sous le vocable d’islamisme.

Comme nous le verrons plus loin, l’islam de France est souvent instrumentalisé par les États et gouvernements, français et étrangers, et par des courants de pensée, comme ceux proches de la Confrérie des Frères musulmans ou ceux sensibles aux théories wahhabites. L’ensemble pouvant compter sur de nombreux relais agissant sur le territoire français ou sur des personnalités médiatiques diffusant leurs idées à travers des conférences, des ouvrages ou des associations. C’est ainsi que nous nous apercevrons qu’il existe autant d’islam(s) que d’organisations islamiques. Cette palette de nuances est composée d’associations dirigées, en sous main, par des États étrangers et appelées à maintenir un cordon ombilical entre le pays d’origine et la « communauté », et, par ailleurs, d’organisations affranchies de tutelles étatiques mais liées à des groupements transfrontaliers dont l’objectif nous avoué vise à (ré) islamiser les musulmans de France et, au-delà, les musulmans européens et les amener, à travers l’action sociale, l’endoctrinement ou le prosélytisme à appliquer un islam idéologisé et politique.

(1) Pseudonyme de l’auteur

Pour en savoir plus : http://www.memri.fr