Ces entreprises sauvées par le multiculturalisme

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La prise en considération des caractéristiques culturelles en emploi est essentielle. Elle a pour vertu de mieux comprendre les défaillances d’une organisation et de dynamiser une entité commerciale donnée.

Au paradis, les Allemands fabriquent les voitures, les Anglais font la police, les Français la cuisine, les Italiens l’amour, et les Suisses s’occupent de l’organisation. En enfer, la police est allemande, les voitures françaises, les Anglais font la cuisine, les Suisses l’amour, le tout organisé par des Italiens. Et si, derrière cette plaisanterie populaire, se cachait une forme de sagesse? Appliquée au monde de l’entreprise, elle rendrait l’environnement de travail parfait, car elle tiendrait compte des spécificités culturelles de chaque individu.

La culture nationale pourrait ainsi avoir une influence sur le management. Selon le psychologue et anthropologue hollandais Geert Hofstede, l’organisation d’une entreprise, sa structure, son rôle, son comportement et son système de valeurs sont, dans une large mesure, des produits culturels de la société au sein de laquelle elle évolue. Ce qui se passe dans une organisation est par conséquent le reflet direct de ce qui se passe dans la société qui l’entoure.

Une stratégie managériale intelligente consisterait donc à prendre en considération les caractéristiques culturelles d’une société, afin d’en faire le meilleur usage possible. L’élément culturel permettrait en outre d’expliquer, dans de nombreux cas, les défaillances d’une organisation, étant précisé que les traits culturels ne sont pas, en soi, défaillants ou performants. Au contraire, ces derniers n’apparaissent comme défaillants qu’en relation avec une activité bien spécifique.

Un exemple emblématique est celui de la compagnie Air Korea, au bord de la faillite dans les années 1980 et 1990, suite à une série de crashs aériens ayant fait plus de 700 victimes. Dans son best-seller Outliers, le journaliste Malcolm Gladwell explique le rôle joué par la culture coréenne dans cette suite de catastrophes aériennes.

A l’instar de beaucoup de pays du Sud-Est asiatique, la Corée méridionale possède des structures et des organisations très hiérarchisées. Ainsi, la langue de ce pays – fortement influencée par le confucianisme qui insiste notamment sur le respect dû aux supérieurs – possède plusieurs niveaux de politesse, rappelant en permanence le rang et le statut de chacun. Des caractéristiques culturelles qui ne feraient pas bon ménage avec le monde de l’aéronautique. En effet, selon Gladwell, rien n’est plus nuisible à la sécurité d’un avion qu’une communication «oblique», faite de sous-entendus.

L’analyse des conversations à l’intérieur des cockpits révèle que les causes des accidents étaient dans la majorité des cas connues des copilotes et auraient pu être évitées, si leur conversation avait été fluide. Dans le cas du vol KAL 801 par exemple, le copilote n’a pas osé demander au pilote, son supérieur hiérarchique, d’annuler la procédure d’atterrissage, alors que l’avion volait trop bas et trop lentement. Il ne s’est permis qu’une allusion vague au danger.

La même déférence a été observée chez l’ingénieur de vol qui, pour signaler le péril imminent, s’est contenté d’une phrase sibylline, dans un contexte régional de pluies particulièrement abondantes: «Capitaine, le radar météorologique nous a jusqu’ici beaucoup aidés.» Ce à quoi le pilote aurait répondu: «Oui, ils sont très utiles.» Gladwell explique que sans l’observation stricte des codes formels, où prédomine le respect du supérieur hiérarchique, l’alerte de l’ingénieur aurait pu ressembler à ça: «Capitaine, les conditions météorologiques ne nous permettent pas d’atterrir à vue ce soir. Le radar météorologique nous signale clairement un danger.»

Même si elle n’entraîne pas la mort de ses salariés, une trop grande distance hiérarchique au sein d’une organisation peut également lui être nuisible. Les structures pyramidales incitent en effet les collaborateurs à dissimuler certains problèmes pour s’attirer les bonnes grâces de leur hiérarchie. Et quand nul n’a le courage de pointer les défauts d’un système par peur de froisser son supérieur, les risques de dysfonctionnements s’accroissent.

Dans le cas de Korean Air, la compagnie est parvenue à améliorer son fonctionnement interne, suite à l’arrivée de David Greenberg. L’ancien dirigeant de Delta Air Lines a «gommé» les différences hiérarchiques en instaurant l’anglais comme langue obligatoire à bord. Les membres de l’équipage ont également suivi des entraînements poussés en matière de communication. Ces restructurations profondes ont fait de Korean Air, aujourd’hui, l’une des compagnies les plus respectées au monde.

Outre une distance hiérarchique trop grande, d’autres spécificités culturelles peuvent entraver la bonne marche d’une entreprise. La discrimination raciale, le respect strict d’un système de castes, la discrimination à l’encontre des femmes ou encore le fait de considérer une tâche comme avilissante, constituent quelques exemples susceptibles d’avoir un impact négatif sur une structure donnée. Ainsi, dans les cultures traditionnelles, où il incombe en premier lieu aux hommes de gagner le pain quotidien, ceux-ci regardent parfois d’un mauvais œil le fait que des femmes soient des collègues ou, pire, des cheffes. Or, refuser l’égalité des chances en matière d’emploi aux femmes et contester la légitimité de leur autorité n’est pas en adéquation avec les besoins actuels des entreprises.

S’agissant du profil des postes, certaines cultures qui rejettent les tâches ou les métiers associés «aux mains sales», ont dû faire face à une pénurie de techniciens, de plombiers et de personnel d’entretien. Le «piège culturaliste» peut cependant être déjoué grâce à une stratégie managériale adaptée, comme le démontre l’exemple de Korean Air.

Quelles sont les spécificités culturelles de la Suisse? D’après Hofstede, le style de management sur le territoire helvétique est globalement consultatif, bien que des variantes soient possibles de part et d’autre de la Sarine. En Suisse alémanique, les rapports hiérarchiques sont par exemple plus égalitaires que dans les cantons romands.

Le journaliste Fabien Dunand, auteur du Modèle suisse, relève par ailleurs qu’aucun «autre Etat au monde ne pratique en même temps la démocratie directe, le fédéralisme, la neutralité, la paix du travail et le compromis systématique». Ces spécificités culturelles ne sont sans doute pas étrangères à la réputation d’excellence – le fameux «Swiss Made» – dont sont auréolées la plupart des entreprises helvétiques.

Amanda Castillo

Pour en savoir plus : http://www.letemps.ch

Le Québec ou la diversité au quotidien

Montréal

Partie pour une semaine à Montréal au Québec, pour un séminaire universitaire « Entreprise et Religions », voici quelques réflexion à battons rompus sur ce pays multiculturel.

Arrivés avec 6 heures de décalage, il nous faut aussi faire avec le décalage culturel. Ici à Montréal, tout est grand, large, haut. Les voitures, les rues, les building, les avenues, la chambre de l’hôtel, le lit.

Comparés à nos villes, notre espace nous paraît tout petit, racrapoté.
Dans les rues, se côtoient toutes les couleurs de peau, les religions, les modes. La visite des deux musées qui racontent l’histoire de la ville vient expliquer ces cultures qui co-existent dans Montréal.

Histoire de l’immigration à Montréal

Présence des indiens (550 ethnies) depuis des milliers d’années, le pays est découvert par les français qui vont et viennent sur ces terres hostiles. Au début du XVIe siècle, les Français entreprennent la colonisation du Québec. Ils s’installent sur les berges du fleuve Saint-Laurent. Grâce aux Filles du Roy – de jeunes Françaises, pour la plupart orphelines et qui ont quitté leur mère patrie pour participer à la colonisation – la population du Québec s’accroît.

Les Français, qui croient conquérir un territoire inoccupé, font vite face à des nations autochtones déjà établies depuis des milliers d’années. Très tôt, des relations s’établissent entre eux.

Aujourd’hui, le Québec compte 56 communautés autochtones, soit 81 864 Autochtones, dont 71 840 Amérindiens et 10 024 Inuits. Les dix nations amérindiennes et la nation inuite représentent environ 1 % de la population du Québec. En 1985, le gouvernement du Québec a été le premier gouvernement du Canada à reconnaître les nations autochtones.

Vagues migratoires

Dès le XIXsiècle, le Québec connaît plusieurs vagues migratoires, principalement d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande. Les loyalistes, colons américains fidèles à l’Angleterre, figurent parmi les premiers immigrants; ils ont quitté les treize colonies de l’Atlantique avant l’indépendance américaine. Au tournant du XXsiècle, les immigrants proviennent essentiellement d’Europe. Le recensement de 1911 dénombre, outre les Irlandais, environ 8 000 personnes originaires d’Allemagne.

Les années 1920 voient aussi arriver des personnes originaires de pays de l’Europe de l’Est. En 1931, la communauté juive compte déjà 60 000 membres au Québec, alors que l’on dénombre près de 25 000 personnes d’origine italienne, 10 000 personnes d’origine portugaise ainsi que 1 000 personnes d’origine allemande.

La Seconde Guerre mondiale engendre un nouveau mouvement migratoire vers l’Amérique. Le portrait démographique du Québec change.

Diversification de l’immigration

Depuis 1970, l’immigration au Québec s’est grandement diversifiée. Elle est aujourd’hui constituée de plus d’une centaine de communautés culturelles. Le contact avec ces nouveaux citoyens a insufflé un nouveau dynamisme à la société québécoise. Ils lui ont apporté une richesse culturelle, sociale, économique, scientifique et technologique.

Séminaire « Entreprise et Religion »

Deux jours de conférences-débats au sein de l’Université de Sherbrooke à Montréal.
Nous avons appris ce qu’étaient la politique des « accommodements raisonnables ». Son fondement : le droit à l’égalité. Pour qu’il y ait accommodement raisonnable dans une entreprise, il faut qu’il y ait une discrimination. Cette politique est parti de la discrimination des personnes handicapées.

L’entreprise et le salarié doivent faire des efforts sincères et sérieux pour trouver un terrain d’entente adapté à leurs besoins. Cette politique oblige les entreprises et les salariés à réfléchir ensemble. Elle pousse à la responsabilité de chacun pour le « travailler-ensemble ».

Concernant la question de le neutralité de l’Etat au Québec : elle est vérifiable dans l’action du fonctionnaire, pas dans ses vêtements. Il est donc possible (comme nous l’avons vérifié de nos yeux) que des policiers portent un pantalon « coloré » sans que cela ne pose problème.

Le dialogue interreligieux en entreprise comme pratique du management interculturel : il est important de réfléchir à la problématique de la vérité. Est-ce que je possède toute la vérité ? Ma vérité est-elle absolue ?

Dans un souci de dialogue en entreprise, il faudrait reprendre le fait que la vérité m’échappe inexorablement.

Réfléchir aux perceptions et préjugés que l’on peut avoir. Prendre conscience de mes perceptions à tout instant, suspendre mon jugement et vérifier mes préjugés. Pour cela, entrer en relation avec l’autre et approfondir mes compétences interculturelles.

Saisir l’importance de l’égalité fondamentale de chaque personne : reconnaître l’Autre et croire qu’il est possible d’apprendre de l’Autre, d’apprendre de chaque culture et de chaque religion.

Travailler avec des collègues de différentes cultures et religions suppose de gérer des compromis et des consensus : vouloir les atteindre à travers le bilan des points communs et des différences, savoir distinguer les conflits, les dilemmes et les crises ethniques ainsi que leurs sources.

Par mes actions, inactions, paroles et silences, je dis le monde dans lequel je voudrais vivre.

La seconde journée été tournée sous le signe de la spiritualité, dans un soucis d’aide au bien-être de chacun, pour une entreprise plus juste, pour un monde plus juste.

Interview de l’architecte Pierre Thibault. Son idée : « Créer de la beauté là où il n’y en a pas ! »

Il vient d’une grande famille où il a apprit l’essentiel de la vie, la responsabilité, le sens du partage. « Quand on a peu de choses, on est heureux ! »

Pour lui, tout est possible, il faut s’organise pour ! Sa question : créer de la poésie avec des contraintes, voir les opportunités, être à l’écoute des autres et de soi-même, évacuer les énergies négatives.

Deuxième intervention : Marie-Josée Legris, dirigeante de l’entreprise Brisson-Legris.

Ca sert à quoi de faire de la croissance si les gens sont malheureux ?

Elle mesure la réussite de son entreprise à son chiffre d’affaire, bien sûr, mais aussi au niveau de rires dans la salle de restauration, à midi !

Selon elle, il y a 3 qualités pour un patron : le courage, l’humilité et l’amour pour son travail et pour les employés, les clients.

Question du groupe : jusqu’où une entreprise, un chef d’entreprise peut amener les salariés en dehors de ce pourquoi ils sont là ?

Sa réponse : pour travailler ensemble, faire ensemble, il faut aussi faire ensemble en dehors de l’entreprise (temps de convivialité,…).

Nous avons évoquer un livre sur les accords Toltèques que voici :

1. Que votre parole soit impeccable : Parlez avec intégrité, ne dites que ce que vous pensez. N’utilisez pas la parole contre vous ni pour médire d’autrui. 

2. N’en faites jamais une affaire personnelle : Ce que les autres disent et font n’est qu’une projection de leur propre réalité. Lorsque vous êtes immunisé contre cela, vous n’êtes plus victime de souffrances inutiles. 

3. Ne faites aucune supposition : Ayez le courage de poser des questions et d’exprimer vos vrais désirs. Communiquez clairement avec les autres pour éviter tristesse, malentendus et drames.

4. Faites toujours de votre mieux : Votre “mieux” change d’instant en instant. Quelles que soient les circonstances, faites simplement de votre mieux et vous éviterez de vous juger.

Nous avons réfléchit à l’individu au travail : « Je ne veux pas être saucissonné, je veux être unifié ! »

 

Charles Baron nous a aidé à comprendre que le développement de la conscience est nécessaire pour assurer un leadership dans l’innovation et l’épanouissement collectif. En effet, nous sentons une perte de sens troublante au travail. Le schéma proposé depuis les Lumières était celui d’une préséance de la science comme explication du monde, l’expérience et le développement humain étant réservé à la religion.

Aujourd’hui, nous nous apercevons que ce paradigme est dépassé, qu’il ne fait plus sens.

 

A SUIVRE TRES PROCHAINEMENT…

Marie DAVIENNE – KANNI

Publié le 18 Mai 2015 à 16 h 30 à Montréal – Québec

Lettre ouverte à Mme Blain et aux phobiques du voile

AFFAIRE-DIANE-BLAIN

Le Québec a-t-il si peur de perdre son identité qu’il exige de ses immigrants une soumission immédiate, une allégeance rigoriste à ses valeurs? Faut-il que ses habitants manquent à ce point de confiance en leur Province pour renier les principes les plus élémentaires d’une démocratie occidentale (la tolérance, la raison et la mesure) ? La désormais célèbre affaire Diane Blain illustre ce malaise qui traverse la société québécoise depuis plusieurs années. Un malaise qu’il faut comprendre, mais aussi apaiser.

« Ton voile, il heurte mes valeurs »

Retour rapide sur les faits, tels qu’ils ont été rapportés par la principale intéressée sur la radio 98,5 dans l’émission Dutrizac. Diane Blain se rend à la clinique dentaire de Montréal pour y subir un soin. À son arrivée, elle est prise en charge par une étudiante de 3e année, comme c’est d’usage dans l’Université. Problème : ladite étudiante est voilée. « Est-ce que c’est toi qui vas me donner les soins? », lui demande alors Mme Blain. « Oui madame, mais nous serons deux », lui répond l’étudiante. Poliment, mais fermement, la patiente insiste: « Oui, mais toi, est-ce que tu vas me donner des soins? Écoute, je préfèrerais voir quelqu’un d’autre. Parce que toi, avec ton voile, je suis vraiment pas à l’aise. Ça brime mes valeurs d’égalité hommes-femmes.» Sans un mot, l’étudiante voilée tourne les talons et quitte la pièce. Deux de ses collègues la remplacent et commencent les examens. « Dont une musulmane non voilée qui était très gentille », s’empresse de préciser Mme Blain. Un Docteur débarque alors et demande des explications à la patiente quant à son attitude avec l’étudiante: « C’est contre mes valeurs, argumente-t-elle. Moi, jamais je n’affiche mes signes religieux ou politiques. Et je n’accepte pas d’être soignée par une femme qui porte ce voile symbole de soumission.» Face à sa position catégorique, l’hôpital n’aura d’autre solution que de la renvoyer chez elle sans lui prodiguer les soins demandés. À l’antenne, Mme Blain précise alors sa pensée: « Vous savez, moi je me suis battu toute ma vie pour les droits des femmes. J’ai 70 ans, mes valeurs sont profondément ancrées en moi. À 21 ans, moi j’étais mariée, j’avais un enfant et je n’avais pas le droit de signer un chèque, ou d’emprunter, ou d’avoir une auto à mon nom. Et là en 2015, on va me demander de régresser et d’accepter la soumission de la femme ? » Avant de conclure: « J’aurais du demander un accommodement raisonnable. (…) J’ai le droit d’avoir des soins par une personne que j’ai choisie. »

Soulevons le voile

Par quel bout prendre cette polémique? Attrapons d’abord ce bout de tissu qui pend et osons la question: de quoi le voile est-il le nom ? «De la soumission», répondent en chœur Mme Blain et ses soutiens. No pasaran, vade retro et tutti quanti, le refrain est connu. Sauf que faire cette réponse, c’est transformer un accessoire vestimentaire en barrière civilisationnelle.

Faire cette réponse, c’est donc indirectement donner raison aux intégristes musulmans, les laisser gagner sur le terrain du symbole. Autrement dit, faire cette réponse, c’est accepter ce choc des civilisations dans lequel les islamistes veulent nous entrainer. Or, le problème posé aux civilisations occidentales, ce n’est pas le voile, mais l’absolue liberté des femmes de le porter ou pas. Contrairement à ce que le marketing salafiste nous martèle, la femme voilée n’est pas nécessairement synonyme d’oppression masculine ou d’insultes aux valeurs occidentales. En tout cas pas plus que cette mère de famille qui fait la vaisselle et s’occupe des enfants pendant que son mari boit une bière devant la partie de hockey. Pas plus non plus que ces filles en mini-jupe, talons hauts et vêtements transparents qui ornent le bras de leurs chums à la sortie des boîtes de nuit. Pas plus enfin que ces strip-teaseuses qui paient leurs études en exhibant leurs corps aux touristes du Grand Prix. Le rôle de l’État, son devoir vis-à-vis de toutes ces femmes n’est pas de savoir si leurs accoutrements, leurs comportements ou leurs choix de vie contreviennent à une quelconque morale publique, mais de s’assurer qu’ils sont librement choisis et consentis.

Compte tenu de l’histoire du féminisme québécois, la question du voile est par définition sensible dans la Province.

La réaction épidermique et les justifications de Mme Blain sont à ce titre exemplaires. Mais faire du voile un champ de bataille, c’est se tromper de combat. Au même titre qu’une femme qui choisirait aujourd’hui de rester au foyer, de s’occuper des enfants et de faire le ménage ne serait pas nécessairement une héritière des grands-mères québécoises soumises à leur mari, une étudiante voilée n’est pas automatiquement un symptôme de la folie sanguinaire des salafistes de Daesh. Pour l’une comme pour l’autre, cela peut juste découler d’un choix personnel, d’une liberté qu’il revient à la société québécoise de garantir et de faire respecter. Mais ce choix, à partir du moment où il est fait en toute indépendance (on insiste), n’a pas à être soupçonné par principe. Le reste – les diktats sociétaux que ces femmes s’imposent à elles-mêmes, ce qu’elles renvoient comme symbole dans l’espace public, si elles se respectent ou pas – ça ne regarde personne. Une fois encore, on veut dicter aux femmes ce qu’elles doivent faire, la manière dont elles doivent s’habiller, la façon dont elles doivent se comporter. C’est ainsi qu’on les soumet, c’est ainsi qu’on régresse. En 2015, défendons les femmes de toutes nos forces, mais de grâce, laissons-les tranquilles.

Pompier pyromane

Le plus triste dans cette polémique, c’est que cette jeune fille voilée est justement un symbole d’intégration réussie. Le signe éclatant qu’on peut porter le hijab et travailler dans le domaine de la santé. Être musulmane pratiquante et soigner n’importe quel Québécois. Lorsque Mme Blain et d’autres réclament un accommodement raisonnable dans ce cas-ci, sous prétexte qu’une poignée d’obscurantistes musulmans exigent de leur côté que leur femme ne soit pas soignée par un homme, ils agissent en aveugles. Autrement dit en intégristes. Amalgamer cette étudiante voilée parfaitement intégrée avec ces extrémistes en butte avec les valeurs occidentales les plus élémentaires, c’est réduire à néant ses efforts, détruire le lent processus d’émancipation auquel elle participe. En un sens, c’est ce même amalgame larvé (femme voilée = terrorisme) qui est à l’oeuvre lorsque Mme Blain évoque cette autre étudiante «musulmane non voilée qui était très gentille». À moins que cette personne n’ait décliné sa confession de vive voix, comment Mme Blain a-t-elle deviné sa religion ? À quel signe ostentatoire l’a-t-elle identifiée ? On voit bien où se situe le problème : en rejetant une population entière au nom d’un voile porteur de tous les maux, en ostracisant de facto tout ce qui diffère de nous, en montrant aux intégrés qu’ils ne le seront jamais assez, on ne fait qu’aggraver la situation comme le ferait un pompier pyromane.

Dans cette histoire, on voit bien en filigrane que la question posée est celle des accommodements raisonnables. Pourquoi eux et pas nous? Pourquoi le musulman immigré peut-il réclamer un accommodement et pas moi le Québécois de souche? Il ne faut pas le nier: pour marginaux qu’ils soient, les rares cas de ces musulmans refusant tel ou tel praticien sous prétexte de dogmes religieux posent problème. On touche là à l’organisation même de la société, au lien social, à l’égalitarisme occidental le plus basique. Oui mais. Il faut dépasser ces cas-limites et revenir à la base: à quoi servent les accommodements raisonnables? Au-delà d’incarner le multiculturalisme canadien, au-delà du discours officiel à base de respect de toutes les communautés, ces dispositifs poursuivent en réalité le même but que toutes les politiques d’immigration: favoriser l’intégration d’une minorité à la majorité. L’idée-force cachée derrière consiste à pacifier l’espace public, à favoriser l’intégration d’une population allogène en faisant quelques concessions à la marge. Le pari en fin de compte c’est que cette relation pacifiée favorisera la transmission des valeurs de la culture d’accueil, donc conduira non pas à un renoncement, mais à une transformation progressive de la culture des arrivants. En terme religieux, on parlerait de sécularisation.

Pour le moment, si l’on s’en tient aux chiffres des pratiques religieuses, le pari paraît réussi du côté des musulmans (à peine 3% de la population québécoise, rappelons-le). De tous les groupes religieux au Québec, les musulmans immigrants semblent les moins nombreux en proportion à déclarer une forte religiosité et parmi les plus nombreux à déclarer une faible religiosité (voir graphiques ci-dessous ; indice calculé en fonction de l’assiduité dans les lieux de culte). Et même si la religion reste une part importante de leur identité (selon l’enquête d’Environics, 56% des musulmans canadiens se disent avant tout musulmans), le sentiment de fierté canadienne de cette population est dans la moyenne nationale (94%). Il n’y a qu’au Québec que ce sentiment de fierté canadienne est plus faible (89%), mais étant donné les velléités séparatistes de la province, on pourra aussi y voir un facteur supplémentaire d’intégration. Bref, on est loin des fantasmes véhiculés ici ou là. D’après la plupart des modèles prédictifs, les générations suivantes devraient même amplifier le mouvement actuellement à l’oeuvre. À moins que les attitudes ostracisantes et la vindicte médiatique ne viennent l’enrayer en créant une résurgence du sentiment identitaire.

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Source: Étude du CDPDJ sur la ferveur religieuse (chiffres de 2007)

Keep calm and discutons

Revenons donc à la question initiale: s’il existe des accommodements raisonnables pour les immigrés les plus sourcilleux, pourquoi les plus inflexibles des Québécois n’en bénéficieraient pas? Tout simplement parce que ce serait un contre-sens. L’accommodement raisonnable n’est pas une faveur, ce n’est pas un privilège, c’est un lubrifiant dans les rouages de la société, un petit sacrifice au nom d’un idéal d’intégration beaucoup plus grand. Une manière, quelque part, d’affirmer haut et fort notre foi en la solidité du modèle occidental, en la suprématie de son pacte social : oui, on est capable de faire des concessions. Parce que notre société est forte. Parce que nous sommes sûrs de nous. Tout l’enjeu ici consiste à discerner ce qui est «raisonnable» de ce qui ne l’est pas, l’aménagement nécessaire du renoncement aux valeurs. C’est un art de la nuance, un arbitrage difficile qui peut conduire à des excès. C’est arrivé par le passé, alors gardons-nous en à l’avenir. En l’espèce, en quoi une Mme Blain n’est-elle pas intégrée à la société québécoise?

En quoi appartient-elle à une minorité nouvellement arrivée et vivant un choc culturel? En quoi, donc, sa demande d’accommodement paraît-elle « raisonnable »? En rien.

Ce débat est passionnant, essentiel en ce qu’il dit de l’état d’un Canada en profonde mutation, d’une société qui se transforme sous nos yeux. Parce que ce débat est l’un des garants du lien social, du vivre ensemble, il ne doit surtout pas être contourné. Mais qu’on soit multiculturaliste à la canadienne ou plutôt interculturaliste à la québécoise, n’oublions jamais que l’échange est la pièce maîtresse du système, et qu’il requiert des interactions répétées, un brassage entre les communautés pour fonctionner. C’est le pari de la laïcité ouverte. Pour déboucher sur quelque chose de constructif, il faut donc que ce débat soit mené par des interlocuteurs apaisés. Et raisonnables. Autrement, le Québec ne parviendra jamais à trouver de consensus sociétal, ce fragile équilibre démocratique qui a toujours été l’honneur des sociétés d’Amérique du Nord.

Publication: Mis à jour:
Pour en savoir plus : http://quebec.huffingtonpost.ca

Canada : la laïcité comme valeur, les passions se déchaînent

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Le Québec risque de se déchirer sur le port du voile ou du crucifix dans les lieux publics avec le projet des indépendantistes au pouvoir dans la province francophone du Canada d’aller plus avant sur la laïcité.

Mis à mal dans les sondages, le gouvernement indépendantiste de Pauline Marois cherche à se relancer avant les prochaines échéances électorales et veut mettre sur la table en septembre une Charte des valeurs québécoises, mélange de l’identité culturelle et linguistique de la province sans promouvoir une religion par rapport à une autre.

Le Canada est fier de son multiculturalisme, héritage des années 70 et de l’emblématique Premier ministre Pierre Elliott Trudeau, et chacun peut porter librement au travail son turban, sa kippa ou le voile.

Le gouvernement du Québec voudrait maintenant, selon le principe de la neutralité de l’Etat, interdire le port ostentatoire de signes religieux par les personnels des services publics. Cette Charte n’irait cependant pas jusqu’à interdire aux individus de porter le turban ou le hidjab (voile ne laissant voir que l’ovale du visage) pour aller consulter à l’hôpital ou accompagner les enfants à la crèche ou à l’école.

Bernard Drainville, ministre des Institutions démocratiques, a justifié jeudi cette Charte en estimant que «la meilleure façon d’assurer le respect de toutes les religions (…), c’est que l’Etat soit neutre sur le plan religieux».

Curieusement, le gouvernement semble vouloir aller plus loin que les conclusions d’une mission mandatée sur cette question. Le philosophe Charles Taylor, l’un des auteurs du rapport, a mené la charge sur les ondes de Radio-Canada en parlant d’un «acte d’exclusion absolument terrible» qui se rapproche de «la Russie de Poutine».

«Pas de frange d’extrême droite»

Gilles Routhier, doyen de la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université de Laval à Québec, suit l’avis de Charles Taylor. «Les institutions de l’Etat doivent être neutres au plan religieux et les personnes qui représentent ces institutions doivent (…) également faire preuve de neutralité», explique-t-il à l’AFP.

Le ministre canadien conservateur du Multiculturalisme Jason Kenney a mis en garde les Québécois vendredi contre toute tentation de modifier les équilibres actuels de la société. «Les Canadiens croient que la liberté de religion et de conscience sont des valeurs universelles et nous espérons que ce sont des valeurs et des principes qui seront respectés», a-t-il dit.

Le débat sur la laïcité au Canada déborde du cadre politique, selon David Rayside, professeur au département de sciences politiques à l’Université de Toronto. «Cela dure depuis un certain temps et c’est aussi bien un débat de société qu’un débat politique».

Ces universitaires ne voient pas cependant un risque des montées des extrêmes ou du racisme. Cela «éveille des passions et plus les citoyens sont insécurisés par l’environnement nouveau dans lequel ils ont à vivre, plus cela peut éveiller des divisions et des oppositions» sans aller plus loin, estime Gilles Routhier.

«En général, le sentiment vis-à-vis de l’immigration est plus positif au Québec et il n’existe pas une frange d’extrême droite comme c’est le cas en France», souligne David Rayside. «Le plus grand risque serait plutôt que les immigrés se sentent mal à l’aise, y compris ceux qui ne portent pas de signes religieux», et pour ces immigrés cela signifierait «qu’ils ne sont pas les bienvenus au Québec».

La ministre québécoise de l’Immigration Diane de Courcy ne craint pas ce risque car toutes les personnes immigrantes au Québec «signent une déclaration sur les valeurs communes» et «elles ne seront pas étonnées» par cette Charte.

Si elle devait être adoptée par les députés québécois, alors le crucifix ornant le mur au-dessus du siège du président de l’assemblée devrait alors être retiré pour ce que David Rayside traduit comme «l’exemple le plus fameux et le plus bizarre» des liens étroits entre religion et politique.

Selon lui, la concrétisation d’un tel projet serait comme la France qui «se targue d’être une société laïque et où l’Etat subventionne les écoles catholiques».

Pour en savoir plus : http://www.20minutes.fr

 

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Pourquoi le religieux sera au coeur du XXIe siècle

 Malraux

Dans une entrevue qu’il accordait à un journal danois en 1955, le célèbre écrivain André Malraux affirmait que la tâche du prochain siècle serait « d’y réintégrer les dieux ». Bref, que le défi du XXIe siècle serait de faire face au retour, ou mieux, à la permanence du religieux. Anticipant déjà la crise spirituelle dans laquelle serait aujourd’hui plongée la civilisation occidentale, Malraux faisait preuve d’une intuition prophétique.

L’auteur français ajoutait que le retour du religieux serait effectué d’une manière inattendue, imprévisible. Contre toute attente et malgré la montée grandissante de l’islam en Occident, on peut observer que le Dieu universel dont se sont longtemps revendiqués les monothéismes s’épuise. Subtile, mais confiante, la pluralité du sacré s’est taillé une place parmi les dinosaures idéologiques de l’Occident. L’unité de la croyance s’est effondrée. Si Dieu est mort, les dieux, eux, sont bien vivants.

Mes plus récentes réflexions m’ont conduit à constater que trois principaux facteurs pouvaient expliquer ce constat.

1. Déracinement

Dire que l’Occident vit une crise existentielle relève de l’euphémisme. Si l’islam possède des mythes fondateurs agressifs qui exhortent ses fidèles à la reconstruction de la théocratie originelle de Mahomet, il n’en demeure pas moins que l’islamisme profite d’un d’assèchement idéologique — d’un néant spirituel — qui prévaut dans la plupart des sociétés occidentales. Autrement dit, le désenchantement encourage la refondation souterraine de la religiosité.

Les jeunes disent qu’ils vivent dans une société « plate » : ils sont en manque de sensations fortes. Ils sont en quête de figures héroïques, de modèles. Certains optent alors pour des personnages de séries télévisées, d’autres, pour des prophètes ou des maîtres spirituels. Certains s’engouffrent plutôt dans une existence totalement virtuelle en incarnant des personnages moyenâgeux dans des jeux vidéo.

Les grandes idéologies qui ont fait florès au XXe siècle n’ont pas su combler l’espace qui a été laissé vacant par l’abandon des grands récits fondateurs. Le Big Bang a difficilement remplacé la Genèse et le communisme n’a pas succédé au christianisme. Des idéologies ont déployé une énergie comparable à celle des religions, mais elles ont rapidement cédé leur place aux chocs culturels et à l’hédonisme.

Paralysé en raison de son embonpoint bureaucratique, l’Occident voit ses populations souffrir d’un vaste déracinement qui les incite à replonger dans l’univers du mythe. Thème universel de tous les conservatismes, la stabilité redevient à la mode. On veut manger bio, redécouvrir les bienfaits du terroir, renouer avec une authenticité perdue. On veut afficher ses couleurs et se tatouer des idéaux. On court des kilomètres pour perdre le symbole d’une vie redondante et artificielle. On joue aux guerriers pour compenser l’absence de chaleur humaine.

2. Diversité

Le retour du religieux rime aussi avec l’expansion de la diversité culturelle dans les grandes villes. Loin de se limiter à la popularité de la cuisine du monde, le multiculturalisme agit comme un cheval de Troie qui emmène une myriade de religions étrangères. Le renouveau de l’expérience religieuse est en grande partie effectué au contact de l’altérité et de la mondialisation. On comprend les partisans de la laïcité de s’en méfier.

La Cité redevient le centre d’une effervescence spirituelle dont les formes sont aussi diversifiées que contradictoires. Dans la rue, les communautés gaies côtoient dorénavant des groupes religieux qui considèrent l’homosexualité comme un crime méritant la mort. La diversité, c’est la coexistence paradoxale de valeurs radicalement contraires. Par conséquent, la gestion du pluralisme constitue l’un des principaux défis que devront relever les États.

3. Romantisme

Le sentiment de déracinement qui règne dans nos sociétés et l’exaltation du multiculturalisme favorisent le retour du romantisme — c’est-à-dire d’un imaginaire fondé sur les sentiments, l’enracinement et le mythe. Le romantisme, c’est croire qu’il vaut mieux s’accrocher à un rêve que de sombrer dans la dépression collective.

La nouvelle sensibilité écologiste doit aussi être considérée comme une composante essentielle de cette esthétique romantique. Face à la dégradation des écosystèmes et à la perte de repères identitaires, on cherche à renouer avec une société antérieure à l’artificialisation du monde. On désire mettre fin à la société de consommation, quitte à développer un rapport positif au religieux qui en serait le remède.

De même, les derniers appels au djihad auxquels ont répondu positivement de nombreux Européens se nourrissent de ce grand vide qui a été habilement dépeint par Michel Houellebecq dans son dernier roman, Soumission. Il ne s’agit pas d’imputer à la civilisation occidentale ce qui relève bien évidemment de la violence musulmane, mais bien de constater que l’islamisme exploite à merveille cette grande désillusion.

Finalement, tous ceux et celles qui ont prédit la mort du religieux pourraient bien s’être trompés. Le religieux est bien vivant et trois mots peuvent rapidement en expliquer la recrudescence : déracinement, diversité et romantisme. Il s’agit de prendre un peu de recul pour s’en apercevoir.

Jérôme Blanchet-Gravel
Auteur du livre «Le nouveau triangle amoureux: gauche, islam et multiculturalisme»

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