LAÏCITÉ – Les intellectuels anglo-saxons sévères avec la France

La laïcité a suscité et connu bien des crispations en France depuis les attentats parisiens. Vu de l’étranger, le constat est sévère. Le New York Times juge que la France se ridiculise avec l’exclusion de Sarah de son collège pour sa longue jupe noire. Par ailleurs, six auteurs du Pen Club international ont décidé de ne pas assister à la remise du prix du courage décerné à Charlie Hebdo le 5 mai aux Etats-Unis.

Soccer match day after

Les supporters de Guingamp rendent hommage aux victimes des attentats, en arborant des panneaux « Je suis Charlie », quelques jours après le 11 janvier (AFP).

Comment entretenir « l’esprit du 11 janvier »? En défendant la « laïcité à la française », entend-on de toutes parts. Problème: il n’y a pas de consensus en la matière. Après l’affaire de l’affiche annonçant un concert des Prêtres au profit des chrétiens d’Orient, mention religieuse refusée par la RATP dans un premier temps, vous avez peut-être suivi, perplexe, l’”affaire de la jupe” qui a agité la France la semaine dernière. Sarah, une collégienne de 15 ans, dans les Ardennes a été sommée de rentrer chez elle pour changer de tenue. Selon sa version et celle de sa famille, l’établissement lui aurait reproché de porter une jupe « trop longue ».

C’est la circulaire du 15 mai 2004 sur le « port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics » adressée aux personnels de l’éducation qui a permis une telle situation. L’inspecteur académique des Ardennes, Patrice Dutot l’a expliqué : il n’a « rien contre une jupe évidemment, quelle que soit sa longueur ». Ce qu’il dénonce, c’est l' »action concertée avec une tenue qui en l’occurrence relève symboliquement de l’ostentatoire ». La ministre de l’Education Najat Vallaud-Belkacem a soutenu l’équipe pédagogique qui « a fait preuve de discernement pour juger du caractère prosélyte non pas de la tenue mais de l’attitude de l’élève. »
Le journal Le Monde a lancé le débat en titrant en Une sur l’affaire. Et le web a très vite réagi, les interrogations et la colère ont débordé sur Twitter où le hashtag #JePorteMaJupeCommeJeVeux rassemblait de très nombreux messages.

Ridicule
Dans son édition du premier mai, le New York Times est revenu sur ce sujet, avec virulence. « En France, la conception de la laïcité y est si sévère qu’il ne s’agit plus de protéger les croyances de chacun, mais d’imposer un style de vie défini comme laïc – et le plus souvent ce sont les nombreux musulmans du pays qui sont visés », indique le journal. Pour le quotidien américain, la loi de 2004, »devient ridicule quand les professeurs se permettent d’émettre un jugement en considérant que tel ou tel habit est une prise de position religieuse ». Selon le New York Times, « les officiels français doivent cesser de se cacher derrière la laïcité quand leur unique but est en réalité d’imposer leur identité et leurs codes à des personnes aux racines différentes des leurs. (…) Aucune religion ne menace sérieusement la laïcité en France aujourd’hui, et invoquer un principe aussi noble contre une jeune fille portant simplement une jupe ne fait que le dévoyer ».

Liberté d’expression
Au delà de cette tribune, dans le monde anglo-saxon, c’est la laïcité et une certaine conception de la liberté d’expression qui restent incomprises. La controverse fait rage dans les medias américains autour de la remise à Charlie Hebdo du “Prix du Courage”. Le Pen Club international est une organisation d’écrivains internationale attachée aux valeurs « de paix, de tolérance et de liberté sans lesquelles la création devient impossible ». Pourtant, six de ses auteurs, dont Joyce Carol Oates ou Michael Ondaatje ont décidé de boycotter la remise du prixle 5 mai à New York. Au départ, six auteurs ont dit défendre une liberté d’expression «sans limitation» et déplorer la tuerie du 7 janvier, mais refusent d’accorder à la ligne éditoriale du journal «admiration et respect». Chaque jour de nouvelles voix dans les medias ont dénoncé «Charlie Hebdo» un journal venimeux et islamophobe. Dans un communiqué, 145 auteurs accusent eux aussi le journal satirique de ridiculiser «une partie de la population française déjà marginalisée et rendue victime». S’ils admettent que «Charlie» affiche un mépris semblable pour toutes les religions, ils considèrent que, «dans une société inégalitaire, une offense ‘‘équitable’’ n’a pas les mêmes effets».

Salman Rushdie, qui a fait l’objet d’une fatwa pour son livre Les versets sataniques, a lui soutenu ce prix: « Si PEN, en tant qu’organisation défendant la liberté d’expression, ne sait ni défendre ni soutenir les personnes qui ont été assassinées pour un dessin, et bien l’organisation ne mérite pas son nom.« 

La confusion autour de ce concept bien français semble donc toujours aussi grande. Il n’est donc pas étonnant que la laïcité soit si difficile à comprendre et à appliquer, en France comme à l’étranger.

Pour en savoir plus : MPP (www.lepetitjournal.com)

mardi 5 mai 2015

Une « laïcité française »? Non, un jeu des sept familles, selon un Jean Baubérot

 Baubérot

Le chercheur Jean Baubérot, fondateur de la sociologie de la laïcité, le 13 février 2012 à Paris (c) Afp
 

La laïcité a suscité et connu bien des crispations depuis les attentats parisiens: dernière en date, l’affaire de l’affiche annonçant un concert des Prêtres au profit des chrétiens d’Orient, mention religieuse refusée par la RATP dans un premier temps.

C’est le signe d’une certaine confusion que Jean Baubérot, grand défenseur de l’esprit de la loi de 1905 portant séparation des Eglises et de l’Etat, décrit dans un livre qui vient de paraître, « Les 7 laïcités » (éditions de la Maison des sciences de l’homme). « Certaines personnes ne connaissent pas beaucoup la juridiction laïque et fantasment sur la laïcité, qu’ils utilisent selon leur fantaisie », estime ce sociologue dans un entretien à l’AFP.

« De Michel Onfray à l’Institut de droit local alsacien-mosellan, des gens invoquent la laïcité en y mettant des choses très différentes », note-t-il. Leurs laïcités peuvent être…

Antireligieuse

Elle est présente à gauche, mais les personnalités qui s’en réclament sont « très minoritaires », selon l’auteur. Le philosophe Michel Onfray l’incarne en « franc-tireur » pour qui « l’engagement athée et la laïcité sont un tout ». « C’est également la ligne que défend, en gros, Charlie Hebdo. »

Gallicane

Jean Baubérot intitule ce modèle de laïcité ainsi car il la place dans la continuité du « gallicanisme politique », « constante lourde de l’histoire française ». En l’occurrence il s’agit, pour les acteurs publics, de « contrôler les religions », selon le sociologue. C’est la position, estime-t-il, du Parti radical de gauche (PRG) quand il porte une proposition de loi très contestée sur la neutralité religieuse dans les crèches privées, qui sera débattue mi-mai à l’Assemblée.

Séparatiste(s)

Le pluriel s’impose, car il y a là deux modèles qui ont en commun de « considérer que la séparation est le fer de lance de la laïcité ». L’un est « séparatiste strict »: c’est la tendance de la fédération de la Libre pensée, opposée au financement public du traitement des enseignants du privé sous contrat mais qui pousse le séparatisme jusqu’à dénier à l’Etat la légitimité de légiférer sur le port du voile dans les crèches privés ou les universités. Moins militante, la Ligue de l’enseignement représente une tendance « plus inclusive et plus souple » de cette laïcité séparatiste, relève le sociologue.

Ouverte

C’est la conception de la majorité des responsables des cultes en France, chrétiens, musulmans ou juifs. « Cette vision a tendance à réduire la laïcité à la liberté religieuse. J’y vois un peu une confusion inverse par rapport aux tenants de la laïcité antireligieuse », confie Jean Baubérot.

Identitaire

Cette laïcité tend à être dominante politiquement, constate l’auteur, qui note un « décalage avec la majorité de l’opinion publique, plus libérale sur ce sujet ». Elle est portée notamment à droite, et s’accommode d’un discours sur les « racines chrétiennes » ou « judéo-chrétiennes » de la France, au risque de stigmatiser l’islam. Le président de l’UMP Nicolas Sarkozy s’y inscrit quand il se dit défavorable aux menus de substitution à la cantine ou au voile à la fac, fait valoir l’expert.

Concordataire

C’est le régime en vigueur en Alsace et Moselle, où ne s’applique pas la loi de 1905, votée lorsque ce territoire était allemand. Ici, les ministres des cultes chrétiens et juifs sont payés par les pouvoirs publics, comme les prêtres catholiques en Guyane.

« Cela montre bien que la France, sans le dire, fait du cas par cas », glisse Jean Baubérot, estimant que « l’image d’une laïcité française parfois vue à l’étranger comme une arme de guerre contre les religions ne correspond pas à la réalité ».

Publié 14-04-2015 à 16h52
Mis à jour le 15-04-2015 à 11h48
Pour en savoir plus : http://tempsreel.nouvelobs.com

Noël dans les entreprises : boudin blanc et chèques cadeaux

NOEL

85 % des comités d’entreprise font une action pour Noël (photo Tillwe/Flickr)

 

Dans les entreprises, Noël c’est du boudin blanc aux morilles à la cantine, des cadeaux pour les enfants, des chèques pour les grands. Et malgré la crise, la tradition perdure, même si tous les salariés ne sont pas logés à la même enseigne. Ce sont les comités d’entreprises (CE), obligatoires à partir de 50 salariés, qui gèrent les petits bonus pendant cette période.Pour Noël, « 85 % des CE font une action », assure Jacques Lambert, de SalonsCE, qui met en relation élus et fournisseurs. Et le budget est « préservé » car c’est le moment l’année où le CE dit « j’existe ». Parmi les incontournables: chèques cadeaux, colis gastronomiques, jouets, spectacles… et repas festif à la cantine. « C’est toujours la même chose quasiment », observe Patrick Hamonière, responsable de Forum CE, un autre intermédiaire.
Côté agapes, les cantines mettent les petits plats dans les grands et les tables se parent de nappes blanches. Ces repas festifs avec foie gras, cailles rôties ou bûche pour le même prix que d’habitude (environ 4 euros) sont un moment « sympathique », estime René Ollier, représentant SUD-PTT au CE d’Orange. Mais tout le monde n’est pas adepte : « je n’y vais pas en général car il faut faire une heure ou une heure et demie de queue, à moins d’être prêt à aller déjeuner dès 11 heures », témoigne une salariée de Thales Alenia Space à Toulouse.Autre classique, les « arbres de Noël » à l’extérieur autour d’un spectacle. Selon Jacques Lambert, « les CE sont les plus gros contributeurs au spectacle vivant ». Les dépenses de Noël sont financées sur le budget des « activités sociales et culturelles » du CE. Le taux de contribution de l’entreprise n’est pas fixé mais ne peut être revu à la baisseChez Air France, qui distribuera comme l’an dernier 18.000 jouets et livres, ce budget équivaut à plus de 3 % de la masse salariale, l’un des plus généreux, avec EDF ou la RATP.La moyenne du budget des quelque 40.000 CE est de « 1 % de la masse salariale », mais « la part consacrée à Noël est compliquée à savoir », reconnaît Jacques Lambert de SalonsCE.
Selon un rapport du Sénat, le budget global des CE des entreprises de moins de 99 salariés n’excède pas 19.000 euros en moyenne, là où il dépasse 600.000 euros au-delà de 500 salariés.

Mais petit budget ne veut pas dire fête ratée. « Environ 50 à 60 % de notre budget passe dans les fêtes de Noël », dit Marie Rialland, élue au CE de Benchmark group, société d’environ 100 personnes spécialisée dans les contenus en ligne. Le CE n’ayant aucun permanent, il est fait appel aux bonnes volontés pour l’emballage des cadeaux ou le goûter des enfants, « un moment sympa mais assez usant en fin d’année ».

Dans les grands groupes, le bon d’achat prédomine. « Le responsable du CE n’a pas envie de se casser la tête à trouver quelque chose qui plaise à tout le monde », explique Patrick Hamonière. Avec les contraintes alimentaires liées aux allergies ou aux religions (halal, casher, végétarien, etc.), « ça devient compliqué de faire un colis », ajoute Jacques Lambert.

Sortie en famille avec un spectacle

A la SNCF, certains résistent. « On est un peu contre les chèques cadeaux car on ne sait pas si c’est l’enfant qui en profitera », fait valoir un représentant d’un des 28 CE du groupe. Il prévoit toujours une « sortie en famille avec un spectacle » fédérateur, cette année au cirque Bouglione.

Les CE, qui ont « un pouvoir d’achat que n’a pas le commun des mortels », sont hyper courtisés. Les éditeurs de chèques cadeaux « ont des commerciaux qui vont les voir » et les prestataires rivalisent de « cadeaux » pour les séduire, raconte Patrick Hamonière.

Mais quand les entreprises restructurent, la fête peut s’en ressentir. Comme en 2012 à l’usine PSA de Charleville-Mézières, où le repas avait été annulé ou chez Air France, où l’arbre de Noël a disparu, mais où le CE a maintenu la distribution des cadeaux.

Avec AFP

Pour en savoir plus : http://www.fait-religieux.com

La rédaction | le 23.12.2014 à 08:00