Fait-religieux.com s’endort pour un temps indéterminé

A dhow is seen at sunset during a training session on May 22, 2015 in the waters off the island of Sir Bu Nair on the eve of the Al-Gaffal 60 foot Traditional Dhow Sailing Race, in which boats will set sail off the island near the Iranian coast, until they reach the finish line at the Burj Al-Arab in Dubai. The 25th annual dhow sailing race has a total prize money of 10 million dirhams ($272,000). AFP PHOTO / MARWAN NAAMANI

Le site que vous avez pris l’habitude de lire, Fait-religieux.com, a été lancé à l’été 2012. En trois ans, il a réussi à s’installer dans le paysage des médias en ligne. Pour ce que nous en savons, il y a parmi ses lecteurs, en France et dans la francophonie, des croyants et des non croyants, des catholiques de gauche, de droite et du centre, des laïques de toutes nuances, des musulmans, des juifs, des protestants, des orthodoxes, des bouddhistes, des sikhs, des hindous, des baha’is, des ahmadis, des mormons et d’autres cultes minoritaires, chacun venant s’informer sur l’actualité de toutes les religions.

La société éditrice, la SAS Bellefeuille Edition Presse, avait pour vocation, à terme, de gagner de l’argent. Comme dans les manuels d’économie, il lui fallait pour cela investir en capital et en travail, et s’efforcer de rencontrer un marché. L’investissement en capital a eu lieu, l’investissement en travail également, quiconque a lu les articles publiés chaque jour par nos journalistes professionnels et nos blogueurs a pu s’en rendre compte.

Ce qui ne s’est pas matérialisé, c’est le marché. Pour dire les choses simplement : trop peu de lecteurs ont été prêts à payer pour lire ce que nous leur proposions. Avec le temps leur nombre aurait sans nul doute augmenté, mais ce temps-là, nous ne l’avions plus. Faute d’avoir trouvé des investisseurs ou des repreneurs, nous avons dû nous résoudre à mettre l’entreprise en liquidation. La thématique du fait religieux, autrement dit l’approche non confessionnelle des croyances et de leurs effets, ne perd ni de son actualité, ni de sa pertinence. Nos confrères des médias généralistes en ont pris conscience et traitent beaucoup plus abondamment que par le passé les sujets liés aux religions.

Un site spécialisé comme le nôtre n’a pas vraiment d’équivalent en France ou en Europe. Aux Etats-Unis, les deux titres qui s’en rapprochent , Religion News Service et Religion Dispatches, sont financés par des fondations universitaires. Un modèle qui devrait faire réfléchir en France : si une information est utile socialement mais non viable économiquement, il serait souhaitable que des structures à but non lucratif puissent en assurer l’existence. Et la signataire de ces lignes n’a pas le moindre doute à cet égard : accroître en quantité et en qualité la couverture des questions de religion et de laïcité reste un objectif socialement utile dans le monde d’aujourd’hui, et particulièrement en France.

Comme dans les génériques de fin, il est juste de citer toutes les personnes qui ont contribué à l’histoire de Fait-religieux.com : les fondateurs, d’abord, dès 2011, Jean-Luc Pouthier, Hanène Sassi et Sophie Gherardi, rejoints très vite par Eric Azan, Litzy Briscan, Louise Gamichon, Eric Rohde, Julien Vallet, Patricia Zhou, Claire Gandanger à Strasbourg et un peu plus tard par François Desnoyers et Alexandre Lévy, notre rédacteur en chef.

Nous avons eu des collaborateurs réguliers et précieux, Yves-Marc Ajchenbaum, Lysiane Baudu, Akram Belkaïd, Anne-Charlène Bezzina, Linda Caille, Ekaterina Dvinina, Nathalie Hamou (Israël), Frédéric Hastings, Ignazio Ingrao (Vatican), Rachida Gmiz, Faker Korchane, Anne Madelin, Marie-Ange Maire Vigueur (Rome), Camille Pavy, Alix de Vogüé, Tigrane Yégavian. Des blogueurs pleins de talent : Nathalie Baravian, Marc Bayard, Simon Castéran, Eric Lebrun, Marine Quenin, Jean-Louis Schlegel.

Et les plumes qui ont fait un passage plus ou moins long : Marine Afota, Samim Akgönül, Mouloud Akkouche, Maud Amandier, Danielle André, Ange Ansour, Antoine Arjakovsky, Dominique Avon, Mohamed Bajrafil, Stephen Berkowitz, Abdennour Bidar, René Blanc, Luca Bossi, Caroline Bretones, François Burgat, Pauline Busonerat, Nicolas Cadène, Catherine Caron, Martine Cerf, Alice Chablis, Joan Charras Sancho, Arab Chih (Algérie), Claudine Fiuza, Ludovic Clerima, Brice Couturier, Jérôme Cristiani, Floriane Degan, Karima Dirèche, Anne Dory, Rachida El-Mokhtari, Carine Elkouby, Jeanne Estrapade, Philippe Gaudin, Mariachiara Giorda, Antoine Gosse, Sévrin Graveleau, Thomas Grossmann, Jean-Philippe Gunet, Adnan Ibrahim, Gabrielle Hardy-Enngelson, Aïda Kekli, Adrien Larelle, Hugo Le Picard, Marie Lopez, Fabien Leone, Anne Madelin, Pascal Maguesyan, Raphy Marciano, Félix Marquardt, Mathieu Martinière, Olivier Mongin, Claude Nataf, Solange Nuizière, Alice Papin, Louise Piguet, Tristan Pouthier, Samuel Pruvot, Anna Ravix, Patrice Rolland, Laurent Réveilhac, Patrick Sbalchiero, Jean-Philippe Schreiber, Elise Saint-Jullian, Katia Scifo, Julia Sei, Michel Serfaty, Nadia Sweeny, Ingrid Therwath, Paul Thibaud, Louis Thubert, André Vauchez, Caroline Vigent, Caspar Visser’t Hooft, Suzi Vieira, Michel Warschawski.

Et un média, ce ne sont pas que des journalistes. Combien ont été importants, chacun à sa façon, Katia Huguet, Erwin Calvez, Sasha Cohen, Yann Gibert, Roxane Lesecq, Geoffrey Marcellot, Pascal Roux, et auparavant Pierre-Marie Bernard, Martine Cohen, Christophe Cornu, Claire Giudicenti, Lola Petit, Anne Serin-Reyl.

Citons aussi des institutions de la presse : l’AFP pour sa couverture et ses magnifiques photos, nos partenaires Eglises d’Asie, Toute la culture, Toutéduc et Zaman France. Sans oublier Myeurop-info.

Si quelqu’un a été oublié, qu’il ne s’en offusque pas. L’oeuvre a été collective, les remerciements le sont aussi. Sur Internet, l’information ne meurt jamais, elle s’endort. Fait-religieux.com entre donc en sommeil, pour un temps indéterminé.

Sophie Gherardi

le 30.06.2015 à 15:09
En savoir plus sur http://www.fait-religieux.com/

Où est Mahomet ?

SophieGherardi

Un numéro historique de Charlie Hebdo continue de s’arracher dans tous les kiosques de France. Historique est ici à prendre au sens littéral, dans lequel  l’histoire est ce mouvement qui transforme les hommes, les ensembles, les puissances. Cette histoire est-elle «pleine de bruit et de fureur, racontée par un idiot, et qui ne signifie rien», pour reprendre la tirade fameuse de Hamlet ? En tout cas, elle nous emmène tous quelque part où nous n’étions pas auparavant.

Ce vendredi 16 janvier, jour de prière pour les musulmans, des prêcheurs échauffés ont expliqué aux fidèles, de par le monde, que Charlie Hebdo, une fois encore, insultait le prophète sur sa Une. Les douze personnes massacrées le 7 janvier à l’hebdomadaire satirique pèsent peu, pour certains, face à une telle accusation. Et «la rue musulmane» a une fois de plus résonné de cris de colère contre l’Occident : des drapeaux français ont été brûlés, des instituts français incendiés, il y a eu au moins quatre morts au Niger, un photographe de l’AFP a été grièvement blessé au Pakistan.

Les intégristes ont une excuse : ils n’ont certainement pas regardé cette Une de peur d’y voir un sacrilège. S’ils osaient lever les yeux avant de lever le poing, que verraient-ils ? Un personnage en turban blanc, sur fond vert islam, la larme à l’œil et tenant une pancarte «Tout es pardonné». Où est Mahomet sur cette Une ? Rien ne dit que c’est lui. D’ailleurs on serait bien en peine de le reconnaître puisqu’il n’est jamais représenté, en tout cas dans la tradition musulmane sunnite –les Persans chiites, eux, l’ont longtemps fait figurer sur leurs exquises miniatures.

Nous sommes bien là devant un problème de représentations, sans mauvais jeu de mot. Les commentateurs de l’islam le plus rigoriste – par exemple le courant wahhabite – poussent l’interdit de la représentation de Dieu jusqu’à l’extrême : Dieu, inconnaissable, ne peut être représenté ; par transitivité, le Prophète Muhammad (Mahomet) non plus ; par extension la figure humaine non plus ; et jusqu’aux animaux, créatures de Dieu. Dans cette logique, la photographie et les vidéos, si prisées de ceux qui se proclament djihadistes, ne semblent pas très  halal. Mais le dessin est une technique très ancienne, qui existait déjà au VIIe siècle, époque à laquelle disent se référer certains «docteurs de la loi» (oulémas) pour faire valoir au XXIe siècle un iconoclasme inflexible (l’iconoclasme est la destruction des images assimilées aux idoles adorées par les païens).

Les représentations, l’Occident chrétien en a aussi. Et elles méritent tout autant d’être prises en considération, décryptées et même respectées que celles de l’Islam (avec une majuscule, pour parler de l’aire culturelle musulmane). Voilà ce qu’un œil français voir sur cette Une de Charlie Hebdo, réalisée avec un courage impressionnant par des gens épouvantés, endeuillés, parfois blessés quelques jours auparavant. Il y voit un message foncièrement fraternel. L’homme au turban blanc, un musulman standard selon les codes simplifiés du dessin de presse, loin de faire peur ou d’éloigner, rapproche par sa compassion : il pleure, et il pardonne.

Ce «Tout est pardonné» est une parole chrétienne. Il est impossible de l’ignorer, même si la miséricorde n’est pas une exclusivité chrétienne. Surgi sous le crayon de Luz dans le pire moment de souffrance, ce pardon montre que les caricaturistes, y compris les athées et les anticléricaux de Charlie Hebdo, appartiennent à cette culture chrétienne où l’injonction « pardonne à tes ennemis » est profondément inscrite dans les consciences – ou les inconscients. Là où beaucoup de musulmans, y compris en France, voient une provocation, la plupart des Français, et parmi eux des musulmans, voient un geste de réconciliation, une main tendue. Pardonner malgré notre propre colère, c’est ce qui nous est présenté comme la bonne chose à faire – tant dans l’éducation laïque que dans l’éducation religieuse.

Comme disait Catherine Nay sur Europe 1 ce samedi matin, les pays musulmans ne comprennent pas que nous ne comprenions pas ce qu’ils ressentent. De notre côté, nous ne comprenons pas qu’ils ne comprennent pas ce que nous ressentons. L’histoire est faite de ces moments. Dans notre intérêt à tous, il ne faut pas en sous-estimer le danger. En ce sens, la présence de hauts représentants musulmans ou de pays musulmans à Paris dans la marche des «Je suis Charlie», ne doit pas être ridiculisée ou minimisée. Le roi et la reine de Jordanie, les imams français ou le ministre des affaires étrangères turc, en défilant à Paris contre le terrorisme paré du nom d’Allah, ont pris, eux aussi, des risques.

Sophie Gherardi | le 17.01.2015 à 14:55
En savoir plus sur http://www.fait-religieux.com/monde/religions-1/ou-est-mahomet-#S2lwBhFoRFEFd3zP.99

 

Diversité religieuse au travail

 

SignesReligieuxC’est peu dire que le sujet est complexe, sensible, «  à risque  » même, pour une entreprise. C’est peu dire aussi qu’il interpelle et suscite le questionnement. La diversité religieuse au travail et son impact sur les organisations font aujourd’hui partie des problématiques émergentes autour desquelles apparaît un désir croissant d’information. «  Nous avons un nombre considérable de reprise de notre enquête dans la presse  », se plaît à répéter le directeur général de Randstad France, Abdel Aïssou, à chaque fois qu’il évoque les travaux menés sur le sujet  par l’Institut Randstad et l’Observatoire du fait religieux en entreprise. Gageons qu’il en sera de même pour la nouvelle étude publiée par le think tank Cefrelco (Centre d’étude du fait religieux contemporain) et le pôle d’expertise Fait religieux. Dirigée par Yaël Hirsch, docteure en sciences politiques, et intitulée « Diversité religieuse au travail : les bonnes pratiques des grandes entreprises françaises  », elle propose un état de l’art rigoureux sur cette thématique. Ce faisant, elle révèle, ainsi que le souligne en préface la directrice de Fait religieux, Sophie Gherardi, «  toute la complexité d’une problématique qui renvoie d’un côté à un appareil juridique touffu, et de l’autre à toute une palette de situations chargées d’affects

Et c’est précisément au regard de cette complexité que cette somme se révèle des plus utiles pour les professionnels. Dans son travail, Yaël Hirsch a en effet poussé la porte de grandes entreprises pour donner à voir ce qui se faisait de plus innovant en matière de gestion de la question religieuse. Cette étude qualitative dévoile comment ces pionnières abordent le sujet, quelles sont les bonnes pratiques qu’elles ont mises en œuvre, les difficultés face auxquelles elles ont dû réagir. On observe ainsi, sous l’angle religieux, l’écosystème de l’entreprise en action, les interactions entre ses salariés et les services des ressources humaines, entre la direction et les managers de proximité. On comprend également que, si de grandes règles existent pour prévenir efficacement les conflits, c’est bien souvent au cas par cas que devront se régler les problématiques liées aux faits religieux survenant dans les murs de l’entreprise.

Des problématiques religieuses amenées à se développer

Un «  cas par cas  » qui nécessite, pour les managers, une fine connaissance de la législation sur cette thématique -et tout particulièrement la maîtrise d’une jurisprudence en perpétuelle évolution. «  Si la liberté de religion prévaut dans l’entreprise privée, les managers peuvent y apporter des restrictions au cas par cas et sous certaines conditions », rappelle l’auteur. Pour les y aider, l’étude Cefrelco-Fait religieux propose de faire le point sur l’environnement législatif. L’occasion, également, de revenir sur l’affaire Baby-Loup, «  coup de tonnerre dans un ciel plutôt tranquille  », afin de comprendre ses ressorts et ses conséquences sur la question religieuse en entreprise. L’occasion aussi de s’arrêter sur une notion de «  laïcité  » dont les contours ne sont pas toujours bien cernés par les décideurs et de leur donner, au fil des pages, un certain nombre de points de repères.

Les situations conflictuelles ayant pour origine une question religieuse sont aujourd’hui des plus minoritaires dans les sociétés. Elles représenteraient 2 à 3 % des cas où le manager doit se pencher sur une demande d’ordre confessionnel, selon l’étude Institut Randstad/OFRE. Mais dans le même temps 41 % de ces mêmes managers pensent que la problématique sera amenée à prendre de l’ampleur ces prochaines années. De l’avis de nombre d’observateurs, la question pourrait en effet s’intensifier dans les organisations et les demandes (congés, tenues vestimentaires, nourriture, rapports hommes-femmes…) se multiplier. L’entreprise étant, en cela, le reflet de la société. «  L’affirmation religieuse contemporaine est une tendance lourde qui n’a aucune chance de disparaître à un horizon rapproché  », analyse Sophie Gherardi. A l’instar des «  pionnières  » évoquées dans l’étude Cefrelco-Fait religieux, les organisations ont donc tout intérêt à prendre à bras le corps le sujet. Pour que, comme ces grands groupes cités en exemple par Yaël Hirsch, elles «  traitent les premières étincelles avant que l’incendie ne se déclare  ».

FRANÇOIS DESNOYERS | LE 10.06.2014 À 16:55

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