On en parle : le fait religieux et l’entreprise, Rencontre CCI-EDC à Grenoble

12 JUIN 2015

UNE RENCONTRE DE LA COMMUNAUTÉ ECOBIZ RH & MANAGEMENT,

CYCLE « PAROLES DE LEADERS »

EN PARTENARIAT AVEC LES ENTREPRENEURS ET DIRIGEANTS CHRÉTIENS

Les médias mettent l’accent sur les religions dans l’entreprise et le phénomène connaît un certain développement. Cette rencontre propose d’écouter sur cet aspect des professionnels travaillant avec des entreprises :
■ Maître Pierre-Luc NISOL, avocat spécialiste du fait religieux en entreprise
■ Marie DAVIENNE-KANNI, consultante formatrice en diversité culturelle et religieuse

On ne saurait cependant réduire le débat à cette seule dimension. Les religions portent en effet un regard sur l’homme et veillent à ce qu’on ne le réduise pas à un rôle de « salarié » ou de « collaborateur ». Et c’est bien dans cette direction que s’orientent nombre de dirigeants en mettant en avant l’appel à l’intelligence individuelle et collective.
Animée par Jean-François Lhérété, une table-ronde réunit sur ces thèmes trois responsables grenoblois des cultes les plus représentés en France :
■ Mgr De Kérimel, Evêque du Diocèse de Grenoble-Vienne,
■ Nissim Sultan, Rabbin à Grenoble
■ Mustapha Merchich, Imam du Centre culturel musulman de l’Isère
En introduction de cette rencontre, Philippe Crouÿ a rappelé l’importance croissante de la prise en compte dans l’entreprise de la pratique religieuse, et souligné l’importance qu’accorde le Mouvement des Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens à ce phénomène.
Il a remercié les représentants des trois principales religions présentes sur le sol français d’avoir accepté le débat proposé par les EDC ainsi que les deux professionnels invités et le modérateur des échanges. Il a ensuite remercié de sa présence Jacques Merceron-Vicat, Président d’honneur des EDC, dont le concours est essentiel à l’organisation des rencontres « Paroles de Leaders ».

Modérateur : Jean-François Lhérété,
auteur de plusieurs ouvrages sur l’évolution de la société française

Depuis quelques années, nous assistons au retour de manifestations du sentiment religieux et identitaire qui révèle une demande de reconnaissance. Le phénomène est présent dans tous les grands pays européens, note Jean-François Lhérété.

Comment l’aborder dans l’entreprise ?
Des concepts et principes à éclaircir
Il est nécessaire tout d’abord de rappeler quelques points. Prenons la laïcité : ce concept flou et un peu daté ne s’applique pas à l’entreprise mais uniquement au service public et à l’espace public. Notre droit impose par ailleurs un principe de non-discrimination. La liberté de conscience est inscrite dans le système juridique français, d’où l’interrogation : jusqu’où accepter les manifestations de la foi religieuse et ses demandes de reconnaissance ? Si le thème central du débat n’est pas le conflit, mais le vivre ensemble, il faudra nécessairement évoquer le conflit qui concerne toutes les religions, et pas uniquement les trois grandes religions représentées sur le sol français.

INTERVENTION DE MGR DE KERIMEL, ÉVÊQUE DE GRENOBLE-VIENNE
Ora et labora
Le titre de notre rencontre m’évoque la feuille de route des moines : « ora et labora », « prie et travaille », commente Mgr de KERIMEL. La relation à Dieu dans l’entreprise n’est ni confusion, ni opposition, mais des niveaux sont à distinguer : celui des religions, qui apportent du sens à l’entreprise, et celui des comportements et pratiques dans l’entreprise. La religion nous rappelle que l’homme n’est pas son origine et sa propre fin, qu’il ne faut pas tomber dans la tentation de la toute-puissance, que la liberté humaine n’est pas un absolu. Une vision naturaliste entraîne une vision incomplète du travail réduit à sa seule valeur marchande. Or, le travail a une dimension éthique, c’est une manifestation de « l’agir » humain.

Depuis la fin du 19e siècle, L’Eglise a développé une doctrine sociale sur la question du travail
A cette doctrine sociale se référeront toutes les encycliques suivantes. « Le Seigneur Dieu prit l’homme et le conduisit dans le jardin d’Éden pour qu’il le travaille et le garde », dit la Genèse. L’homme doit travailler le jardin d’Eden, non pas pour l’exploiter, mais pour le mettre en valeur. L’homme est en quelque sorte l’intendant de Dieu. Le travail humain s’inscrit dans une double alliance : entre l’humain et Dieu, et entre l’humain et la Création. Le travail humanise (Jean-Paul II).
Dans les principes traditionnels de l’éthique sociale, le travail ne peut pas être sous-évalué et le don doit trouver sa place dans un contexte économique. La gratuité dans les relations dans l’entreprise est d’accepter de consacrer un peu de temps aux collaborateurs en s’intéressant à leur vie. (Benoît XVI).

L’être humain est un tout
Sur les questions concrètes des revendications, la mise en avant de la laïcité est une impasse. Certes, la laïcité de l’Etat est un cadre dans lequel la religion peut se développer, et le laïcisme sociétal est une tentation (on entend en effet beaucoup dire que « la religion appartient à la sphère privée », mais ce laïcisme pratique est un refus de la religion. L’être humain est un tout, il n’existe pas de frontière hermétique entre vie privée et professionnelle et il n’est pas possible de renvoyer le travail dans la sphère privée. Prenons l’exemple des monastères, qui sont aussi des entreprises. Les moines y assurent deux fonctions : le travail et la relation à Dieu. Ils font des pauses régulières pour la prière qui coupent leur journée de travail, la terce aux alentours de neuf heures du matin, la sexte vers midi, la none en milieu d’après-midi… mais si le chrétien préfèrera en général prier chez lui, le véritable croyant ne dissociera pas sa religion de sa vie professionnelle.

Il faut distinguer sans les opposer le profane et le sacré, le laïc et le religieux
De l’opposition naît l’agressivité et la défensive. Or, l’entreprise est un lieu laïc, une réalité profane. Il ne s’agit pas d’exclure mais de travailler ensemble, et c’est impossible si certains ne se sentent pas respectés dans leur conscience. C’est la qualité des relations dans l’entreprise qui doit permettre de sortir d’éventuels conflits, car ceux-ci s’estompent si l’on se connaît vraiment.

 

INTERVENTION DE M. NISSIM SULTAN, RABBIN A GRENOBLE

Religion, religare
En introduction, Nissim SULTAN souligne la gageure que représente l’organisation d’une telle rencontre, vendredi étant jour de prière pour les musulmans, le samedi étant shabbat pour les juifs, le dimanche étant le jour du Seigneur pour les chrétiens. Le mot religion vient du matin religare signifiant « relier ». Mais si la thématique qui nous réunit suscite de l’intérêt, c’est en partie en raison de nos appréhensions vis-à-vis du fait religieux : « La religion nous a surtout liés les uns contre les autres, remarque-t-il et il faut investir le réel pour contribuer à la quête humaniste que les entrepreneurs incarnent. »

Revisitons nos textes porteurs de mythes fondateurs sur la condition humaine
Nous avons deux mots pour décrire le travail : l’un qui renvoie à la notion d’esclave et l’autre, œuvre, qui renvoie au pouvoir des anges. Le rapport à la création, le travail, est donc d’entrée de jeu une notion ambigüe : le travail est-il le lieu de l’aliénation ou celui de la maîtrise de la matière ? Prenons maintenant la Tour de Babel. Les Babéliens sont barricadés derrière leur peur. Ils ont découvert qu’ils peuvent fabriquer des briques et décident de construire une tour qui peut crever le ciel. Cette entreprise bouleverse le langage. Dieu restaure la démocratie en instaurant la diversité du langage. Cela nous renvoie au vécu de la foi dans l’entreprise : il faudrait que chacun, dans son appartenance, puisse approcher l’autre dans sa propre appartenance. Régis Debray dit que l’appartenance à un ciel communautaire favorise le sentiment d’appartenance à un grand destin (le mot d’identité nationale n’est pas de lui). Si la diversité est respectée, c’est une perspective heureuse pour la société.

Entreprise et communauté scolaire
Dans la pratique du judaïsme, nous avons des règles alimentaires, des impératifs vestimentaires secondaires et des pratiques de prières qui sont gérables dans l’entreprise : partir un peu plus tôt le vendredi, poser quelques jours de congés, notamment pour le Grand Pardon qui coïncide malheureusement souvent avec la rentre scolaire. D’un autre côté, la communauté scolaire sanctuarise la laïcité et il est complexe de suivre un parcours scolaire et universitaire lorsqu’on est juif pratiquant. La question est toute différente outre Manche et outre Atlantique.

Entre le paradigme scolaire et l’entreprise, lequel va l’emporter ?
Le modèle de l’entreprise repose sur le pragmatisme et la concertation. Il permet à chacun de connaître sa différence. Si la société pouvait offrir cela, n’aurions-nous pas une forme d’espérance ?

► Intervention de Jean-François Lhérété, modérateur
Jean-François Lhérété retient la mise en parallèle de la Bible et du philosophe Régis Debray, qui a beaucoup écrit sur la fraternité, une notion proche du sujet de la rencontre. Il note également la notion de sanctuarisation et remarque que de nos jours, « on sanctuarise de plus en plus de choses ».

 

INTERVENTION DE M. Mustapha MERCHICH, Imam du Centre culturel musulman de l’Isère
L’altérité et l’autre
Aux mots-clés qui ont été évoqués, la peur, l’identité, j’aimerais ajouter l’altérité, l’autre. Tout ce qui nous amène à échanger, c’est le rapport à l’autre, cette position inconfortable. L’intérêt pour l’autre est le questionnement de notre société et de notre siècle qui débute. Dans notre histoire, sous nos cieux, le rapport à l’autre n’a jamais été fluide. La vision DES MONDES musulmans de l’entrepreneuriat repose sur deux pôles : l’éthique de l’employeur et celle de l’employé, qui tend vers la perfection. Dans le rapport du profane et du sacré, l’islam apporte un éclairage qui peut-être n’était plus connu, qui tient à l’adoration : quel que soit l’acte qui a pour volonté de plaire à Dieu, il devient un acte d’adoration.

Quel est le questionnement soulevé par l’apparition de la religion dans l’entreprise ?
Avant, la religion s’arrêtait-elle donc à la porte de l’entreprise ? Tout cela peut âtre abordé de manière très apaisée : quelle est la place de celui qui ne croit pas à ce que je crois à côté de moi ? Un musulman peut-être retraité, femme ou homme, pratiquer le football … tout cela le détermine aussi. Il faut savoir imbriquer toutes les strates de son identité pour répondre à ses revendications, bien que le terme soit mauvais. Mais sur le plan pratique, il peut être très compliqué pour un musulman pratiquant d’envisager des études, de postuler à des emplois de manière égalitaire avec des compatriotes.

De la déstabilisation naît la création
La question à se poser s’exprime en termes d’apport et de richesse. La où ça bouge, là où on est déstabilisé, cela signifie que l’on crée. On ne crée pas en étant dans le confort et le conformisme. L’exemple de la tour de Babel est intéressant à cet égard : c’est parce qu’il y a peur que l’on a inventé le fait de construire. Mais comment partir de quelque chose d’inconfortable, l’appréhension de l’autre, pour en tirer quelque chose de positif ? Cette question est plus intéressante que de répondre à ce qui nous dérange.

Une multitude de réponses possibles
Les individus sont tous différents, mais les entreprises sont aussi différentes. Il y a donc une multitude de réponses possibles. Et s’ l’une des directions ne fonctionne pas, on peut en changer.
► Intervention de Jean-François Lhérété, modérateur
Chacun a évoqué la difficulté de pratiquer sa foi. Voyons maintenant cette question sous ses aspects concrets et juridiques. Nous avons dans notre société un principe très fort d’interdiction des discriminations, inspiré par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, proscrivant tout ce qui peut interdire la liberté de conscience. Ce principe touche tout le monde. Toutes les religions ont à faire face à ce questionnement : comment affirmer sa religion dans un environnement qui n’est pas fait pour ça ? Les exemples sont nombreux : celle du port de la croix interdit par British Airways (l’entreprise souhaitant se montrer neutre au regard de toutes les religions), la même interdiction dans un bloc opératoire pour des questions d’hygiène et de sécurité, ou bien encore l’incompatibilité entre le turban d’un Sikh et le port du casque.

 

INTERVENTION DE MARIE DAVIENNE-KANNI, CONSULTANTE FORMATRICE EN DIVERSITE CULTURELLE ET RELIGIEUSE

Marie12juin2015

Une étude sur le fait religieux en entreprise

Les chiffres cités par Madame DAVIENNE-KANNI proviennent d’une étude réalisée par l’Institut Randstad et l’Observatoire du Fait Religieux en Entreprise (OFRE) entre février et mars 2015 Cette étude réalisée pour la troisième année confirme non seulement l’ancrage du fait religieux dans l’entreprise, mais témoigne aussi de sa progression.

Le fait religieux dans l’entreprise, une préoccupation croissante

Depuis trois ans, les managers sont de plus en plus souvent confrontés au fait religieux. En 2013, 56% n’avaient jamais été confrontés à la question, mais ils n’étaient plus que 50% dans le même cas en 2014. 23 % des personnes interrogées déclarent rencontrer régulièrement (de façon quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle) la question du fait religieux dans l’entreprise, alors qu’elles n’étaient que 12 % en 2014.
L’étude révèle aussi que, comme en 2014, les faits les plus fréquemment rencontrés par les personnes interrogées sont des demandes d’absence pour fêtes religieuses (19 %). Le port ostentatoire d’un signe religieux gagne en importance et se place cette année en seconde position des faits les plus rencontrés (17 %, contre 10 % en 2014). En troisième position vient l’aménagement du temps de travail. Mais les entreprises sont aussi confrontées à des comportements remettant en cause son organisation, tel le refus de travailler avec une femme ou sous ses ordres.

Les cas complexes augmentent

Les situations peuvent être classées en deux catégories : celles qui ne perturbent pas le fonctionnement de l’entreprise (demandes d’absence pour une fête religieuse ou d’aménagement du temps de travail, port ostentatoire de signes, prières pendant les pauses) et celles qui le perturbent ou qui transgressent le cadre légal (refus de travailler avec une femme ou sous ses ordres, de faire équipe avec des personnes qui ne sont pas des coreligionnaires, refus de réaliser des tâches, prosélytisme, prières pendant le temps de travail, intervention de personnes extérieures, etc)… Par ailleurs, la part des répondants confrontés à des cas conflictuels et/ou bloquants augmente pour atteindre 6 % en 2015 (contre 3 % en 2014 et 2 % en 2013). Les entreprises enregistrent de plus en plus de menaces et de refus de discussion de la part des salariés.
Il est assez paradoxal de constater que ces faits concernent précisément les managers qui font le moins appel à leur hiérarchie. Face à ce type de situation, les managers ont pourtant besoin d’un cadre clair, d’une hiérarchie qui les soutienne et de négociation. En revanche, ils sont très majoritairement opposés à une loi pour encadrer cette question.

La pratique et/ou les croyances religieuses ne sont pas un sujet tabou

La grande majorité des répondants connaît les positions religieuses d’au moins certains collègues mais 92 % d’entre eux affirment ne pas en être gênés. Pour 40 % des répondants, l’impact de cette pratique religieuse sur les rapports entre collègues et sur le travail est nul, pour 22 % positif et pour 38 % négatif. La question des signes religieux est souvent celle qui est mise en avant pour parler du fait religieux au travail. 81% des salariés pensent que la discussion sur la religion est un sujet qui a sa place dans l’entreprise. Plus encore, certaines pratiques sont tout à fait admises. Ainsi, la pière pendant les pauses est considérée par 75 % des personnes comme tout à fait admissible. Elles fixent toutefois des limites à cela : ne pas perturber le travail, ne pas gêner les autres, ne pas enfreindre des règles de sécurité, choisir un endroit approprié, etc. La demande d’autorisation d’absence pour raison religieuse (par exemple, assister à une cérémonie) est légitime pour 80% des répondants. Ce qui n’est majoritairement pas admis est le refus des tâches et la composition des groupes selon les religions. On considère aussi qu’il est normal d’enlever un signe religieux s’il gêne l’image de l’entreprise.

Ne pas institutionnaliser le fait religieux

Les personnes interrogées ne souhaitent pas que les entreprises bannissent le fait religieux de l’espace de travail, mais souhaitent en revanche qu’il ne soit pas pris en compte en tant que tel dans le fonctionnement de l’entreprise. Ainsi, une grande majorité des personnes interrogées est opposée à l’idée que les processus de gestion et d’organisation du travail puissent institutionnaliser le fait religieux.

Les entreprises se dotent d’outils et des concepts émergent

Face à cette situation, les entreprises, notamment Orange, La Poste, IBM, Casino et EDF, ont mis au point des outils dans le but d’aider leurs mangers à gérer les demandes. Leur limite est souvent de ne pas assez expliciter les religions mais aussi la notion de laïcité. Citons aussi la notion d’accomodement raisonnable, un concept apparu en 2008 qui découle du droit à l’égalité et qui a fait l’objet de débats au sein de la population québécoise. Il s’agit d’un processus de recherche de moyens et de compromis, avec une obligation de moyens et non de résultat. Il s’agira, par exemple, d’accorder un jour de congé ou d’adapter un repas, mais il n’y aura pas d’accomodement en cas de contrainte excessive ou d’atteinte à la sécurité.

► Intervention de Jean-François Lhérété, modérateur
Les Français connaissent mal le fait religieux car le sujet n’est pas dans la culture française. Dans son ouvrage République et Démocratie, Régis Debray montre comment la République place l’Etat au cœur de la société, une approche très différente du monde anglo-saxon.
INTERVENTION DE ME PIERRE-LUC NISOL, avocat spécialiste du fait religieux en entreprise

Il y a quelques années, jamais je n’aurais imaginé intervenir sur cette question, remarque Me Nisol en préambule. La demande des entreprises est de plus en plus forte. Le nécessaire espace de vivre ensemble apporte-t-il des limites au fait religieux ? Les magistrats ne font pas de distinction : toute limite à l’expression serait un facteur de conflit aujourd’hui. Dans notre constitution, il s’agit d’une liberté fondamentale que l’on ne peut altérer par la loi. 79% des personnes interrogées souhaitent poser le principe de laïcité dans l’entreprise privée, mais ce serait contraire au principe constitutionnel.

Comment les juges apprécient-il les situations ?
La prise en compte de l’activité de l’entreprise et la limite proportionnée au but recherché sont les deux points qui sont appréciés par les juges. Le problème est particulièrement délicat pour les entreprises d’envergure nationale car un juge ne rendra pas le même jugement à Lille et à Bordeaux. Dans les PME, en revanche, on peut procéder au cas par cas et régler les questions de manière plus simple, mais on risque néanmoins le procès en discrimination. Aujourd’hui, beaucoup de choses passent par le règlement intérieur, par exemple l’interdiction du prosélytisme.

Quelques cas :
■ On citera bien entendu en exemple le cas de la crèche Baby Loup (une crèche associative poursuivie devant les Prud’hommes par une salariée licenciée en 2008 parce qu’elle souhaitait porter le voile), où un juge a considéré le port du voile comme incompatible avec l’activité de la crèche.
■ Il y a huit mois, la société Carrefour a rencontré un problème avec une hôtesse de caisse qui souhaitait garder son voile, alors que le règlement intérieur en interdisait le port. Cela s’est traduit par un licenciement pour insubordination. Le juge des partiteurs a considéré que l’activité de commerce de Carrefour ne justifiait pas la restriction de l’expression religieuse. Carrefour avait pourtant organisé sa défense avec une enquête d’opinion dot les résultats démontraient que 80% des clients préféraient ne pas voir de signe religieux porté par les employés de la grande surface. Le juge n’en a pas tenu compte pour considérer que la restriction était légitime.
■ Ce cas est à rapprocher de celui de la société PAPREC, qui a mis en place une charte à effet juridique limitée, adoptée par référendum. Cette charte a une valeur managériale, mais la société serait démunie en cas de conflit.
L’accord collectif est une piste possible
L’une des pistes qui pourrait être porteuse de solutions est l’article 8 du préambule de la constitution de 1946, précisant que les salariés ont collectivement le droit de déterminer leurs conditions de travail. Une entreprise pourrait donc aller vers un accord collectif plutôt que vers un règlement intérieur ou une charte, et le principe constitutionnel du préambule de 46 pourrait être opposé à des revendications d’ordre religieux. Certaines entreprises sont favorables à la liberté de port de signes religieux, d’autres voudraient le limiter, mais l’état de droit fait que l’employeur n’a guère le choix, bien qu’il existe une forte jurisprudence en faveur des employeurs qui souhaitent une limitation. Beaucoup de syndicats voudraient organiser eux aussi cette question de la limitation du fait religieux.

La pratique du « cas par cas » multiplie le risque pour l’employeur
On appelle certes à la tolérance mais on constate aussi des comportements à sanctionner et dans ce cas, l’employeur est démuni. Et plus il pratique du cas par cas, en privilégiant certaines situations, plus il multiplie le risque d’être exposé à ce qu’un salarié considère comme discriminatoire le traitement qui lui est réservé. Le chef d’entreprise, quand il fait des choix, doit avoir à l’esprit que plus sa règle est générale et lisible, moins il risque un procès en discrimination, motif en forte augmentation dans les litiges auprès des tribunaux de Prud’hommes. Toutefois (c’est a conclusion du cas Casino) dire à des salariés qu’on ne souhaite pas de comportement ostentatoire n’est pas considéré comme discriminatoire. Il faut donc le discours le plus clair possible, et de préférence intégrer les représentants du personnel sur cette question.

Les magistrats sont confrontés à des cas qui ne se posaient pas il y a cinq ans
Autre exemple : un client de SSII a souhaité que le représentant de son prestataire ne porte pas le voile. Le dirigeant de la SSII l’a licenciée et la salariée a considéré que la décision était abusive. Le cas a été jugé au-delà de la Cour de Cassation, par la Cour Européenne des Droits de l’homme. La justice sur ces questions en est donc à ses balbutiements. Le sujet ne se posait pas il y a seulement cinq ans et les magistrats, eux-mêmes dépourvus, composent avec le droit constitutionnel. Cela appelle des remarques :
■ Il faut prendre en considération la loi, mais sous le contrôle constitutionnel
■ Il faut être précis sur les mots : religion ou identité culturelle ? Certaines approches ne sont en effet pas forcément d’ordre religieux. Un arbre de Noël, par exemple, est-il culturel ou religieux ?

RÉACTIONS DES TROIS REPRÉSENTANTS DES CULTES

Mgr de KERIMEL
« Je me méfie d’une judiciarisation à outrance. L’antisémitisme se redéveloppe aujourd’hui, et les Juifs jouant le rôle de sismographe, cela signifie que la société va mal. Je ne ressens pas la volonté de la société de travailler ensemble, je constate surtout de la stigmatisation et un laïcisme qui veut renvoyer la religion à la sphère privée, ce que le considère comme une impasse ».

Mustapha MERCHICH
« Le passage par le droit nous conduit dans le mur. On va produire des lois et au bout du compte, aucune ne sera applicable car on n’aura pas tenu compte de l’évolution de la société. Nous avons un devoir de cohérence : il n’est pas possible de vouloir faire du spirituel une maladie honteuse tout en espérant un comportement social. Lorsque Casino fait des opérations commerciales pour Noël et interdit le port du voile à son employée, il n’y a pas de cohérence. Les sociétés à taille humaine posent moins de problèmes. A l’international, les approches sont différentes. Les sociétés nationales doivent donc modeler leur approche si elles veulent s’élargir à l’international. C’est un point positif de la mondialisation, qui nous oblige à nous poser des questions sur nos certitudes et sur nos cultures. »

Nissim SULTAN
« Pour reprendre l’exemple de Carrefour, je pense qu’on ne peut pas opposer le culturel et le juridique. Dans le Talmud, nous avons l’habitude des questions non résolues… jusqu’à la venue du Messie. La notion canadienne d’accomodement raisonnable est-elle importable ? Je retiens surtout la notion de coexistence. Il faut se comprendre pour faire comprendre. Peut-être l’entreprise, qui sait pratiquer l’événementiel, pourrait-elle créer un type d’événementiel nouveau dont l’objectif serait le partage et la connaissance d’autrui, à l’image de l’initiative « Croyants dans la cité » ? Le sens de la coexistence implique un gros travail de traduction de l’universel. »
QUESTIONS DE L’ASSISTANCE

■ Les médias nous montrent une image du fait religieux qui est celle de l’intégrisme. Ma crainte est que l’on crée des règlements et des chartes, comme celle de Paprec, fondées sur la peur Comment combattre l’intégrisme tout en donnant à la spiritualité ses lettres de noblesse ?
Me NISOL : Pour moi, le droit n’est pas une fin mais un moyen. Je n’imagine pas répondre à un client en lui disant que le droit va résoudre le problème. Je travaille avec des spécialistes de la théologie, de la philosophie. Il faut envisager les réponses à plusieurs niveaux et notamment au niveau managérial, qui marginalise les outils juridiques comme ceux de la dernière chance. Il faut expliciter et définir l’équation entreprise-religion et faire preuve de pédagogie, en particulier sur la question de la laïcité.

■ Le règlement intérieur et la charte ne peuvent-ils pas être pris en compte sur le plan juridique ?
Me NISOL : On ne peut pas faire jouer la loi dans l’entreprise, qui est un espace privé. La validation juridique d’une charte ou d’un règlement intérieur ne peut être fondée que sur l’activité de l’entreprise. C’est la position de la Cour de Cassation qui a jugé que le règlement intérieur de la crèche Baby Loup était légitime au regard de son activité. En revanche, l’activité commerciale de Carrefour ne légitime pas la restriction d’expression du fait religieux.

■ Pourquoi le manager ne déciderait-il pas du cadre de travail ?
Me NISOL : Nul ne peut imposer de restriction qui ne serait pas justifiée.

Et si on filmait la laïcité ?

Etsionfilmaitlalaicité

Depuis mars 2015, ENQUÊTE anime un atelier dans un centre social à Vaulx-en-Velin, en banlieue lyonnaise. Le centre Georges Levy a demandé à l’association d’entreprendre un travail de réflexion citoyenne avec les enfant, de 9-11 ans, sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Décidée à élargir les perspectives à des réalités plus positives, ENQUÊTE propose aux enfants de créer un glossaire filmé qui parlerait aussi de la laïcité, des faits religieux et de vivre ensemble.

Mercredi 6 mai, c’est la première séance de tournage. Seules cinq filles sont présentes mais elles sont très motivées, même les plus timides qui avaient initialement refusées d’être filmées. Mélissa, une animatrice du centre social nous apporte son soutien, c’est elle qui tiendra la caméra, le moment venu. La « réunion de pré-tournage » peut commencer ! Comme chaque semaine, en début de séance, le tour de table du cahier des chercheurs permet de reprendre la liste des termes à définir. Les filles sont toutes d’accord pour insister sur les définitions des termes de « laïcité » et de « religions en France ». La compétition est intense pour savoir qui sera filmé !

Les filles expliquent à Mélissa « On va faire un film ! ». Je leur demande de présenter plus en détail le contenu de l’atelier et le projet du glossaire « Et si vous commenciez par les définitions ? ». Elles se lancent à deux voix. Mélia commence « la laïcité, c’est comme la cour de récré, y’a ceux qui jouent au foot et ceux qui jouent au ballon autour des tables de ping-pong, tu sais ? » et Faustine poursuit « Et bien, ils doivent jouer chacun à leur jeu, sans gêner les autres, sans leur jeter le ballon dessus. C’est pareil pour les religions, tu dois faire ta religion de ton côté sans gêner les autres ». L’animatrice, Mélissa leur répond avec ses propres mots pour dire que la laïcité se fonde sur le respect et permet de vivre ensemble. Les discussions engagées aux séances précédentes continuent. Elles ne cessent de s’enrichir. Les filles approuvent les propos de Mélissa, elles en feront des mots-clés pour le glossaire !

Nous continuons la discussion avec les « dix minutes du chercheur », pour apprendre à se poser des questions, à partir du quotidien. Esma nous parle d’un reportage qu’elle a vu à la télévision et qui semble l’avoir perturbée : « un père, il dit à sa fille qu’elle n’est plus de sa famille… ». Je lui demande si le mot qu’elle cherche est « répudiée ?», elle acquiesce et continue : « pourquoi des gens n’aiment pas leur famille ? Ce n’est pas normal ! ». Camélia lui demande  « Pourquoi ce père a répudié sa fille ? à cause du mariage ? de la religion ? ». Esma lui répond « je sais pas trop… oui c’est un mariage avec une autre religion, je crois ». Cela nous permet de parler des couples mixtes. Faustine évoque sa famille : « ma tata, elle est mariée avec mon tonton marocain et on est même allé au Maroc en vacances. Pourtant ma maman et moi on va au catéchisme, mais je suis quand même à moitié marocaine ». Camélia la reprend « mais non, tu n’es pas marocaine si c’est ton oncle qui est marocain ! » « oui, mais ma tata, elle est un peu marocaine, alors nous aussi ». C’est bien parce qu’ils vivent la diversité des origines et des appartenances géographiques, nationales et religieuses au quotidien, que les enfants en parlent si naturellement et se questionnent sur ces sujets. A nous, éducateurs – parents, animateurs, professeurs – de leur apporter des connaissances et de préciser certaines notions…

« Tu réponds à nos questions ? »

La séance se poursuit, le tournage est sur le point de commencer : « quand une personne accepte d’être filmée, vous lui posez la question à haute voix et lentement. C’est quoi le modèle de  question déjà ? » Elles répondent du tac au tac : « selon vous, quelle est la définition de … ? » Nous voilà partis dans les couloirs du centre social à la rencontre de potentiels « interviewés ». Nous avons décidé de débuter en terrain connu pour que les enfants s’entrainent. « Hamida ! tu réponds à nos questions ? » demande Mélia à la responsable du bureau des jeunes. Cette dernière refuse, mais Mélia ne lâchera pas le morceau ! Tout au long de la séance elle me répétera : « Tu verras, si le directeur nous répond, je pourrai convaincre Hamida ! » ou encore  « on a eu plein de refus : Hamida va être obligé de me dire oui ! ». Mais malgré leurs efforts, Hamida tiendra bon, elle ne veut pas être filmée…

Nous sollicitons les employés des bureaux administratifs ; certains acceptent, d’autres refusent. D’autres encore tergiversent ou négocient «  Oui mais à condition de connaître les questions à l’avance pour pouvoir y réfléchir. » L’ambiance est détendue ; mais les enfants, qui connaissent bien leurs interlocuteurs, gardent leur sérieux. Ils restent concentrés pour réaliser au mieux ce projet qui leur tient à cœur. Ils sont fiers de ce « véritable tournage !»

Pour terminer, nous filmons une animatrice et certains enfants de son groupe qui rangent et nettoient la cour, au pied des immeubles. Cette animatrice porte le voile en dehors du centre. Elle nous demande que son visage ne soit pas filmé mais accepte, avec grand plaisir semble-t-il, de répondre aux questions des petits enquêteurs. Cela ne pose aucun problème aux enfants qui optent pour un plan serré sur ses mains. Une fillette d’environ 6 ans prend ensuite la parole : « Dieu il est tout en haut et tout le monde l’aime ! ». Les cinq filles s’exclament: « Ho, elle est trop mignonne !! ». Elles sont ravies de cette intervention « les Musulmans ne parlent que des Musulmans et les Chrétiens des Chrétiens ! Elle, elle a parlé de tout le monde ! ».

Tournage en extérieur

Deux semaines ont passées, nous sommes le 20 mai, tous les enfants sont là pour cette deuxième séance de tournage ! Le centre social relaie la demande de la mairie de Vaulx-en-Velin. Il souhaite avoir un petit topo pour présenter notre atelier et notre projet. Ravis, nous décidons avec les enfants qu’il faudra intégrer ce passage comme une introduction à notre glossaire filmé. Faustine, Souleymane et Camélia, les moins timides, s’en chargent, la première prise est la bonne : « Cette deuxième séance de tournage commence très bien ! ».

S’ensuit notre briefing de « pré-tournage ». Deux nouvelles personnes acceptent d’être filmées : un employé de mairie de passage au centre et un visiteur. Forts de cette confiance, les petits enquêteurs sont prêts à sortir du centre. Une passante répond favorablement à leur demande, mais son amie refuse malgré l’insistance de Mélia, décidément tenace : « Allez, ça ne durera pas longtemps ! ». Nous continuons notre chemin jusqu’à la zone commerciale du quartier de la Grappinière. Accueil chaleureux dans le snack où nous filmons le patron et un client au son des steaks sur le grill. L’un des clients plaisante : « dis donc, ta femme sait que tu ne travailles pas ?! Ce film il va passer ce soir à BFM ! ». Les enfants sont très fiers. Je dois néanmoins rester vigilante et ne pas hésiter à les recadrer. Tourner à l’extérieur du centre, près de commerces qu’ils fréquentent régulièrement, les déconcentre facilement. Sur le chemin, ils saluent leurs camarades de classe, leurs voisins…

Nous essuyons plusieurs refus au salon de coiffure, au taxiphone et dans une brasserie. Camélia me fait très justement remarquer : « tu as vu ici, la caméra bloque les gens ». Mélissa, l’animatrice, me rappelle le propos d’une coiffeuse « ici à Vaulx, on ne peut pas parler de religion devant une caméra » . Je propose alors que nous fassions une prise de Mélia qui en guise de conclusion explique face caméra les conditions de réalisation du tournage : beaucoup de réponses positives mais aussi quelques refus. Ces derniers sont-ils dus à la caméra ou à la nature du sujet abordé ? Quoi qu’il en soit nous sommes tous d’accord pour dire que cela est révélateur de nos questionnements. Et de mon côté « et bien voici un bon sujet d’enquête pour un prochain atelier : les religions et les médias ! »

Pour en savoir plus : http://www.enquete.asso.fr/ 

Mustapha Cherif : « En ces temps de crise, continuer à éduquer et à dialoguer »

MustafaCherif

Ce Ramadan 2015, mois de spiritualité par excellence, n’a pas été épargné par des exactions meurtrières commises au nom de l’islam. Mais le message de paix ‒ dont le mot « As-Salâm », le Pacifique, est l’un des 99 noms de Dieu ‒ doit prévaloir, nous dit le philosophe Mustapha Cherif. Face à la propagande du choc et au danger du repli sur soi, l’espérance en une société meilleure reste le moteur de notre humanité et l’éducation un de nos principaux outils.

Saphirnews : L’actualité française et internationale ne cesse d’être ponctuée d’actes de terrorisme. En même temps, intellectuels, leaders associatifs et une grande majorité des populations musulmanes européennes les dénoncent catégoriquement. Vos écrits ne cessent d’alerter sur les extrémismes de tous bords. Pensez-vous que la situation s’aggrave ou s’améliore ?

Mustapha Cherif : Trop de personnes ne parviennent pas à faire la part des choses. Certains développent une haine de la religion, de l’islam, ils ne saisissent pas son sens réel. Dans cette catégorie, des médias ont une lourde responsabilité. Ils émettent des opinions erronées, profitent des outils et espaces dont ils disposent pour entretenir la confusion, l’essentialisme, des calomnies et des appréciations fausses.
Des courants d’idées matérialistes, allergiques à la spiritualité, ou xénophobes, en profitent. D’autres, des rigoristes, figent la religion et l’instrumentalisent. Tous nuisent à ce qu’ils croient défendre. Cependant, l’immense majorité des citoyens, toutes convictions concernées, reste proche du juste milieu et se méfie à juste titre des discours extrémistes et respecte les critiques constructives. Il nous faut expliquer et consolider la voie du juste milieu.

Vous prônez l’éducation au dialogue interreligieux, des cultures et des civilisations : pour quelles raisons ?

Mustapha Cherif : Il y a trop de malentendus, d’ignorances et de désinformations. Il faut en sortir. Apprendre à se connaître, pour se respecter, passe par l’acquisition des instruments de la compréhension du monde, de sa propre culture, sa religion et sa société, mais aussi celles des autres. Ce qui signifie apprendre à apprendre et à écouter, afin que la capacité à acquérir des connaissances puisse se maintenir tout au long de la vie. Penser et agir par soi-même et avec les autres et pouvoir répondre de ses pensées et de ses choix pour avoir une capacité d’autonomie et d’ouverture à l’altérité vont de pair avec le renforcement du dialogue et de la responsabilité personnelle dans le destin collectif.

Quelles méthodes préconisez-vous ?

Mustapha Cherif : Encourager les regards croisés, pour apprendre à faire lien, afin que chacun s’enrichisse d’autrui et puisse être acteur et porteur de sens évolutif. Il s’agit de partager des points de vue et des expériences, afin de découvrir que l’autre a une part de vérité dans tous les aspects de l’existence. Comprendre le bien-fondé des règles régissant les comportements individuels et collectifs, à y obéir et à agir conformément à elles, principe de discipline et d’entraide. La pédagogie interculturelle et interreligieuse contribue à tisser des liens et à créer de la fraternité et de l’amitié.

Vous défendez le principe du vivre-ensemble : comment le réaliser ?

Mustapha Cherif : Il s’agit d’apprendre à vivre ensemble, afin de participer et de coopérer avec les autres croyants et non-croyants au bien commun et à toutes les activités humaines. Ce n’est point une fiction, le vivre-ensemble reste une réalité. La bonne voie pour le renforcer est de promouvoir l’apprentissage du « vouloir-vivre ensemble », en développant la connaissance des autres, de leur Histoire, de leurs traditions et de leur spiritualité. Par l’interconnaissance, reconnaître les bienfaits de la laïcité ouverte, le pluralisme des opinions, des convictions, des croyances et des modes de vie, principe de la coexistence des libertés et des valeurs.

Que dit la civilisation musulmane au sujet de l’éducation au vivre-ensemble ?

Mustapha Cherif : L’éducation se veut totale. Elle vise cinq dimensions de la personnalité humaine qui doivent être prises en compte : une dimension sensible (culture de la sensibilité) ; une dimension normative (culture de la règle et du droit), une dimension cognitive (culture du jugement), une dimension pratique (culture de l’engagement) et une dimension éthique.
Elle s’adresse au cœur et à la raison, à l’esprit et au corps, à l’individu et à la communauté. L’élève mémorise davantage les savoirs qu’il construit lui-même au fil de ses expériences que la connaissance énoncée par l’enseignant. Les citoyens musulmans d’Europe prouvent tous les jours leur capacité à vivre leur temps, la sécularité et la modernité, sans perdre leurs racines. Pour éviter les dérives, c’est cette ligne du juste milieu qu’il faut encourager.

Ces préconisations ne risquent-elles pas de rester des vœux pieux compte tenu de la crise économique européenne qui se cherche des boucs émissaires (les immigrés, les musulmans…) et du contexte international géopolitique où la loi du plus fort prévaut au nom d’intérêts financiers (pétrole, eau, ressources minières, armements…) ?

Mustapha Cherif : Tenter d’éveiller les consciences à la paix des esprits et au vivre-ensemble n’est point un vœu pieux. C’est une responsabilité collective. Il est clair que la crise économique et morale mondiale suscite des réactions irrationnelles et des fuites en avant. L’islamophobie, le racisme antimusulman sont un prolongement de l’antisémitisme. Hannah Arendt disait que la propagande totalitaire et mensongère se cherche des boucs émissaires comme diversion pour asseoir son hégémonie. Tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté doivent rester vigilants et unis afin que la fraternité humaine l’emporte sur l’exclusion et la loi du plus fort. Le droit et le respect de la diversité doivent prévaloir. Je reste confiant, les citoyens ne sont pas dupes.
Mustapha Cherif est philosophe. Il est l’auteur, notamment, de Le Coran et notre temps (Éd. Albouraq, 2012) ; Le Prophète et notre temps (Éd. Albouraq, 2012), Le Principe du juste milieu (Éd. Albouraq, 2014). Il est également l’auteur de la note Éducation et islam (Fondapol, mars 2015, 44 p.)
Rédigé par Huê Trinh Nguyên
Samedi 11 Juillet 2015
Pour en savoir plus : http://www.saphirnews.com

Comment prévenir la radicalisation des plus jeunes ?

Ils seraient quelques 70 mineurs à être concernés, en France, par le phénomène croissant de la radicalisation djihadiste selon les estimations des autorités. Un chiffre certainement inférieur à la réalité. « Nous voulons mieux connaître et mieux repérer les jeunes en situation de risque vis à vis de la radicalisation et adapter notre prise en charge », admet Catherine Sultan, directrice de la protection judiciaire de la jeunesse, lors d’une journée nationale de formation, organisée le 14 avril à l’Ecole nationale de la protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ) à Roubaix.

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 Un enfant dans un reportage vidéo de Vice News sur Daech. (Photo : D.R.)

Dans la cadre du plan de lutte gouvernemental, la PJJ bénéficie d’une enveloppe de 11 millions d’euros pour recruter 170 agents supplémentaires à temps plein : 70 référents laïcité et citoyenneté, 82 nouveaux postes de psychologues qui doivent permettre selon Catherine Sultan une « meilleure appréhension du phénomène » et 18 éducateurs « en soutien dans les lieux où la problématique est la plus forte ». Ces 82 embauches sont très significatives car il y a aujourd’hui 377 psychologues en poste.

Cette administration qui compte 9.000 agents (dont 6.000 éducateurs) est donc en train de constituer un réseau de 70 référents « laïcité et citoyenneté », originaires pour moitié de la PJJ et venus pour moitié de l’extérieur. Pilotés par Delphine Bergere-Ducote, référente nationale citoyenneté et laïcité, ils ont une double tâche. Ils doivent tout d’abord lutter contre la radicalisation en faisant remonter toutes les informations au niveau de la mission nationale de veille et d’information (MNVI) rattachée directement au cabinet de la directrice de la PJJ. Et en soutenant les professionnels sur le terrain pour traiter les cas les plus complexes.

Aujourd’hui sur les 70 mineurs en France qui ont été repérés en situation de radicalisation la moitié était déjà pris en charge par la PJJ et l’autre moitié sont des primo-délinquants.« Nous avons les mêmes chiffres qu’au niveau national, c’est à dire beaucoup de convertis et nous voyons aussi une proportion croissante de filles, souligne Delphine Bergere-Ducote . Face à ce phénomène nous devons avoir un contre discours préventif et nous avons de gros besoins en formation ». La journée de formation qui s’est tenue à Roubaix s’intègre dans un plan national de sensibilisation à la lutte contre la radicalisation qui va se mettre en oeuvre sur trois ans et concerner tout les agents de la PJJ, qu’ils soient dans des structures de service public ou du secteur associatif habilité.

Conception protéiforme de la laïcité

Les 70 référents seront aussi concernés directement par un plan d’action sur la laïcité et les pratiques religieuses des mineurs. Cette question, en chantier depuis trois ans, a bien sûr pris une importance toute particulière à la suite des attentats de janvier. Dans une note publiée le 25 février, a reconnu la « conception protéiforme de la notion de neutralité » qui prévalait jusqu’à présent dans ses établissements. Certains refusaient de traiter toute question de pratique religieuse. Il y a eu, aussi,  des cas de d’incitation à la prière ou d’actions de prosélytisme qui ont d’ailleurs fait l’objet de sanctions administratives. Et entre les deux, le personnel est souvent dérouté par les différentes conceptions de la laïcité.

La direction de la protection judiciaire de la jeunesse va donc préciser ses règles sur la laïcité au travers de deux notes spécifiques. La première donnera plus de consistance au volet laïcité des règlements de fonctionnement des établissements prenant en charge des mineurs afin de baliser les pratiques religieuses de ces jeunes. L’autre va clarifier les règles de neutralité auxquelles sont tenus les agents publics et les personnels des associations privées intervenant dans les établissements.

A la croisée entre lutte contre la radicalité et laïcité, la PJJ dispose aussi d’un budget de 900.000 euros pour développer pour ses jeunes des actions dites de « citoyenneté et de laïcité ». Elle compte s’appuyer sur des partenaires extérieurs habitués notamment aux problématiques de lutte contre le racisme. En ce qui concerne la lutte contre la radicalisation, « nous pouvons nous appuyer sur des structures comme le Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam (CPDSI). Mais leurs intervenants sont très sollicités », explique Delphine Bergere-Ducote. « Sans aborder frontalement les questions religieuses, on peut aussi aller vers le culturel et l’histoire avec l’Institut du monde arabe ou l’Institut des cultures d’islam ».

Alix de Vogüé | le 28.04.2015 à 15:00

Pour en savoir plus : http://www.fait-religieux.com/

Pourquoi les musulmanes portent-elles de plus en plus le voile ?

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Encore rare il y a vingt ans, le port du voile s’est répandu, ce qui suscite de nombreuses crispations au sein de la population française. Décidée à lutter contre cette expansion, une association musulmane s’est associée à une journée sans voile vendredi. Retour sur les motivations de celles, souvent jeunes, qui décident pourtant de l’arborer.
Le port du voile cristallise bien des tensions en France. D’autant qu’il s’est réellement répandu chez les jeunes musulmanes. S’il est difficile de chiffrer le phénomène, les spécialistes s’accordent sur sa montée en puissance ces vingt dernières années. Tandis que les générations précédentes ont lutté pour pouvoir le retirer, certaines filles d’aujourd’hui, qu’elles soient enfants d’immigrées ou converties à l’islam, prônent un retour au religieux et à l’affirmation publique de leur foi. Le port du voile, qui concernait des cas isolés il y a vingt ans, revêt désormais une dimension politique, idéologique et culturelle. « Au milieu des années 2000, on a vu se répandre le port du simple foulard et du voile intégral en France », affirme Raphaël Liogier, auteur du Mythe de l’islamisation (1).

« Le religieux, une manière de se distinguer »

Le port du voile « s’est développé d’une manière très différente de celle que l’on a pu observer dans le monde traditionnel musulman : on assiste à une revendication des jeunes filles pour ce qu’elles sont, d’une façon moderne. On a un retour vers la foi, une sorte de revival. Elles cherchent à retrouver leurs racines ; elles ont le sentiment que leurs parents ont délaissé leur religion et se sont soumis à la culture du pays d’accueil. » Le port du voile, que le sociologue compare à certains mouvements de jeunesse comme « le punk des années 1990 », se justifie presque de manière philosophique : « Le religieux, c’est une manière de se distinguer par la performance, de faire des choses difficiles justement parce qu’elles sont difficiles. » Cette rigueur que les jeunes filles s’imposent, au prix parfois d’un rejet, leur paraît gratifiante.

Cette rhétorique religieuse, que les filles voilées avancent constamment, fait pourtant l’objet de débats, même chez les penseurs musulmans. Pour l’imam de Bordeaux, Tareq Oubrou, « il y a un conflit sur la perception de ce vêtement. Le concept de voile islamique me gêne. Il n’y a pas d’habit islamique, ni pour les hommes ni pour les femmes. Certains musulmans exagèrent cette pratique et la juge essentielle, alors qu’il n’y a pas de fondement univoque dans les textes. » L’imam voit dans le port du voile une sorte de « mode ». « C’est une pratique devenue tendance. Le voile est devenu un objet cosmétique, esthétique. On le met de manière à attirer, pour séduire. On le détourne de son sens premier : celui de traduire une pudeur. »

Un fossé intergénérationnel

Inquiètes, des féministes québecoises ont décidé de faire du 10 juillet une « journée sans voile » pour envoyer un signal et porter la lutte sur la place publique. Cette année, le collectif Femmes sans voile d’Aubervilliers, qui considère le voile comme la « marque d’une inégalité sexiste et imposée par le patriarcat », a rejoint le mouvement. Nadia Ben Missi, membre de l’association, rappelle « qu’il n’est ni une exigence ni une obligation religieuse. Elles disent qu’elles l’ont choisi, qu’elles sont libres. Elles le justifient par l’islam et la culture qui y est associée, sans réaliser que c’est en fait une interprétation radicale de l’islam. Ce n’est pas la seule façon d’être musulmane. Or ces femmes vont jusqu’à considérer les autres comme des mécréantes. »

Par Paméla Rougerie | Le 09 juillet 2015

Pour en savoir plus : http://madame.lefigaro.fr/

(1) Le Mythe de l’islamisation. Essai sur une obsession collective, de Raphaël Liogier, Éd. du Seuil, 212 p., 16 €.

(2) Des voix derrière le voile, de Faïza Zerouala, Éd. Premier Parallèle, 258 p., 5,99 €.

 

L’Observatoire de la laïcité soulève le « besoin criant de formations »

RapportObservatoireLaicité

L’Observatoire de la laïcité a rendu public, mardi 30 juin, son deuxième rapport annuel. A cette occasion, elle relève un dévoiement de la laïcité qui « transformerait ce principe de vivre-ensemble et de coexistence harmonieuse en « laïcité d’exclusion » ».

L’étude, que vous pouvez trouver sur ce site, rend compte du travail effectué en 2014-2015 par l’Observatoire quant au respect du principe de laïcité. Les conclusions révèlent le besoin « criant » de formations à la laïcité, que ce soit dans les services publics ou dans le secteur privé. A l’école tout d’abord, le rapport présente en détail le « plan pour une grande mobilisation de l’école publique pour les valeurs de la République » annoncé à la suite de l’avis du 14 janvier par le ministère de l’Éducation nationale. On y présente le dispositif de formation dédié aux enseignants conduit par deux membres de l’Observatoire de la laïcité.

Priorité à ceux qui sont en contact avec le public

Dans le service public, bien que des initiatives de formations locales intéressantes aient été observées dans les préfectures, l’Observatoire déplore que « cette application fluctuante de la laïcité » se retrouve dans l’ensemble des services publics, ce qui l’a conduit à impulser de nombreuses formations de terrain en 2013. Avec le concours du ministère de la Fonction publique, un plan a été lancé. Mais un autre programme plus ambitieux à destination de tous les relais de la politique de la ville, agents et éducateurs spécialisés, est en cours de réalisation. Car les services des différents ministères sont très peu saisis de questions relatives à la laïcité ou à la gestion du fait religieux si on en croit les auditions des ministres concernés. Surtout, on constate souvent une méconnaissance des règles de droit. Tous les ministres ont fait part d’un grand besoin de formation des agents publics, en privilégiant ceux qui sont en contact avec le public.Du côté du secteur privé, la nécessité d’un enseignement à la « gestion du fait religieux pour les managers »est marquée dans le rapport. De nombreuses actions sont menées en ce sens par différentes entreprises et associations, souvent en collaboration avec l’Observatoire de la laïcité, est-il signalé.

Le danger d’une laïcisation de la société

Les conséquences de la méconnaissance des principes de la laïcité sont encore une fois dénoncées par les responsables des principales religions en France. Les conclusions des auditions révèlent la « crainte d’une laïcisation de la société et de l’individu » et d’un recours contre-productif à d’éventuelles nouvelles lois. La laïcité glisserait « d’une obligation étatique à une obligation individuelle, rejetant toute visibilité du religieux et alimentant la peur des différences ». Les responsables de mouvements d’éducation populaire de terrain craignent, de leur côté, « une laïcité neutralisante qui nierait ou voudrait supprimer toute singularité et toute visibilité religieuse ». Tous les acteurs auditionnés reconnaissent le besoin urgent de la réaffirmation du droit, notamment aux lendemains des attentats de Paris. Pourtant, malgré ces événements tragiques qui ont provoqué de nouvelles crispations très fortes, le rapport ne relève pas d’augmentation des atteintes directes au principe de laïcité comparativement à l’année précédente. Ces incidents, qui touchent pour la majorité les fidèles de l’islam, restent néanmoins encore trop nombreux, notamment à l’adresse des femmes voilées.
Pour en savoir plus : http://www.saphirnews.com/

Fait-religieux.com s’endort pour un temps indéterminé

A dhow is seen at sunset during a training session on May 22, 2015 in the waters off the island of Sir Bu Nair on the eve of the Al-Gaffal 60 foot Traditional Dhow Sailing Race, in which boats will set sail off the island near the Iranian coast, until they reach the finish line at the Burj Al-Arab in Dubai. The 25th annual dhow sailing race has a total prize money of 10 million dirhams ($272,000). AFP PHOTO / MARWAN NAAMANI

Le site que vous avez pris l’habitude de lire, Fait-religieux.com, a été lancé à l’été 2012. En trois ans, il a réussi à s’installer dans le paysage des médias en ligne. Pour ce que nous en savons, il y a parmi ses lecteurs, en France et dans la francophonie, des croyants et des non croyants, des catholiques de gauche, de droite et du centre, des laïques de toutes nuances, des musulmans, des juifs, des protestants, des orthodoxes, des bouddhistes, des sikhs, des hindous, des baha’is, des ahmadis, des mormons et d’autres cultes minoritaires, chacun venant s’informer sur l’actualité de toutes les religions.

La société éditrice, la SAS Bellefeuille Edition Presse, avait pour vocation, à terme, de gagner de l’argent. Comme dans les manuels d’économie, il lui fallait pour cela investir en capital et en travail, et s’efforcer de rencontrer un marché. L’investissement en capital a eu lieu, l’investissement en travail également, quiconque a lu les articles publiés chaque jour par nos journalistes professionnels et nos blogueurs a pu s’en rendre compte.

Ce qui ne s’est pas matérialisé, c’est le marché. Pour dire les choses simplement : trop peu de lecteurs ont été prêts à payer pour lire ce que nous leur proposions. Avec le temps leur nombre aurait sans nul doute augmenté, mais ce temps-là, nous ne l’avions plus. Faute d’avoir trouvé des investisseurs ou des repreneurs, nous avons dû nous résoudre à mettre l’entreprise en liquidation. La thématique du fait religieux, autrement dit l’approche non confessionnelle des croyances et de leurs effets, ne perd ni de son actualité, ni de sa pertinence. Nos confrères des médias généralistes en ont pris conscience et traitent beaucoup plus abondamment que par le passé les sujets liés aux religions.

Un site spécialisé comme le nôtre n’a pas vraiment d’équivalent en France ou en Europe. Aux Etats-Unis, les deux titres qui s’en rapprochent , Religion News Service et Religion Dispatches, sont financés par des fondations universitaires. Un modèle qui devrait faire réfléchir en France : si une information est utile socialement mais non viable économiquement, il serait souhaitable que des structures à but non lucratif puissent en assurer l’existence. Et la signataire de ces lignes n’a pas le moindre doute à cet égard : accroître en quantité et en qualité la couverture des questions de religion et de laïcité reste un objectif socialement utile dans le monde d’aujourd’hui, et particulièrement en France.

Comme dans les génériques de fin, il est juste de citer toutes les personnes qui ont contribué à l’histoire de Fait-religieux.com : les fondateurs, d’abord, dès 2011, Jean-Luc Pouthier, Hanène Sassi et Sophie Gherardi, rejoints très vite par Eric Azan, Litzy Briscan, Louise Gamichon, Eric Rohde, Julien Vallet, Patricia Zhou, Claire Gandanger à Strasbourg et un peu plus tard par François Desnoyers et Alexandre Lévy, notre rédacteur en chef.

Nous avons eu des collaborateurs réguliers et précieux, Yves-Marc Ajchenbaum, Lysiane Baudu, Akram Belkaïd, Anne-Charlène Bezzina, Linda Caille, Ekaterina Dvinina, Nathalie Hamou (Israël), Frédéric Hastings, Ignazio Ingrao (Vatican), Rachida Gmiz, Faker Korchane, Anne Madelin, Marie-Ange Maire Vigueur (Rome), Camille Pavy, Alix de Vogüé, Tigrane Yégavian. Des blogueurs pleins de talent : Nathalie Baravian, Marc Bayard, Simon Castéran, Eric Lebrun, Marine Quenin, Jean-Louis Schlegel.

Et les plumes qui ont fait un passage plus ou moins long : Marine Afota, Samim Akgönül, Mouloud Akkouche, Maud Amandier, Danielle André, Ange Ansour, Antoine Arjakovsky, Dominique Avon, Mohamed Bajrafil, Stephen Berkowitz, Abdennour Bidar, René Blanc, Luca Bossi, Caroline Bretones, François Burgat, Pauline Busonerat, Nicolas Cadène, Catherine Caron, Martine Cerf, Alice Chablis, Joan Charras Sancho, Arab Chih (Algérie), Claudine Fiuza, Ludovic Clerima, Brice Couturier, Jérôme Cristiani, Floriane Degan, Karima Dirèche, Anne Dory, Rachida El-Mokhtari, Carine Elkouby, Jeanne Estrapade, Philippe Gaudin, Mariachiara Giorda, Antoine Gosse, Sévrin Graveleau, Thomas Grossmann, Jean-Philippe Gunet, Adnan Ibrahim, Gabrielle Hardy-Enngelson, Aïda Kekli, Adrien Larelle, Hugo Le Picard, Marie Lopez, Fabien Leone, Anne Madelin, Pascal Maguesyan, Raphy Marciano, Félix Marquardt, Mathieu Martinière, Olivier Mongin, Claude Nataf, Solange Nuizière, Alice Papin, Louise Piguet, Tristan Pouthier, Samuel Pruvot, Anna Ravix, Patrice Rolland, Laurent Réveilhac, Patrick Sbalchiero, Jean-Philippe Schreiber, Elise Saint-Jullian, Katia Scifo, Julia Sei, Michel Serfaty, Nadia Sweeny, Ingrid Therwath, Paul Thibaud, Louis Thubert, André Vauchez, Caroline Vigent, Caspar Visser’t Hooft, Suzi Vieira, Michel Warschawski.

Et un média, ce ne sont pas que des journalistes. Combien ont été importants, chacun à sa façon, Katia Huguet, Erwin Calvez, Sasha Cohen, Yann Gibert, Roxane Lesecq, Geoffrey Marcellot, Pascal Roux, et auparavant Pierre-Marie Bernard, Martine Cohen, Christophe Cornu, Claire Giudicenti, Lola Petit, Anne Serin-Reyl.

Citons aussi des institutions de la presse : l’AFP pour sa couverture et ses magnifiques photos, nos partenaires Eglises d’Asie, Toute la culture, Toutéduc et Zaman France. Sans oublier Myeurop-info.

Si quelqu’un a été oublié, qu’il ne s’en offusque pas. L’oeuvre a été collective, les remerciements le sont aussi. Sur Internet, l’information ne meurt jamais, elle s’endort. Fait-religieux.com entre donc en sommeil, pour un temps indéterminé.

Sophie Gherardi

le 30.06.2015 à 15:09
En savoir plus sur http://www.fait-religieux.com/

Le laïcisme, religion du siècle

Jean-jaures-foule

Le laïcisme, bien qu’il ne repose sur aucun Dieu, est tout de même issu d’une construction de type religieux

Selon la célèbre phrase attribuée à André Malraux, « le 21ème siècle sera religieux [certains disent mystique] ou ne sera pas ». Pourtant, si « Dieu est mort » comme le proclamait Nietzsche dès 1882 dans Le Gai savoir, il paraît compliqué d’imaginer un siècle religieux.

En effet, la tendance est plutôt à la sécularisation en Occident et parler de religion sans Dieu peut sembler contradictoire. Toutefois, il ne me semble pas déraisonnable d’affirmer que notre siècle est effectivement religieux mais d’un religieux particulier : un religieux sans Dieu.

Une religion sans Dieu est tout à fait possible

Si parler de religion sans Dieu peut sembler surprenant, il existe des constructions de types religieuses sans qu’un quelconque Dieu n’intervienne. L’exemple du marxisme est, à ce titre, significatif. Cette doctrine postule, effectivement, un sens de l’Histoire et l’avènement d’un monde égalitaire dans un horizon lointain. Bien que cette égalité future doive s’accomplir sur la Terre et non dans les cieux, on retrouve bien l’idée d’une orientation de l’Histoire et d’une force mystique qui ferait advenir cette orientation. En ce sens la dialectique hégélienne qui nourrit le marxisme participe pleinement de cette religion sans Dieu qu’est le marxisme.

Le laïcisme est moins une incroyance qu’une foi en l’incroyance

Comme le montre avec brio Emmanuel Todd dans Qui est Charlie ?, le recul du religieux en France se traduit forcément par l’apparition de nouvelles idéologies. En effet, à l’idéologie de la religion vient se substituer une idéologie plus terrestre que céleste. C’est ainsi qu’à l’idéal catholique d’égalité après la mort a succédé l’idéal d’égalité sur Terre qui a débouché sur la Révolution Française.

En ce sens, le laïcisme relève lui aussi d’une construction de type religieux. Souvent défendu par des personnes athées, il constitue bien souvent une foi en l’incroyance plutôt qu’une simple incroyance. Cette foi en l’incroyance se matérialise la plupart du temps par une forme d’intolérance vis-à-vis du fait religieux. C’est ainsi que le livre de Caroline Fourest, L’Eloge du blasphème, est pour moi un livre symbolique de cette nouvelle religion : loin d’énoncer simplement le droit au blasphème, l’essayiste nous fait presque l’injonction de blasphémer pour ne pas trahir la laïcité. Finalement, pour les membres de ce courant, la liberté d’expression c’est surtout d’être libre de penser comme eux et pas autrement. Il y aurait donc des fondamentalistes du laïcisme comme dans toute religion.

Le principal danger de cette nouvelle religion est sa volonté hégémoniste. Les laïcistes voudraient, en effet, nous faire croire que la laïcité c’est le laïcisme. On voit bien, ici, surgir l’analogie avec le prosélytisme des religions catholique ou islamique. Gardons-nous donc de confondre le laïcisme, qui prône l’exclusion de la religion de toutes les institutions publiques et la laïcité, qui est le principe de séparation de l’État et de la religion et donc l’impartialité ou la neutralité de l’État à l’égard des confessions religieuses.

Finalement, si les laïcistes parvenaient à remplacer la laïcité par le laïcisme, cela reviendrait aussi à exclure de toutes les institutions publiques leur doctrine, dont la structure est bel et bien religieuse.

par Newram
lundi 15 juin 2015

 

Pour en savoir plus : http://www.agoravox.fr/

Le fait religieux et l’entreprise

ReligionsEntreprise

Les médias mettent l’accent sur les religions dans l’entreprise et le phénomène connaît un certain développement. Nous pourrons, sur cet aspect, écouter des professionnels travaillant avec des entreprises, Maître Pierre-Luc Nicol, avocat spécialiste du fait religieux en entreprise et Marie Davienne – Kanni, consultante formatrice en diversité culturelle et religieuse.

On ne saurait cependant réduire le débat à cette seule dimension :
Les religions portent un regard sur l’homme et veillent à ce qu’on ne le réduise pas à un rôle de « salarié » ou de « collaborateur ». Et c’est bien dans cette direction que s’orientent nombre de dirigeants en mettant en avant l’appel à l’intelligence individuelle et collective.

Une table ronde a réuni ce Vendredi 12 juin 2015 sur ces thèmes divers responsables grenoblois de culte : Monseigneur de Kerimel, Evêque du Diocèse de Grenoble-Vienne, Sultan Nissim, rabbin et Mustapha Merchich, Imam

Les rencontres Ecobiz RH en partenariat avec les Entrepreneurs et dirigeants chrétiens

CYCLE PAROLES DE LEADERS

De 12h à 14h
à la Chambre de commerce et d’industrie
1, place André-Malraux à Grenoble

 

banniereaccueilecobiz

Comment faire communauté sans communautarisme à Montréal ?

Montréal
Comment gérer le fait religieux en entreprise ? De plus en plus de dirigeants font face à la question et y réfléchissent et vont chercher les bonnes pratiques à l’étranger.

C’est un fait, ces dernières années on assiste à une croissance notable des revendications religieuses dans le monde du travail. De l’aménagement d’un lieu de prière à l’absentéisme pour des jours religieux non fériés. Sujet croissant et souvent tabou en France mais que des entrepreneurs rhônalpins ont décidé d’aborder de front avec l’aide  de théologiens et de chercheurs de l’Université Catholique de Lyon.  Chaque année, ils effectuent un voyage à l’étranger pour voir comment d’autres pays appréhendent le fait religieux en entreprise. Après le Liban, la Turquie, la Tunisie et la Belgique, ils viennent de se rendre à Montréal au Québec pour observer comment ce pays du melting-pot aborde la question.

Participation de Michel Younès, Dominique Coatanéa, universitaires québecois de l’Université de Sherbrooke, Marie Davienne-Kanni

Philippe Lansac les a suivis sur place, c’est notre feuilleton de la semaine :