Catégorie : Discrimination
Le sens des mots
Je reconnais au Premier ministre le mérite d’avoir décrit une réalité de l’immigration souvent minorée ou même déniée. Manuel Valls a eu raison de parler de « misère sociale », de « ghetto », de « relégation périurbaine », de « misère sociale », auxquelles « s’additionnent les discriminations quotidiennes parce que l’on n’a pas le bon nom de famille, la bonne couleur de peau ». Tout ceci existe, c’est la réalité quotidienne de millions de Français, et même des « immigrés » les mieux intégrés.
Il fallait enfin poser le diagnostic et admettre la réalité. C’est un premier pas encourageant pour la classe politique française qui, depuis des décennies, a refusé d’admettre les immenses problèmes liés à l’intégration. Ce refus est d’autant plus scandaleux qu’il est le résultat, soit d’une naïveté méprisante, soit d’une mauvaise conscience ou encore d’une méconnaissance coupable. Espérons que ces déclarations soient une étape franchie, un acquis sans retour pour qu’enfin, les gouvernements puissent agir concrètement sans fausse pudeur ou mystifications paralysantes.
Pourtant, il faut reprocher au même Premier ministre l’emploi d’un mot qui se voulait fort pour décrire cette situation, « l’apartheid », mais c’est un mot faux. En effet, si la situation de certains « quartiers » est très inquiétante et que le sort réservé à une grande partie de la population issue de l’immigration est, à bien des égards, scandaleuse, la France ne connaît pas une situation d’apartheid. Le laisser penser est dangereux.
Dangereux pour la nécessaire sérénité et quiétude qui doit exister entre les Français, quelles que soient leurs origines. Dangereux pour les « minorités visibles » de se laisser cantonner à être perçues comme une population ségrégée. Dangereux car ceux qui dénoncent et luttent contre la société, en dévoyant une idéologie politico-religieuse pour provoquer des actes abjectes, pourraient croire qu’ils sont des héros en puissance. En effet, Nelson Mandela a été pendant des décennies considéré comme un « terroriste » par le pouvoir sud-africain. Ne donnons pas l’occasion à nos terroristes en puissance de croire à un destin de libérateur d’un « peuple ». Ce sont des fous ou des terroristes dangereux qui instrumentalisent la religion pour assouvir leurs pulsions meurtrières.
La France n’est pas une société qui organise et légitime la discrimination et le racisme. Les mots ont un sens. Dire « apartheid » voudrait dire aussi que toutes les personnes issues de l’immigration se retrouvent de l’autre côté d’un mur invisible les séparant des Français d’origine. Ce n’est pas vrai. De la même manière, le Premier Ministre ne peut pas dire que l’intégration n’est pas un « mot qui ne veut plus rien dire ». La France est le pays où les mariages mixtes sont les plus nombreux. L’immense majorité des Français d’origine sont totalement étrangers à l’idée de racisme et, encore plus, à ses pratiques. La France sait que la diversité est une chance pour elle. Et enfin, une grande majorité de Français issus de l’immigration sont la preuve vivante d’une intégration réussie. L’immigration ne se résume pas qu’aux échecs scolaires, à la violence, aux quartiers sensibles, au chômage ou à une pratique religieuse.
Plusieurs acteurs se mobilisent, comme Le club XXIe siècle, pour changer les représentations de la diversité dans la société française. En dix ans, beaucoup de choses ont changé. Certes, pas assez et pas assez vite. Mais les Français issus de la diversité qui sont « visibles » ne sont plus uniquement des sportifs et des rappeurs. Ces Français sont aussi ministres, entrepreneurs, médecins, chercheurs, journalistes, présentateurs à la télévision, élus, hauts fonctionnaires, cadres en entreprise, et tous ceux que l’on ne voit jamais mais qui sont des citoyens honnêtes, travailleurs, fiers.
La France « diversifiée » s’intègre et travaille. Les Français issus de la diversité sont fiers d’être Français à l’image du discours émouvant de Lassana Bathily prononcé lors de la cérémonie où il a été fait français. Les Français issus de l’immigration ont souffert, comme tous les Français, lors des attaques terroristes qui ont fait des victimes françaises comme nous. Nous souffrons aussi parce que nous savons le prix que nous en aurons à payer dans le regard des autres, nous craignons encore plus de préjugés, encore plus de défiance, encore moins d’avenir.
La perte d’espérance est le pire des horizons que l’on puisse imaginer pour un citoyen. Si l’on ajoute à cela les discriminations ethniques ou religieuses, la situation peut devenir hors de contrôle. Il est donc urgent de cesser d’opposer les Français, les uns aux autres. Il ne doit y avoir que des citoyens français, aspirant à vivre ensemble. Encore une fois, le sens des mots est important. Que l’on cesse de parler de musulmans de France ou de juifs de France, mais plutôt de citoyens français de confessions musulmane, juive ou catholique.
Aujourd’hui, le plus important serait de redonner l’espoir, à tout un peuple, d’un avenir meilleur. Dans la difficulté et sans espérance, un peuple se déchire, les tensions croissent, les incompréhensions et les haines surgissent et les violences deviennent possibles.
La France est malade et les Français de toute origine souffrent. La France est malade d’une éducation nationale défaillante pour tous les Français. La France est malade de ses institutions que tous les Français respectent de moins en moins. La France est malade d’un chômage structurel de masse qui touche tous les Français. La France est malade d’une urbanisation impensée et chaotique. La France est malade d’une violence non-maîtrisée.
C’est ensemble que tous les Français doivent construire leur avenir. Les responsables politiques doivent s’attacher à prendre en compte la réalité, rien que la réalité et toute la réalité, sans exagération, sans stigmatisation. Maintenant, ils doivent imaginer les solutions et penser le futur d’une France apaisée, forte et fière de ses valeurs.
Arnaud Dupui-Castérès, Président de Vae Solis Corporate, cabinet de conseil en statégie d’information et communication de crise
Publication: Mis à jour:
Pour en savoir plus : http://www.huffingtonpost.fr/
Jamel Debbouze et Mélissa Theuriau : « On s’aime, c’est notre réponse au racisme »
La tendresse affleure de tous leurs gestes
Si ces deux-là regardent ensemble dans la même direction, ils ne cessent pas pour autant de se regarder l’un l’autre. Jamel et Mélissa s’adorent et ça se voit. Complices, solidaires, partenaires… ils bâtissent pour eux et pour les autres. Pour Mélissa, un film sur la jeunesse de Gaza, qui sera diffusé en septembre sur Téva, et un doc de 90 minutes, « L’Entrée des Trappistes », sur le parcours hors du commun de quatre gamins de Trappes : Jamel Debbouze, Nicolas Anelka, Omar Sy et La Fouine. Pour Jamel, un festival du rire, qu’il organise à Marrakech, et L’Usine de films amateurs, de Michel Gondry, qu’il soutient à Aubervilliers. Engagés, chacun, dans des associations (Relais Enfants- Parents pour elle, L’Heure joyeuse pour lui) et des métiers différents, ils partagent tout sans se dissoudre dans leur couple ni perdre leur personnalité. A les écouter, on imagine qu’ils ne s’ennuient pas ensemble. La discussion est vive, la blague toujours prête à jaillir et la tendresse affleure de tous leurs gestes. Et l’amour aussi.
Ma meuf est très marrante et, ça, personne ne le sait vraiment !
ELLE. Vous avez toujours refusé de vous exprimer ensemble. Pourquoi accepter aujourd’hui ?
Jamel. Parce que, justement, nous faisons de plus en plus de choses ensemble et que, avec le temps, on a réalisé combien notre couple est représentatif de certaines valeurs. Double raison, donc, de parler.
Mélissa. On est plus sereins aussi. Et c’est vrai qu’on s’épaule beaucoup dans nos projets. Jamel est à mes côtésdans mes combats personnels, mes reportages ou dans ma nouvelle activité de productrice, comme pour le documentaire « L’Entrée des Trappistes ». De mon côté, je suis de très près ce qu’il soutient, comme L’Usine de films amateurs de Michel Gondry, qui permettra à tout le monde de s’essayer au cinéma, et de ce qu’il fait, notamment son festival du rire.
Jamel. Ma meuf est très marrante et, ça, personne ne le sait vraiment ! En plus, son avis est toujours pertinent. Dans mon dernier spectacle (« Tout sur Jamel »), je cherche, bien sûr, à faire rire, mais j’essaie aussi de faire réfléchir. Mélissa m’aide beaucoup. On ne se sent pas investis d’une mission, mais tant mieux si on peut contribuer à faire évoluer les mentalités ou, en tout cas, poser certaines questions…
ELLE. Il vous arrive de vous disputer sur des questions d’actualité.
Jamel. Parfois, c’est chaud !
Mélissa. Et parfois aussi, je te fais changer d’avis.
Jamel. Mais toujours après avoir esquivé deux, trois assiettes !
ELLE. Exemple ?
JAMEL. Dernièrement, elle est partie faire un reportage sur la jeunesse de Gaza. Moi, ça me faisait flipper. Le danger déjà. Et puis, je me disais « A quoi bon être journaliste ? » Mais, quand je vois le travail qu’elle a fait, je me rends compte que non seulement son métier est utile, indispensable, mais vital. Et ce n’est pas le mari qui parle.
Léon passe d’une famille à l’autre avec une facilité déconcertante
ELLE. Avec vos emplois du temps très chargés, arrivez-vous à garder des moments rien que pour vous deux ?
Jamel. C’est une priorité.
MÉLISSA. On ne déroge jamais à cette règle : quel que soit notre agenda, on se réserve chaque mois au moins trois jours où on se retrouve dans l’une de nos cachettes…
ELLE. Il semble que Léon aura bientôt un petit frère ou une petite soeur…
Jamel. On attend un deuxième enfant et c’est extraordinaire. Mais ça va encore être un sacré bazar pour choisir le prénom !
Mélissa. Comme pour notre fils, on le cachera jusqu’au dernier moment, sinon on ne l’aurait jamais appelé Léon.
ELLE. Il a un deuxième prénom ?
Ensemble. Ali !
Mélissa. Il fallait équilibrer, quand même !
ELLE. Comment élève-t-on un enfant dans un couple mixte ?
Mélissa. Justement, en mixant les cultures. Quand il va chez ma belle-mère, il baigne dans…
Jamel. … l’huile !
Mélissa. Dans une culture musulmane. On lui parle arabe et ses grands-parents lui transmettent beaucoup de choses.
Jamel. Et il revient plus sale que quand il rentre de chez ta mère !
Mélissa. Parce qu’il y a moins d’interdits. Dans ma famille, c’est un autre rythme : on déjeune à 13 heures, on goûte à 16 heures, on dîne à 20 heures. Chez toi, on mange toute la journée.
Jamel. C’est « open bar » ! Les portes sont ouvertes, les gamins, les cousins, les voisins rentrent et sortent. Le jardin est plein de gosses. Et les adultes n’interviennent que pour taper dans le ballon avec eux ou leur demander de rentrer se laver les mains pour manger.
Mélissa. Léon passe d’une famille à l’autre avec une facilité déconcertante. D’abord parce qu’elles s’entendent bien– les deux grand-mères viennent de l’emmener ensemble en vacances. Il sait profiter des deux univers sans se poser de questions. Il vit. Et il parle français, arabe et anglais parce qu’il a une nounou anglaise.
Jamel. On a engagé Mary Poppins ! Et quand elle est avec ma mère, c’est à pleurer de rire. Le choc des cultures est impressionnant.
J’ai toujours baigné dans un climat raciste
ELLE. Qu’est-ce qui vous a frappés chez les uns et chez les autres ?
Jamel. Je pensais me coltiner un beau-père « bon français », avec tous les a priori que cela comporte. Et j’ai rencontré un saxophoniste qui, comme tous les artistes, est inclassable ! Surle plan de l’ouverture d’esprit comme sur le plan intellectuel, il est impeccable. Ma belle-mère était plus inquiète. Forcément, elle ne connaissait ni ma culture ni mon univers.
Mélissa. De mon côté, venant d’une famille française qui, même si elle ne pratique pas, est chrétienne, je redoutais un peu que les siens ne veuillent me changer, voire me convertir. Toujours les a priori. Mais il n’y a jamais rien eu de cet ordre-là. Je n’ai jamais ressenti le moindre sentiment d’exclusion. Au contraire. Même si je commence à comprendre un peu l’arabe, ils font toujours extrêmement attention à ne pas le parler entre eux quand je suis là.
Jamel. Mais tu acceptes quand même de porter la burqa !
Mélissa. Oui, mais seulement le dimanche ![Rires.]
ELLE. Parfois, à la fin des articles qui vous sont consacrés sur Internet, on peut lire « En raison de débordements racistes, cet article est fermé aux commentaires ». Ça vous surprend ?
Mélissa. Vu le courrier ignoble que je reçois à mon bureau de « Zone interdite », je ne suis pas étonnée, simplement choquée et attristée.
Jamel. Moi, j’ai appris à vivre avec. C’est presque normal pour moi…
Mélissa. Normal ! Comment tu peux dire ça ?
Jamel. Parce que j’ai toujours baigné dans un climat raciste avec des gens hostiles qui ont peur de l’étranger.
Mélissa. Mais on est en 2011 !
Jamel. O.K., mais regarde ce qu’on entend partout !
ELLE. Marine Le Pen ? Zemmour ?
Jamel. Je n’ai pas envie de parler de ces gens-là.
Mélissa. En ce moment, on cherche une maison. Il y a quelques jours, on en a visité une avec notre petit garçon. C’est un monsieur d’un certain âge, très élégant et très bien élevé, qui nous a accueillis. A un moment, il nous explique : « Cette maison, ce n’est pas pour les Arabes. Elle est trop petite pour loger beaucoup de monde. » Il ne s’est même pas rendu compte de ce qu’il disait. On s’est regardés, stupéfaits.
Jamel. Mais, comme ce genre d’anecdotes arrive tous les jours, je ne vais pas à chaque fois me mettre dans un sale état. J’ai mieux à faire. Comme de vivre des moments extraordinaires avec ma femme et mon fils.
Ne jouons pas le jeu du FN, ne rendons pas la situation plus sombre et plus grave qu’elle ne l’est
ELLE. N’avez-vous pas l’impression que, dans ce domaine, les gens sont plus désinhibés qu’avant et que le racisme progresse ?
Jamel. Au contraire, je pense qu’il régresse.
Mélissa. Moi, je n’ai pas ce sentiment.
Jamel. Mais, regarde : on est ensemble et, comme nous, il y a de plus en plus de couples mixtes en France et en Europe. Tous les soirs et partout, des gens viennent me voir après le spectacle pour me remercier de parler d’eux, les couples mixtes. Je pourrais citer dans tous les domaines des dizaines d’exemples positifs. Le kebab est le sandwich le plus vendu chez nous, par exemple ! Actuellement, il y a de plus en plus d’immigrés en France et j’ai lu qu’on rapporte 12 milliards d’euros par an ! Dans les années 90, quand on se baladait à Paris, on pouvait se faire démonter par des skins dans le métro. Il n’y a pas un seul de nos frères ou une seule de nos soeurs qui ne soient rentrés en disant « je me suis fait agresser par un skin ». Quand ils ne revenaient pas en sang ! Aujourd’hui, on ne vit plus ça, et il n’y a plus de skins dans la rue.
Mélissa. D’accord, ça va mieux, mais ça avance trop lentement.
Jamel. A pas de fourmi, c’est vrai. Mais Obama à la Maison- Blanche, c’est un progrès. A la télé, il y a davantage de Noirs et d’Arabes.
ELLE. Mais c’est aujourd’hui qu’on entend parler de quotas dans le foot !
Jamel. La Fédération française de foot a toujours été conservatrice. Je me souviens de mon copain Nicolas Anelka qui revenait parfois triste et meurtri parce qu’il avait le sentiment d’avoir été humilié ou, en tout cas, mis à part. Ne jouons pas le jeu du FN, ne rendons pas la situation plus sombre et plus grave qu’elle ne l’est.
Pour la première fois, j’ai pris conscience que le terrorisme fait partie de nos vies.
ELLE. Comment avez-vous vécu le « printemps arabe » ?
Jamel. C’est la meilleure nouvelle depuis des années et des années. Enfin, on se rend compte que les Arabes ont une âme et une conscience.
Mélissa. Ce que je retiens, c’est qu’ils se désolidarisent de tous les partis islamistes. Mais, évidemment, il va falloir du temps avant que les démocraties se mettent vraiment en place.
ELLE. Vous avez une maison à Marrakech, et le café où la bombe a explosé fin avril est un lieu qui vous est familier. Avez-vous songé à annuler le festival du rire que vous organisez dans la ville ?
Jamel. On y était depuis une semaine à ce moment-là et mon frère a quitté le café dix minutes avant que la bombe explose. Je comprends pourquoi mon oncle, ambulancier à Paris au moment de l’attentat à la station de métro Saint-Michel, en 1995, est encore choqué aujourd’hui. Pour la première fois, j’ai pris conscience que le terrorisme fait partie de nos vies. Mais on ne s’est pas posé une seule seconde la question d’annuler le festival. Ce n’est pas un service à rendre au Maroc et aux Marocains, qui ont besoin du tourisme.
Mélissa. Et d’ailleurs, les hôtels sont encore pleins, ce qui est très rare après un attentat de cette ampleur, dirigé contre des Occidentaux. Je pense que c’est dû au fait que, immédiatement, les Marocains sont descendus dans la rue pour manifester contre le terrorisme.
On ne s’est posé aucune question quand on s’est rencontrés.
Jamel. Aujourd’hui, tous les pays du monde sont frappés. C’est la troisième guerre mondiale et elle est religieuse. Et pour nous, les Arabes, c’est terrible. En France, on a connu un âge d’or extraordinaire avec la Coupe du monde de football en 1998. On était les bienvenus partout, on avait la cote. Après le 11-Septembre 2001, on est devenus, tout d’un coup, des terroristes potentiels. Depuis, on ne fait qu’essayer de démontrer qu’on fait partie intégrante de ce pays, qu’on l’aime et qu’on est prêts à le défendre corps et âme. Mais ça va maintenant. On a passé suffisamment de temps ensemble pour que les gens n’aient plus peur de nous. La preuve ? Il y a de plus en plus de filles comme Mélissa qui tombent amoureuses de types comme moi. C’est important de le dire. Et d’ailleurs, on n’a pas assez parlé d’amour dans cette interview. Nous, on ne s’est posé aucune question quand on s’est rencontrés. Le jour où la société dans son ensemble réagira ainsi, ce sera gagné…
Mélissa. C’est joli ce que tu dis. Et vrai surtout. Dire qu’on s’aime passionnément et dans la durée est une très belle réponse à tout ce qui se passe.
Jamel. J’aimerais que la France soit comme nous sur la photo avec la bécane : libre et désordonnée. M.-F.C.
Pour en savoir plus : http://www.elle.fr/
Le terrorisme n’a pas de religion ! Jamel Debbouze
Français, humoriste, musulman, Jamel Debbouze sait que ses réactions aux attentats et à leurs conséquences sont très attendues. Dans Sept à Huit, il témoigne que la mixité sociale est possible et qu’elle représente la France : « Je suis musulman, artiste, marié à une chrétienne, journaliste et père de deux enfants. C’est cela la France », déclare-t-il.
La place croissante de l’islam en banlieue
Voilà un constat qui va déranger. Dans les tours de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil (Seine-Saint-Denis), les deux villes emblématiques de la crise des banlieues depuis les émeutes de l’automne 2005, la République, ce principe collectif censé organiser la vie sociale, est un concept lointain. Ce qui « fait société » ? L’islam d’abord. Un islam du quotidien, familial, banal le plus souvent, qui fournit repères collectifs, morale individuelle, lien social, là où la République a multiplié les promesses sans les tenir.
La croyance religieuse plus structurante que la croyance républicaine, donc. Vingt-cinq ans après avoir publié une enquête référence sur la naissance de l’islam en France – intitulée Les Banlieues de l’islam (Seuil) -, le politologue Gilles Kepel, accompagné de cinq chercheurs, est retourné dans les cités populaires de Seine-Saint-Denis pour comprendre la crise des quartiers.
Six ans après les émeutes causées par la mort de deux adolescents, en octobre 2005, son équipe a partagé le thé dans les appartements des deux villes, accompagné les mères de famille à la sortie des écoles, rencontré les chefs d’entreprise, les enseignants, les élus, pour raconter le destin de cette « Banlieue de la République » – c’est le titre de l’enquête, complexe et passionnante, publiée par l’Institut Montaigne.
Le sentiment de mise à l’écart a favorisé une « intensification » des pratiques religieuses, constate Gilles Kepel. Les indices en sont multiples. Une fréquentation des mosquées beaucoup plus régulière – les deux villes (60 000 habitants au total) comptent une dizaine de mosquées, aux profils extrêmement variés, pouvant accueillir jusqu’à 12 000 fidèles. Une pratique du ramadan presque systématique pour les hommes. Une conception extensible du halal, enfin, qui instaure une frontière morale entre ce qui est interdit et ce qui est autorisé, ligne de fracture valable pour les choix les plus intimes jusqu’à la vie sociale.
Les chercheurs prennent l’exemple des cantines scolaires, très peu fréquentées à Clichy en particulier. Un problème de coût évidemment pour les familles les plus pauvres. Mais la raison fondamentale tient au respect du halal. Les premières générations d’immigrés y avaient inscrit leurs enfants, leur demandant simplement de ne pas manger de porc. Une partie de leurs enfants, devenus parents à leur tour, préfère éviter les cantines pour leur propre descendance parce que celles-ci ne proposent pas de halal. Un facteur d’éloignement préoccupant pour Gilles Kepel : « Apprendre à manger, ensemble, à la table de l’école est l’un des modes d’apprentissage de la convivialité future à la table de la République. »
Car le mouvement de « réislamisation culturelle » de la fin des années 1990 a été particulièrement marqué à Clichy et à Montfermeil. Sur les ruines causées par les trafics de drogue dure, dans un contexte d’effondrement du communisme municipal, face à la multiplication des incivilités et des violences, les missionnaires du Tabligh (le plus important mouvement piétiste de l’islam), en particulier, ont contribué à redonner un cadre collectif. Et participé à la lutte contre l’héroïne, dans les années 1990, là où la police avait échoué. Ce combat contre les drogues dures – remplacées en partie par les trafics de cannabis – a offert une « légitimité sociale, spirituelle et rédemptrice » à l’islam – même si la victoire contre l’héroïne est, en réalité, largement venue des politiques sanitaires.
L’islam a aussi et surtout fourni une « compensation » au sentiment d’indignité sociale, politique et économique. C’est la thèse centrale de Gilles Kepel, convaincu que cette « piété exacerbée » est un symptôme de la crise des banlieues, pas sa cause. Comme si l’islam s’était développé en l’absence de la République, plus qu’en opposition. Comme si les valeurs de l’islam avaient rempli le vide laissé par les valeurs républicaines.
Comment croire encore, en effet, en la République ? Plus qu’une recherche sur l’islam, l’étude de Gilles Kepel est une plongée dans les interstices et les failles des politiques publiques en direction des quartiers sensibles… Avec un bilan médiocre : le territoire souffre toujours d’une mise à l’écart durable, illustrée ces dernières semaines par l’épidémie de tuberculose, maladie d’un autre siècle, dans le quartier du Chêne-Pointu, à Clichy, ghetto de pauvres et d’immigrés face auquel les pouvoirs publics restent désarmés (Le Monde du 29 septembre). Illustrée depuis des années par un taux de chômage très élevé, un niveau de pauvreté sans équivalent en Ile-de-France et un échec scolaire massif.
Clichy-Montfermeil forme une société fragile, fragmentée, déstructurée. Où l’on compte des réussites individuelles parfois brillantes et des parcours de résilience exemplaires, mais où l’échec scolaire et l’orientation précoce vers l’enseignement professionnel sont la norme.
« Porteuse d’espoirs immenses,
l’école est pourtant aussi l’objet des ressentiments les plus profonds », constatent les chercheurs. Au point que « la figure la plus détestée par bon nombre de jeunes est celle de la conseillère d’orientation à la fin du collège – loin devant les policiers ».
Et pourtant, les pouvoirs publics n’ont pas ménagé leurs efforts. Des centaines de millions d’euros investis dans la rénovation urbaine pour détruire les tours les plus anciennes et reconstruire des quartiers entiers. Depuis deux ans, les grues ont poussé un peu partout et les chantiers se sont multipliés – invalidant les discours trop faciles sur l’abandon de l’Etat. Ici, une école reconstruite, là, un immeuble dégradé transformé en résidence. Un commissariat neuf, aussi, dont la construction a été plébiscitée par les habitants – parce qu’il incarnait l’espoir d’une politique de sécurité de proximité.
Le problème, montre Gilles Kepel, c’est que l’Etat bâtisseur ne suffit pas. Les tours ont été rasées pour certaines, rénovées pour d’autres, mais l’Etat social, lui, reste insuffisant. La politique de l’emploi, incohérente, ne permet pas de raccrocher les wagons de chômeurs. Les transports publics restent notoirement insuffisants et empêchent la jeunesse des deux villes de profiter de la dynamique économique du reste de la Seine-Saint-Denis. Plus délicat encore, la prise en charge des jeunes enfants n’est pas adaptée, en particulier pour les familles débarquant d’Afrique subsaharienne et élevés avec des modèles culturels très éloignés des pratiques occidentales.
Que faire alors ? Réorienter les politiques publiques vers l’éducation, la petite enfance, d’abord, pour donner à la jeunesse de quoi s’intégrer économiquement et socialement. Faire confiance, ensuite, aux élites locales de la diversité en leur permettant d’accéder aux responsabilités pour avoir, demain, des maires, des députés, des hauts fonctionnaires musulmans et républicains. Car, dans ce tableau sombre, le chercheur perçoit l’éveil d’une classe moyenne, de chefs d’entreprise, de jeunes diplômés, de militants associatifs, désireuse de peser dans la vie publique, soucieuse de concilier identité musulmane et appartenance républicaine.
Par Luc Bronner
Pour en savoir plus : http://www.fait-religieux.com
Attentats à Charlie Hebdo : Immense tristesse et grande impuissance
Immense tristesse et grande impuissance devant les événements d’hier à Paris.
Que faire contre cette violence extrême ? Ré-agir fermement certainement. Tenter de comprendre, aussi, comment on peut en arriver là.
Que c’est-il passé dans notre pays et dans notre monde depuis près de 30 ans ? Quels dérèglements géopolitiques sont survenus pour que deux hommes viennent abattre froidement des journalistes en plein travail ?
Quelles responsabilités des gouvernements de notre monde qui laissent deux hommes accéder à une barbarie sans nom dans leurs actes ?
Le plan vigipirate est activé. Mais le risque zéro n’existe pas. Le monde entier est pris par la menace d’un attentat inattendu (mais qui attend un attentat ?).
Les gouvernements mettent en place de précaires pansements sur un mal profond qui mettra des années voir des siècles à guérir.
La place dans les sociétés « modernes » de nombreux jeunes et moins jeunes restent à définir. Quelle place pour les pays moins riche que les « nôtres » ? Quelle place pour ceux qui viennent de ces pays, eux-mêmes ou leur parents, voir grands-parents ?
Quelles relations entre nos pays ? Entre les habitants de notre planète ?
Comment imaginer des sociétés, une société mondiale où les différences sont des atouts, ou chacun peut travailler, prier, aimer, partir en vacances, réfléchir, discuter, avoir des amis, un logement ???
Si nous ne sommes pas capables de réfléchir et de mettre en oeuvre ce monde, alors nous allons dans le mur. Et nous ne serons jamais en « sécurité », puisque l’Autre sera toujours en guerre pour avoir ce à quoi il a droit : une vie digne !
Hommes et femmes de bonne volonté, travaillons ensemble à un monde plus juste où chacun et chacune est reconnu pour ses qualités propres et non par la couleur de sa peau ou le nom de sa religion.
Notre responsabilité est de travailler dans notre quotidien à ouvrir nos coeurs pour accueillir celui qui ne pense pas comme moi, celui qui ne dit pas sa foi comme moi, celui qui vient d’ailleurs.
Enrichissons-nous de nos différences ou nous mourrons.
Publié par Marie DAVIENNE – KANNI le jeudi 8 janvier à 10h39
Casino démine la question de l’apparence physique
A travers un guide managérial ultrapédagogique, Casino entend déconstruire les stéréotypes et vaincre les préjugés sur l’apparence. Témoignages d’Yves Desjacques, DRH de Casino, et de Mansour Zoberi, directeur de la diversité
Chaque jour, des remarques désobligeantes liées à l’apparence d’autrui fusent dans l’entreprise. « C’est une blonde » – sous entendue idiote -, « il est tatoué » – donc marginal et difficilement gérable -, « elle est obèse » – donc molle, etc. Formulées à la machine à café ou au détour d’un couloir, si ces jugements à l’emporte-pièce n’ont pas d’impact direct sur les carrières, « leur banalisation nuit au bien-vivre ensemble », lâche Yves Desjacques, directeur des ressources humaines de Casino. « Nous n’avons pas enregistré de réclamations liées à l’apparence physique », précise Mansour Zoberi, directeur de la promotion de la diversité et de la solidarité du groupe, « mais cela ne signifie pas que le sujet n’existe pas ».
Impact sur la carrière
Garant d’une politique de promotion de la diversité et de l’égalité des chances assumée et réaffirmée, le DRH estime qu’il est de sa responsabilité de rappeler le cadre de la loi et le nécessaire respect dû à chaque collaborateur : « De la même façon qu’il est interdit de voler, les propos jugés hors jeu, discriminatoires, les plaisanteries déplacées doivent être pointés et si besoin sanctionnés. »
Si ce guide managérial contient une « to do list » à destination des managers aux prises avec un recrutement délicat, leur rappelant notamment les formulations à éviter, la vocation de cet opus est plus large. « Ce livret répond à la juste perception de tous les salariés, conscients que leurs caractéristiques propres (poids, taille, physique, style vestimentaire, etc.) ont une incidence sur leur évolution professionnelle », révèle Yves Desjacques. A l’appui de ses dires, une enquête interne, menée auprès de 500 collaborateurs, qui a recensé toutes les situations vécues et intériorisées. Surprise, un problème d’acné, de dentition ou une dégradation physique est perçu comme une embûche potentielle à leur évaluation. « Par groupes de travail – qui ont associé collaborateurs, correspondants diversité, managers et experts d’IMS Entreprendre pour la Cité -, nous avons donc arbitré entre les sujets que nous allions développer dans le guide et le vocabulaire que nous allions choisir », précise Mansour Zoberi.
Illustré par le dessinateur Chéreau, le guide s’attarde ainsi longuement sur la définition des termes stéréotype et préjugé et liste les plus courants : la beauté assimilée à l’intelligence, le handicap associé à la lenteur, le poids trahissant un manque de volonté, etc. A l’aide de quelques chiffres, il démontre l’impact concret de ces discriminations. Exemple avec les femmes obèses, moins souvent recrutées que les autres, assignées à des tâches subalternes et subissant une « pénalité » salariale de 15 %. Mêmes conséquences pour les personnes jugées « laides ». « Les stéréotypes fonctionnent comme des filtres psychiques qui conduisent à négliger toute information contraire », insiste le livret qui cherche à éveiller les consciences.
Distribué actuellement aux 5.000 managers du groupe, à charge pour eux de le commenter en réunion d’équipe, ce guide, sans équivalent, tombe à pic. « Avec la crise, le risque d’un relâchement sur les enjeux de la diversité ne doit pas être sous-estimé », constate Matthieu Riché, directeur de la RSE. Les chiffres du Défenseur des droits le confirment : lorsque les temps se font plus durs, les bonnes intentions en termes d’égalité reculent. « La promotion d’un management bienveillant nous a semblé nécessaire, car lorsque le stress augmente, la motivation baisse, c’est mécanique », observe Yves Desjacques.
Rappeler page après page que le collaborateur ne doit être apprécié qu’à travers ses seules aptitudes professionnelles présentait toutefois un risque, celui de surligner les manquements quotidiens des managers. Un argument qu’Yves Desjacques balaye d’un revers de main : « Il ne s’agit pas de pointer les déficiences managériales mais de faire comprendre que de l’apparence – autant que l’origine, le sexe, le handicap, l’orientation sexuelle ou les convictions religieuses – ne doivent en aucun cas filtrer le jugement. »
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Vivre dans une société plurielle
Le titre de cette table ronde interroge l’universitaire que je suis restée et la politicienne que je suis devenue. Ainsi suis-je entrée de plain pied dans un univers où les mots semblent changer de connotations en fonction de la perception qu’en ont les différentes sensibilités politiques. En France, où on a l’habitude depuis l’affaire Dreyfus de diviser l’espace politique entre droite et gauche, ces connotations varient à l’intérieur même de la gauche, qui ne donne d’ailleurs pas le même sens à ces concepts quand elle est au pouvoir ou dans l’opposition. Et il suffit bien souvent de dire « minorités » et « diversité » religieuse pour que de vagues slogans républicains soient immédiatement brandis pour occulter ce que ces mots veulent dire. Puisque la République est égalitaire, il n’y aurait pas, à ses yeux, de minorités, et la diversité religieuse n’y serait éventuellement tolérée que tant qu’elle reste confinée à l’espace privé, la « laïcité », dernière valeur rassembleuse encore en vie, étant mise en exergue pour verrouiller le débat public.
Les discriminations perdurent
Certes, la société française est une société plurielle, ne serait-ce que par sa composition, comme bien d’autres sociétés démocratiques. Est-elle pour autant pluraliste? Cette question reste au cœur du débat, surtout en cette période de grandes turbulences économiques et de chômage, qui porte les politiciens, à défaut de programme susceptible d’endiguer ces maux, à se focaliser sur « la question des minorités ». Des minorités qui, en fait, la plupart du temps, ne devraient pas être réduites à ce statut, puisque désormais constituées de personnes nées en France et parfaitement françaises, mais qui, en raison des discriminations qu’elles subissent à cause de leur prénoms, patronymes, couleur de peau, religion (islam) et/ou adresse, dans maints domaines, de l’école jusqu’à l’emploi, en passant par le logement ou le contrôle d’identité au faciès, se considèrent elles-mêmes comme « minoritaires ». Les pouvoirs publics, de leur côté, tendent à valider et à renforcer ce statut de « minoritaires ».
Le vrai problème des « minorités » est d’être perçues comme non « autochtones ». Le nationalisme exacerbé qui se développe, dans un contexte socio-économique dur, renforce le rejet. Et il encourage les politiciens à faire mine de ne pas voir que ce rejet est lourd de conséquences. On ne commence à en prendre conscience que lorsque de jeunes musulmans s’enrôlent dans le djihadisme. Mais même dans ce cas, on préfère produire des lois exclusivement répressives, sans se donner la peine de travailler en amont, pour éviter à ces jeunes de devenir étrangers à une République dont les valeurs leur parlent de moins en moins.
Notre pays rechigne à mesurer les discriminations par crainte d' »assigner » les individus à une identité de groupe et de favoriser le « communautarisme », cet épouvantail ressorti régulièrement de sa boîte pour faire peur. Ce faisant, il s’évite de reconnaître que l’absence d’efforts consentis pour faire émerger une société réellement inclusive a déjà encouragé le repli des musulmans, notamment, sur leur groupe religieux, et ouvert la voie à l’endoctrinement de certains par des éléments qu’on n’a pas su repérer à temps. Que dire des dégâts observés dès l’école, où l’échec des enfants de minoritaires paraît programmé? Ou encore du chômage, de la précarité et de la pauvreté qui frappent tant d’entre eux, à un niveau évidemment supérieur aux Français dits « autochtones »?
Les solutions de la discrimination positive
Il est plus urgent que jamais de se résoudre à obtenir une radiographie de ces discriminations, pour tenter de mettre en œuvre les moyens d’en amortir les effets. Mesurer les obstacles, préciser leur nature permettra de déployer des mesures pour les combattre efficacement. Y compris la « discrimination positive », laquelle suscite immédiatement des débats virulents, à tort, et à laquelle on oppose trop facilement le principe républicain d’égalité. Comme si la réaffirmation incantatoire de ce principe était un remède miraculeux, alors qu’il n’est qu’un principe, justement, dont ne se prévalent, justement, que ceux qui ne subissent pas les discriminations. Si la discrimination positive n’est pas une panacée, ne peut-on au moins admettre qu’elle est en mesure de débloquer, dans un premier temps, pour certains, l’ascenseur social ? La discrimination positive, légalement décrétée pour bousculer l’inégalité dont pâtissent les femmes, n’a-t-elle pas permis d’obtenir quelques résultats appréciables ?
Statistiques ethniques, discrimination positive, on dirait que la polémique ne sert qu’à empêcher le débat. J’en ai encore récemment fait l’expérience en rédigeant, pour la Commission des Lois du Sénat, avec mon collègue UMP Jean-René Lecerf, après une quarantaine d’heures d’auditions dont celles de 14 universitaires, un rapport relatif à la lutte contre les discriminations qui, parmi une bonne dizaine d’autres, formulait une proposition pourtant bien modeste: la création, tous les cinq ans, dans le recensement, d’une case permettant d’indiquer le lieu de naissance des ascendants et la nationalité antérieure. Le but? Non seulement mesurer la diversité de la société française, mais aussi mesurer indirectement les discriminations dont pâtissent certains de nos concitoyens, tout en encadrant avec soin le recueil et l’utilisation les données.
Nous avons également appelé à la création de carrés musulmans dans les cimetières à l’instar des carrés juifs déjà existants pour éviter aux familles de défunts musulmans d’avoir à procéder à des dépenses importantes pour inhumer leurs proches dans le pays d’origine. L’opposition qu’a soulevée cette préconisation a une fois de plus montré combien notre corps politique reste réticent au pluralisme religieux, et à l’inclusion des musulmans, même morts. Seule notre proposition d’un approfondissement et d’une réorganisation de l’enseignement laïc du fait religieux a suscité une polémique comparable au Sénat. Et pourtant, l’apprentissage de la diversité, à travers l’acquisition, dans un cadre républicain, d’un vrai savoir, n’ouvre-t-il pas la voie à un réel vivre-ensemble ? Notre rapport a finalement été voté, mais après un long et houleux débat, et après, dans un premier temps, un report du vote, ce qui est tout à fait exceptionnel à la Haute Assemblée.
L’urgence du pluralisme
En cette période de radicalisation des positions exclusivistes, l’Etat doit donner l’exemple, appeler à l’inclusion, sans exiger a priori l’effacement pur et simple des différences et spécificités. Dès lors que nous vivons déjà dans une société plurielle, lancer une dynamique pluraliste volontariste, contre le rejet de l’autre que fabriquent certaines forces politiques, qui ont de surcroît le vent en poupe, aiderait sans nul doute à créer les conditions d’une plus grande solidarité et fraternité entre les Français.
Notons à ce propos qu’aujourd’hui, dans certaines strates de la société, ainsi parmi les jeunes, la question du pluralisme se pose avec beaucoup moins d’acuité que chez les aînés, simplement parce que celui-ci fait très tôt partie de leur vécu, grâce à une proximité bien plus grande dans leur quotidien avec les minorités dites « visibles ». Le pluralisme comme projet politique ne se décrète pas du jour au lendemain. Il demande de la volonté et du temps. Et une préparation du terrain à laquelle, hélas, ni notre exécutif ni les politiques, qu’ils soient de droite ou de gauche, ne paraissent prêts, tant la hantise des progrès de l’extrême droite paralyse leur action.
Pour en savoir plus : http://www.huffingtonpost.fr
Bibl. : E. Benbassa, La République face à ses minorités. Les Juifs hier, les Musulmans aujourd’hui, Paris, Mille et Une Nuits / Fayard, 2004 ; E. Benbassa (dir.), Minorités visibles en politique, Paris, CNRS Editions, 2011 ; J.-C. Attias & E. Benbassa (dir.), Encyclopédie des religions, Paris, Fayard, coll. « Pluriel », 2012.
Esther Benbassa est intervenu mardi 25 novembre dans le cadre de la conférence intitulée « Vivre dans une société plurielle : politique, minorités et diversité religieuse. »
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Banlieues : les entreprises mieux soutenues… et les villes ?
Ces dernières années, les annonces se multiplient concernant le soutien financier au monde de l’entreprise dans les banlieues. Un fonds nouveau a été lancé le 9 octobre en présence du ministre de la Ville Patrick Kanner. Si cette aide est bienvenue, elle est loin d’être suffisante pour résorber la crise dans les banlieues françaises.
Le lancement officiel d’un fonds d’investissement à destination de entrepreneurs de banlieues s’est déroulée jeudi 9 octobre en présence du ministre de la Ville, Patrick Kanner, et de la secrétaire d’État à la Politique de la ville, Myriam El Khomry. Impact Partenaires, la société de gestion qui gère ce fonds, a levé 40 millions d’euros auprès d’acteurs institutionnels (BPI France, Axa, BNP Paribas) et de grands patrons comme Claude Bébéar ou encore Eric de Rothschild.
15 millions d’euros avaient déjà été collectés par le passé, portant le montant total de ce fonds à 55 millions d’euros. A l’AFP, Mathieu Cornieti, le président d’Impact Partenaires, explique qu’il s’agit de « la plus grande levée en Europe continentale pour un fonds à vocation sociale ».
Cette somme sera déployée sur cinq ans. L’objectif est clair : créer des emplois locaux en soutenant financièrement des entreprises à visée sociale. Entreprises de propreté, de recyclage, de prêt-à-porter… les domaines d’activités des entreprises sont diverses mais elles ont en commun d’agir « en termes d’emplois dans les zones urbaines défavorisées, d’insertion, de handicap et d’apprentissage ».
Le Qatar aux abonnés absents
« Cette levée de fonds est un signal fort. Elle consacre l’idée qu’il y a beaucoup de potentiel, de dynamisme et de créativité dans ces quartiers. Et pour ces entrepreneurs, c’est une forme de reconnaissance de voir de grandes entreprises investir à leurs côtés », a salué Myriam El Khomri.
En avril 2013, François Hollande avait affiché sa volonté d’agir en ce sens. Il avait alors annoncé le lancement, par le biais de la Banque publique d’investissement (BPI), d’un financement entièrement consacré à la création de nouvelles entreprises dans les quartiers défavorisés. Aujourd’hui, difficile de connaître l’avancée de ce projet. Dans la même veine, le Qatar avait annoncé verser 50 millions d’euros à destination des porteurs de projets d’entreprises dans les banlieues. Mais cette aide n’est toujours pas arrivée.
Le fonds Impact Partenaires mise, pour sa part, sur des entreprises bien implantées et ne le cache pas. Le retour sur investissement attendu est de 8 % par an.
100 millions d’euros réclamés pour les villes les plus pauvres
Le soutien financier de ces investisseurs est, dans un contexte de crise, attendu pour la croissance de ces entreprises. Mais ce fonds est loin de tout résoudre. Des aides publiques sont encore des plus nécessaires pour faire face à une crise ravageuse dans les quartiers populaires.
Les élus de l’association Ville et Banlieues regroupant des maires de villes populaires réclament ainsi 100 millions d’euros supplémentaires à l’État pour les communes les plus en difficultés concernées par la politique de la ville. Ils jugent trop insuffisante la hausse de la dotation de solidarité urbaine (DSU) qui ne permettra pas, à leurs yeux, de compenser la baisse des dotations générales aux collectivités prévues dans le projet de loi de finances 2015.
« Ils redoutent que ce manque annuel de 1,4 milliard d’euros concernant les communes durant trois ans (prévision effectuée selon la répartition de 2014) ne contraigne durablement leur contexte financier, engendrant de graves répercussions en terme d’investissement public et de maintien des services publics. », écrivent-ils dans un communiqué le 9 octobre.
Une nouvelle carte de la politique de la ville a été redessinée en juin dernier : l’Etat avait alors fait le choix de concentrer son aide à 1 300 quartiers les plus pauvres de France contre 2 500 par le passé. Cette géographie ne prendra effet qu’au 1er janvier 2015.
Après 30 ans de politique de la ville, le chemin est encore long pour résorber les inégalités territoriales.
Pour en savoir plus : http://www.saphirnews.com
Diversité : une étude pointe un climat plus « détendu » dans les entreprises
LA RÉDACTION | LE 13.10.2014 À 12:21
Et si les choses allaient mieux sur le terrain de la diversité en entreprise ? Dans le flot des études pointant, année après année, les dérives discriminatoires dans les sociétés françaises, une étude TNS Sofres pour le Medef se veut porteuse de bonnes nouvelles en la matière. Le baromètre 2014 de la perception de l’égalité des chances en entreprise laisse ainsi entrevoir un climat plus « détendu », et ce « malgré le contexte économique qui reste difficile. »
Deux données principales sont là pour le démontrer. En 2013, les salariés interrogés étaient 39 % à penser pouvoir être victimes, un jour, de discrimination. Si les chiffres restent élevés cette année, ils sont toutefois orientés à la baisse puisque ces mêmes salariés ne sont plus que 35 %. Deuxième élément : 71 % des sondés se disent confiants en leur avenir dans leur entreprise (contre 63 % en 2013).
Autre élément porteur d’espoir : la place croissante qui semble être accordée aux questions de la diversité et de l’égalité des chances dans les murs de l’entreprise. Elles seraient, pour 62 % des salariés, des sujets « importants » ou « prioritaires » pour leur entreprise (59 % en 2013). Le taux atteint même les 76 % si l’on s’en tient aux sociétés du secteur des services aux particuliers. Il est également particulièrement élevé dans les grandes entreprises (75 % pour les organisations de plus de 1000 salariés).
Fait religieux : encore d’importantes marges de progression
La « détente » observée de façon générale semble être également manifeste si l’on se penche sur la question confessionnelle. Une personne affichant son appartenance religieuse peut-elle être recrutée dans mon entreprise ? « Oui », répondent les sondés, à 65 % (contre 59 % en 2013). Peut-elle occuper un poste en contact direct avec la clientèle ? Ils sont alors 54 % à répondre par l’affirmative (48 % en 2013). Peut-elle occuper un poste à haute responsabilité ? 52 % des salariés interrogés le pensent (47 % en 2013).
L’étude montre donc que, depuis l’an dernier, le fait religieux est moins considéré comme un objet de discrimination par les salariés. Il n’en reste pas moins d’importantes marges de progression : l’affichage de l’appartenance religieuse pointe en tête des éléments les plus sujets à discrimination devant le handicap et le déficit de diplômes.