Porter la voix des femmes et les mettre en lumière telle est notre mission. En valorisant la diversité des femmes et les femmes de la diversité à travers l’image et les récits inspirants de rôles modèles auxquelles nous pouvons nous identifier, nous souhaitons activer le pouvoir d’agir des femmes.
Catégorie : Diversité culturelle
Ikéa ou le management de la diversité
PDG de Ikea de 1999 à 2009, Anders Dahlvig a publié en juin un ouvrage où il revient sur son expérience à la tête du leader mondial de l’ameublement. LSA a sélectionné les bonnes feuilles.
LSA – Quel message voulez-vous faire passer avec votre livre ?
Anders Dahlvig – Quand on est PDG, on n’a pas le temps de réfléchir sur son travail. J’ai pensé qu’il serait bien de le prendre aujourd’hui pour tirer des leçons du modèle Ikea. Mais je ne voulais pas d’un énième manuel de management ou d’un recueil de potins sur la famille Kamprad, il s’agit des leçons que l’on peut tirer du business model Ikea à destination des professionnels.
LSA – Quelles conclusions en avez-vous tirées ?
A. D. – À force de conceptualiser, j’ai compris l’importance des valeurs. Elles permettent de mieux recruter, de garder les gens plus longtemps et plus motivés. Le contrôle de la chaîne de valeur est aussi fondamental, du design des produits jusqu’à leur vente. Peu de distributeurs contrôlent toutes ces étapes. Ensuite, il faut aussi exister à l’échelle mondiale. On peut réussir sur les marchés émergents à condition d’avoir d’excellents prix et un engagement de longue durée. Enfin, Ikea a un propriétaire solide, qui s’inscrit dans la durée.
LSA – Quels souvenirs gardez-vous d’Ingvar Kamprad ?
A. D. – Nous avions une relation proche. Ikea est sa vie, il allait régulièrement voir les magasins à travers le monde. C’est un homme intelligent, et il faisait de bonnes remarques, même s’il n’était pas impliqué dans la gestion quotidienne.
MANAGEMENT La diversité ? « Si tout le monde pense la même chose, vous verrez peu de progrès. »
« D’un point de vue business, il y a au moins quatre bonnes raisons pour promouvoir la diversité.
Orientation client : pour qu’une entreprise puisse comprendre ses clients, et ses employés, l’équipe dirigeante doit refléter la diversité qui existe au sein de ces deux groupes. 70% des clients d’Ikea sont des femmes, et les groupes ethniques minoritaires représentent une proportion importante dans de nombreux magasins. […]
Prise de décision : si tout le monde pense la même chose, vous verrez peu de progrès. […] Une entreprise qui n’installerait aux postes de responsabilité que des personnes issues du même milieu aura certes des réunions très calmes et agréables, mais pas très productives.
Recrutement : aucune preuve scientifique prouve que les Suédois d’âge moyen seraient meilleurs que les autres dans le commerce d’articles d’ameublement. […]
Motivation : la reconnaissance est un facteur de motivation très puissant. La promotion, ou même la simple perspective de promotion, instaure une forte motivation. […] « Je suis un partisan des organisations « plates ». Plus il y a de niveaux hiérarchiques, plus il y a de bureaucratie et moins il y aura de responsabilité individuelle. À chaque fois que le développement de l’entreprise exigeait l’addition d’un niveau hiérarchique, par exemple au niveau régional, j’ai toujours refusé de le faire. Si nécessaire, un poste de directeur régional est créé, mais jamais une structure complète. Si possible, les directeurs régionaux doivent avoir une autre casquette. Contrairement à ce qui est communément admis en management, je préfère que l’étendue des responsabilités d’un cadre dirigeant soit très large. »
« PLUS LE CLIENT S’IMPLIQUE, MOINS LE PRIX EST ÉLEVÉ »
« J’ai la conviction que les gens ont plus de temps que d’argent. Plus le client s’implique dans le processus de vente, moins le prix du produit sera élevé. Tout le système de commercialisation repose sur l’intégration du client dans le système de distribution. Le client choisit le produit, le prend, le paie à la caisse, le transporte et l’assemble lui-même. »
« LE MARKETING SELON DILBERT »
« La communication-marketing a toujours été l’une des disciplines qui m’ont le plus frustré. Quand je dois écouter des présentations interminables sur la segmentation du marché, la publicité de marque et le comportement des clients, je suis constamment tenté de revenir à la conception du marketing selon Dilbert : « Tout ce que vous avez besoin de savoir, c’est que vous vendrez plus de produits en baissant les prix. » Et souvent, les choses sont réellement aussi simples que cela. »
BACK OFFICE Derrière les magasins, la logistique et l’internet
« Des efforts se sont également portés sur l’augmentation des livraisons directes des fournisseurs aux magasins pour réduire les coûts d’approvisionnement. La proportion des livraisons directes est ainsi passée de 25% à près de 40% en 2009. Cela a été rendu possible grâce à des volumes de vente plus importants ainsi que par l’augmentation de la surface des magasins. Un changement important a été entrepris dans la stratégie de distribution. Jusque-là, tous les entrepôts centraux stockaient l’ensemble de la gamme (à l’exception des articles en livraison directe). Dans la nouvelle stratégie, les biens durables, qui représentent près de 10% des ventes mais 50% des articles, sont désormais stockés dans un ou deux entrepôts centraux qui servent toute l’Europe tandis que les produits de grande consommation, qui composent 50% des volumes vendus, sont stockés dans des entrepôts à proximité des marchés locaux. […] « En près de dix ans, le site d’kea est passé de pratiquement 0 à 500 millions de visites par an. Les TIC et les médias numériques vont prendre de plus en plus d’importance dans l’expérience magasin, en améliorant les services (caisses automatisées, cartes de fidélité, crédit), les opérations (fixation des prix, gestion des stocks) et les ventes (démonstration de l’utilisation des produits…). Les nouvelles technologies faciliteront le travail des employés, mais elles vont jouer un rôle déterminant pour mieux intégrer le client dans le processus de vente. »
Souad Massi : « La poésie arabe est aussi philosophique et politique »
Après quelques années passées à écumer les scènes du monde au sein de la formation Les Chœurs de Cordoue, Souad Massi nous livre enfin un nouvel album qui fleure bon la musique arabo-andalouse. Bel hommage aux grands poètes arabes, « El Mutakallimûm » invite à plonger dans une culture à la richesse inestimable.
Saphirnews : « El Mutakallimûm », qui veut dire « les orateurs » en arabe, est votre 4e album studio. Pourquoi cet hommage aux poètes du monde arabe ?
Contrairement à votre précédent album « Ô Houria », il n’y a pas de chansons en français dans celui-ci ?
Quand je compose, la musicalité me vient naturellement avec le texte, car je sais où je vais. Mais, pour El Mutakallimûm, cela n’a pas été le cas. Le plus difficile a été avec les anciens poèmes, car même si je lis l’arabe classique, je ne comprends pas l’arabe du VIIe siècle ! J’ai dû effectuer un travail de recherche (historique, linguistique) avec des spécialistes qui m’ont aidée à traduire ces textes et à les comprendre pour pouvoir ensuite faire le travail musical.
Vous êtes venue en France en 1999 pour un concert et y êtes restée…
Vos parents étaient très attachés à la culture, à la musique. Pouvez-vous nous confier des souvenirs d’enfance ?
C’est ce qui vous a donné envie de faire de la musique ?
C’est à cette période que vous avez intégré un groupe de hard rock. Un choix surprenant ?
On trouve beaucoup de nostalgie dans votre musique, est-ce le mal du pays ?
Quand j’ai fait Paris avec Marc Lavoine, je songeais à mon grand-père qui était perdu dans les rues de Paris et économisait pour envoyer au bled. Je pense aussi aux chibanis d’aujourd’hui qui vivent dans des chambres d’hôtel pourries qu’ils louent 500 € et d’où l’on veut les virer. Ils sont obligés de rester ici six mois de l’année pour toucher leurs retraites. Pourtant ils ont servi la France comme chair à canon : pourquoi n’y a-t-il pas de reconnaissance ? Ils méritent de vivre dignement.
Dans l’album El Mutakallimûm, je suis passée à autre chose, avec beaucoup moins de nostalgie. Les titres ici sont beaucoup plus philosophiques et plus politiques.
Née le 23 août 1972 à Alger, Souad Massi est issue d’une famille de six enfants où la musique a toujours occupé une place importante. Destinée à une carrière en urbanisme, elle entretient son amour pour la musique qui la pousse à arpenter les scènes algéroises jusqu’au jour où elle est invitée à se produire en France. Coup de foudre du public et des professionnels qui l’invitent à rester et à signer Raoui (2001), un premier album qui remporte un large succès. Souad Massi sortira par la suite Deb (2003), suivi de Mesk Elil (2005), qui remportera la Victoire du meilleur album de musiques du monde.
De retour avec El Mutakallimûm, la chanteuse nous offre aujourd’hui un véritable trésor musical, où elle nous invite à découvrir la grande poésie arabe à travers des œuvres d’Abou El Kacem El Chabi, d’Abou Madi et d’autres illustres poètes, sur des rythmes arabo-andalous, afro et flamenco.
Pour en savoir plus : http://www.saphirnews.com/
Visite-conférence : le Paris arabe historique
Cette visite-conférence dans le Ve arrondissement permet de prendre la mesure des liens privilégiés entre le monde arabe et la France. L’IMA est le point de départ de la promenade qui s’achève à la mosquée de Paris.
Le parcours
Ce parcours-promenade est de quatre étapes, environ 2h de riches découvertes :
L’IMA, dont la mission est de faire connaître le monde arabe, en est le point de départ. Son bâtiment, à l’architecture contemporaine, contribue au dialogue entre les cultures occidentale et arabe.
La visite se poursuit devant le Collège de France et la Sorbonne, pour y évoquer les premiers enseignements de l’arabe sous François 1er, la curiosité française pour l’Orient au XVIIIe s. et sous l’Empire.
Puis, dans l’une des plus anciennes églises de Paris, Saint-Julien-le-Pauvre on parlera des lieux de cultes des chrétiens arabes de France.
On rappellera, l’attraction exercée par Paris sur le monde arabe. La présence de réformateurs et des érudits arabes au XIXe s dans le quartier, les débats d’idées qui les ont agités. C’est ici que sont nées les premières imprimeries, les premiers journaux en langue arabe en France. Les librairies arabes d’aujourd’hui, en sont les héritières.
La promenade s’achève par la visite de la Mosquée de Paris.
Pour en savoir plus : http://www.imarabe.org/actualite/visite-le-paris-arabe-historique
Juillettistes ou aoûtiens : deux façons radicalement différentes de vivre l’été
Ce week-end, les vacanciers vont se croiser : certains débutent leurs vacances, les autres les terminent. Historiquement, prendre ses vacances le septième ou le huitième mois de l’année était révélateur d’un certain style de vie.
Atlantico : Les juillettistes et les aoûtiens ont souvent été présentés comme deux tribus irréconciliables. Qu’en est-il réellement ? Qui sont les juillettistes et qui sont les aoûtiens ? Existe-t-il de réels différences sociologiques entre ces deux catégories de vacanciers ?
Pierre Perrier : Historiquement, dans les grandes entreprises publiques, comme les travaux publics, et le secteur industriel (industrie automobile notamment), par le jeu des conventions salariales, les congés étaient établis plutôt sur la période d’août. Le huitième mois de l’année est traditionnellement celui des classes populaires et de la classe ouvrière.
Cela reste en partie vrai aujourd’hui pour la main-d’œuvre industrielle ou des travaux publics, même si la classe ouvrière est moins importante aujourd’hui. La manière de prendre des vacances diffère en fonction de l’appartenance socio-professionnelle. Un cadre a une plus grande liberté pour décider des moments de vacances tandis que l’ouvrier ou le salarié des travaux publics va avoir des périodes de congés imposées.
Les juillettistes et les aoûtiens partent-ils aux mêmes endroits ?
Le bord de mer reste la destination la plus attractive au mois d’août qui est aussi le mois des vacances en famille. En août, les vacances sont davantage pensées pour les enfants, ce qui explique que la plage est souvent la destination privilégiée. Au mois de juillet, il y a traditionnellement plus de diversité des lieux de vacances.
La séparation nette juillettistes/aoûtiens est-elle toujours aussi pertinente aujourd’hui ?
Non, aujourd’hui, la distinction entre juillettistes et aoûtiens est plus difficile à établir et pas forcément pertinente. D’abord, il faut souligner que nous sommes dans une tendance « baissière » du nombre de départs, y compris pour les cadres et les urbains qui partent moins en vacances. Seulement 53% des Français partent en vacances en 2013 contre 57% au début de la crise en 2008. La seule catégorie épargnée est celle des seniors. Cette population, qui est la niche du tourisme aujourd’hui, part à d’autre moment que l’été, de façon plus étalée dans l’année. La bonne santé des seniors, leur pouvoir d’achat et les nouvelles valeurs du voyage et de la découverte qui se sont diffusées dans le corps social jusque dans cette génération plus âgées, expliquent cette évolution. Les étudiants partent également en dehors des mois d’été. Cela s’explique par le changement de calendrier universitaire qui leur permet d’être libre dès juin.
De manière générale, la période historique des congés payés, durant laquelle les gens prenaient un mois de vacances, est terminée. Les séjours sont désormais plus courts : en moyenne, une dizaine de jours aujourd’hui et cela tend à se réduire encore. Les vacances sont plus courtes, mais aussi plus fractionnées, y compris sur la période d’été. Les gens partent moins longtemps, mais plus souvent dans l’année.
Par ailleurs, les gens anticipent moins les départs pour pouvoir bénéficier d’opportunités de dernière minute. Il y a aussi moins de fidélité des vacanciers par rapport aux lieux de vacances. Les gens partent moins sur le même lieu de vacances d’une année sur l’autre. Les pratiques et les destinations de vacances sont moins ritualisées que par le passé.
Quelles sont les nouvelles tendances ?
Il y a notamment un tourisme émergent qui est le tourisme urbain. Ce tourisme se développe auprès des classes moyennes dans les grandes villes particulièrement attractives : 12-14% des destinations sont désormais urbaines.
Le juillettiste fait ses valises lorsque ses collègues sont au travail et revient au bureau au moment où l’activité économique tourne au ralenti. Mérite-t-il sa réputation de « fainéant » ? L’aoûtien est-il vraiment plus studieux ?
Encore une fois, cette distinction n’est plus vraiment pertinente car les cartes sont brouillées. Là encore, on observe de nouvelles tendances. De plus en plus gens ne partent pas en vacances pour travailler davantage les mois d’été. Les salariés à revenus modestes ont ainsi un double-emploi sur la période de juillet/août. Il y a aussi les gens qui continuent à travailler tout en étant en vacances. Les technologies, notamment les outils informatiques, permettent aujourd’hui de travailler à distance. Un entre-deux où on est jamais pleinement en vacances est aujourd’hui en train de se dessiner.
Pierre PERIER
Pierre Perier est sociologue, professeur en Sciences de l’éducation à l’université de Haute-Bretagne. Il est membre du Centre de Recherche sur l’Education les Apprentissages et la Didactique (CREAD). Il est notamment l’auteur de L’ordre scolaire négocié. Parents, élèves, professeurs dans les contextes difficiles (Presses universitaires de Rennes (PUR), 2010) et de Vacances populaires. Images, pratiques, mémoire (PUR, 2000).
Pour en savoir plus : http://www.atlantico.fr
Ces musées arabes et turcs qui refont l’histoire
Le salon d’apparat de la maison de l’architecte égyptien Omar El Farouk, dans l’oasis du Fayoum (Égypte).
Découvrez le dossier
La mise en scène du passé possède une longue histoire dans l’architecture et la muséographie occidentales. La présence de l’histoire dans les musées et les intérieurs arabes ou turcs n’est pas moins riche. L’invention coloniale de la tradition, puis la formation des imaginaires nationaux ou régionaux, tel le panarabisme, en ont été des vecteurs privilégiés, non sans continuum de l’un à l’autre…
Egalement au sommaire…
Dans la rubrique Histoire, un éclairage original du récit fondateur de la monarchie marocaine par les Idrîssides dans lequel la numismatique pèse son poids. Un Portrait dédié à un « bilan d’étape » de l’œuvre de Jacques Berque, à l’occasion des vingt ans de sa disparition. Une promenade en texte et en images dans la Tunisie des poètes, aux antipodes du tourisme de masse, qui nous conduit de Sfax à Tunis en passant par l’archipel des Kerkennah. Deux nouvelles rubriques : un « Voyage en cuisine » dédié à l’escabèche et un « Arrêt sur photo » commenté par l’écrivain Abdelkader Djemaï. Et comme chaque trimestre, toute l’actualité artistique et littéraire du trimestre…
Pour en savoir plus : http://www.imarabe.org/
« Champions de France », la série hommage aux sportifs issus de l’immigration
Rachid Bouchareb, réalisateur de la série « Champions de France » diffusée de juin 2015 à l’été 2016 sur France Télévisions.
« France Télévisions, qui a obtenu en 2014 le « label diversité », s’est engagé avec tous ses collaborateurs à promouvoir une image plus respectueuse de la diversité qui fait la richesse et la force de la France », a déclaré fin mai Rémy Pflimlin, le président-directeur général de France Télévisions. Une démarche qui, selon lui, vient illustrer le projet Champions de France, réalisé par Rachid Bouchareb avec l’aide de l’historien Pascal Blanchard, spécialiste des histoires de l’immigration et des enjeux de diversité. Cette collaboration avec France Télévisions est loin d’être la première pour les deux hommes : ils avaient ensemble réalisé « Frères d’armes » qui rend hommage en portraits à ceux et à celles issus des anciennes colonies qui se sont battus pour la France lors des deux guerres mondiales.
Jamel Debbouze, Lilian Thuram, Kad Merad, Sami Bouajila, Nelson Monfort, Abd al Malik, Charles Berling, Rokhaya Diallo et bien d’autres nous embarquent dans les récits de vie de personnages qui appartiennent à l’histoire du sport français depuis les JO en Grèce de 1896 tels Marcel Cerdan, le «bombardier marocain » né en Algérie, champion du monde de boxe, Marie-José Pérec, la seule athlète française à détenir une triple médaille d’or olympique, Abdelkader Zaaf, le cycliste maghrébin le plus populaire du Tour de France (vidéo plus bas), Alfred Nakache, le «nageur d’Algérie » qui fut déporté par les nazis, Zinedine Zidane, qui fut le héros de 1998, après Michel Platini, qui fut celui de l’Euro 1984.
La diffusion de la série s’étalera jusqu’aux prochaines compétitions internationales qui se dérouleront en été 2016, dont le championnat d’Europe de football (Euro) programmée en juillet en France.
La série Champions de France est programmée toutes les semaines sur toutes les chaînes de France Télévisions : sur France 2, le samedi, à 6 h 55, avant Télématin ; sur France 3, le dimanche, à 20 h 05, avant Tout le sport ; sur France 4, le dimanche, à 19 h 50, après un divertissement ; sur France 5, le samedi, à 17 h, après un documentaire ; sur France Ô, le samedi, à 19 h 50, après Info Soir ; sur le réseau outre-mer 1re, le samedi à 18 h 55.
Rédigé par Fatima Khaldi
Et si on filmait la laïcité ?
Depuis mars 2015, ENQUÊTE anime un atelier dans un centre social à Vaulx-en-Velin, en banlieue lyonnaise. Le centre Georges Levy a demandé à l’association d’entreprendre un travail de réflexion citoyenne avec les enfant, de 9-11 ans, sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Décidée à élargir les perspectives à des réalités plus positives, ENQUÊTE propose aux enfants de créer un glossaire filmé qui parlerait aussi de la laïcité, des faits religieux et de vivre ensemble.
Mercredi 6 mai, c’est la première séance de tournage. Seules cinq filles sont présentes mais elles sont très motivées, même les plus timides qui avaient initialement refusées d’être filmées. Mélissa, une animatrice du centre social nous apporte son soutien, c’est elle qui tiendra la caméra, le moment venu. La « réunion de pré-tournage » peut commencer ! Comme chaque semaine, en début de séance, le tour de table du cahier des chercheurs permet de reprendre la liste des termes à définir. Les filles sont toutes d’accord pour insister sur les définitions des termes de « laïcité » et de « religions en France ». La compétition est intense pour savoir qui sera filmé !
Les filles expliquent à Mélissa « On va faire un film ! ». Je leur demande de présenter plus en détail le contenu de l’atelier et le projet du glossaire « Et si vous commenciez par les définitions ? ». Elles se lancent à deux voix. Mélia commence « la laïcité, c’est comme la cour de récré, y’a ceux qui jouent au foot et ceux qui jouent au ballon autour des tables de ping-pong, tu sais ? » et Faustine poursuit « Et bien, ils doivent jouer chacun à leur jeu, sans gêner les autres, sans leur jeter le ballon dessus. C’est pareil pour les religions, tu dois faire ta religion de ton côté sans gêner les autres ». L’animatrice, Mélissa leur répond avec ses propres mots pour dire que la laïcité se fonde sur le respect et permet de vivre ensemble. Les discussions engagées aux séances précédentes continuent. Elles ne cessent de s’enrichir. Les filles approuvent les propos de Mélissa, elles en feront des mots-clés pour le glossaire !
Nous continuons la discussion avec les « dix minutes du chercheur », pour apprendre à se poser des questions, à partir du quotidien. Esma nous parle d’un reportage qu’elle a vu à la télévision et qui semble l’avoir perturbée : « un père, il dit à sa fille qu’elle n’est plus de sa famille… ». Je lui demande si le mot qu’elle cherche est « répudiée ?», elle acquiesce et continue : « pourquoi des gens n’aiment pas leur famille ? Ce n’est pas normal ! ». Camélia lui demande « Pourquoi ce père a répudié sa fille ? à cause du mariage ? de la religion ? ». Esma lui répond « je sais pas trop… oui c’est un mariage avec une autre religion, je crois ». Cela nous permet de parler des couples mixtes. Faustine évoque sa famille : « ma tata, elle est mariée avec mon tonton marocain et on est même allé au Maroc en vacances. Pourtant ma maman et moi on va au catéchisme, mais je suis quand même à moitié marocaine ». Camélia la reprend « mais non, tu n’es pas marocaine si c’est ton oncle qui est marocain ! » « oui, mais ma tata, elle est un peu marocaine, alors nous aussi ». C’est bien parce qu’ils vivent la diversité des origines et des appartenances géographiques, nationales et religieuses au quotidien, que les enfants en parlent si naturellement et se questionnent sur ces sujets. A nous, éducateurs – parents, animateurs, professeurs – de leur apporter des connaissances et de préciser certaines notions…
« Tu réponds à nos questions ? »
La séance se poursuit, le tournage est sur le point de commencer : « quand une personne accepte d’être filmée, vous lui posez la question à haute voix et lentement. C’est quoi le modèle de question déjà ? » Elles répondent du tac au tac : « selon vous, quelle est la définition de … ? » Nous voilà partis dans les couloirs du centre social à la rencontre de potentiels « interviewés ». Nous avons décidé de débuter en terrain connu pour que les enfants s’entrainent. « Hamida ! tu réponds à nos questions ? » demande Mélia à la responsable du bureau des jeunes. Cette dernière refuse, mais Mélia ne lâchera pas le morceau ! Tout au long de la séance elle me répétera : « Tu verras, si le directeur nous répond, je pourrai convaincre Hamida ! » ou encore « on a eu plein de refus : Hamida va être obligé de me dire oui ! ». Mais malgré leurs efforts, Hamida tiendra bon, elle ne veut pas être filmée…
Nous sollicitons les employés des bureaux administratifs ; certains acceptent, d’autres refusent. D’autres encore tergiversent ou négocient « Oui mais à condition de connaître les questions à l’avance pour pouvoir y réfléchir. » L’ambiance est détendue ; mais les enfants, qui connaissent bien leurs interlocuteurs, gardent leur sérieux. Ils restent concentrés pour réaliser au mieux ce projet qui leur tient à cœur. Ils sont fiers de ce « véritable tournage !»
Pour terminer, nous filmons une animatrice et certains enfants de son groupe qui rangent et nettoient la cour, au pied des immeubles. Cette animatrice porte le voile en dehors du centre. Elle nous demande que son visage ne soit pas filmé mais accepte, avec grand plaisir semble-t-il, de répondre aux questions des petits enquêteurs. Cela ne pose aucun problème aux enfants qui optent pour un plan serré sur ses mains. Une fillette d’environ 6 ans prend ensuite la parole : « Dieu il est tout en haut et tout le monde l’aime ! ». Les cinq filles s’exclament: « Ho, elle est trop mignonne !! ». Elles sont ravies de cette intervention « les Musulmans ne parlent que des Musulmans et les Chrétiens des Chrétiens ! Elle, elle a parlé de tout le monde ! ».
Tournage en extérieur
Deux semaines ont passées, nous sommes le 20 mai, tous les enfants sont là pour cette deuxième séance de tournage ! Le centre social relaie la demande de la mairie de Vaulx-en-Velin. Il souhaite avoir un petit topo pour présenter notre atelier et notre projet. Ravis, nous décidons avec les enfants qu’il faudra intégrer ce passage comme une introduction à notre glossaire filmé. Faustine, Souleymane et Camélia, les moins timides, s’en chargent, la première prise est la bonne : « Cette deuxième séance de tournage commence très bien ! ».
S’ensuit notre briefing de « pré-tournage ». Deux nouvelles personnes acceptent d’être filmées : un employé de mairie de passage au centre et un visiteur. Forts de cette confiance, les petits enquêteurs sont prêts à sortir du centre. Une passante répond favorablement à leur demande, mais son amie refuse malgré l’insistance de Mélia, décidément tenace : « Allez, ça ne durera pas longtemps ! ». Nous continuons notre chemin jusqu’à la zone commerciale du quartier de la Grappinière. Accueil chaleureux dans le snack où nous filmons le patron et un client au son des steaks sur le grill. L’un des clients plaisante : « dis donc, ta femme sait que tu ne travailles pas ?! Ce film il va passer ce soir à BFM ! ». Les enfants sont très fiers. Je dois néanmoins rester vigilante et ne pas hésiter à les recadrer. Tourner à l’extérieur du centre, près de commerces qu’ils fréquentent régulièrement, les déconcentre facilement. Sur le chemin, ils saluent leurs camarades de classe, leurs voisins…
Nous essuyons plusieurs refus au salon de coiffure, au taxiphone et dans une brasserie. Camélia me fait très justement remarquer : « tu as vu ici, la caméra bloque les gens ». Mélissa, l’animatrice, me rappelle le propos d’une coiffeuse « ici à Vaulx, on ne peut pas parler de religion devant une caméra » . Je propose alors que nous fassions une prise de Mélia qui en guise de conclusion explique face caméra les conditions de réalisation du tournage : beaucoup de réponses positives mais aussi quelques refus. Ces derniers sont-ils dus à la caméra ou à la nature du sujet abordé ? Quoi qu’il en soit nous sommes tous d’accord pour dire que cela est révélateur de nos questionnements. Et de mon côté « et bien voici un bon sujet d’enquête pour un prochain atelier : les religions et les médias ! »
Pour en savoir plus : http://www.enquete.asso.fr/
En finir avec l’esprit victimaire
Cultiver l’esprit de bonne volonté
Refuser l’enfermement de la jeunesse
Certaines associations qui se montent dans nos cités se trompent parfois de combat ; elles tendent à montrer que nos quartiers sont forts, renforcent cette identité, et participent donc à figer la situation. Le vrai combat serait d’aider à en finir avec cette ghettoïsation en finissant avec ces quartiers justement. C’est tout l’enjeu de la libération de l’esprit.
Cette liberté permettrait de prendre à bras le corps son propre destin, et plus loin, celui de notre espèce humaine dont l’existence même est menacée avec la question de la pollution, et les agressions faites à l’ensemble de la faune et de la flore.
En finir donc avec la victimisation permettrait de rendre lucide le regard de l’intelligence, afin de pouvoir se battre enfin pour notre avenir commun, et sauver ce qu’il reste encore à sauver de notre monde.
Abderrahim Bouzelmate, auteur et enseignant, a publié Dernières nouvelles de notre monde et Apprendre à douter avec Montaigne (De Varly Éditions, 2013). Avec Sofiane Méziani, il a publié De l’Homme à Dieu, voyage au cœur de la philosophie et de la littérature (Albouraq Éditions, 2015).
Mustapha Cherif : « En ces temps de crise, continuer à éduquer et à dialoguer »
Ce Ramadan 2015, mois de spiritualité par excellence, n’a pas été épargné par des exactions meurtrières commises au nom de l’islam. Mais le message de paix ‒ dont le mot « As-Salâm », le Pacifique, est l’un des 99 noms de Dieu ‒ doit prévaloir, nous dit le philosophe Mustapha Cherif. Face à la propagande du choc et au danger du repli sur soi, l’espérance en une société meilleure reste le moteur de notre humanité et l’éducation un de nos principaux outils.
Saphirnews : L’actualité française et internationale ne cesse d’être ponctuée d’actes de terrorisme. En même temps, intellectuels, leaders associatifs et une grande majorité des populations musulmanes européennes les dénoncent catégoriquement. Vos écrits ne cessent d’alerter sur les extrémismes de tous bords. Pensez-vous que la situation s’aggrave ou s’améliore ?
Des courants d’idées matérialistes, allergiques à la spiritualité, ou xénophobes, en profitent. D’autres, des rigoristes, figent la religion et l’instrumentalisent. Tous nuisent à ce qu’ils croient défendre. Cependant, l’immense majorité des citoyens, toutes convictions concernées, reste proche du juste milieu et se méfie à juste titre des discours extrémistes et respecte les critiques constructives. Il nous faut expliquer et consolider la voie du juste milieu.
Vous prônez l’éducation au dialogue interreligieux, des cultures et des civilisations : pour quelles raisons ?
Quelles méthodes préconisez-vous ?
Vous défendez le principe du vivre-ensemble : comment le réaliser ?
Que dit la civilisation musulmane au sujet de l’éducation au vivre-ensemble ?
Elle s’adresse au cœur et à la raison, à l’esprit et au corps, à l’individu et à la communauté. L’élève mémorise davantage les savoirs qu’il construit lui-même au fil de ses expériences que la connaissance énoncée par l’enseignant. Les citoyens musulmans d’Europe prouvent tous les jours leur capacité à vivre leur temps, la sécularité et la modernité, sans perdre leurs racines. Pour éviter les dérives, c’est cette ligne du juste milieu qu’il faut encourager.