Seul on avance vite, ensemble on avance loin !

EntrepriseLibérée

La coopération en entreprise ? Pourquoi pas !

Est-ce que cela permet l’épanouissement des salariés en même temps que la pérennité de l’entreprise ?

De nombreuses théories émergent actuellement autour de la coopération et de l’intelligence collective. C’est un véritable management de la confiance qui se dessine autour de certaines expériences en entreprise. Je vous propose de réfléchir à cette intelligence collective puis de regarder ensemble quelques expérimentations en entreprise.

On pourrait définir l’intelligence collective comme la capacité qui, par la combinaison et la mise en interaction de connaissances, d’idées, d’opinions, de questionnements, de doutes,… de plusieurs personnes, génère de la valeur ou une performance, un résultat supérieur à ce qui serait obtenu par la simple addition des connaissances, idées et opinions de chaque individu. (définition de Mack 2004).

On peut dire qu’elle n’émerge pas de façon spontanée et instantanée : il faut du temps et il peut y avoir des conflits. Elle est également liée à l’environnement. L’intérêt de l’intelligence collective est qu’elle permet une réflexion à plusieurs, en commun. Elle structure l’action autour d’un objectif qui a du sens.

C’est la construction d’une vision commune de l’environnement par le collectif. Elle peut permettre de résoudre des situations de travail au quotidien et de manière prévisionnelle de résoudre des situations de travail planifiées ou imprévues, à venir.

Il y a trois dimensions de l’intelligence collective :

  • Cognitive : elle permet de comprendre le sens de l’action collective : un référentiel commun, une vision partagée (connaissances, représentation et référents communs). Elle met en avant la réflexion collective, par l’apprentissage et une mémoire collective. La décision est collective.
  • Relationnelle : elle permet de tisser des liens au sein de l’équipe : collaboration, coopération. Ces interactions favorisent la sociabilité et l’intégration des individus dans le groupe. La co-activité permet une dynamique collective, avec une meilleurs synchronisation des humeurs, des pensées et des sentiments. D’où l’importance de favoriser l’autonomie, au niveau des équipes et des individus dans l’équipe. Le conflit peut générer intelligence et créativité au sein d’une équipe. La confiance est un élément omniprésent dans le processus d’intelligence collective. Il importe d’être dans un état d’esprit de respect mutuel, d’empathie, de fiabilité, de cohérence (je fais ce que je dis, je dis ce que je fais).
  • Systémique : au-delà de l’efficience interne, la véritable efficacité d’une organisation dépend d’une bonne mise en perspective avec son environnement.

Le management coopératif, qui s’élabore en lien avec l’intelligence collective, s’appuie sur des principes essentiels (Jérôme Delacroix : « Le management coopératif : un autre chemin vers la performance », Coopératique, 2006) :

  • La circulation libre de l’information ;
  • L’adoption de comportements basés sur la confiance et l’entraide ;
  • La conjonction recherchée de l’intérêt de l’entreprise et celui de chaque salarié ;
  • La mise en œuvre de moyens humains, technologiques et organisationnels pour atteindre ces objectifs.

 

Le travail coopératif, un nouveau modèle de management ?

En réaction contre la souffrance au travail, certaines organisations innovantes présentent un modèle collaboratif et humaniste. En 2010, le cabinet BPI a cherché à recenser ces pratiques. Le cabinet présente le cas d’une SCOP ardéchoise, Ardelaine, où les 25 coopérateurs sont sur un pied d’égalité salariale et tous polyvalents. A chaque exemple, le travail coopératif est mis en exergue et apparaît même comme un modèle managérial d’avenir.

Quelles formes peut prendre ces nouvelles organisations de démocratie d’entreprise ?

La plus connue est celle de l’actionnariat salarié, qui peut être un principe de base important dans des entreprises paternalistes comme AUCHAN (où les salariés détiennent environ 15 % du capital par l’intermédiaire de Valauchan, l’entreprise n’étant pas cotée en bourse). La participation constitue le dispositif juridique le plus connu, mais il est souvent « isolé » car uniquement financier, il faut aller au delà. C’est ce qui est fait dans le modèle de la coopérative, voire dans celui de l’entreprise autogérée, où le pouvoir s’exerce collectivement.

Des formes plus poussées sont celle de « l’entreprise libérée », dans laquelle le bien commun des salariés est recherché. Le livre « Liberté et Cie : quand la liberté des salariés fait le bonheur des entreprises, écrit par Carney et Getz, présente de manière provocatrice ces entreprises du « pourquoi » (celles qui donnent du sens) opposées aux entreprises du « comment », en affirmant que « la liberté, ça marche ! ». Ils développent largement le cas de l’entreprise FAVI dans laquelle le patron a supprimé les pointeuses pour que les salariés « travaillent pour faire des produits, pas des heures ». Ainsi, il convient d’explorer plus précisément le modèle coopératif et les cas de réussite de ce type de management.

Les SCOP, longtemps marginalisées, font leur retour en affirmant la solidité de leur modèle et son caractère universel. A l’occasion de conflits sociaux récents et sur fond de vagues de licenciements, le modèle semble constituer la « dernière chance » pour maintenir l’activité lors des fermetures annoncées d’usines. L’affaire FRALIB, avec le projet de certains salariés de reprendre l’exploitation de la marque « Eléphant » d’Unilever, à partir d’une structure SCOP, ou bien l’affaire SEAFRANCE, dans laquelle un projet de SCOP a été développé pour sauver 500 emplois, ont rendu la SCOP « populaire », en temps de crise. Il s’agit donc d’en préciser les contours.

Les principes coopératifs au centre des SCOP

Les coopératives sont définies par la loin du 10/09/1947 qui précise qu’elles ont pour objet de :

  • Réduire au bénéfice de leurs membres, le prix de revient de certains produits/services ;
  • Améliorer la qualité marchande des produits ;
  • Contribuer à la satisfaction des besoins et à la promotion des activités économiques et sociales de leurs membres ainsi qu’à leur formation.

Dans une optique de management, le dernier point semble fondamental car il place la satisfaction des membres au centre de la coopérative.

La loi du 19/07/1978 précise le statut de la SCOP, en le définissant : « Les sociétés coopératives ouvrières de production sont formées par des travailleurs associés pour exercer en commun leurs professions dans une entreprise qu’ils gèrent directement… »(extrait de l’article 1 de la loi).

Contrairement aux entreprises classiques, il ne peut y avoir de conflits d’intérêt entre salariés et actionnaires puisque ce sont les mêmes personnes.

SCOP et grande entreprise : les exemples de Chèque Déjeuner et Mondragon (MCC)                                                                                               SCOP

Le modèle de la SCOP redevient d’actualité mais pas seulement pour les petites structures. Deux grandes entreprises témoignent de la possibilité de croître durablement avec un modèle basé sur la confiance et la participation de tous : Mondragon en Espagne et Chèque Déjeuner en France.

Le groupe Chèque Déjeuner est le n° 3 mondial sur le marché des titres de services prépayés et le leader en France sur le marché de la gestion de l’Action Sociale. Il compte 2 000 collaborateurs dans 45 sociétés, à travers 13 pays et existe depuis 1964. Tous les quatre ans, l’ensemble des salariés-sociétaires élit les membres du Conseil d’Administration. Au nombre de neuf à quinze, ces derniers présentent librement leur candidature et force est de constater qu’ils proviennent tous de divers services de la coopérative (informatique, production, juridique, commercial…). Ce sont ensuite les administrateurs qui désignent par vote le futur Président-Directeur Général. Cet exécutif est relativement stable puisque seulement deux PDG se sont succédés depuis 1964. Cette entreprise est régulièrement citée comme modèle de management coopératif, ce qui ne l’empêche pas d’être rentable. Par contre, une grande partie des bénéfices est consacrée aux réserves financières et 45 % du résultat est reversé sous forme de primes aux salariés.

Quant au groupe MCC (plus connu sous le nom de Mondragon), il regroupe plus de 120 coopératives membres du groupe, dont six entreprises de services, 12 coopératives de recherche, 7 coopératives d’éducation, 4 entreprises agricoles, et surtout 87 entreprises industrielles dans tous les domaines : sous-traitance automobile, électroménager, fabricant d’ascenseurs, agro-alimentaire, filière bois, etc. les deux tiers des 35 000 associés travaillent dans le pays basque espagnol. Il s’agit d’un type unique au monde d’expérimentation de coopératives intégrées.

En octobre 1955, pour contourner les autorisations de création et d’implantation d’entreprises contrôlées par l’Etat, cinq jeunes fondateurs eurent l’idée de reprendre une entreprise en difficulté de produits électriques et mécaniques à usage domestique qui se trouvaient à Vitoria. C’est ainsi que naît la première entreprise coopérative ULGOR, du nom de la composition des initiales des fondateurs (Usatorre, Larranaga, Goronogoitia, Ormaechea, Ortubay), toujours en activité aujourd’hui sous le nom de FAGOR Electrodomesticos qui fabriquait à l’époque du petit matériel de chauffage. Le groupe ne cesse alors d’évoluer (40 coopératives en 1970) et se structure en développant de manière importante son propre système de formation. L’université de Mondragon compte aujourd’hui plus de 4 000 étudiants et alimente la recherche du groupe qui consacre 2 % de son CA à son financement.

Chez Mondragon, entre le bas de l’échelle et les dirigeants d’entreprises, l’écart des salaires est en moyenne de 1 à 4 et chaque salarié peut devenir « associé », moyennant deux ans d’ancienneté et une participation de 14 000 euros.

Chaque coopérative met en commun 2 % de son chiffre d’affaires à un fonds de solidarité. Il sert à accorder des liquidités aux coopératives les plus en difficulté. Par ailleurs, chaque coopérative constitue un fonds de réserve alimenté par 45 % des bénéfices quand il y en a, alors que le minimum légal est de 20 %.

Les coopératives sont les entités de base du groupe coopératif de Mondragon, elles sont libres de rejoindre ou de se séparer du groupe. Inversement, le groupe dans son ensemble accepte ou refuse de nouvelles coopératives en fonction de ses priorités de développement. En cas d’adhésion au groupe, les coopératives doivent se conformer aux règles communes. Dans toutes ces coopératives, l’Assemblée Générale représente la souveraineté de l’entreprise. Cette assemblée est convoquée au minimum une fois par an, ou exceptionnellement sur initiative de la direction ou de 10 % des membres-associés de la coopérative. Cette Assemblée Générale élit un Conseil recteur (assimilable à un Conseil d’administration) en charge de la gestion de l’entreprise, lequel nomme à son tour le Gérant. Deux organismes intermédiaires de contrôle et de dialogue entre les différents niveaux sont aussi élus par les coopérateurs :

  • Un comité d’audit qui surveille l’application des décisions de l’Assemblée générale par le Conseil recteur ;
  • Un conseil social qui assure un dialogue permanent entre les travailleurs de l’entreprise et la direction.

On peut donc voir que le système coopératif peut fonctionner dans de grandes structures, à condition de garder quelques principes de base qui guide son développement et de maîtriser celui-ci. Dans le cas de Mondragon, le développement se fait principalement par l’agrégation de nouvelles coopératives, en grande partie au Pays Basque.

Cependant, le modèle coopératif n’explique pas, à lui seul, le renouveau du principe de coopération dans le management. D’autres expériences ont permis de le développer, la plus connue étant celle de la fonderie FAVI.

Des expériences coopératives poussées : les entreprises libérées

Certaines entreprises sont allées beaucoup plus loin en réduisant la hiérarchie et en « libérant » leurs salariés.

. Le cas FAVI, l’entreprise sans chefZobrist

Selon Isaac Getz et Brian Carney (co-auteurs de Liberté et compagnie chez Fayard), certains dirigeants ont su « libérer » leurs entreprises. Le cas FAVI est emblématique d’abord grâce à son ancien direction, J.F. Zobrist, qui parcoure le monde pour donner des conférences et expliquer ce modèle. Dans une récente conférence à laquelle nous avons assisté (conférence organisée par le syndicat des formateurs-conseil au MOM de Paris, le 3/5/2013), nous avons été frappé par l’empathie et le caractère « humain » de J.F. Zobrist, qui a fait le tour le la salle avant la conférence pour demander à chaque auditeur de lui présenter son travail.

Le « cas FAVI » a fait l’objet de nombreux articles et est étudié dans les plus grandes écoles ; de nombreux visiteurs sont reçus chaque année dans la fonderie. Tout ce qui a été mis en place par J.F. Zobrist a été consigné par écrit pendant plusieurs années sous forme de « fiches » en accès libre sur le site de FAVI : http://www.favi.com/managf.php

Une première série d’une soixantaine de fiches présente, par opposition aux préjugés managériaux classiques, ce qui a été mis en place. Par exemple : « la performance vient des ouvriers vs la performance vient de la structure » démontre qu’en supprimant tous les systèmes de contrôle générateurs de coûts et de non implication, J.F. Zobrist a redonné l’autonomie et le pouvoir de décision à ceux qui étaient les mieux placés pour le faire : les ouvriers.

Lors de son arrivée, dans les années 80, J.F. Zobrist, a passé plus de 4 mois à tourner dans les ateliers et à discuter avec les opérateurs pour essayer de comprendre avant d’agir. Il a ensuite pris des mesures drastiques qui ont transformé l’entreprise. Les principales sont :

  • La suppression complète de toute la hiérarchie intermédiaire et la création d’un poste de leader qui coordonnera le travail de chaque mini-usine ;
  • La structuration de l’entreprise autour d’une vingtaine de « mini-usine » dédiées à chaque client (les constructeurs automobiles). Elles sont entièrement autonomes, même au niveau budgétaire ;
  • La croissance du budget formation (12 % du CA), centré sur le développement des compétences des ouvriers qui sont envoyés en stage au Japon ;
  • La suppression des récompenses (car il considère que bien faire est « normal ») mais le développement des rémunérations collectives en cas de profit.

Au total, il transforme une entreprise « comment ? » en entreprise « pourquoi ? » en donnant du sens à chaque action et en partant de deux grands postulats :

  • L’Homme est bon (donc on n’a pas à dépenser de l’argent et de l’énergie à le surveiller) ;
  • Il faut aimer son client (qui doit être le centre de toutes les attentions).

De nombreuses anecdotes émaillent ses présentations pour montrer ce que peut être le management par la confiance et la notion de coopération. Une des plus connues est celle de cette femme de ménage qui reçut un appel en fin de journée d’un gros client étranger et qui prit une voiture de la société pour aller le chercher et s’occuper de son hébergement avant de retourner finir le ménage de l’usine ! Chaque salarié se sent donc investi et les résultats suivent : les rendements décollent et FAVI devient le leader des fourchettes d’embrayage (70 % de la production mondiale) avec un cash flow avoisinant les 20 % les bonnes années (et jamais sous les 10 %). J.F. Zobrist considère aussi que le « rêve doit être partagé » et il a tenu à maintenir l’entreprise à Allencourt, dans le nord de la France, à l’époque où tout le monde délocalisait. Aujourd’hui, FAVI représente 400 salariés et 75 millions d’euros de CA. Il exporte partout dans le monde (34 % de sa production).

Dans un documentaire sur l’entreprise (question de confiance de François Maillart, 2009), le système est présenté en insistant sur la nécessaire confiance à accorder à « ceux qui savent » (les opérateurs) et à l’orientation-client donnée à la production. Les seuls contrôles qui ont été gardés le sont dans un but d’excellence (obtention des certifications avant les concurrents). Bien sur, ceux qui n’adhèrent pas au système ou regrettent l’ancien ne peuvent rester, et l’embauche devient un processus difficile car il faut vérifier que le futur salarié va partager les valeurs. D’autres entreprises ont appliqué avec bonheur cette « libération » ; de nombreux exemples sont présentés dans le livre de Getz et Carney (Liberté et compagnie), avec très souvent une remise à plat complète de la structure. C’est ce qu’a fait Chronoflex en France.

 

. Chronoflex, l’entreprise qui a tué l’organigrammeAlexandre-gerard-Chronoflex

Cette entreprise moyenne, spécialiste du dépannage de flexibles hydrauliques sur engins de chantiers était très mal en point en 2012. Comme 160 de ses 210 salariés sont disséminés sur le terrain, elle a cherché à alléger la structure en transférant une grande partie des responsabilités à des « entités » régionales (15 au total). L’organigramme a été entièrement revu et est passé d’un « râteau » classique à un « double-cercle », autour des entités régionales.

Le regroupement des techniciens par région a été organisé dans une optique de réactivité aux demandes du client. En termes de management,, chaque équipe est entièrement autonome, coordonnées par un « capitaine » coopté (rémunéré 200 euros de plus par mois !).

Les managers ont aussi dû s’adapter (difficilement) en se reconvertissant ou en quittant l’entreprise. Ce qui est intéressant, c’est l’autonomie des équipes, qui décident de toutes les opérations concernant leur région. Chaque salarié est responsable du contrôle de ses opérations. Là encore, on peut véritablement parler de management de la coopération et de la confiance, indispensable à la réussite d’une telle entreprise. Pour prolonger la réflexion et envisager le développement, Chronoflex a créé des « groupes de réflexion » qui réfléchissent à des problématiques ou pistes de travail (le partage égalitaire des bénéfices par exemple). C’est donc surtout un environnement et une structure de travail qui ont facilité la coopération, donc la réussite (l’entreprise est bénéficiaire).

Le management sociocratique, ou gouvernance dynamique

À la fin des années 1960, Gerard Endenburg, un ingénieur hollandais qui dirigeait une société d’électrotechnique, a voulu diriger son entreprise de manière humaine, tout en conservant, voire développant, son efficacité et sa compétitivité. En se basant sur les idées du pédagogue Kees Boeke, son compatriote et son contemporain, et en y intégrant ses connaissances en théorie des systèmes, en cybernétique et en biofeedback, Gerard Endenburg a créé, au début des années 1970, un nouveau style de gouvernance qu’il a appelé sociocratie, un mot créé par le philosophe français Auguste Comte.
Même si elle comporte d’autres aspects importants (transparence totale, définition de vision, missions et objectifs, rémunération juste du capital et du travail), la sociocratie est caractérisée par quatre règles fondamentales :

Le consentement
En sociocratie, une décision est prise par consentement s’il n’y a aucune objection importante et argumentée qui lui est opposée.
Toutes les décisions ne sont pas forcément prises par consentement, notamment pour la gestion courante des affaires. Cependant, il est décidé par consentement quelles décisions peuvent échapper à la règle, comment et par qui elles sont prises et pour quelle durée il est possible de procéder autrement que par consentement.

Les cercles
La structure de décision de l’organisation est parallèle à sa structure fonctionnelle. À chaque élément de celle-ci correspond un cercle. Les cercles sont connectés entre eux et organisent leur fonctionnement en utilisant la règle du consentement. Tous les membres de l’organisation appartiennent à au moins un cercle.
Chaque cercle est notamment responsable de la définition de sa mission, sa vision et ses objectifs, de l’organisation de son fonctionnement et de la mise en œuvre des objectifs définis par le cercle de niveau supérieur.

Le double lien
Un cercle est relié au cercle de niveau immédiatement supérieur par deux personnes distinctes qui participent pleinement aux deux cercles. L’une est élue par le cercle et le représente ; l’autre est désignée par le cercle de niveau supérieur et est le leader fonctionnel du cercle.

L’élection sans candidat
Quand il s’agit de choisir une personne pour occuper une fonction, un cercle sociocratique procède à une discussion ouverte et argumentée aboutissant à une nomination par consentement. L’absence de candidat garantit qu’il n’y a pas de perdant, et le consentement que chacun est convaincu que le meilleur choix possible a été fait.

Aujourd’hui, il y a plus de 200 structures (entreprises, écoles, hôpitaux, services de police, organisations sans but lucratif, etc.) en France, qui utilisent avec succès la sociocratie, sans compter de nombreux groupes informels.

On peut donc se demander s’il existe différents « niveaux » de management coopératif.

  • L’autogestion, forme de démocratie directe appliquée à l’entreprise, avec exercice collectif du pouvoir. Cette forme est parfois décriée car elle renvoie à une acception politique et a pu produire quelques résultats décevants, dans les années 70.
  • Les coopératives, qui cherchent d’abord à satisfaire les intérêts de leurs membres, nous y avons consacré quelques développements à travers le cas de la SCOP.
  • L’actionnariat salarié, qui permet aux salariés de devenir associés et de peser différemment sur la vie de leur entreprise. On peut prendre comme exemple le cas des salariés d’Auchan qui détiennent plus de 15 % du capital du groupe (le reste est détenu par la famille Mulliez) à travers leur fond de participation, VALAUCHAN. Il s’agit, selon Gérard Mulliez de « mieux réaliser encore le partage des fruits du travail et des apports de tous ».
  • L’intra-entrepreneuriat, où les salariés deviennent de véritables associés, décisionnaires dans les différents niveaux de l’entreprise.
  • L’entreprise libérée, pour laquelle il s’agit de réduire au maximum les contraintes qui gênent l’autonomie et la qualité du travail des opérateurs. Nous en avons présenté, plus haut, quelques cas emblématiques (FAVI et Chronoflex).
  • L’entreprise sociocratique qui permet de partager les décisions et de trouver des solutions aux dysfonctionnements des équipes.

 

Il est difficile de distinguer des « niveaux » de coopération ou de libération, ce sont plutôt des formes, voire des modalités différentes. Il convient plutôt d’adopter une vision globale et considérer que les entreprises peuvent, progressivement, transférer de l’autonomie et « libérer » leurs salariés et que chacune s’y prendra différemment en fonction de son histoire, de son secteur, et de la volonté de son dirigeant !

En effet, le modèle de management coopératif ne se concentre pas uniquement dans le secteur de l’économie sociale et solidaire : l’économie « marchande » recèle des entreprises qui ont fait ce choix pour valoriser la confiance et l’autonomie dans leur système de management.

Malheureusement, les mêmes « cas » d’entreprises sont constamment mis en avant et étudiés (FAVI, HARLEY, GORE), ce qui pourrait laisser penser que « l’exception confirme la règle », car l’organigramme en râteau est loin d’être mort. Une réflexion plus profonde, voire philosophique, peut nous conduire à chercher les valeurs et besoins qui émergent de ces modèles coopératifs. On pourrait alors faire le lien avec la recherche d’une gestion durable et le renouveau de l’engagement collectif.

Certains chercheurs qui travaillent sur la notion de « care », envisagent même son application dans l’entreprise. Il s’agit d’une forme d’attention portée aux autres, que l’on retrouve souvent dans le domaine médical ou social. Le « care » est une « théorie morale contextuelle » (et non un ensemble de règles) qui s’articule autour des « concepts de responsabilité et de liens humains ». C’est surtout une véritable éthique, une manière de prendre soin de ses collaborateurs et de revoir les relations de travail. Dans leur ouvrage Le souci des autres. Ethique et politique du care, Patricia Paperman et Sandra Laugier posent les bases de cette approche quasi-universelle.

Lorsqu’on écoute J.F. Zobrist parler de FAVI ou les témoignages de créateurs de SCOP, on ressent ce souci de l’autre et cette attention qui amène la confiance. Ces expériences montrent qu’il existe une véritable alternative managériale au modèle classique de management, fondée sur la hiérarchie et basée sur les principes de Fayol et Taylor.

Publié par Marie DAVIENNE – KANNI

Le 23 Novembre 2015 à 18 h

Largement inspiré, pour la partie sur le travail coopératif, par l’article du CREG de l’Académie de Versailles : http://www.creg.ac-versailles.fr/spip.php?article625

Ikéa ou le management de la diversité

IkéaenArabe

PDG de Ikea de 1999 à 2009, Anders Dahlvig a publié en juin un ouvrage où il revient sur son expérience à la tête du leader mondial de l’ameublement. LSA a sélectionné les bonnes feuilles.

LSA – Quel message voulez-vous faire passer avec votre livre ?

Anders Dahlvig – Quand on est PDG, on n’a pas le temps de réfléchir sur son travail. J’ai pensé qu’il serait bien de le prendre aujourd’hui pour tirer des leçons du modèle Ikea. Mais je ne voulais pas d’un énième manuel de management ou d’un recueil de potins sur la famille Kamprad, il s’agit des leçons que l’on peut tirer du business model Ikea à destination des professionnels.

LSA – Quelles conclusions en avez-vous tirées ?

A. D. – À force de conceptualiser, j’ai compris l’importance des valeurs. Elles permettent de mieux recruter, de garder les gens plus longtemps et plus motivés. Le contrôle de la chaîne de valeur est aussi fondamental, du design des produits jusqu’à leur vente. Peu de distributeurs contrôlent toutes ces étapes. Ensuite, il faut aussi exister à l’échelle mondiale. On peut réussir sur les marchés émergents à condition d’avoir d’excellents prix et un engagement de longue durée. Enfin, Ikea a un propriétaire solide, qui s’inscrit dans la durée.

LSA – Quels souvenirs gardez-vous d’Ingvar Kamprad ?

A. D. – Nous avions une relation proche. Ikea est sa vie, il allait régulièrement voir les magasins à travers le monde. C’est un homme intelligent, et il faisait de bonnes remarques, même s’il n’était pas impliqué dans la gestion quotidienne.

MANAGEMENT La diversité ? « Si tout le monde pense la même chose, vous verrez peu de progrès. »

« D’un point de vue business, il y a au moins quatre bonnes raisons pour promouvoir la diversité.

Orientation client : pour qu’une entreprise puisse comprendre ses clients, et ses employés, l’équipe dirigeante doit refléter la diversité qui existe au sein de ces deux groupes. 70% des clients d’Ikea sont des femmes, et les groupes ethniques minoritaires représentent une proportion importante dans de nombreux magasins. […]

Prise de décision : si tout le monde pense la même chose, vous verrez peu de progrès. […] Une entreprise qui n’installerait aux postes de responsabilité que des personnes issues du même milieu aura certes des réunions très calmes et agréables, mais pas très productives.

Recrutement : aucune preuve scientifique prouve que les Suédois d’âge moyen seraient meilleurs que les autres dans le commerce d’articles d’ameublement. […]

Motivation : la reconnaissance est un facteur de motivation très puissant. La promotion, ou même la simple perspective de promotion, instaure une forte motivation. […] « Je suis un partisan des organisations « plates ». Plus il y a de niveaux hiérarchiques, plus il y a de bureaucratie et moins il y aura de responsabilité individuelle. À chaque fois que le développement de l’entreprise exigeait l’addition d’un niveau hiérarchique, par exemple au niveau régional, j’ai toujours refusé de le faire. Si nécessaire, un poste de directeur régional est créé, mais jamais une structure complète. Si possible, les directeurs régionaux doivent avoir une autre casquette. Contrairement à ce qui est communément admis en management, je préfère que l’étendue des responsabilités d’un cadre dirigeant soit très large. »

« PLUS LE CLIENT S’IMPLIQUE, MOINS LE PRIX EST ÉLEVÉ »

« J’ai la conviction que les gens ont plus de temps que d’argent. Plus le client s’implique dans le processus de vente, moins le prix du produit sera élevé. Tout le système de commercialisation repose sur l’intégration du client dans le système de distribution. Le client choisit le produit, le prend, le paie à la caisse, le transporte et l’assemble lui-même. »

« LE MARKETING SELON DILBERT »

« La communication-marketing a toujours été l’une des disciplines qui m’ont le plus frustré. Quand je dois écouter des présentations interminables sur la segmentation du marché, la publicité de marque et le comportement des clients, je suis constamment tenté de revenir à la conception du marketing selon Dilbert : « Tout ce que vous avez besoin de savoir, c’est que vous vendrez plus de produits en baissant les prix. » Et souvent, les choses sont réellement aussi simples que cela. »

BACK OFFICE Derrière les magasins, la logistique et l’internet

« Des efforts se sont également portés sur l’augmentation des livraisons directes des fournisseurs aux magasins pour réduire les coûts d’approvisionnement. La proportion des livraisons directes est ainsi passée de 25% à près de 40% en 2009. Cela a été rendu possible grâce à des volumes de vente plus importants ainsi que par l’augmentation de la surface des magasins. Un changement important a été entrepris dans la stratégie de distribution. Jusque-là, tous les entrepôts centraux stockaient l’ensemble de la gamme (à l’exception des articles en livraison directe). Dans la nouvelle stratégie, les biens durables, qui représentent près de 10% des ventes mais 50% des articles, sont désormais stockés dans un ou deux entrepôts centraux qui servent toute l’Europe tandis que les produits de grande consommation, qui composent 50% des volumes vendus, sont stockés dans des entrepôts à proximité des marchés locaux. […] « En près de dix ans, le site d’kea est passé de pratiquement 0 à 500 millions de visites par an. Les TIC et les médias numériques vont prendre de plus en plus d’importance dans l’expérience magasin, en améliorant les services (caisses automatisées, cartes de fidélité, crédit), les opérations (fixation des prix, gestion des stocks) et les ventes (démonstration de l’utilisation des produits…). Les nouvelles technologies faciliteront le travail des employés, mais elles vont jouer un rôle déterminant pour mieux intégrer le client dans le processus de vente. »

PROPOS RECUEILLIS PAR J.-B. DUVAL
Pour en savoir plus : http://www.lsa-conso.fr

Temps de travail, salaires, hierarchie, faut-il tout casser ?

Capital

38% des salariés français affirment que leur motivation au travail est en baisse. Ce qui classe les Français parmi les travailleurs les plus démotivés d’Europe ! Des salaires trop bas pour certains, pas assez de temps libre, trop de pression de la hiérarchie pour d’autres, un code du travail trop contraignant… La liste des blocages à l’épanouissement est longue.

Salariés, patrons, entrepreneurs : comment trouver le juste équilibre au travail ? Qui sont ceux qui tentent de réinventer de nouveaux modèles ? À quoi ressemble le bureau du bonheur ?

Libérez mon entreprise ! C’est une petite révolution dans le monde du travail. L’entreprise de demain sera libérée ! Plus de pointeuse, plus de chefs de service… Mieux encore plus de patron. Les maîtres-mots sont confiance et autonomie. À priori, le rêve de tous les salariés. Ce nouveau mode d’organisation boosterait même les performances des entreprises. Ce concept séduit aujourd’hui de plus en plus de PME mais aussi des grands groupes comme Kiabi, Auchan ou Michelin.

L’entreprise libérée est même devenue une marque, synonyme de bien-être pour tous. Mais derrière la belle vitrine ne serait-ce pas que de la poudre aux yeux, juste un argument marketing dont l’objectif serait d’éliminer les postes clés pour réduire la masse salariale et les coûts ?

http://www.6play.fr/m6/capital/11527364-temps-de-travail-salaires-hierarchie-faut-il-tout-casser

J’étais à la CCI de Grenoble lors de la conférence d’Isaac Getz sur l’entreprise libérée, vous me verrez vous faire un clin d’oeil à la minute 20 de l’émission, ne me loupez pas !!!

Marie DAVIENNE – KANNI

Le bonheur au travail

 

https://youtu.be/GRG506rCrQw

Qui, aujourd’hui, peut se vanter d’être heureux sur son lieu de travail ? Certainement pas les 31% de salariés « activement désengagés » – ceux qui ont une vision négative de leur entreprise et peuvent aller jusqu’à lutter contre les intérêts de cette dernière. Inspiré de l’armée, le modèle d’organisation du travail visant à contrôler l’ensemble des salariés en leur attribuant des tâches limitées a peu changé depuis la fin du XIXe siècle. Aujourd’hui, employeurs comme employés doivent s’accommoder d’un système archaïque qui ne correspond plus à personne : ni efficace, ni rentable. Toutefois, au milieu de l’apathie générale causée par ce dérèglement, certains refusent la fatalité et travaillent à l’entreprise du futur.

Métro, boulot, bingo

Que peuvent avoir en commun le ministère de la Sécurité sociale belge, le géant indien HCL et Chronoflex à Nantes, leader en France du dépannage de flexibles hydrauliques ? Toutes sont des entreprises « libérées ».  Leur principe : la suppression de toute hiérarchie intermédiaire doublée d’une autonomie totale des salariés à propos des décisions prises pour améliorer leur productivité. Par ailleurs, leurs leaders sont choisis par les salariés. Et cela marche : la croissance de ces sociétés est relancée de manière assez spectaculaire ; les bonus, augmentations et dividendes ne tardent pas à tomber. Martin Meissonnier filme les femmes et les hommes qui, malgré le pessimisme général, ont su sortir du cadre établi pour inventer de nouvelles formes d’organisation du travail. Une bouffée d’air frais bienvenue.

Pour en savoir plus : http://www.arte.tv/fr

Entreprise libérée : dérive symbolique et confusion des genres

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Les publications sur les entreprises libérées pullulent dans un contexte de réorganisation managériale des entreprises. Le point sur les dérives et confusions.

 

Il aura suffi d’un article de François Geuze « Entreprise libérée, entre imposture et communication » et surtout de la part de son auteur beaucoup de bon sens et le souci des Hommes pour faire passer l’entreprise libérée du statut de vague balayant nos organisations obsolètes, à un concept de « philosophie architecturale » dans un article écrit (en réponse ?) quelque temps après par Isaac Getz « L’entreprise libérée une question de philosophie ».

J’ai toujours considéré l’essai de Getz sur l’entreprise libérée comme une formidable attaque contre le taylorisme avec la particularité de parler d’Hommes et surtout de mettre en avant des PME apportant cette « performance de niveau mondial ». La symbolique est remarquable.

C’est là le grand paradoxe. Même si l’auteur additionne des réussites exemplaires de petites structures, voire de petites structures initiales devenues parfois des géants, son message s’adresse avant tout aux grands groupes. Les PME ne sont pas concernées par les descriptions d’Isaac Getz sur ces entreprises sclérosées par le tout contrôle, les empilements hiérarchiques les additions de procédures jusqu’aux réunions stériles.

Son dernier article paru en juin 2015 sur « Le Monde.fr » participe encore à cette confusion des genres. Il ne s’agit pas ici de l’analogie avec les architectes que les professionnels apprécieront, mais de ce dirigeant bureaucrate responsable de tous les maux de nos entreprises, auquel Getz oppose le dirigeant « libérateur ».

L’image peut paraître belle sauf que le dirigeant bureaucrate n’existe pas, en tout cas pas dans les PME, cible marketing privilégiée des promoteurs de l’entreprise libérée en France. Un entrepreneur bureaucrate disparaîtrait aussi vite que son entreprise serait créée. La seule bureaucratie dans les PME est celle imposée par l’Administration dont tout le monde est d’accord sur l’urgence de s’en libérer.

Par grand groupe, il ne faut pas comprendre une organisation supérieure à 250 personnes, taille à partir de laquelle, toujours suivant Isaac Getz, ne pouvant plus se rappeler du prénom de chacun, nous ne pourrions échanger oralement dans le respect et la confiance. Les contraintes du tout contrôle sont liées avant tout à la culture de ces géants et à leur mode d’organisation.
Les petites filiales des grands groupes ont les mêmes contraintes que leurs maisons mères. Ce n’est donc pas une question de taille, mais de culture. Plus que les paroles du dirigeant, ce sont ses actes vécus au quotidien qui déterminent la réalité de ce qu’est la culture de l’entreprise et de son impact sur les salariés. Peu importe la taille.

Isaac Getz n’est pas le seul à faire une confusion entre la gestion des grands groupes et celle des PME. L’immense majorité de ce que nous pouvons lire en provenance de consultants, experts et professeurs concernant le management fait référence aux modes d’organisations des Géants (si possible Anglo-saxons).

Nous sommes encore confrontés à un beau paradoxe, les salariés dans les PME en France y étant 4 fois plus nombreux, 7 fois si on ajoute les TPE. Serait-ce lié à l’adage :« qui peut le plus peut le moins ? » Encore faudrait-il que la tâche dans une PME y soit plus aisée ce qui est loin d’être prouvé. De toute façon, le débat ne se situe pas à ce niveau-là.

Hommes vs management

Les grands groupes ont abandonné les Hommes au nom du taylorisme ou plus proche de nous dans le temps du management par les process à travers les ERP (enterprise ressource planning) et les modes managériales plus ou moins bien mises en œuvre (cost killing, reegineering, lean…), tout ceci ayant conduit à l’exploit déplorable de mettre l’Homme au service d’un outil.

Ce mode de management et d’organisation, développé dans les années 1990, vendu par les consultants et les intégrateurs offrait l’avantage, quand bien géré, de générer un résultat prévisible en appliquant des standards efficaces, la prévisibilité du résultat d’une entreprise cotée en bourse étant plus importante que sa valeur absolue grâce au niveau de confiance apporté au marché.

La crise, les changements d’habitude de consommation, l’avènement du numérique font que ce mode d’organisation basé sur un budget à tenir ne fonctionne plus. Avant même d’être fini, le budget est déjà obsolète. En imposant à chacun des « meilleures façons de faire » via des procédures, en mettant le focus sur le contrôle des tâches, tuant la créativité et l’initiative, nous avons participé à la déresponsabilisation puis au désengagement des salariés.

Les Hommes dans les PME constituent un levier de performance clé ou dit autrement, les salariés sont source de valeur ajoutée potentielle. N’étant pas tenu par le tout contrôle et le reporting, cela se traduit par une capacité d’engagement plus forte. La responsabilisation, la confiance, le respect sont des atouts essentiels pour obtenir cet engagement supérieur, créer une énergie nouvelle.

Si le management de responsabilisation n’est pas nécessairement présent dans les PME, il leur est facilement et rapidement accessible, car il dépend essentiellement de la volonté du dirigeant, étant accepté par la grande majorité des salariés, surtout quand il s’accompagne de principes tels que le respect et la confiance. C’est non seulement une différenciation essentielle avec les grands groupes, mais surtout l’atout majeur dans la recherche d’agilité des PME.

Libérer les énergies sans exclure

Les fondements de l’entreprise libérée passent par la suppression du management intermédiaire et des fonctions support qui ne « servent à rien » et qui surtout empêcheraient les salariés de s’exprimer. L’autogestion de la libération est-elle le mode d’organisation apportant la meilleure valeur ajoutée des Hommes ?

Il serait intéressant de pouvoir en débattre. La responsabilisation est un acte inclusif. Partir du principe d’exclure une catégorie de salariés génère une contradiction qui au minimum créera un frein important jusqu’au risque de rejet et donc d’échec.

Si effectivement une organisation (petite ou grande) où l’Homme est responsabilisé implique une évolution du rôle du manager, pourquoi remettre en cause son existence dans l’entreprise dans la mesure où comme chaque collaborateur il apporterait sa propre valeur ajoutée, tournée vers la réussite de l’équipe ? Plutôt que de concentrer le potentiel des salariés responsabilisés à chercher comment se passer de leur manager, ne vaut-il pas mieux orienter cette énergie vers l’extérieur, apporter rapidement cette qualité et cette performance qui feront la différence sur le marché et les clients ?

Il n’est pas prouvé que l’autogestion des salariés de l’entreprise libérée offre au marché un meilleur potentiel de valeur qu’une organisation responsable avec un encadrement intermédiaire et des fonctions supports adaptés à cette logique de management. Le nombre de PME en France pratiquant ce management responsable et apportant une performance de niveau mondial est au moins aussi important que les quelques exemples d’entreprises libérées régulièrement cités.

Ce qui est par contre acté par les promoteurs de cette mode c’est qu’il faut beaucoup de temps pour faire évoluer la culture et l’organisation de l’entreprise libérée. Effectivement, la perte d’énergie est considérable. En se focalisant sur la suppression de son encadrement intermédiaire et la recherche d’un nouveau modèle, le dirigeant y concentre l’essentiel du  potentiel d’énergie libérée par l’acte de responsabilisation.

Défaire une organisation, compenser la perte de repère lié à la mise en place de l’autogestion, pour ensuite espérer trouver la solution, on peut comprendre que cela prenne plusieurs années avec des risques d’échec significatifs. Et pour quel gain ? Le lien entre l’autogestion et l’innovation vendu par les promoteurs de la libération n’étant pas démontré (lire : « Entreprises libérées et innovation » sur « Le Cercle Les Echos »), il reste dans cette affaire beaucoup de temps et d’énergies dépensés sur une opération qui risque de se résumer en définitive à un violent cost killing.

La performance des PME : une question d’énergie

Les PME n’ont rien à gagner à copier les grands groupes dans leur réduction de structure. Leur force réside dans leur capacité à libérer rapidement cette énergie nécessaire pour faire la différence.

Responsabiliser implique bien entendu des évolutions d’organisation, des remises en causes à tous les niveaux hiérarchiques de l’entreprise et en premier lieu chez le dirigeant. L’essentiel pourtant n’est pas là. Plus que la puissance de l’énergie libérée c’est sa direction qui importe et comment elle va toucher.

Où et comment diriger cette énergie afin qu’elle permette à l’entreprise de faire la différence dans un environnement devenu structurellement changeant ? Pour quel business model ? C’est à cette question que le dirigeant devra répondre. Nous connaissons déjà une partie de la réponse. Les Hommes y feront la différence.

Par Loïc Le Morlec,

spécialiste en organisation

En savoir plus sur http://www.lesechos.fr

L’intelligence collective, cette étonnante capacité du vivant

Intelligence-collective

 

Quand on parle d’intelligence collective on a souvent l’impression de quelque chose d’assez flou, d’aléatoire, ce terme offre une dimension presque divine à ce qu’on pourrait aussi appeler l’organisation autogestionnaire du vivant. Car il s’agit de cela !  Le vivant crée de manière spontanée une multitude de structures d’organisations autogérées et impressionnantes d’efficiences. Comme vous l’aurez donc compris, aujourd’hui nous allons plonger dans le domaine passionnant de l’intelligence collective.

1 – L’intelligence collective dans la nature.

Commençons par le commencement, tout d’abord, qu’est ce que l’intelligence collective ?

Il s’agit de la capacité cognitive d’un groupe d’individus interagissant les uns avec les autres, formant par leurs interactions, une organisation plus ou moins complexe. La connaissance de la structure globale est ignorée par les membres du groupe qui n’ont qu’une perception partielle de la structure globale, ils n’ont pas conscience de la totalité des éléments qui influencent le groupe. D’un point de vue extérieur, la multitude d’interactions entre les différents membres du groupe formera ce qu’on appelle communément une synergie ou une stigmergie chez les espèces eusociales.

Dans le règne animal, l’intelligence collective s’observe principalement chez les insectes sociaux (fourmis, termites, abeilles), et les animaux communautaires, notamment se déplaçant en formation (oiseaux migrateurs, bancs de poissons) ou chassant en meute (loups, hyènes, lionnes). C’est au sein des sociétés d’insectes que l’on rencontre les formes d’organisation les plus complexes et également les structures les plus élaborées.

Banc de poisson

Essaim d'abeille

spotted_groupinwater

 

Si l’on prend l’exemple des fourmis, on a longtemps pensé – à tort – que les sociétés de fourmis fonctionnaient sur un mode d’organisation semblable à celui qui domine dans nos sociétés humaines, à savoir un système hiérarchique et très centralisé. Mais les études réalisées au cours des quarante dernières années ont mis en exergue des mécanismes d’auto-organisation caractérisant les phénomènes de coordination collective à l’intérieur de ces sociétés. La colonie dans son ensemble est en effet un système complexe auto-régulé, capable de s’adapter très facilement aux fluctuations environnementales sans contrôle externe et de manière totalement distribuée.

Dans une publication de 2009 (1), Guy Théraulaz – directeur de recherches au CNRS, Docteur en neurosciences et en éthologie – nous explique que le cerveau des fourmis, qui comprend environ cent milles neurones, n’est pas suffisamment performant pour permettre à une seule fourmi d’emmagasiner l’ensemble des informations sur l’état de la colonie et assurer ensuite la répartition des tâches et le bon fonctionnement de la société. En outre, les fourmis ne possèdent aucune connaissance explicite des structures qu’elles produisent ; chaque fourmi n’a généralement accès qu’à une information très limitée sur ce qui se déroule dans son environnement. Le fonctionnement de ces sociétés repose en grande partie sur des réseaux complexes d’interactions – sans chef d’orchestre – permettant aux fourmis d’échanger de l’information et de coordonner leurs activités.

teamwork-fourmis

2 – L’intelligence collective humaine

L’intelligence collective est un élément fondateur des organisations sociales. Qu’il s’agisse d’une entreprise, d’un gouvernement ou d’une équipe de sport, tous ont en commun de rassembler des individus pour échanger et collaborer de telle manière à trouver un avantage supérieur tant individuel que collectif à ce qui aurait été obtenu si chacun avait agit isolément. Il existe dans les sociétés humaines différentes formes d’intelligence collective. Nous allons ici les énumérer et étayer leurs caractéristiques – de façon non exhaustive – en nous appuyant sur les travaux de Jean François Noubel – chercheur et fondateur du Collective Intelligence Research Institute – et en particulier sur une publication de 2004 s’intitulant « L’intelligence collective, la révolution invisible ».

a) L’intelligence collective pyramidale

L’intelligence collective pyramidale anime aujourd’hui la grande majorité des organisations humaines, et c’est elle qui se trouve au cœur de notre système politique et économique. Elle permet de mettre en œuvre une « machinerie sociale » qui coordonne et maximise la puissance de la multitude. Cette forme d’intelligence collective coïncide avec la naissance de l’écriture et le début des grandes civilisations. Nous entrons ici dans une mutation inédite de l’histoire de l’humanité, marquée par une explosion de complexités et de changements massifs tels que l’arrivée de l’agriculture, la sédentarisation, la spécialisation du travail et l’urbanisation des territoires. L’écriture constitue la technologie centrale permettant à l’intelligence collective pyramidale de fonctionner. On peut ainsi sortir des traditions orales où il faut se trouver dans le même espace-temps pour communiquer. L’écriture a alors permis de transmettre des directives, d’administrer, de compter.

Au sein des édifices humains à intelligence collective pyramidale, le travail est divisé, c’est-à-dire que chacun doit se mouler dans un rôle prédéfini. La division du travail a pour corollaire la division de l’accès à l’information. Ainsi, la totalité de l’information converge vers un point central, tout en étant que partiellement – voire pas du tout – accessible aux autres. On nomme cette propriété panoptisme. L’autorité constitue également un principe actif de cette forme d’intelligence collective : qu’elle soit de droit divin, au mérite ou par filiation, l’autorité instaure une dynamique dite de commande et de contrôle ; c’est une position de dominance généralement institutionnalisée (général, doyen d’université, PDG, etc.). De plus, la monnaie est caractérisée par la rareté : il y a en effet un phénomène de concentration de la monnaie entre les mains de quelques-uns. Cette rareté organise les chaînes de subordination de ceux qui ont besoin envers ceux qui possèdent.

L’intelligence collective pyramidale fonctionne dans un contexte de forte stabilité, mais démontre une incapacité structurelle à s’adapter aux sols mouvants et imprévisibles.
Aujourd’hui nous subissons cruellement les limites des organisations de l’intelligence collective pyramidale. Leur déficience face à la complexité systémique se traduit par un symptôme courant : celui de s’engager dans des directions contraires aux volontés de leurs propres acteurs, soit parce que la coordination interne est virtuellement impossible, soit parce que les dirigeants se servent de l’opacité de fait – voire la cultivent et la légitiment – pour abuser de leurs pouvoirs.

hierarchie

 

b) L’intelligence collective en essaim

A l’image des sociétés d’insectes, l’intelligence en essaim est “aveugle” du fait de son absence d’holoptisme ; aucun des individus n’a une quelconque idée de ce qu’est l’entité émergente. Chez l’humain, on observe une forme d’intelligence en essaim qui se manifeste dans le domaine de l’économie. A chaque fois que nous effectuons un paiement, nous engageons un geste assez similaire, dans sa simplicité et sa dynamique, à celui d’un échange entre deux insectes sociaux. De la multitude de transactions simples d’individu à individu émerge un système collectif très élaboré. De plus, les nombreuses théories économiques fondent leurs doctrines sur des interactions entre agents indifférenciés (exemple : le consommateur).

Par conséquent l’intelligence en essaim fonctionne à cette condition qu’il y ait uniformité et désindividuation des agents. Ces derniers, anonymes parmi la multitude d’autres agents anonymes, y sont facilement sacrifiés au nom de l’équilibre global du système. C’est une idéologie dangereuse, puisque les faits nous montrent que pour l’instant le système se montre globalement destructeur de notre environnement et peu soucieux des vies humaines, autrement dit il semble condamné à court terme dans sa forme actuelle.

Système économique représentant l'intelligence collective en essaim

c) L’intelligence collective originelle

L’intelligence collective originelle concerne l’intelligence en petits groupes dont nous avons tous une expérience directe. Au travail, dans la vie associative ou au sein d’un groupe de musique, ces différents contextes mettent en scène un petit nombre de personnes en proximité sensorielle et spatiale les unes vis-à-vis des autres. L’autre particularité de cette forme d’intelligence collective est qu’il n’y a pas d’opposition entre l’intérêt individuel et l’intérêt collectif, les deux se nourrissent mutuellement, et l’on constate également une grande individuation des personnes constituant le groupe. Si l’on prend l’exemple d’un groupe de musique, plus le musicien devient individué et se perfectionne, plus le collectif sera nourri. Inversement, plus le collectif est soudé, plus ça va amener le musicien à exister. Enfin, l’intelligence collective originelle est caractérisée par une propriété essentielle, opposée au panoptisme : l’holoptisme.

L’holoptisme se définit comme un espace permettant à tout participant de percevoir en temps réel les manifestations des autres membres du groupe ainsi que celles émanant du groupe lui-même. Dans notre exemple, un groupe de musique fonctionne en situation d’holoptisme car chaque musicien perçoit ce que font les autres ainsi que la figure émergente du groupe. En outre, l’une des qualités majeures d’un bon musicien tient au fait qu’il soit capable de se sentir parfaitement relié au reste du groupe, autrement dit au tout, et qu’il y ait une relation de miroir entre lui et ce tout, constituant ainsi la cohésion du groupe.

Cette forme d’intelligence collective rencontre deux limites naturelles : d’une part numérique, car seul un nombre limité de personnes peut interagir efficacement, faute de quoi le niveau de complexité devient trop important ; d’autre part spatiale car les personnes doivent se trouver dans un environnement physique proche afin que leurs sens organiques puissent communiquer entre eux et que chacun puisse appréhender la globalité de ce qui se passe dans cet environnement donné (holoptisme).

Actuellement, une nouvelle forme d’intelligence est en train d’émerger : l’intelligence collective holomidale. Elle se caractérise par ses structures peu hiérarchisées, mais où les rôles émergent des individus. La technologie centrale de l’intelligence holomidale est internet. Elle possède également une structure très décentralisée et distribuée avec le développement d’une économie mutualiste et collaborative où la compétition et l’argent sont beaucoup moins présentes que dans l’organisation pyramidale.

 

3 – Les limites de l’intelligence collective humaine

Comme tout type de structures, l’intelligence collective humaine a elle aussi ses limites, voici quelques exemples de contraintes que peuvent rencontrer les groupes fonctionnant en intelligence collective.

L’intelligence collective originelle rencontre deux limites naturelles (2) :

– Numérique : seul un nombre limité de personnes peut interagir efficacement, sans quoi on atteint vite un niveau trop élevé de complexité qui génère plus de “bruit” que de résultats effectifs, ce qui limite grandement les capacités du groupe ;

– Spatiale : les personnes doivent se trouver dans un environnement physique proche afin que leurs interfaces naturelles (sens organiques) puissent échanger entre elles, afin que chacun puisse appréhender la globalité de ce qui se passe (holoptisme) et adapter son comportement en fonction.
C’est la raison pour laquelle on ne connaît aucun sport impliquant quatre-vingt joueurs. Cette limitation est également valable pour les groupes de jazz, les meetings professionnels, etc. Lorsque nombre et distance deviennent trop importants, il y a généralement fractionnement. D’autres stratégies, d’autres organisations ont été développées au cours de l’évolution, nous allons maintenant les aborder.

Limite de l’intelligence collective pyramidale (2)

L’intelligence collective pyramidale a bien entendu des limites : contrairement à l’intelligence collective originelle, elle démontre une incapacité structurelle à s’adapter aux sols mouvants, imprévisibles et disruptifs de la complexité.

– Division du travail : l’architecture sociale est “codée en dur” (organigrammes, définitions de poste, niveaux d’accès à l’information…), en aucun cas cette dernière ne peut s’automodifier au fil des circonstances comme dans le cas d’une équipe de sport. Quels que soient les efforts effectués pour améliorer et optimiser la circulation de l’information, on buttera toujours sur les limites intrinsèques de la structure hiérarchisée, ses effets cliquets, sa dynamique fondée sur les territoires et les prérogatives ;

– Autorité : les organes de direction, réduits à des minorités dirigeantes, sont par nature incapables de percevoir et traiter l’énorme flux d’informations qui traversent le grand corps de l’organisation dont elles ont la charge. Voilà qui engendre des visions réductionnistes, sources de nombreux conflits entre la “tête” et la “base” ;

– Argent rare : la rareté engendre une compétition qui minimise d’autant la collaboration, donc la capacité d’adaptation ;

– Standards et normes : le plus souvent subordonnés à une logique de compétition, ils servent une stratégie de territoire et de monopole par principe de raréfaction artificielle du savoir (brevets, propriété intellectuelle…), plutôt qu’une maximisation de la perméabilité et de l’interopérabilité avec le monde extérieur. L’exemple le plus connu dans le monde de l’informatique est celui du système d’exploitation Windows de Microsoft qui occupe l’immense majorité des microordinateurs, ce qui rend l’utilisateur final dépendant des évolutions, lui permet difficilement d’évoluer vers d’autres environnements, et impose à l’ensemble du marché des “points de péage” (licences, agréments, formations, etc).

Autres contraintes des intelligences collectives.

  • les décisions de groupe, où les membres n’osent pas dire ce qu’ils pensent ;
  • l’acceptation passive d’un état de fait dont l’individu se doute qu’il mène à une catastrophe ;
  • les discussions sur les choix et les conséquences des décisions souvent confuses et ne menant à rien ;
  • l’avis des experts sans conséquence face à l’opinion d’un groupe dont les individus se trompent ;
  • ou au contraire les participants acceptant sans réflexion l’avis d’experts ;
  • les votes démocratiques qui portent un dictateur à la tête du groupe ;
  • les représentations collectives qui norment les comportements aux détriments d’une classe ou d’une autre.

L’intelligence collective est ainsi limitée par des effets de groupe (conformisme, crainte, fermeture, absence de procédure, homogénéité idéologique), au point que l’individu seul peut parfaitement être plus intelligent que tout un groupe car, il conserve mieux sa pensée critique seul que sous l’influence du groupe.

Toutefois, les critiques ci-dessus s’appliquent plus au travail collaboratif de type humain qu’à l’intelligence collective de typefourmi (Intelligence distribuée). Toute personne peut se faire une opinion propre. Les fourmis ne semblent pas avoir d’opinion, ni même d’intérêt personnel différent de l’intérêt du groupe. (3)

4 – L’intelligence collective virtuelle (Internet)

Internet peut être considéré comme un immense réseau neuronale planétaire, interconnectant les individus du monde entier en temps réel. Ce réseau d’ordinateurs interconnectés, prolongements électroniques des cerveaux humains donna naissance à la plus vaste structure d’intelligence collective virtuelle au monde.

Modélisation d'un réseau de 5 millions de nœuds

Dans cette modélisation, l’ingénieur réseau Barrette Lyon a réalisé avec l’aide du logiciel Traceroute, une représentation visuelle d’un réseau de 5 millions de nœuds. Comme vous pouvez le constater, la représentation graphique de ce réseau peut étrangement ressembler à celui de nos neurones cérébraux ou de la structure d’un réseau de galaxies. Il s’agit simplement de la propriété géométrique de ce type de structures : le réseau.

Réseau de neurones

Réseau de galaxies

réseau capillaire. (Image prise au microscope optique. Valeur d'agrandissement non disponible

Ce réseau interconnecté peut-être considéré comme l’outil créant la plus grande intelligence collective artificielle. Nous pouvons aisément assimiler  ce réseau à une des parties essentielle du système nerveux des so­ciétés humaines, qui peut même être comparable au système nerveux des êtres vivants. Les hommes qui participent à la création de ce réseau ou qui l’utilise régulièrement, sont considérés comme les cellules des nouveaux nerfs et organes sensoriels dont se dote la planète. Ils sont les neurones de la Terre : les cellules d’un cerveau en formation aux dimensions de la planète Terre. (4)

5 – Limites et contraintes de l’intelligence collective virtuelle

Contrairement à  l’intelligence collective naturelle qui s’organise au travers d’échanges entre êtres vivants, l’intelligence collective virtuelle se construit par l’intermédiaire de machines/outils servants de “ponts” ou “nœuds” entre les individus. De ce fait, cette forme d’intelligence collective est dissociable de celle qui s’organise naturellement dans le vivant.

Ressenti d’inutilité ou illusion d’utilité

L’intelligence collective sur Internet, peut créer, de part son fonctionnement virtuel, une impression de “remplacement” de la vie “réelle”. Cette impression est caractérisée par le manque d’impact que peuvent avoir les initiatives se restreignant à l’environnement virtuel et peut laisser un ressenti d’inutilité ou au contraire une illusion d’utilité pour les personnes participants à des initiatives ou groupes se focalisant sur Internet. Cette caractéristique est principalement observée dans les groupes de discussions ou mouvements dont l’activité est cantonnée sur Internet. L’illusion d’utilité est observable sur les sites à caractères “militants”, proposant de faire signer des pétitions bienfaisantes ou défendant des causes humanitaires ou environnementales. Ce processus profite ainsi de notre capacité à nous réjouir de nos bonnes actions immédiates pour créer l’illusion de l’utilité de l’action, voir pousser à l’inaction.

 

Regroupement et surinformation

Les mécanismes de regroupements sont relativement différents sur la toile. Des groupes, peuvent en un rien de temps, regrouper des milliers, voir des millions de personnes autour d’une chose commune. Très souvent ces groupes permettent une communication entre personnes et un échange de données et d’informations. Des groupes de plusieurs milliers de personnes, peuvent très facilement véhiculer une masse impressionnante d’informations difficilement traitable par un humain normalement constitué.  De ce fait, la surinformation et les mécanismes qui en découlent (instantanéité, précipitation, manque d’intérêt pour ce qui n’est pas attractif au premier coup d’œil, etc) peuvent générer des effets néfastes pour l’intelligence individuelle…

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Anonymat et communication

Chose remarquable et remarquée de presque toutes les personnes ayant participé à des débats sur un réseau social virtuel. L’anonymat des individus crée soudainement une opportunité absolument merveilleuse pour “communiquer” contre l’autre et non plus avec l’autre. Toutes les barrières tombent et les noms d’oiseaux fusent, comme ci, Internet nous rendait soudainement incapable de pouvoir échanger poliment dans le respect de l’autre. Ceci donne des incompréhensions, des débats stériles, voir nocifs pour le groupe.

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Contraintes de l’outil d’intelligence collective virtuelle

Une des contraintes majeur de l’intelligence collective virtuelle est causée par les mécanismes de contrôles, poussant les gouvernements et les grandes entités privés à adopter des pratiques de surveillances de masses, de censure, de contrôle ou manipulation de l’information, d’accumulation de données sur les utilisateurs, etc. Ces contraintes ne sont pas seulement présentes sur cet outil, car elles sont généralement inhérentes aux structures pyramidales. L’intelligence collective virtuelle n’est pas un type de structure en soit, car sa diversité contient aussi bien des groupes fonctionnant sur des structures pyramidales, en essaims ou originelles. Seulement, les structures de contrôles fonctionnent sur des schémas pyramidaux, ces contraintes sont donc une conséquence de ce type de structure. La propriété intellectuelle peut tout aussi être assimilée à une contrainte majeure de l’outil.

L’outil est aussi privateur de données dans le processus d’échange avec l’autre. Étant des êtres doués de perceptions sensorielles, les humains ont encore (heureusement) besoin de communiquer en recevant des informations sensitives. De ce fait, l’écriture est une restriction de nos sens dans l’échange avec l’autre. Nos yeux ne peuvent voir le visage de la personne, capter la multitude de signaux non verbaux que nous pouvons nous échanger inconsciemment, ou entendre l’intonation de la voix, la vitesse d’élocution ou le ton employé. Ceci est une perte d’information qui, certes, peut être compensée via des logiciels d’échanges audio ou vidéo, mais la plupart du temps, les échanges se font de manière écrite, cela bride nécessairement toute la complexité que procure une communication physique sans intermédiaire technologique.

 

 6 – Les rôles émergents dans une intelligence collective virtuelle d’échange de données.

Enfin, voici une petite infographie qui présente les différents rôles que l’on voit émerger dans les intelligences collectives d’échange de données, les individus s’orientent naturellement vers plusieurs types de rôles bien spécifiques qui servent à faire avancer le groupe.

intelligence-collective-echnage-de-données

 

Anaïs Ferrara & Stéphane Hairy

Pour en savoir plus : http://4emesinge.com/

 

Source :

(1) Guy Théraulaz, L’intelligence collective des fourmis, Le Courrier de la Nature n°250, 2009

(2) Jean-François Noubel, L’intelligence collective, la révolution invisible [PDF]

(3) Wikipédia – Limites de l’intelligence collective dans les sociétés humaines

(4) Wikipédia – Intelligence collective sur Internet