La laïcité est-elle menacée ?

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Présentée par Thierry Bezer, l’émission La Voix est Libre de ce samedi 1er novembre a évoqué le poids du religieux dans notre société. Les invités ont débattu à travers des exemples récents, tels que l’affaire du voile à Sciences-Po Aix ou les manifestations contre le mariage pour tous.

Les invités :

  • Raphaël Liogier, professeur des universités à Sciences-Po Aix, où il dirige l’Observatoire du religieux.
  • Père Charles Mallard, curé au Mourillon, professeur de théologie et de philosophie au séminaire de Toulon.
  • Mohsen N’GAZOU, imam de la mosquée du boulevard Viala à Marseille.

Pour voir la vidéo :

http://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes/emissions/la-voix-est-libre-provence-alpes

La laïcité, un cadre pour l’espace public

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A force d’écouter les discours politiques et de lire moult  articles de presse, on a facilement le sentiment que la question de la laïcité   ne fait que provoquer, sans fin,  soubresauts verbaux et effets de manche. A lire le petit livre d’entretiens avec Emile Poulat, co- fondateur du Groupe de sociologie des religions que nous propose Olivier Bobineau et Bernadette Sauvaget, on retrouve un peu de calme et de sérénité. Plutôt que de voir dans la laïcité un courant idéologique anti-religieux, Emile Poulat  tient à rappeler que ce concept est  né au lendemain des violences religieuses du XVIè siècle parmi  quelques intellectuels et responsable politiques, avec,  en ligne de mire, la construction d’une société pacifiée et  une forte conscience  que « la paix civile est une affaire trop sérieuse pour être abandonnée aux religions et à leurs ministres ». Un désir que la Révolution française de 1789, malgré la place prise par la violence politique,  n’a pas renié.
Si les débats autour de la loi de 1905 ont pu donner l’image d’une lutte de l’athéisme contre le catholicisme; pour Emile Poulat, cette loi, toujours en vigueur, est pacificatrice mais  fragile par le seul fait d’inclure même ceux qui l’exclut, qui la refuse, et rêve, peut-être, de revenir à la religion exclusive. Reste qu’elle a permis la construction d’un espace social ouvert et tolérant qui fait de la religion une affaire privée et de la liberté de conscience une affaire d’Etat. A lui  d’assurer notre liberté individuelle.

Notre laïcité ou les religions dans l’espace public
Emile Poulat
Entretiens avec Olivier Bobineau et Bernadette Sauvaget
Editions Desclée de Brouwer
95 pages ; 9,90 euros

Pour en savoir plus : http://www.fait-religieux.com

La laïcité au risque de l’Autre

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La charte de la laïcité introduite solennellement en 2013 par le ministre de l’Éducation nationale d’alors, Vincent Peillon et affichée depuis lors dans tous les établissements scolaires français proclame dans son article 12 « Les enseignements sont laïques. Afin de garantir aux élèves l’ouverture la plus objective possible à la diversité des visions du monde ainsi qu’à l’étendue et à la précision des savoirs, aucun sujet n’est a priori exclu du questionnement scientifique et pédagogique. Aucun élève ne peut invoquer une conviction religieuse ou politique pour contester à un enseignant le droit de traiter une question au programme. »

L’ouvrage « la laïcité au risque de l’autre » qui vient de paraître aux éditions de l’Aube se propose de prendre au mot cet article en questionnant… La laïcité telle qu’elle s’est mise en place en France. L’article 7 de la charte proclame par ailleurs que « la laïcité assure aux élèves l’accès à une culture commune et partagée ».

C’est principalement sur ce point que les auteurs une anthropologue et une sociologue se proposent de déconstruire nos représentations collectives, qui n’ont d’universel que ce que l’arrogance de la nation française, « patrie des droits de l’homme », s’arroge le pourvoir de définir comme universel.

La thèse soutenue est la suivante: alors que les conditions de la mise en place du projet émancipateur républicain ont radicalement changé depuis la république des Jules, alors que l’éducation civique ou morale de J. Ferry se déclare au service d’un très actif projet de société, un projet politique, aujourd’hui elle apparaît plutôt comme un remède ou une réponse, à des « problèmes » d’insécurité, d’autorité, de communautarisme.

Posée depuis les origines républicaines comme une forme supérieure de lien social, au service de l’émancipation, de la formation d’un esprit critique et de la promotion de valeurs universelles, la laïcité se manifeste aujourd’hui comme une forme identitaire majoritaire aux tendances islamophobes. Et le diagnostic collectif contemporain porté sur l’école de la République présente une forte tendance réactionnaire, au sens propre du terme: face aux dysfonctionnements de l’Ecole ce discours propose d’en revenir à une époque antérieure et cette nostalgie collective d’une société autour d’une école qui n’a jamais existé en dit long sur le processus d’amnésie collective, d’oublis sélectifs et de fantasmes qui produit les sociétés et le lien social.

La laïcité est le produit d’une histoire culturelle de la Raison et d’une tradition pratique et particulière de la rationalité, comme toutes les sociétés en connaissent. S’y référer sans cesse, à droite comme à gauche, au nom de la neutralité et de l’universel pour statuer sur les problèmes de la pluralité, ne peut que générer des sentiments d’injustice, car c’est conférer une dimension hégémonique à une conception toute particulière et majoritaire du bien, conception en crise en termes de projet socialisateur émancipateur et d’égalité d’accès aux biens premiers. Dès lors, la question se pose d’un avenir politique de la « laïcité à la française » dont l’école a été l’acteur cardinal.

Or l’école amplifie les inégalités sociales qui lui préexistent à l’aide de mécanismes de connivence entre curricula, techniques scolaires et valeurs culturelles des classes cultivées. Le plus frappant est que ce constat alarmant sur les écarts de réussite scolaire selon les origines sociales ne relève pas seulement d’une pensée de sociologie critique, mais est devenu en quelques décennies presque une vulgate autant qu’ une véritable affaire d’État, au centre d’une politique, dite d’égalité des chances, pilotant et gouvernant par objectifs et indicateurs.

Dés lors, la laïcité est alors un discours de double jeu, puisque le « discours de l’Ecole de la réussite de type méritocratique », fonctionne non seulement comme espace narratif de l’égalisation des chances (que l’analyse sociologique récuse), mais aussi comme légitimation de l’existence même d’une périphérie. Si la méritocratie est pensée en tant que vecteur d’une réussite personnelle possible, quelles que soient ses origines, c’est-à-dire à l’aune de ses compétences; la laïcité admet le périphérique comme nécessaire à sa propre pérennisation. Le double jeu consiste alors à ce que cette apparente neutralité sociale et politique justifie les parcours scolaires socialement et donc scolairement différentiels, niés dans leurs pratiques par le discours même qui les masque mais producteur d’une rhétorique enseignante de déploration et d’accusation.

L’école a fourni jusqu’au milieu du XXe siècle environ, l’accès vers un imaginaire et une identité organisés autour de l’idée de nation. Elle a instauré un nouveau type de légitimité politique, dont la citoyenneté a constitué le noyau de rassemblement supérieur à toute autre appartenance ou croyance. Elle a été le viatique vers l’Universel et la Raison, pour lesquels élèves et familles devaient faire passer au second plan leurs particularismes culturels, leurs langues régionales, leurs identités, leurs attaches.

Mais le « roman national » élaborant collectivement et de manière imaginaire un passé mythique et partiellement amnésique, grâce aux discours, aux pratiques et aux institutions, est devenu un des ressorts au nom de quoi l’exclusion de « l’étranger sociologique » se légitime, voire même son « intégration » au sens de disparation de ce qui fait altérité, fut-elle portée par de « petites différences ». Dans la république française moniste, « l’Autre doit devenir le Même » selon l’expression de Bruno Etienne et n’a pas droit à la différence: « cujus regio ejus religion ».

En effet, l’idéologie latente de cette unité moniste de la République laïque, largement portée par l’Ecole était évolutionniste: tous les peuples allait petit à petit (et surtout grâce à la France éternelle, à la Raison universelle et à l’Ecole) après avoir parcouru toutes les étapes, accéder à la Civilisation d’Auguste Comte et aux droits de l’Homme universel….sauf aujourd’hui les musulmans, voire même dans une figure essentialisée, le musulman, archétype de « l’étranger sociologique »; En particulier, le débat en France renforce sans cesse la représentation d’un clivage profond entre une identité musulmane réifiée et objectivée en culture, et une laïcité tout en principes et en proclamation Les professionnels du monde éducatif et scolaire sont alors invités d’un côté à déployer des efforts pour aller vers des parents que tout éloignerait de l’école (scolarité, capital culturel, quartier) et de l’autre à être les gardiens d’une neutralité que menacerait le « communautarisme » musulman.

Au fond, parents et professionnels savent que les institutions, au premier chef l’école, n’appliquent pas les idéaux proclamés de laïcité, de neutralité et d’égalité: « Refonder l’école de la République pour refonder la république par l’école »? Cette déclaration solennelle résonne étrangement. Que peut aujourd’hui offrir l’école en échange de l’ancienne remise d’un soi – différent, attaché – exigée au nom du respect des valeurs de la République? En tout cas, elle ne peut offrir ni de l’intégration, ni de la socialisation, ni de la mobilité sociale.

Coincés entre des injonctions contradictoires à s’intégrer à l’invisible d’un côté et à respecter leurs racines de l’autre, les jeunes descendants de migrants musulmans ont bien du mal à trouver le moindre sens à des leçons de morale laïque, alors qu’un débat binaire et stérile s’installe entre islam et laïcité. Alors qu’elle était, dans sa genèse, un outil politique au service d’un projet – même dominateur -, il faut bien admettre que la laïcité se transforme en instrument d’agression des minorités, principalement aujourd’hui vis-à-vis de la minorité musulmane qui concentre à elle seule l’idée d’une crise du modèle d’intégration français.

Ce modèle citoyen français, scotomisant les appartenances met à mal la construction des subjectivités, dans une radicalisation de la laïcité que questionne ce mythe contemporain de l’islamisation. Il n’est que voir la représentation des musulmans dans les manuels scolaires.

La thèse de l’ouvrage est que ce n’est pas tant un dévoiement de la laïcité qu’un aboutissement logique du déni systématique des identités culturelles, qui constituent une sorte de passager clandestin de la laïcité. Or, le propre même de notre seconde modernité est caractérisé par les potentialités d’un cosmopolitisme ouvrant pour un même individu à une pluralité d’identifications et encourageant la construction d’identités culturelles combinant individualisme et multi-appartenances.

L’idéal de la laïcité fondateur de la république française est aujourd’hui devenu prétexte à oblitérer toute prise en compte de l’altérité et ses figures, qui sont pensés comme menaces. Car la laïcité, œuvre de compromis de la IIIe république, n’est pas tant une articulation des activités privées et publiques à l’Ecole, une éviction des religions de l’école, une neutralité religieuse ou d’opinion revendiquée qu’un véritable modèle politique d’imposition et de légitimation d’un ordre social supposé pacifié et conçue comme emblème de la conception républicaine de l’espace public.

La laïcité française est aujourd’hui prise entre une droite développant de façon « décomplexée » les idées de hiérarchisation des cultures, et une gauche piégée par la référence à un universel émancipateur nécessairement fondé sur une supériorité de valeurs. Car la laïcité se situe intrinsèquement dans l’espace d’un universel substantiel et de surplomb (une manière de s’habiller, ou de manger, plutôt qu’une autre) et pas seulement procédural (une manière de trouver des solutions avec la discussion.)

L’ouvrage propose deux pistes qui s’offrent à l’action publique si la laïcité à la française peut être questionnée dans ces effets comme le propose la …charte de la laïcité. Aucun grand média et très peu de travaux scientifiques n’osent ouvrir cette question.

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Pour en savoir plus : www.huffingtonpost.f

Les Français pour l’interdiction des signes religieux ostensibles au travail

La rédaction | le 21.10.2014 à 14:16

Selon une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc), « aujourd’hui 81 % des Français adhèrent à l’interdiction du port visible de tout signe d’appartenance religieuse comme par exemple le voile, la kippa, la croix dans les entreprises ». Cette opinion a fortement évolué ces dernières années : en 2005, moins d’un Français sur deux (49 %) soutenait cette idée. Le rapport explique cette évolution par « des crispations à l’égard de la place de l’islam » et les débats autour du procès lié au licenciement d’une employée de crèche qui avait refusé de retirer son foulard sur son lieu de travail (affaire Baby-Loup).

De la même manière, d’après cette étude réalisée à la demande de la Direction générale de la cohésion sociale et intitulée « Le modèle social à l’épreuve de la crise », une proportion grandissante des sondés est attachée à ce que la religion soit cantonnée à la sphère privée. 67 % d’entre eux demandent par exemple que les pouvoirs publics veillent « avant tout, à ce que les croyances et les pratiques religieuses des individus ne soient pas visibles dans les espaces publics plutôt qu’à protéger la liberté des croyances et des pratiques religieuses (32 %) ».

Au total, 93 % des Français sont d’accord avec l’idée que « les religions peuvent créer des tensions au sein de la société ». Une idée qui traverse l’ensemble du corps social, y compris les personnes ayant la foi. L’apport positif des religions via la transmission de valeurs et de repères est moins net dans l’esprit des Français (69 %).

Plus globalement, la perception de la diversité ne fait pas consensus : selon l’étude, pour 55 % des Français « la diversité des cultures et des origines est une richesse pour notre pays », alors que pour 44 %, celle-ci « rend difficile la vie en commun ».

Une ligne de partage divise, d’un côté, « des publics plutôt jeunes, urbains, diplômés qui voient la diversité plutôt comme une richesse » et, de l’autre, « des personnes peu diplômées, séniors, habitants de zone rurale qui l’appréhendent comme une difficulté ». La perception « tient davantage aux attitudes en matière de tolérance en général (racisme déclaré, souhait d’intégration des immigrés) qu’à la proximité de vie avec les quartiers dits « sensibles » », souligne l’étude, basée sur l’enquête « Conditions de vie et Aspirations des Français », réalisée deux fois par an depuis 1978 et qui porte, à chaque vague, sur un échantillon de 2000 personnes de 18 ans et plus, enquêtées en face à face.

L’étude intégrale du Credoc

Pour en savoir plus : http://fait-religieux.com

Peu de Français revendiquent l’appartenance à une communauté

LA RÉDACTION | LE 15.10.2014 À 15:21

De plus, les Français, quelles que soient leurs origines, « plébiscitent à plus de 90% les valeurs républicaines, y compris la laïcité », selon un sondage pour la Licra.

Des passants dans les rues de Paris. (FRED DUFOUR / AFP)
Des passants dans les rues de Paris. (FRED DUFOUR / AFP)

Une minorité de Français, un sur cinq, a le sentiment d’appartenir à une « communauté spécifique » du fait de ses origines ou de sa religion, parmi lesquels beaucoup citent la France ou le catholicisme, selon un sondage OpinionWay pour la Licra publié mercredi 15 octobre.

Parmi les 22% de personnes citant leur appartenance à une « communauté spécifique », près d’un tiers se définit comme « Français » ou « Français de souche, vrai Français, Français d’origine… », d’autres citent la Bretagne (3%), l’Europe (4%), l’Afrique (3%).

Les Français « plébiscitent à plus de 90% les valeurs républicaines »

Quant à ceux qui invoquent une communauté religieuse, trois quarts sont catholiques, 9% musulmans, 5% protestants et 2% juifs, selon ce sondage.

Mais surtout, « l’immense majorité des Français n’affiche aucune appartenance communautaire », souligne la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), qui consacre ses universités annuelles, de vendredi à dimanche au Havre, à la lutte contre le communautarisme.

De plus, les Français, quelles que soient leurs origines, « plébiscitent à plus de 90% les valeurs républicaines, y compris la laïcité », se réjouit cette association.

Parallèlement, 77% des sondés jugent que les replis communautaires sont un danger pour la société. La majorité juge qu’ils sont liés aux conflits internationaux (67%), à la crise (62%), au besoin de valeurs, de racines (61%) et aux discriminations (58%).

Près de trois quarts des sondés (72%) estiment par ailleurs que la France ne traite pas toutes les minorités de la même manière mais aucune minorité n’apparaît unanimement comme privilégiée.

« A quelle minorité accorde-t-on le plus d’importance? », a demandé Opinionway aux sondés qui évoquaient une différence de traitement: 15% ont cité les étrangers ou immigrés, 13% les Juifs, 13% les musulmans, 5% les Roms, 4% les homosexuels, 4% les chômeurs, etc.

Le sondage a été réalisé les 8 et 9 octobre sur la base d’un échantillon représentatif de 1.006 personnes interrogées en ligne.

http://tempsreel.nouvelobs.com

« L’essentiel, c’est de participer ! »

DANIELLE ANDRÉ | LE 13.10.2014 À 12:12

Vendredi 29 septembre, 10 h, j’arrive «aux Minguettes». Plus précisément, au collège Paul Eluard à Vénissieux, dans la banlieue sud de Lyon. 24 paires d’yeux d’une classe de 6ème m’attendent, visiblement contents qu’une personne ait fait le déplacement rien que pour eux. Leur jeune professeure d’histoire-géographie fait les présentations. Elle a bien préparé ses élèves, car ils sont intéressés et attentifs. Je leur explique que je suis là pour cette première séance du jeu «l’Arbre à défis», pour les familiariser, eux et leur enseignante, à son fonctionnement, et qu’ils continueront à y jouer le reste de l’année. Voilà qui nous amène à définir le mot «défi» : pour eux, pas de doute, c’est «lancer un défi à quelqu’un». Je les questionne : «Ne peut-on pas aussi s’en lancer à soi-même, pour progresser ?».Pour jouer à « L’Arbre à Défis », il s’agira de se lancer des défis entre équipes d’élèves. Puis le verbe «collaborer». Et là, petit flottement ; un élève tente : «C’est faire quelque chose ensemble ?». «Bravo!», j’explique à tous que notre jeu permettra de construire un bel arbre tous ensemble, mais que l’équipe qui aura récolté le plus de points aura gagné. Dans mon élan, et pour pimenter cette notion, un peu trop sûre que je vais leur apprendre quelque chose, je leur demande s’ils connaissent la devise des jeux olympiques ; et là, une élève répond instantanément : «L’essentiel, c’est de participer !».

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(photo DR)

Voyant l’impatience des enfants, on entre dans le vif du sujet, après avoir détaillé les règles des 4 défis.

1ère carte : Défi de la «Bonne définition» avec le mot «Laïcité»

Agitation momentanée au moment du choix de l’équipe qui va préparer ce défi : sur le modèle du jeu du dictionnaire, il s’agit de proposer plusieurs définitions pour une notion. Ils veulent évidemment tous y aller, d’autant plus qu’ils vont préparer ce défi en équipe, dans une petite pièce jouxtant leur salle d’histoire-géo. Enfin, en équipe, c’était l’idée de départ… Vu le bruit qui parvient de la petite salle, je décide d’y aller ! Grosse foire d’empoigne ! Pas pour rédiger la définition, non, mais pour savoir qui va la lire devant le reste de la classe. Je leur rappelle la devise de Pierre de Coubertin, bien lointaine à ce moment précis, puis les aide à rédiger la définition. C’est un exercice difficile, de réduire un texte de 10 lignes en une phrase… Il y a ceux qui n’ont retenu qu’une phrase et qui veulent absolument que ce soit celle-ci ; et ceux qui n’ont pas vraiment compris et qui continuent de se chamailler, ou encore ceux pour qui c’est vendredi et qui regardent un peu par la fenêtre, du côté du week-end… Ils réussissent à se mettre d’accord sur une phrase, «La laïcité, c’est la séparation des affaires des églises et de l’Etat», et une élève la recopie, très lentement et avec application. Ils désignent ensuite celui qui va lancer le défi devant les autres.

Arrivé devant la classe, deux petits «miracles» ! Dès qu’il prononce le mot «laïcité», une élève sort de son cartable ce qu’ils ont déjà travaillé avec leur professeure à ce sujet : à partir d’un conte de l’Observatoire de la laïcité, ils avaient abordé les notion de différences de calendrier, de monothéisme, polythéisme, athéisme et agnosticisme et des moyens pour permettre à ces différentes convictions de coexister. Elle est visiblement très contente de le faire et éveille la curiosité des autres élèves qui se sentent ainsi concernés. Elle fait sans le savoir ce qui est le plus important pour un élève ; elle réactive d’elle-même des connaissances passées, preuve qu’elle a bien compris et est capable de s’en servir à bon escient. Deuxième petit miracle : après le comptage des points, l’élève qui a lancé le défi lit le texte de la carte «Laïcité» d’une bonne voix et sans hésitation. «Félicitations ! Tu as lu très clairement». J’ajoute que c’est essentiel de savoir lire, parler, défendre des idées devant ses camarades. Encore une compétence que « L’Arbre à défis » permet facilement de développer.

2ème carte : Défi du « Mot inconnu » avec le lieu «  La Mecque ».

Ils adhèrent très vite à ce défi car tous ou presque connaissent les règles du jeu «Taboo» dont il s’inspire : il s’agit de faire deviner le plus vite possible aux autres équipes un mot, sans en utiliser certains. L’équipe choisie pour ce défi est très excitée du mystère qui plane autour du mot secret, et de partir en chuchotant vers la petite salle ! Cette fois-ci, je vais d’emblée avec eux. S’amorce une discussion pour le choix des 3 indices ; tous connaissent La Mecque, avec cependant pas mal d’approximations. Par exemple le mot «pèlerinage»ne sort qu’avec mon aide. Le mot « musulman » vient en premier, comme celui de «mosquée». Je les laisse faire le choix de l’ordre, et on retourne vers la classe. Le mot inconnu est très vite trouvé, puis une élève lit le texte correspondant à cette carte, devant ses camarades, sur l’estrade. Elle a une bonne diction et tout se passe bien, jusqu’à la lecture des mots, en arabe dans le texte, «Al Masjid Al Haram» ; elle a beaucoup de mal à s’empêcher de rire en le lisant car elle bute sur la langue. Mais en même temps, elle est très gênée, surtout quand une élève s’exclame : «C’est pas bien ! Il  faut pas rire quand on parle de ça !». Leur professeure intervient : «laisse la s’exprimer et ne lui fais pas la morale ». L’élève poursuit sa lecture, en s’appliquant pour les deux derniers mots en arabe:«Ka’ba» et «hadj». Ce petit incident souligne bien que pour ces 24 élèves, dont 21 sont musulmans, ce n’est pas si facile de faire référence à sa culture. S’ils en sont fiers, ils n’ont pas tous les éléments pour bien l’assimiler : ici la connaissance de la langue arabe. Il y a comme une gêne à en parler, comme si cela leur rappelait une fois de plus cette origine qu’ils ont parfois du mal à assumer. A ce moment me revient en mémoire une chanson du groupe Zebda  qui fait référence à cette double appartenance, parfois difficile à vivre. A-t-on vraiment réalisé ce que cela représente pour eux de vivre cette double culture ? Le chemin est long pour qu’elle signifie, pour eux, une richesse…

3ème carte : Défi «Vrai ou faux» avec le mot «mosquée»

Je présente ce défi, car ici toutes les équipes jouent. Je lis le texte et leur pose 6 questions «vrai» ou «faux». Un peu de brouhaha pour donner la réponse. Plutôt que de désigner un élève par équipe pour la dire, on décide ensemble de l’écrire sur un papier, ce qui évite d’entendre trop tôt la bonne réponse et de tricher. Comme les élèves connaissent tous bien ce mot, et qu’ils ont bien écouté le texte que j’ai lu, les bonnes réponses sont nombreuses ; les points  s’accumulent pour chaque équipe, l’arbre s’étoffe, et ils sont heureux !

4ème et dernière carte : Défi des «stéréotypes» avec la photo d’un visage d’homme au teint basané, portant un turban sur la tête et une chemise sans col

Avant de le lancer, il s’agit d’élucider le sens du mot «stéréotype». Dans un premier temps, aucun élève ne trouve. Quand je leur donne un synonyme, «préjugé», les langues se délient. L’un s’exclame : «C’est formé avec deux mots : « pré » (avant) et « jugé » (juger quelqu’un) : ça veut dire juger quelqu’un avant de le connaître». Je suis émerveillée de les voir faire des ponts aussi facilement avec d’autres matières. On revient au mot«collaborer» : il y a une «collaboration» des matières ! Mais revenons à notre défi ! Il s’agit de trouver la religion de cet homme, après leur avoir montré sa photo : est-il musulman, chrétien ou juif ? J’écoute leurs discussions. A aucun moment, une équipe n’imagine qu’il est chrétien, car l’élément déterminant pour eux, auquel je n’avais pas pensé, est la «gandoura», cette sorte de chemise longue sans col portée par cet homme. Les avis sont cependant partagés : trois équipes pensent qu’il est musulman, et une équipe, qui «sent» le piège, affirme qu’il est juif, «sinon ce serait trop facile !». Pas une n’a imaginé qu’il pouvait être chrétien : or cet homme est copte. Grosse déception : «Ben comment on pouvait savoir ?! Il avait l’air d’un arabe… ». Je les rassure «Effectivement, c’était dur de trouver, et de toutes façons aucune équipe n’a eu de point». J’enchaîne pour dénouer avec eux l’amalgame entre «arabe» et «musulman». L’un fait référence à une appartenance géographique, historique, l’autre à une appartenance religieuse. Ce n’est pas simple, et il faudra qu’ils le reprennent avec leur professeure, qui pourra s’aider des cartes «arabe» et «musulman» de notre jeu.

Danielle André, est experte associée à Enquête, dirigée par Marine Quenin

http://www.enquete.asso.fr/

Edwy Plenel : «Islamiser la question sociale induit une guerre de tous contre tous»

A écouter certains, les musulmans seraient comptables de tout, du chômage en France aux têtes coupées par l’Etat islamique…

Depuis trente ans, on veut nous faire croire que les musulmans, pris en bloc alors qu’ils sont divers, d’origine, de culture ou de croyance, sont la cause de tous nos maux : du chômage, de la crise économique ou de l’insécurité de nos quartiers. Ce livre est un cri d’alarme pour la France, pour les minorités, pour dire que nous n’acceptons pas ça. Nos compatriotes musulmans ne sont en rien comptables de crimes perpétrés par des mouvements totalitaires se revendiquant abusivement de l’islam. De plus, les premières victimes de ce terrorisme, ce sont d’abord des musulmans, en Irak, en Syrie, qui vivent depuis des années avec le spectacle de têtes coupées et de corps éventrés. Enfin, nous en sommes là aujourd’hui, avec l’Etat islamique, à cause des guerres successives engagées par les puissances occidentales dans la région qui ont produit ce monstre totalitaire. Ceux qui demandent aux musulmans d’être comptables de ce qui se passe en Irak devraient se souvenir que, dans les années 80, l’Occident armait, jusqu’aux armes chimiques, le dictateur Saddam Hussein en brandissant l’épouvantail de la révolution iranienne. Dans un article publié dans le Figaro le 16 mai 1896, intitulé «Pour les juifs», Emile Zola écrivait : «A force de montrer au peuple un épouvantail, on crée le monstre réel.»Cela vaut pour les musulmans aujourd’hui.

Les médias parlent de la «barbarie» de l’Etat islamique. Cela justifie-t-il une intervention militaire ?

Je ne le crois pas. Ce mot repris dans toute la presse nous empêche de penser. Il y a des crimes monstrueux, nous sommes tous pour les combattre mais nous devons chercher à en comprendre les causes, ce qui ne veut pas dire les excuser. Chacun est le barbare de l’autre. Montaigne qui écrivait aux temps de guerres de religion disait que chacun trouve barbare ce qui n’est pas de sa coutume.

En France, la peur de l’étranger existe, accentuée par la crise. Comment répondre à cette angoisse ?

Je ne crois pas à la réalité de ce sentiment. Ce que vous décrivez là renvoie plutôt au piétinement de la question sociale et démocratique, et les médias n’ont pas à accompagner cette logique de stigmatisation en faisant parler le peuple à sa place.

Finkielkraut affirme qu’«il y a un problème de l’islam en France». Vous ne partagez donc pas ce diagnostic ?

Arrêtons d’alimenter ce fantasme. C’est un discours idéologique fait par des propagandistes qui veulent nous entraîner dans une guerre de tous contre tous, de la France contre elle-même, en ethnicisant et en islamisant la question sociale. Ce que je constate, c’est un mouvement de laïcisation de toutes les religions y compris les musulmans de France. Nous sommes une Amérique de l’Europe, acceptons d’en avoir l’imaginaire au lieu de monter une communauté contre l’autre, de monter une identité contre l’autre.

Vous rappelez que la laïcité, invoquée pour restreindre le religieux, était à l’époque une «loi de libération»…

La laïcité originelle n’est pas ce laïcisme sectaire qui est à la laïcité ce que l’intégrisme est aux religions et qui est aujourd’hui le cheval de Troie de la banalisation de la xénophobie et du racisme par nos élites, permettant la notabilisation de l’extrême droite. La laïcité est aujourd’hui comprise comme le refus des religions et notamment des religions minoritaires, alors que la loi de 1905 affirme tout le contraire. A l’époque, les Républicains ont mis fin au face à face mortifère entre le catholicisme et la République pour mettre en place un pluriel, une loi de séparation des Eglises et de l’Etat. Ils donnent ainsi droit de cité au protestantisme et au judaïsme tout en ouvrant un chemin de laïcisation aux catholiques qui, contre la hiérarchie catholique, permettra l’affirmation du catholicisme social. De la même façon, notre pays doit donner droit de cité aux musulmans dans la diversité de ce que le mot recouvre. Le peuple français n’est pas plus raciste qu’un autre. Aujourd’hui, nous sommes en train de mettre une partie de notre peuple en guerre contre l’autre et cela sert le jeu des puissants.

Vous refusez la notion d’assimilation, Zemmour vous accuse de nourrir chez les Français une haine des musulmans…

J’ai grandi dans les Caraïbes, puis en Algérie, je suis arrivé en France à 18 ans, je n’avais pas les codes, j’ai détesté l’atmosphère sociale à Sciences Po, j’ai dû m’intégrer. On doit tous s’intégrer à un moment ou à un autre. Mais l’assimilation est une injonction à l’effacement pour se plier à une norme majoritaire. Nous sommes pluriels, le monde à venir est un imaginaire de la relation. Edouard Glissant écrivait : «Je peux changer en échangeant avec l’autre sans me perdre pour autant ni me dénaturer.» Les racistes cherchent à nous immobiliser, à nous rendre dépendant de notre origine, de notre naissance. Or, la promesse de la République, c’est le mouvement, c’est cette égalité des droits et des possibles.

Vous craignez que la peur de l’étranger n’alimente une restriction des libertés, que pensez-vous de la loi antiterroriste de Bernard Cazeneuve ?

Au nom de la sécurité, cette loi porte atteinte aux droits fondamentaux de tous par des restrictions qui visent notamment l’espace public numérique. Elle porte atteinte à la liberté d’expression en sortant des délits d’opinion de la loi sur la presse, et en les aggravant s’ils sont commis sur Internet. Il ne faut pas confondre propagande et crime. Une démocratie doit rester froide face au terrorisme, c’est une affaire de police, de renseignement. Nous sommes une société ouverte et il y aura peut-être hélas des attentats qui nous frapperont, mais nous ne devons pas mettre en péril ce qui est le socle de la démocratie parce qu’il y a cette menace. Ce serait le meilleur service à rendre à ceux qui veulent nous terroriser.

Face au discours de la peur, vous évoquez la nécessité d’un «imaginaire concurrent», quel est-il ?

C’est un imaginaire démocratique. Il aura fallu deux guerres mondiales et un crime contre l’humanité pour que l’on inscrive la notion d’égalité dans la Constitution et dire qu’en République, il n’y a pas de distinction d’origine, de race et de croyance. Il faut travailler à ce programme soit respecté. Derrière toutes ces exacerbations identitaires et religieuses, ce que l’on veut effacer, c’est le peuple. Si on rejette le peuple, il se venge et produit des monstres, soit des monstres terroristes qui sont des enfants perdus de nos quartiers déshérités, soit des monstres politiques avec des valeurs de haine et d’exclusion qui peuvent porter atteinte à nos valeurs démocratiques.

Recueilli par Anastasia Vécrin

http://www.liberation.fr

Pas de laïcité sans humanité, pas d’humanité sans raison

Laurent Stalla-Bourdillon
Directeur du Service Pastoral d’Etudes Politiques – Aumônier des parlementaires

PUBLIÉ LE 04/08/2014 À 17:16

Il n’y aura pas de paix sans un retour à la raison

Qu’il s’agisse du conflit israélo-arabe, de l’exode ou des massacres des chrétiens d’Orient, ou des violences urbaines en France sur fond de malaise identitaire, il n’y aura pas de paix sans un retour à la raison. C’est elle qui détient la capacité de discerner à la fois les errances historiques et les apports spécifiques au bénéfice de tous, des différentes traditions religieuses. «Derrière toute activité humaine, se tient un logos qui l’oriente» écrivait Edith Stein. Au delà du seul fait religieux historique, il faudrait s’intéresser aux pensées religieuses actuelles. Il faudrait clarifier les différentes représentations du sens de la vie, non pour les superposer, ni pour les imposer, mais pour identifier ce que chacune contient de questions essentielles. Ainsi du judaïsme et de l’identité juive comme signe pour la famille humaine de la permanence de la présence d’un Dieu unique et Créateur à qui la louange est due. Ainsi du christianisme et de l’annonce du pouvoir rédempteur de l’amour en la personne du Christ. Ainsi de l’islam qui renvoie l’humanité à la question de la source de la loi à travers l’affirmation de la Parole incréée du Coran. Si nul n’est obligé de croire la doctrine d’une de ces familles religieuses, nul ne peut se dispenser de les connaître, d’interroger la rationalité de leurs fondements et de se laisser interroger par elles.

Contrairement à ce que l’on a voulu faire croire pour les écarter, les religions ne sont pas sans fondements rationnels. La cohérence du sens de la vie humaine qu’elles véhiculent doit d’ailleurs pouvoir être confrontée au questionnement de la raison commune. Ce n’est pas faire œuvre de condescendance à l’égard des religions que d’interroger les principes de la foi qu’elles professent. Le citoyen républicain ne peut se satisfaire d’ignorer la réalité des courants spirituels qui ont façonné l’histoire de son pays et qui aujourd’hui encore, animent tant d’hommes et de femmes à travers le monde. N’y aura-t-il bientôt plus que la France pour ne plus rien comprendre à la religion, parce qu’on y aurait décrété que le sujet ne méritait pas qu’on y applique son intelligence ? Quelle erreur ! Ce n’est pas en négligeant l’apport des religions qu’on neutralise leurs possibles déviances, c’est au contraire en leur imposant l’exigent effort de la raison. Qui mieux que la France aurait pu être en pointe dans ce domaine ? Hélas, la paresse ou le mépris ont conduit à laisser ce terrain en déshérence. Le législateur doit se contorsionner pour gérer au plus prêt sans paraître y toucher. Pouvons-nous avec respect revenir aux grandes questions essentielles auxquelles les religions proposent des réponses ? La vie humaine n’est-elle pas une question ouverte ? Allons-nous réveiller l’esprit ou bien avons-nous déjà cédé à l’absurdité de l’existence qui ne laisse que le vaste champ de l’émotion pour pleurer nos morts ? Non la vie n’est pas absurde, simplement elle ne se réduit pas au seul vivant que nous pensons pouvoir bientôt maitriser. «L’homme passe l’homme» disait Blaise Pascal.

La cohérence des doctrines religieuses doit donc pouvoir être rationnellement mise en débat par tout un chacun, et passer le critère de leur admissibilité dans l’espace commun. Il n’y a de laïcité qu’à condition de cet effort. Mieux, il n’y aura de parade à la dérive essentialiste des religions auquel nous assistons qu’à la condition d’une réappropriation collective des débats théologiques. Ce sera à partir de respectueuses confrontations initiées dès l’école, que les représentations du sens de la vie pourront émerger dans le cœur des jeunes et se préciser au fil de leur vie. Il n’y a de laïcité qu’à condition d’écoute de notre commune humanité en quête. Avec l’audacieuse expression de « la transsubstantiation des religions en race », le philosophe Pascal Bruckner évoquait récemment (Revue des deux mondes, juin 2014) le grave danger qui guette la société française. Un refus de considérer le chemin spirituel de l’humain l’oblige à s’inventer une identité plus religieuse qu’humaine. Tandis que reviennent de plus en plus les mots d’antisémitisme, d’islamophobie, de christianophobie, nous comprenons que seul ce que nous ne connaissons pas fait peur. Dès lors, que faisons-nous pour nous rendre audibles auprès de ceux qui ne connaissent pas nos traditions religieuses ? Quels efforts faisons-nous pour connaître la pensée des autres ? La société française doit apprendre à mieux différencier les éléments qu’elle unit et pour cela accepter de saisir la pensée qui suscite ces différences. Elle doit pouvoir entendre les points de vue de l’autre sur ses propres options collectives et entendre sa critique pourvu qu’elle ne soit pas un vain mépris. L’unité d’une famille ne se fera jamais au dépend des différences de ses membres comme semble le suggérer le succès du film « Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? » Ce film ne sonne-t-il pas comme un appel à expliquer le sens de rites et des cultures religieuses ?

C’est par le travail de la raison que nous redécouvrirons qu’avant d’être de confessions religieuses différentes ou sans religion, nous sommes tous faits de la même pâte humaine. L’homme développe un sens de son existence à partir des représentations qui lui sont transmises par sa communauté. Une société sans transcendance génère une culture du consommable et du jetable à laquelle l’homme n’échappe pas. Aujourd’hui revient le besoin de la quête du sens ultime de nos vies. Ce sens se cache dans ces intimes convictions que nous devons réapprendre à partager. Il y a plus à perdre en taisant les questions essentielles, qu’en les posant. Tout chemin d’intégration qu’il soit personnel ou en société, passe toujours par l’intérieur. L’intérieur d’un « dia-logos » avec sa conscience ou avec les autres, par lequel la vérité d’un sens peut émerger. Notre avenir repose donc sur l’accompagnement des familles et notre paix sur un meilleur usage de la raison dans la formation des plus jeunes.

http://www.lavie.fr/blog/laurent-stalla-bourdillon

La grammaire, les stéréotypes et les élastiques

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MARINE QUENIN | LE 11.07.2014 À 10:47

Dernière semaine avant les vacances dans cette école parisienne. Difficile de capter l’attention des enfants qui ont déjà un pied dans l’été. Marine, l’animatrice, opte pour une séance un peu particulière. Après avoir testé leurs connaissances par des jeux lors des deux séances précédentes, elle souhaite s’assurer que les regard des enfants a changé au cours de l’année.

« Aujourd’hui, on va procéder de façon un peu nouvelle. On va commencer par une interview, et ensuite, si vous êtes sages, j’ai une surprise pour vous ». Ça ne manque pas, Nelson s’exclame : « C’est quoi la surprise ? Et si on n’est pas sages ? ». « Et si on s’occupait d’abord de la première partie ? Mettez vous par groupes de 2 ou 3 ». Marine répartit les enfants par petites équipes, dans un brouhaha maîtrisé. Elle donne à chacune une question sur laquelle réfléchir et donner son avis. « Vous avez cinq minutes pour réfléchir par groupe et nous expliquer ensuite si vous êtes d’accord ou non avec cette affirmation, et pourquoi ».

Les religions et les élastiques

Les enfants se prêtent au jeu. Même Lucas qui n’a pas lâché pour autant sa boîte à élastiques, le dernier jouet à la mode dans les cours d’école pour fabriquer des bracelets multicolores. Ses mains s’activent… ce qui ne l’empêche pas pour autant, aussi surprenant que cela paraisse, lui normalement si dissipé, de discuter avec ses camarades.

« Allez, on y va. Premier groupe, et les autres vous écoutez, n’est-ce pas ? Les musulmans, facile de les reconnaître dans la rue ! D’accord, pas d’accord ? ». Marwan, bavard, prend la parole sans laisser la chance à Wassim de s’exprimer : « Non, parce que des fois, des gens, dans la rue, ils sont musulmans, et les autres, ils croient qu’ils sont chrétiens ». Le reste de la classe semble d’accord, voilà un premier point traité : on ne peut présumer des convictions de chacun. « On continue, deuxième groupe. Lucas, Sara et Safiatou, que répondriez-vous à une personne qui vous dirait : tous les juifs, ils sont pareils ». Lucas n’a pas lâché ses élastiques, mais laisse Safiatou répondre de sa petite voix : «Ben non, y en a qui ne prennent pas leur religion au sérieux, ils vont pas tous les jours prier ». Marine les écoute, et cherche à nuancer en demandant s’il s’agit vraiment de prendre ou non sa religion ou sérieux. Marwan, toujours lui, remet en perspective avec ses mots : « En fait, chacun sa vie ». La classe semble d’accord ; au fond de la salle, Gabrielle, l’enseignante sourit, visiblement fière du chemin parcouru par ses élèves. Et de deux ! Ne pas essentialiser les religions, comprendre que le rapport aux croyances, aux pratiques, à la spiritualité sont extrêmement personnels. Peut-être n’ont-ils pas les mots pour l’exprimer, mais ils semblent l’avoir intégré.

Troisième groupe. « Français et chrétiens, ça veut dire la même chose ? » Inès hausse les épaules, comme si la question était idiote : « Non, bien sur, il y a aussi des musulmans qui sont nés en France. Les Français, c’est ceux qui sont nés en France. » Pas besoin de reprendre, cela leur semble évident. « Et alors, si je vous dis : l’athéisme c’est n’importe quoi ! ». Céline et Mohammed ont attrapé leur dictionnaire pour être surs de la définition du mot ; ils peuvent donc expliquer : « Ça veut dire ne pas croire en Dieu. Et comme personne ne sait s’il existe ou pas, y en a qui peuvent croire et d’autres qui peuvent ne pas croire. ». Lucas, décidément transformé, toujours des élastiques dans les mains, manifeste son accord.

« Même pas peur »

Pour ce qui est de « la religion des autres, ça me fait peur », Van Kévin fronce les sourcils  et se lance : « Non, ça ne me fait pas peur, parce que chacun sa religion. On ne peut avoir peur parce que c’est pas méchant. Pourquoi on aurait peur ? » Marine se tait, pourquoi les reprendre, les messages sont passés. Groupe suivant : « Moi, je n’ai pas le droit de parler des autres religions que la mienne ». Oscar, toujours aussi sérieux derrière ses lunettes secoue la tête et prend la question, à son habitude, par un angle surprenant : « Non, parce que ça voudrait dire qu’on ne peut pas changer de religion, qu’on ne pourrait pas devenir athée si on est chrétien, ou musulman si on est athée ». Et voilà, le principe de liberté de conscience clairement acquis. Marine est fière.

« On arrive à l’avant dernier groupe : il faut absolument que tout le monde soit de la même religion ». Lucas est debout, mais silencieux, même s’il ne semble pas d’accord du tout. Marine lui demande de s’asseoir avant de passer la parole à Jerricah et Séréna « On n’est pas d’accord. Il existe les musulmans, les chrétiens, les juifs » « et les athées » ajoute bruyamment Marwan ; plus besoin de Marine pour animer. « Et les catholiques » murmure Jonathan sur le côté – ah, peut-être certains points seront à reprendre, mais elle laisse passer. Elles poursuivent : « On a le droit d’avoir notre religion, personne ne décide notre religion ». Si la grammaire est à revoir, le fond y est… « Dernière question, peut-être un peu compliquée… La laïcité, c’est juste pour l’école ? ». Jonathan se lance : « non, parce que les écoles laïques, y en a beaucoup ». Marine cherche à pousser un peu la réflexion, demandant si la laïcité se retrouve uniquement à l’école. « Ben aussi, dans les centres, dans les colonies ». Bien vu, elle cherche néanmoins à les sortir de leur environnement proche : « Et dans la rue, on la retrouve ? ». Marwan saute sur l’occasion :« Oui, oui, elle est partout. ». Dernier rappel avant la surprise pour évoquer encore liberté de conscience, liberté de culte, et séparation des Eglises et de l’Etat.

« Il me semble que vous avez mérité votre surprise… Allez, piochez un bonbon dans le sac » « Ils sont à la gélatine ? » On revient toujours à nos questions : « Non, pas de gélatine, aucun risque qu’il y ait du porc. Servez-vous. Et attention aux appareils, ça colle ! ».

 http://fait-religieux.com/nos-blogs/les-enfants-en-parlent/2014/07/11/la-grammaire-les-stereotypes-et-les-elastiques

Pour plus d’information sur l’association : http://www.enquete.asso.fr/home

Halal : les cantines de Charente ouvrent le débat

cantine

Pour une fois en France, ce n’est pas le Front national (FN) qui ouvre le débat mais la Ligue de l’enseignement, confédération d’associations françaises d’éducation populaire et laïque, qui a organisé un échange sur la laïcité dans les cantines scolaires, mardi 23 septembre, dans la commune de L’Isle-d’Espagnac, en Charente-Maritime.

Tous les élus et responsables de services de restauration scolaire du département, ainsi que les parents, étaient conviés à ce débat dans l’ère du temps, raconte le quotidien La Charente Libre. «Il faut que ce soit débattu sur la place publique pour que ce ne soit plus tabou, affirme Michel Le Jeune, président du Centre national de ressources des restaurants d’enfants et de jeunes. L’affaire du voile a changé beaucoup de choses. L’alimentation est aussi une manière de faire valoir sa religion. Mais on n’aime pas traiter ce sujet de cette façon-là, sinon, on ne parle que des musulmans».

Pourtant, une réalité demeure : les requêtes pour une alimentation halal existent et sont bien plus nombreuses que pour des menus casher, constate le journal. Que faire ? Michel Le Jeune reçoit, conseille, oriente des élus parfois désemparés quand surviennent les premières demandes pour ce type d’alimentation. « Les familles veulent savoir pourquoi la viande halal n’est pas disponible dans la restauration scolaire. Dans les années 1990, les collectivités pouvaient dire qu’elles n’en trouvaient pas en volume suffisant. Ce type de réponse n’est plus possible, il faut argumenter », raconte-t-il.


Une variété de situations

Ensuite, le journal brosse un état des lieux des pratiques dans les cantines scolaires de la région. A Angoulême et Soyaux, c’est un refus clair et net de prendre en considération ce genre de demandes : une «décision politique des élus», selon Martine Dupuy, la responsable du pôle enfance à la mairie de Soyaux. A Confolens, ce refus a été motivé par «l’absence massive» de demandes, explique l’adjoint au maire Frédéric Boob. De fait, en 2014 la marie a reçu pour la première fois une requête de menu halal et elle ne concernait qu’une seule personne.

Il y a aussi la solution du menu sans porc, rappelle La Charente Libre. Mais les situations décrites par le journal oscillent entre intransigeance républicaine et pragmatisme. A Chasseneuil par exemple, les choses ne sont pas formalisées. Un seul menu existe mais pour n’exclure personne, du poisson ou du poulet sont servis à ceux qui ne tolèrent pas le porc. «Pour être conciliant», explique-t-on à la mairie. A Fléac, qui accueille une dizaine d’enfants qui ne mangent pas de porc, on s’en tient en revanche à une seule offre. Charge aux parents mécontents de ne pas opter pour la cantine. Et parfois, comme à la communauté des communes Val-de-Charente, les principes ont damé le pion au pragmatisme. «Nous sommes à l’école laïque, il n’y a pas de raison qu’il y ait un menu de substitution, justifie José Dupuis, chargé des affaires scolaires. C’est un principe de respect de la laïcité mais ce n’est pas non plus une question à laquelle on est confronté au point de mettre en place une réflexion là-dessus.»

La variété des situations observées en Charente Maritime s’explique par la législation en place, conclut le journal. Aujourd’hui, la mise en œuvre de repas sans porc et halal est laissée à l’appréciation des conseils municipaux pour les écoles primaires et maternelles, des conseils généraux pour les collèges. Une circulaire d’en août 2011 d’août stipule que la cantine est un service public facultatif et que « le fait de prévoir ses menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour les usagers ni une obligation pour les collectivités. Il appartient à chaque organe délibérant (conseils municipaux ou conseils généraux) de poser les règles en la matière».

Mais qu’en pensent les lecteurs du journal ? Leur avis est sans appel. A la question «Trouvez-vous normal que les menus des cantines tiennent compte des confessions religieuses des enfants ?», 90,2% ont répondu par la négative.

Vous pouvez retrouver cet article sur http://fait-religieux.com